De Londres, le 31 Octobre 1689.
Le Prince d’Orange
est revenu de Neumarket à Hamptoncourt : d’où il est allé le 27, à Kensington pour y faire sa residence ordinaire. Depuis son retour, le Conseil s’est assemblé plusieurs fois, sur les affaires d’Irlande : d’où quelques officiers et entre autres le Comte de
Solms
Lieutenant général sont venus pour demander du secours. Ils n’ont pas confirmé les nouvelles qui ont plusieurs fois esté publiées, de la défaite de quelques grands partis de l’armée du
Roy
, ni que ses troupes fussent en aussi mauvais estat qu’on l’avoit crû d’abord, ni qu’elles fussent diminüées par la desertion et par les maladies. Au contraire, tous assurent qu’elles sont fort considérablement augmentées depuis vn mois : que la pluspart des soldats sont bien armez : que la cavalerie sur tout, est tres belle, bien montée, et fort supérieure en nombre à celle du Maréchal de
Schomberg
. Les derniers avis confirment que l’armée de
Sa Majesté
estoit toûjours campée fort pres de celle du Maréchal de
Schomberg
, qui demeuroit retranché dans son camp, en attendant toûjours les secours qui doivent luy estre envoyez : que son armée souffroit beaucoup, manquant de grains, de farines et de fourrages, et ne subsistant presque que par les convoys qui luy sont envoyez d’ici : que la dysenterie et les fiévres l’avoient fort diminüée : et que la pluspart des soldats estoient nuds pieds et fort mal vestus. Il y a eu plusieurs délibérations touchant l’escorte nécessaire pour le passage de
la nouvelle Reyne d’Espagne
: et il a esté résolu d’armer, s’il est possible, vingt vaisseaux du second rang, pour les joindre à vne escadre de Hollandois. Les Commissaires Ecclesiastiques ont commencéà travailler au projet de réünion des Protestants Presbytériens avec l’Eglise Anglicane. Quelques vns avoient proposé de retrancher de la Liturgie, la trop fréquente répétition de l’Oraison Dominicale, et de quelques autres priéres que l’Eglise Anglicane avoit religieusement conservées, rejettant toutes les nouvelles priéres inventées par les Presbytériens ? mais les autres s’y sont opposez et n’y veulent pas souffrir le moindre changement. Cette premiére proposition a fait juger que puis que les Presbytériens trouvoient de l’abus dans ces anciennes priéres, ils en trouveroient bien d’autres dans les cérémonies et dans la discipline. Mais comme ils ont grand interest à ne pas faire connoistre aux Episcopaux qu’ils veulent étendre cette nouvelle reforme jusques sur les biens et les dignitez dont ils joüissent dans l’Eglise Anglicane, on a depuis sacré trois nouveaux Evesques du nombre de ceux qui contre plusieurs serments, ont manqué de fidélité à leur Souverain légitime, et d’obéïssance à l’Archevesque de
Cantorbéry
leur Primat. Les Commissaires se sont partagez en plusieurs Committez pour préparer les matiéres qui concernent la réünion des deux partis et les présenter au Parlement, qui se rassembla le 29. Le 31,
le Prince d’Orange
le prorogea jusqu’au 3 du mois prochain, à cause de quelques propositions qui ne luy ont pas esté agréables.
Plusieurs Députez sont chargez de présenter des mémoires pour se plaindre au nom des villes et Communautez, des véxations commises dans la levée des subsides extorquez dans la derniére assemblée.
Les marchands préparent aussi des requestes pour représenter les pertes extraordinaires qu’ils ont souffertes : les seules prises faites par les Armateurs François leur ayant causé vn dommage de plus d’vn million sterlin. Ils sont aussi chargez d’articles d’accusation contre quelques principaux ministres.
Les officiers du régiment de
Dumbarton
, qui se
soulevérent il y a quelques mois à Ipswich
, ne voulant pas tenir contre
le Roy
, avoient esté condamnez à mort : mais
le Prince d’Orange
a consenti qu’ils fussent mis en liberté en donnant caution, à la réserve de quelques vns.
Les
Iuges de Paix
commencent à faire executer à la rigueur dansles résultats de la derniére assemblée des deux Chambres contre les Catholiques. Les Iurez ont ordonné aux sessions derniéres à Guildhall, que plusieurs qui ont esté arrestez il y a quelque temps, comme mécontents du gouvernement présent, seroient poursuivis comme criminels de Trahison. Les officiers de la flote ont fait de grandes plaintes, de ce que les vivres qui ont esté fournis aux équipages, n’estoient pas de la qualité requise, attribüant à cela le grand nombre de maladies qui ont diminüé les équipages de plus de six mille hommes.