De Londres, le 28 Iuillet 1689.
Le 21 de ce mois, l’Acte pour déclarer coupables de Haute Trahison plusieurs personnes qui ont suivi
le Roy
en Irlande fut approuvé et porté aux Seigneurs.
Ils avoient envoyé à la Chambre Basse, quelques additions au projet d’Acte pour regler la succession à la Couronne : et elles furent reçeües par les Communes. Il y eut le mesme jour et le lendemain, de grandes contestations à la Chambre des Seigneurs : quelques-vns ayant voulu faire sortir de la chaire, le Marquis de
Hallifax
leur Orateur, parce qu’il dit qu’on avoit donné de mauvais conseils sur les affaires d’Irlande. Le 22, la Chambre Basse résolut de casser la sentence rendüe autrefois, contre le Chevalier
William
Williams, cy-devant, Orateur des Communes, par laquelle il avoit esté condamné à vne amende de dix mille livres sterlin, pour avoir fait publier la Relation de la prétendüe conspiration attribüée aux Catholiques, par ceux qui comme il paroist présentement, formoient déja le dessein abominable qu’ils ont exécuté depuis, contre le légitime heritier de la Couronne. Les Députez qui sont du Conseil Privé firent sçavoir à la Chambre, que
le Prince d’Orange
trouvoit à propos qu’elle se séparast au moins pour quelque temps, remettant à l’hyver prochain la discussion des affaires qui restoient à régler, particuliérement les Actes touchant les nouveaux subsides : qu’il tâcheroit cependant de se passer du secours qu’il espéroit d’eux pour les dépenses des armements de terre et de mer : qu’il leur feroit communiquer les Estats de la recepte et de la dépense des deniers qui avoient esté reçeus : et qu’il les prioit de finir incessamment l’Acte d’amnistie. Il fut résolu de le remercier de ce message, et de luy establir vn revenu fixe pour l’entretien de sa maison : et
la Chambre ordonna que les fonds accordez autrefois au
Roy
et à
la Reyne
, seroient donnez, exemts de toutes charges, au
Prince
et
la Princesse d’Orange
, et que les Actes des précédents Parlements qui les avoient establis seroient cassez. Il y eut conférence entreles Députez des deux Chambres. Ceux des Communes déclarérent les raisons qui les empeschoient de consentir aux clauses que les Seigneurs vouloient ajoûter à l’Acte pour regler la succession à la Couronne, les droits et les libertez du peuple. L’Evesque de Bangor qui à l’exemple des meilleurs Evesques s’estoit absenté de la Chambre des Seigneurs y prit séance, apres avoir presté le nouveau serment. On y lut l’Acte pour déclarer Traistres ceux qui sont en Irlande avec
le Roy
, et vn autre pour réhabiliter Titus
Oats
. Ce dernier Acte fut envoyé aux Communes avec quelques clauses, entre autres que nonobstant la cassation de la sentence, son témoignage ne pourroit estre reçeu en justice. Le 23, la Chambre, apres les avoir examinées les rejetta. Elle délibéra ensüite sur les Actes qui concernent les Chartes de cette ville : sur la réponse que les Capitaines Vaughan, Mole, et le Docteur Elliot ont donnée aux articles d’accusation présentez contre eux : et sur vn Acte pour autoriser les officiers de l’armée de faire prester les nouveaux serments. Toutes ces affaires furent remises à vne autre séance : et la Chambre mit en délibération la réponse que
le Prince d’Orange
avoit donnée à ses deux derniéres Adresses. La premiére estoit pour prier d’établir vn fonds assez médiocre qui seroit employé à secourir les Protestants fugitifs d’Irlande : sur laquelle il avoit répondu qu’il en auroit soin. Mais il n’avoit pas reçeu de mesme la seconde, par laquelle les Communes luy demandoient la communication des Registres de son Conseil, touchant les affaires d’Irlande, répondant seulement qu’il y penseroit. La Chambre irritée de cette réponse, résolut d’vn consentement vnanime que ceux qui luy avoient conseillé de refuser cette communication et qui avoient eu part directement ou indirectement, au retardement des secours destinez pour l’Irlande, devoient estre considérez comme ennemis de l’Estat et de sa personne. On proposa ensüite, de luy demander par vne Adresse, qu’il éloignât de la Cour et de ses conseils, le Marquis d’
Hallifax
, le Comte de
Danby
, et le sieur de
Benting
: et la conclusion de cette affaire fut remise au 28. On délibéra sur le Bill d’amnistie, pour examiner si onexcepteroit du pardon général, d’autres Commissaires Ecclesiastiques que ceux qui en ont esté exceptez : et il fut résolu que non. Il fut proposé se presenter vne Adresse au
Prince d’Orange
, pour faire sortir du Royaume la Duchesse Mazarin. Le Mareschal de
Schomberg
demanda permission aux Seigneurs de remercier les Communes, de ce qu’elles avoient ordonné vn fonds de cent mille livres sterlin, pour luy faire vn revenu de cinq mille : et l’ayant obtenu, il s’y rendit et leur fit son compliment. Les Seigneurs y envoyerent vn message au sujet de quelques changements qu’ils avoient faits au Bill pour l’établissement de la succession à la Couronne. La Chambre Basse apres la lecture du Bill, pour mettre les milices plus en estat de servir, l’approuva et l’envoya aux Seigneurs. Ils envoyerent vn message aux Communes touchant l’acte pour regler la succession à la Couronne : et demandérent vne conférence entre les deux Chambres, sur la difficulté qu’il y auroit, en cas que
la Princesse de Danemark
n’eût point d’enfans, de sçavoir si la Duchesse de Hanover seroit appellée à la succession au préjudice de la Duchesse de Savoye, qui selon l’ordre naturel, la doit précéder. Les Seigneurs jugérent que cet ordre ne pouvoit estre interrompu : et les Communes au contraire, furent d’avis que la Duchesse de Hanover devoit succeder la premiére, parce qu’elle est Protestante. Ainsi, apres plusieurs contestations, il fut résolu que les deux Chambres mettroient leurs raisons par écrit, pour estre examinées dans vne autre conférence.
Le Prince d’Orange
pour appaiser les Communes leur fit sçavoir qu’il consentoit qu’elles eussent communication des Registres du Conseil, qui leur avoit d’abord esté refusée. On travailla à vn acte pour establir vn revenu fixe au
Prince d’Orange
. Le 27, on délibéra sur le mesme sujet : et apres plusieurs contestations, l’affaire fut remise à la séance du 30. On résolut d’assigner vn revenu à
la Princesse de Danemark
: et de lui donner soixante dix mille livres sterlin par an. Quelques Députez vouloient faire établir vn revenu particulier pour
la Princesse d’Orange
: mais cette proposition fut rejettée. Le 26, soixante petits vaisseaux de huit jusqu’à seize pieces de canon, firentvoile du costé de l’Oüest, pour le transport des troupes en Irlande. Le 27, on mit vingt pieces d’artillerie dans la Tour. Le brüit court que le Parlement sera ajourné dans quelques jours au moins pour vn mois ou six semaines.
Le Prince d’Orange
donna audience à l’Ambassadeur d’Espagne : qui le félicita sur son avenement à la Couronne. On dit qu’il fera le 2 du mois prochain, son entrée publique : et qu’il présentera au
Prince d’Orange
, des lettres de
l’Empereur
et du Roy de Hongrie. Vne flotte de douze vaisseaux marchands Anglois venant de France chargez de vins et d’eaux de vie ont esté rencontrez par la flote de l’Amiral
Herbert
qui les a saisis en exécution de la derniére proclamation par laquelle tout commerce est défendu avec la France. Les nouveaux
Sherifs
persistent à ne vouloir pas faire les fonctions de leurs charges : et le Conseil de Ville les veut contraindre à exercer ces emplois, dont peu de gens veulent presentement se charger, jugeant bien qu’ils ne le peuvent faire sans vn grand peril. Les derniéres lettres du Colonel Kirk apportées par vn vaisseau qui arriva à Highlake le 17 de ce mois, portent qu’il n’avoit pû forcer les estacades qui ferment l’entrée de la riviére de Londonderry : et que n’ayant pas assez de troupes, il n’avoit osé tenter de debarquement, mais qu’il avoit envoyé le Colonel Stuart avec vn détachement de cinq cents hommes, pour se saisir de l’Isle d’Inch dans le Lac de Swilly, et fortifier ce poste qui facilite la communication avec les Protestants assiégez dans Ineskilling.