De Madrid, le 21 Ianvier 1683.
Le Conseil Royal a expédié les ordres nécessaires pour l’exécution du nouveau projet de lever les droits du
Roy,
sans les donner à ferme aux Assentistes ou Partisans, comme on les donnoit par le passé. Les Villes et les Communautez, selon les coûtumes et les vsages de chaque Province, payeront les imposts aux personnes nommées par le Corrégidor, ou par les principaux Officiers de chaque lieu, qui seront chargez de la recepte, et qui feront porter au Trésor Royal, les sommes qu’ils recevront. On prétend que le revenu du
Roy
sera par ce moyen beaucoup augmenté, parce que
Sa Majesté
profitera de tout ce que les Assentistes gagnoient sur les fermes : qu’Elle épargnera les gages d’vn grand nombre d’officiers : qu’Elle
remédiera à plusieurs abus
tres préjudiciables à ses finances : et que le peuple sera soulagé, par la diminution de ce nombre d’officiers, dont les vexations leur causent beaucoup de dommage. Six Députez de tous les Conseils ont esté nommez pour aller dans les Provinces
établir cette levée
selon ce nouveau réglement : et pour faire la répartition des sommes que chaque Communauté doit payer. Mais on croit qu’il y aura de grandes difficultez dans l’exécution.
Les peuples refusent de payer les droits du Roy en argent comptant
: et ils représentent qu’à cause de la disette d’argent qui est dans toutes les Provinces d’Espagne, les Assentistes s’estoient contentez de
recevoir le payement des imposts, en denrées et en früits
: et qu’on ne peut exiger ces mesmes droits en argent, sans rüiner vne partie de l’Espagne, particuliérement les pays éloignez de la mer qui n’ont aucun commerce, et dont la plus grande partie n’est pas cultivée. Ainsi on commence à douter du succez avantageux de cette proposition. Le Conseil Extraordinaire appellé , s’assemble souvent pour délibérer sur les moyens de trouver les fonds pour les dépenses que l’Estat est obligé de soûtenir dans les conjonctures présentes : mais il s’y trouve encore de grandes difficultez. Le dernier Courier a porté en Flandres, vne remise de cinquante mille écus pour les affaires des Pays Bas. On travaille à faire vn fonds de pareille somme, pour l’armement de nostre Armée navale, afin qu’elle puisse faire voile au commencement de Mars, selon les ordres envoyez à Cadix et en Biscaye. On travaille aussi à l’équipement de la flote des Indes, qui doit partir au mois prochain : et les galions partiront au mois de Septembre, si l’exécution des ordres de la Cour n’est retardée par le manque des fonds nécessaires. Le Duc de Matalone est parti pour retourner à Naples. Le différent qui estoit entre le Cardinal Portocarréro Archevesque de Toléde, et quelques Eglises de l’Ordre d’Alcantara pour la jurisdiction, a esté terminé selon les prétentions de ce Prélat. Le Chevalier Goodrik, apres avoir esté quelque temps à la maison de campagne des Hieronymités, s’est logé dans vne maison du
Marquis de Liche
: où il attend les ordres du
Roy de la Grande Bretagne
. Il se commet vn grand nombre d’
assassinats
en cette ville : et on en a compté jusqu’à quatre vingt six en vn seul quartier, pendant le mois dernier.