De Ratisbone, le 2 Septembre 1683.
Les Ministres d’Austriche Directeurs du Collége des Princes ont esté quelque temps sans assister aux délibérations de la Diéte, depuis que le
Comte de Crécy
Plénipotentiaire de France a fait sçavoir aux Estats de l’Empire les derniéres offres du
Roy Tres Chrestien
. Le Collége Electoral déclara dés le 16 du mois dernier, que les Estats de l’Empire devoient conclure avant la fin du mesme mois, vne Paix perpétüelle, ou la Tréve offerte par
Sa Majesté Tres Crestienne
, afin qu’on pust garentir l’Empire du péril pressant dont il estoit menacé par les Turcs, et afin que les Estats pussent assister l’
Empereur
de toutes leurs forces contre ces Infidéles. Cette conclusion fut envoyée à l’
Empereur
, avec vne lettre que le Collége Electoral écrivit sur ce sujet, à
Sa Majesté Impériale
. Le 21, les Députez d’Austriche entrérent au Collége des Princes : mais il ne se fit aucune conclusion, parce que les avis estoient partagez et que quelques Députez du Collége des Princes s’excusérent d’opiner sur ce qu’ils n’avoient pas reçeu les ordres et les instructions nécessaires. Enfin, le 30 du mois dernier, les deux Colléges firent vne conclusion commune, par laquelle ils déclarérent qu’il falloit accepter la Tréve proposée par le
Roy
, délibérer incessamment sur ce qui doit estre observé pendant le temps qu’elle durera, commencer la négociation de la Paix définitive, et remettre aussi tost en délibération l’armement de l’Empire contre le Turc.Le
Comte de Windisgratz
est arrivé en cette ville, pour entrer au Collége des Princes en qualité d’vn des Commissaires de l’
Empereur
, durant l’absence de l’Evesque d’Eichstet. Le
Prince Charles de Lorraine
a reçeu vne lettre du Gouverneur de Vienne, du 27 du mois dernier, qui contient plusieurs particularitez du siége. Les Turcs ont fait joüer six ou sept mines sous le ravelin et sous la contrescarpe pres de la palissade. Le
Comte de Staremberg
les a fait repousser par tout et a fait réparer les bréches. Lors qu’il écrivit sa lettre, il tenoit encore le ravelin à la réserve de la pointe où les Infidéles s’estoient logez. Il conservoit aussi la Palissade, quoy quelle eût esté renversée par vne des mines des Ennemis : les assiégez s’y estans maintenus l’épée à la main jusqu’à ce que tout y eut esté réparé. Les assiégeans estoient descendus deux fois dans le fossé : la premiére, vis-à-vis le bastion du Lyon, et l’autre, vers le bastion du Château : mais ils en furent repoussez par vn feu continüel, les Impériaux ayant esté soûtenus par de nouvelles troupes. On brûla mesme tous leurs gabions et les galleries des Turcs. Le
Comte de Staremberg
mandoit aussi que les Mineurs venoient de l’asseurer qu’ils entendoient les Turcs travailler sous le bastion du Chasteau : ce qui faisoit croire qu’ils avoient passé le fossé : et qu’ainsi, il estoit temps que le secours arrivast. Il ajoûtoit qu’on perdoit beaucoup de soldats et d’Officiers, principalement par la
dysenterie, dont il mouroit plus de soixante personnes par jour
: qu’il avoit besoin de grenades, qui jusques alors avoient esté d’vn grand secours aux Assiégez, parce qu’vne partie du canon avoit esté mis hors d’estat de servir, par celuy des Turcs. On a sçeu par la mesme Lettre, que les assiégeans avoient perdu et qu’ils perdoient encore tous les jours, vn grand nombre de Ianissaires, dans les attaques, et par les
maladies
qui soient dans leur camp.