La Gazette de Renaudot

De Lintz, le 30 Novembre 1683.

Les derniers avis venus de Belgrade, portent que le Grand
Seigneur veut avoir trois cens mille hommes sur pied à la prochaine campagne : qu’à cette fin Sa Hautesse fait lever des Troupes en tous les lieux de son obéïssance, et prendre trois hommes de quatre : destinant les autres au dessus de dixhuit ans pour la garde du Païs. Ces nombreuses Troupes seront partagées en deux Corps, chacun de cent cinquante mille hommes. Le Grand Visir en commandera vn avec lequel il s’avancera vers la Hongrie : et le Grand Seigneur marchera en personne avec l’autre. Ces avis, quoy qu’incertains, obligent cette Cour à ne rien négliger pour mettre nos Troupes en état de faire teste à celles des Turcs : et on attend le retour du Prince Charles de Lorraine pour délibérer sur les recrûës, sur les nouvelles levées, et sur tous les préparatifs nécessaires. On parle de la levée de quelques nouveaux Régiments. Le Prince Charles de Lorraine a laissé trente Régiments dans les quartiers d’hyver qui leur ont esté assignez dans la Basse Hongrie : et il en a ramené cinquante-quatre qui seront logez dans les Païs Héréditaires. Le Comte d’Aversberg Ayde de Camp de l’Armée de Hongrie, revint il y a quelques jours : et il rapporta qu’il avoit laissé ce Prince à Weyna, avec les Régimens qu’il condüit : et on vient d’apprendre qu’il a couché cette nüit à Amstat, et qu’il arrivera demain en cette ville. Le Comte d’Aversberg a aussi asseuré que nos Troupes se sont emparées des Châteaux de Selchni, de Diwin, et d’autres petites places sitüées pres de Filleck. Il a encore rapporté que l’Armée de Pologne et les quatre Régimens Impériaux qui y sont joints, s’estoit avancée prés de Cassovie qui refuse toûjours de recevoir garnison des Troupes Polonoises : et que cette place et quelques autres occupées par les Mécontents en estoient investies et fort pressées. On ajoûte que quelques Troupes des Mécontents ne se trouvant pas en seureté dans leurs quartiers, commençoient à déserter : et que les déserteurs prenoient parti dans l’Armée Polonoise. Les négociations du Comte Thékéli en cette Cour, sont toûjours au mesme état. Il a dépêché deux Couriers, qui sont arrivez ici cette semaine : et on dit qu’outre les propositions qu’ils ont apportées de sa part, et celles dont le Secrétaire du Baron Saponara a esté chargé, il demande des quartiers pour trois mille hommes. Mais l’ Empereur ne juge pas à propos de les accorder, dans l’incertitude où on est de pouvoir conclure aucun traité avec luy. On ajoûte que ce Comte n’a pas voulu écouter la proposition que le Baron Saponara luy a faite, de se remettre entiérement à la clémence de Sa Majesté Impériale , sans aucunes conditions et que la maniére dont ses propositions ont esté rejettées par cette Cour, l’a fait résoudre à prendre de nouveaux engagemens avec la Porte, et qu’il a envoyé supplier le Grand Seigneur de donner ordre aux Bachas d’Agria et de Waradin, de l’assister de toutes leurs forces, dans le dessein qu’il a d’incommoder autant qu’il luy sera possible les Impériaux et les Polonois dans leurs quartiers d’hyver. Le Comte de Staremberg Gouverneur de Vienne, a reçeu d’Espagne le Décret par lequel il a esté résolu de luy envoyer l’Ordre de la Toison d’or. Apres la nomination du Comte de Schérini, pour commander en chef les troupes de l’ Electeur de Baviére , à la place du Baron Degenfeldt, l’ Empereur a nommé le Comte Rabata pour Général de sa cavalerie, le Prince Loüis de Bade pour Général de l’artillerie, le Comte de Palfi pour Lieutenant général, et le Comte de Souches, le Baron de Diepenthal, et le sieur Wallis pour Colonels. L’ Empereur a aussi nommé pour Conseillers de son Conseil Privé, le Prince de Schwartzemberg, le Comte de Thurn Ambassadeur de Sa Majesté Impériale à Venise, le Baron Stratman Chancelier de la Cour, et le Comte Colorédo Capitaine des Trabans de la garde du Corps. On a fait ici durant trois jours des Services solennels pour la Reyne de France : où Leurs



Majestez Impériales
ont assisté avec toute la Cour.