De Londres, le 15 Septembre 1689.
Le Prince d’Orange
a fait vn présent de cinq mille livres sterlin au sieur
Walker
, cy-devant, Ministre, et qui s’estoit fait
Gouverneur
de Londonderry : et il a établi vne pension de mille livres sterlin pour luy, pour ses enfans et heritiers. Mylord Maire l’a traité magnifiquement : et les Corps des marchands qui avoient le principal interest à la conservation de Londonderry, ont aussi proposé de luy faire vn présent. Il avoit esté résolu la semaine derniére, dans vn Conseil extraordinaire tenu sur les affaires d’Irlande, d’accorder vne amnistie générale à tous ceux qui ont pris les armes pour le service du
Roy
.
Le Prince d’Orange
s’estoit opposé à ceux qui demandoient que plusieurs personnes en fussent exceptées, afin de se dédommager de leurs pertes, sur les biens confisquez de ceux qui demeurent fideles à
Sa Majesté
. Mais cette résolution n’a pas esté executée : et non seulement il a esté résolu de ne point accorder l’amnistie à ceux qui sont en armes avec
Sa Majesté
en Irlande : mais de les poursüivre comme criminels de Haute Trahison, et de les jugerpar contumace en Angleterre, en vertu d’vn Acte passé l’an 26 du regne de Henry VIII : qui estoit hors d’vsage. Il semble qu’on a pris ce parti pour animer la Noblesse et les troupes par l’espérance des confiscations, dans vne guerre difficile et de grande dépense, parce qu’on a bien jugé qu’il estoit inutile d’offrir aux Irlandois vne grace dont ils ne paroissent pas vouloir profiter. Vn expres dépesché par le Mareschal de
Schomberg
, avoit rapporté que deux mille chevaux ou dragons qui ont esté envoyez en Irlande y estoient arrivez : et qu’il avoit formé le siége de Carickfergus par mer et par terre, ne voulant pas faire avancer son armée dans le païs, avant que de s’estre rendu maistre de ce poste. On a tenu plusieurs conférences particuliéres entre les Ecclésiastiques Episcopaux et les Presbytériens, pour tâcher de terminer par vn accommodement à l’amiable, les principaux points de religion et de discipline qui sont en contestation entre les deux partis. Le brüit court que le projet d’accommodement est fort avancé, ce qui n’est pas difficile à croire, puisque ceux qui négocient cette réünion au nom de l’Eglise Anglicane, en ont la pluspart abandonné la doctrine. Ceux qui à l’exemple de l’Archevesque de
Cantorbéry
et de quelques Evesques, ont refusé de prester les nouveaux serments n’y prennent pas beaucoup de part : estant persüadez qu’il ne peut estre que desavantageux à leur Eglise, en y introdüisant des Presbytériens qui depuis peu l’ont détrüite en Escosse, comme autrefois ils la détrüisirent en ce Royaume. Le Duc de
Hamilton
est arrivé icy d’Edimbourg, avec plusieurs autres Seigneurs Escossois. Vn courier extraordinaire dépesché de Coppenhague, a rapporté la ratification d’vn traité conclu avec
le Roy de Danemark,
par lequel il promet de fournir au
Prince d’Orange
sept mille hommes de troupes Danoises, moyennant trois cents cinquante mille écus. Ainsi, avec ce renfort de troupes estrangéres, il sera en estat d’en avoir vn corps considérable en ce Royaume, pendant que les troupes Angloises seront employées en Irlande, en Escosse, et dans les pays estrangers. Le Comte de
Winchelsey
et les Evesques de Worcester et de Chichester sont morts depuis quelques jours. Ce dernier avoit toûjours refusé de prester les nouveaux serments. La flote dont vne partie estoit allée vers les costes d’Irlande pour favoriser le passage du Maréchal de
Schomberg
est revenüe à Torbay, pour faire de l’eau, prendre des vivres, et y débarquer vn grand nombre de malades. Elle a depuis remis à la voile, apres avoir fait de l’eau et des vivres pour environ six semaines.
Le jeune Prince de Danemark
, à qui
le Prince d’Orange
a donné le titre de Duc de Glocester, est attaqué de violentes convulsions, qui font craindre pour sa vie. Le 12, vn courier dépesché par le Mareschal de
Schomberg
, rapporta qu’il s’estoit rendu maistre de Carickfergus par composition, le 6 de ce mois, apres cinq jours de tranchée ouverte : et qu’il en estoit sorti deux mille cinq cents hommes. Le Major Général
Kirke
est venu le joindre avec les troupes qu’il a ramassées des garnisons de Londonderry et d’Ineskilling. Le nombre de ces troupes n’est pas encore si considérable qu’on le publie : et pour les augmenter, il a esté ordonné que tous ceux qui reçoivent vne demie paye sur les revenus d’Irlande se rendent incessamment à l’armée commandée par le Mareschal de
Schomberg
. Deux régiments de cavalerie doivent estre incessamment embarquez à Highlake, pour passer de ce costé là. Le Conseil de ville s’est assemblé pour délibérer sur l’affaire des nouveaux
Shérifs
qui persistent toûjours à refuser ces emplois, prétendant qu’ils ne peuvent estre obligez à les accepter : mais seulement condamnez à l’amende ordonnée en pareilles occasions, et qu’ils offrent de payer. Mais au lieu qu’autres fois, il y avoit de grandes contestations par l’empressement de ceux qui prétendoient à ces charges, on veut contraindre ceux qui ont esté élûs à les exercer : et cette affaire est encore en suspens. Le Chevalier Smith vn des Aldermans a quitté cet employ.