De Londres, le 31 Novembre 1689.
Le 29 de ce mois, les deux Chambres s’assemblérent à Westminster, où
le Prince d’Orange
s’estant rendu, manda les Communes : et fit l’ouverture des Séances par vn discours dont voicy la substance. Que les dernieres séances du Parlement avoient esté si longues, qu’il eust peut estre esté plus commode pour les particuliers, de ne pas le rassembler si tost : ce qu’il avoit fait néanmoins, s’y trouvant indispensablement obligé par l’interest public. Que dans la derniere assemblée, ils luy avoient donné de si grandes preuves de leur affection et de leur confiance, qu’il ne doutoit pas qu’en celle cy, il n’en dût recevoir de nouvelles. Qu’il consideroit comme vn des plus grands malheurs qui luy pussent arriver, que dans le commencement de son regne, il se trouvast forcé à leur demander de si grands subsides, quoy qu’il eust la satisfaction de ne les demander que pour continüer les guerres dans lesquelles il estoit entré par leur avis, et sur l’assurance de leur secours : ne doutant pas de l’heureux succez d’vne entreprise dans laquelle il ne s’estoit pas engagé par ambition, mais par la necessité de s’opposer à ceux qui avoient fait assez connoistre qu’ils vouloient opprimer leur réligion et leur liberté. Qu’il avoit assez fait voir par les périls ausquels il s’estoit exposé, qu’il estoit prest de risquer sa vie pour maintenir leur liberté et la réligion Protestante en général, dont l’Eglise Anglicane estoit vn des plus grands appuis. Il leur declara ensüite, qu’il souhaitoit qu’ils luy accordassent sans aucun delay, ce qu’ils jugeroient à propos de donner pour les dépenses de la guerre de l’année prochaine, parce que les Ministres de tous les Princes conféderez contre la France, devoient ce mois cy, s’assembler à la Haye pour prendre des mesures sur la Campagne prochaine : et que s’il n’estoit informé de l’intention des deux Chambres, non seulement il ne sçauroit luy mesme quelles résolutions prendre, mais que les Alliez seroient dans la mesme incertitude, s’ils ne le voyoient puissamment soûtenu par leur assistance. De plus, que s’il ne sçavoit bien tost quel secours il pouvoit espérer, il ne seroit pas en estat de faire à temps, les préparatifs nécessaires : et qu’on tomberoit dans les mesmes inconvenients que l’année derniere : ce retardement ayant esté cause que les préparatifs n’avoient pas esté faits avec autant de diligence et de succez qu’il auroit desiré : que la dépense aussi seroit beaucoup moindre, en les faisant dans la saison et sans desordre. Qu’il n’avoit autre dessein que d’attaquer leurs ennemis avec assez de vigueur, pour parvenir à vne paix seure et honorable, par laquelle ses sujets pussent estre délivrez des dépenses extraordinaires d’vne longue guerre. Que pour leur donner toute la satisfaction qu’ils pouvoient souhaiter touchant l’employ des sommes cy-devant accordées, il avoit ordonné qu’on leur en representast les comptes, toutes les fois qu’ils jugeroient à propos de les demander. Enfin, il leur recommanda de travailler en diligence,à l’acte de l’amnistie générale. Ce discours fut receu assez froidement. L’Orateur des Communes en fit son rapport : et il fut ordonné qu’il seroit mis en délibération pour déterminer qu’elle réponse y seroit faite. Cependant, plusieurs Députez representerent fortement qu’il estoit plus important de délibérer sur plusieurs actes proposez à la derniére assemblée, que de parler si tost de subsides extraordinaires dont la nation se trouvoit déja surchargée. Il fut donc résolu de préparer d’abord, divers projets d’actes, la pluspart fort contraires aux interests de ceux qui gouvernent. Ce procédé obligea
le Prince d’Orange
de se rendre le 31, à la Chambre des Seigneurs : où ayant mandé les Communes, il les prorogea jusqu’au 2e du mois prochain. Titus
Oats
a présenté vne requeste pour obtenir vne pension : et
le Prince d’Orange
luy a ordonné quatre livres sterlin par mois, pour sa subsistance. Mylord Barkley est arrivé à Plymouth, avec l’escadre qu’il commande : la pluspart de ses vaisseaux ayant besoin d’estre radoubez, et n’estant plus en estat de tenir la mer. Les Commissaires de l’Amirauté ont fait vne Ordonnance par laquelle ils ont declaré de bonne prise, tous les vaisseaux de quelque nation qu’ils soient, qui ont esté pris depuis le jour de la declaration de la guerre. Quelques vns cependant, ont esté relâchez, sur les plaintes des Ministres de Süéde et de Danemark. On prépare à Chester, vn convoy de toutes sortes de provisions pour envoyer en Irlande à l’armée du Mareschal de
Schomberg
. Il y a vn grand nombre de bastiments de charge à Highlake pour servir au transport des vivres et der munitions : et quatre ou cinq vaisseaux de guerre sont demeurez pour les escorter. Quelques troupes sont en marche de ce costé-là, pour estre embarquées, et fortifier cette armée, dont on n’a eu depuis quelques jours aucune nouvelle.
On assure toûjours qu’elle souffre beaucoup : et qu’elle est diminüée de plus de quatre mille hommes par les maladies, causées par la disette et par les fatigues
: la pluspart des soldats estant tres mal vestus et nuds pieds. On dit que les régiments de cavaleriequi y ont esté envoyez d’Escosse y sont arrivez. Les cinq d’infanterie destinez pareillement pour l’armée d’Irlande, doivent, süivant le brüit commun, débarquer dans la Province de Mounster. Vn détachement d’infanterie Angloise et Irlandoise est allé à Porsmouth pour remplacer le régiment qui en a esté tiré et qui est passé en Irlande. Le Colonel
Lundie
doit estre mené à Londonderry, pour y estre jugé, à cause qu’il avoit abandonné la place quelque temps avant qu’elle fust affiégée. Depuis la découverte du dessein formé par plusieurs soldats étrangers de l’armée d’Irlande, pour se jetter dans l’armée de
Sa Majesté Britannique
, on examine avec grand soin, tous ceux qui sont dans les troupes de ce Royaume : et on en a cassé plusieurs comme Catholiques, ou soupçonnez de l’estre. Le Duc d’
Hamilton
est retourné en Escosse.