De Londres, le 4 Aoust 1689.
Le 18 du mois dernier, la Chambre Basse résolut d’employer aux dépenses publiques, les deniers qui proviendront des amendes ordonnées contre ceux qui sous les deux derniers regnes, n’ont pas presté les serments d’Allégéance, de Suprémacie et du
Test
. On envoya demander vne conférence aux Seigneurs touchant l’Acte par lequel la succession à la Couronne doit estre reglée. Le 29, la requeste présentée par plusieurs Officiers de la Maison du
Roy Charles II
, pour estre payez de ce qui leur est dû de leurs gages et pensions fut examinée et remise à vn Committé. Il fut ordonné que les Chevaliers Pemberton et Iones seroient mis à la garde d’vn Sergent d’armes, pour avoir prononcé vne sentence à la Cour du Banc du Roy, lors qu’ils estoient Iuges, contre vn Député des Communes, qui prétendent qu’en cela leurs Priviléges ont esté violez. Le 20, il ne se passa rien de considérable dans les deux Chambres, si ce n’est que les Députez entrérent en conférence touchant la succession à la Couronne. Il y eut de grandes contestations sur ce que les Communes n’ont pas voulu se retracter de leur premiére résolution, par laquelle au défaut de la Princesse
de Danemark
et de ses enfans, la Duchesse de Hanover est appellée à la Couronne, au préjudice des plus proches héritiers Catholiques : et il n’y eut encore rien de conclu. Le 1r de ce mois, les Communes délibérérent sur l’affaire du Chevalier
William
Williams : sur le réglement en faveur des orphelins, et sur la cassation du jugement rendu contre Titus
Oats
. Il y eut sur ce sujet, vne conférence entre les Députez des deux Chambres : et ceux des Communes déclarérent encore qu’ils ne pouvoient approuver les clauses que les Seigneurs vouloient ajoûter à l’Acte pour le rendre incapable de paroistre en justice comme témoin. Les Seigneurs firent amener à la Barre de leur Chambre, le Chevalier Adam Blaire et le Docteur Gray accusez de Haute Trahison, pour avoir eu correspondence avec
le Roy
. Ils donnérent leurs réponses aux chefs d’accusation présentez contre eux : et elles furent envoyées aux Communes. Le 2, les requestes des Comtes de Mulgrave et de Macklesfield et d’autres qui ont des pensions affignées sur l’Echiquier, furent renvoyées à vn Committé ce la Chambre. On y examina l’Acte projetté pour rétablir tous les Corps et Communautez en la joüissance de leurs priviléges : et il fut proposé d’y ajoûter que tous ceux qui y ont eu des charges en 1675, seront pourveus des premiers emplois vacants : mais cet avis fut rejetté à la pluralité des voix. Le 3, l’Orateur de la Chambre Basse sur la proposition qui fut faite de se séparer au moins pour deux ou trois mois, témoigna que
le Prince d’Orange
soûhaitoit que cette séparation se fit au plustost : sur quoy il ne fut rien résolu. Il ne paroist pas mesme qu’elle se puisse faire de quelques semaines, puisque les Communes travaillent avec beaucoup de lenteur : et que les difficultez qui restent à regler pour le seul Acte d’amnistie, sont capables de les occuper encore assez longtemps. On proposa de nouvelles additions à l’Acte en faveur des orphelins, pour empescher les abus qui le sont introdüits dans l’administration de leurs biens, et entre autres, que ceux qui exerceront la charge de Chambellan ou Trésorier de la Ville seront obligez de donner caution. On lut aussi vne requeste des particuliers qui ont avancé de l’argent sur les Actes passez depuisla révolution générale des affaires, pour se faire assurer vn fonds sur lequel ils puissent estre remboursez. On envoya vn message aux Seigneurs, pour les prier d’expédier promtement les Actes pour le reglement des milices : pour déclarer Traistres, ceux qui ont suivi
le Roy
en Irlande : pour établir la succession à la Couronne : et pour casser la sentence rendüe contre
Oats
. Les Seigneurs persistant à ne vouloir passer ce dernier Acte qu’avec les clauses qu’ils ont proposées, résolurent de faire communiquer par écrit, leurs raisons à la Chambre Basse, qui ne veut pas les admettre. Le 4,
le Prince d’Orange
s’estant rendu à la Chambre des Seigneurs, et ayant mandé les Communes, donna son consentement à l’Acte du nouveau subside sur la bierre, et à quelques autres. Le 2 de ce mois, Dom Pédro
Ronquillo
fit son entrée publique : il eut audience du
Prince
et de
la Princesse d’Orange
, et leur présenta des lettres du
Roy d’Espagne
. Le 3,
la Princesse de Danemark
accoucha d’vn fils sur les quatre heures du matin : et il y eut de grandes réjoüissances par toute la ville. On a envoyé quantité de bâtiments plats pour transporter en Irlande, les troupes qui s’assemblent pres de Chester : et elles seront embarquées dés que la revüe en aura esté faite. Celles qui estoient dans le Nord ont reçeu ordre de marcher de ce costé là : et leur rendez vous est à Whitehaven. On ne sçait aucunes nouvelles certaines d’Irlande, sinon que le Major Général
Kirk
estoit encore dans le lac de Londonderry, sans avoir pû faire entrer du secours dans la place, ny tenter le débarquement, à cause des fortifications qui ont esté faites sur les bords, et des estacades qui traversent la riviére. On parle de lever de nouveaux régiments pour envoyer en Hollande. Ceux de Mylord Colchester et du Colonel Longston sont en marche pour passer en Escosse : où on craint quelque soulevement, principalement depuis qu’il y est arrivé des troupes d’Irlande. Suivant les derniers avis, elles sont environ de quinze cents hommes, parmy lesquels il y a cent cinquante officiers. Les vaisseaux qui les ont transportez avoient paru sur les costes d’Argyle : mais on les a veus depuis vers celles de Lochaber : ce qui fait croire qu’ils sont allezjoindre le Vicomte de
Dundie
qui se fortifie de plus en plus, dans les montagnes. Le Comte d’
Argyle
est allé avec quatre régiments d’infanterie, et huit escadrons de cavalerie, pour tâcher d’empescher les Irlandois de se joindre au Vicomte de
Dundie
. On écrit d’Edimbourg, qu’on avoit examiné plusieurs prisonniers, arrestez sous prétexte d’vne conspiration contre le nouveau gouvernement : Qu’il ne s’estoit trouvé aucusnes preuves du dessein qu’on leur imputoit d’avoir voulu massacrer les principaux Députez des Estats, et mettre le feu à la ville : mais seulement d’avoir entretenu des intelligences avec le Vicomte de
Dundie
et les autres serviteurs du
Roy
. Le Maréchal de
Schomber
g est arrivé à Chester : où on dit qu’il se doit bientost embarquer pour passer en Irlande. Le Comte de
Solms
est parti avec les troupes qu’il commande. Plusieurs Ecclésiastiques Conformistes ont esté citez pour avoir refusé de faire des priéres publiques ordonnées par
le Prince d’Orange
, en action de graces des succez de son entreprise. La nüit du 1r de ce mois, les gardes furent redoublées à Whitehall et en plusieurs endroits de la ville : où les troupes Hollandoises furent distribuées. On n’en sçait pas encore le sujet : et on en parle fort diversement.