De Londres, le 9 Décembre 1683.
Le 4 de ce mois, le
Duc de Monmouth
qui estoit demeuré secrétement en cette ville, depuis quelque temps, se rendit à Whitehall, au Bureau du Chevalier Ienkins Ministre et Secrétaire d’Estat. Il luy dit qu’il venoit se remettre entre ses mains pour se soûmettre à tout ce qu’il plairoit au
Roy
d’en ordonner : et qu’il le prioit de l’en informer. Le Chevalier Ienkins en avertit aussitost Sa
Majesté
: et Elle vint au mesme lieu, accompagnée du Duc
d’York
. D’abord, le
Duc de Monmouth
se jetta aux pieds du
Roy
: et il luy demanda pardon de son crime, avec toutes les marques d’vn sensible déplaisir : et il témoigna aussi au
Duc d’York
vne extréme douleur d’avoir en plusieurs occasions, manqué au respect qu’il luy devoit. Le
Duc d’York
pria le
Roy
, avec beaucoup d’instance, de pardonner au
Duc de Monmouth
.
Sa Majesté
répondit qu’
Elle
luy pardonnoit volontiers : et le
Roy
s’estant retiré, le
Duc de Monmouth
fut renvoyé sous la garde d’vn Sergent d’armes. Le lendemain 5,
Sa Majesté
déclara dans son Conseil, que le
Duc de Monmouth
luy avoit demandé pardon de son crime, et que le
Duc d’York
luy avoit fait de si pressantes priéres en sa faveur, qu’
Elle
luy avoit pardonné à la considération de ce
Prince
.
Sa Majesté
ordonna en mesme temps, à son Procureur Général de cesser ses poursüites contre le
Duc de Monmouth
, et de les continüer contre les autres conspirateurs. Le mesme jour, le
Duc de Monmouth
présenté par le
Duc d’York
, baisa la main au
Roy
, à la
Reyne
et à la
Duchesse d’York
. Le 6, le sieur
Algernoon Sidney
fut condüit à la Barre de la Cour du
Banc du Roy
: où sa cause fut jugée définitivement. Il dit plusieurs raisons pour sa justification : et il persista de nouveau à récuser les Iurez, sous prétexte qu’ils n’estoient pas assez qualifiez pour le procez d’vne personne de sa naissance, quoy qu’ils fussent tous Gentilshommes et d’vne probité reconnüe. Ces raisons ne satisfirent pas les Iuges : ils confirmérent le jugement des Iurez : et ils luy prononcérent sa Sentence. Elle porte qu’il sera
pendu et mis en quartiers, selon ce qui se pratique à l’égard des criminels de Haute Trahison
. Le 8, Mylord Brandon et les sieurs Booth, Charleton, Wildman et Trenchard qui estoient prisonniers dans la Tour, comme complices de la conspiration, furent pareillement amenez à la Barre du
Banc du Roy
: et on les y reçeut à donner caution, pour comparoistre au premier jour, du terme prochain. Ils donnérent chacun caution de deux mille livres sterlin, et quatre personnes qui se sont engagées chacune pour cinq cent livres sterlin. On apprend de
Tanger
par des lettres du 15 Novembre, qu’on avoit desja fait sauter par les mines le Mole et vne partie des fortifications de la place : et que Mylord Dartmouth devoit faire voile pour revenir ici, aussitost que la démolition seroit achevée