De Rastibone le 9 Janvier 1685.
La Commission Impériale a déclaré par un Decret, que
l’Empereur
consent que les Commissaires établis pour le réglement des limites , soient accompagnez de plusieurs Députez de l’Empire , & qu’ils s’assemblent à Spire , à condition que ces Députez n’auront point de part aux délibérations : que les seuls Commissaires de
Sa Majesté Impériale
condüiront la négociation : & qu’on agira en cette affaire, sur le pied des conférences qui ont esté tenües à Francfort. Cette déclaration est fondée sur la Conclusion générale de l’Empire : à laquelle le Collége Electoral n’avoit consenti qu’apres avoir déclaré aux Députez d’Austriche qu’il y avoit sujet de craindre que la France , sans laquelle les Commissaires de l’
Empereur
& de l’Empire ne peuvent rien exécuter , n’y eût aucun égard. Hier ,
le Comte de Crécy
Plénipotentiaire de France déclara par un mémoire , que les Commissaires du
Roy
son Maistre, n’avoient point d’autre ordre que celuy d’exécuter le Traité de Tréve , en la maniére qu’on a coûtume d’exécuter les autres traitez : & que
Sa Majesté
ne nommera ni n’envoyera aucuns Commissaires , si les Ministres de l’
Empereur
prétendent traiter d’autres affaires dont on n’ait point encore parlé , ou qui ayent esté ci-devant terminées , ou
qui soyent contraires à la Tréve. Les Commissaires Impériaux se plaignoient dans le mesme Decret , de ce que le Député de l’
Electeur de Mayence
Directeur de l’Empire a reçeu du
Comte de Crécy
, une ratification particuliére de la Tréve , pour l’Empire. Mais ils ont esté obligez de retrancher ces plaintes, sur les instances du mesme Député qui appüyé de tout le Collége Electoral , refusoit autrement de communiquer le Decret Impérial. Les Ministres Impériaux ont ainsi esté obligez d’approuver la ratification particuliére de la Tréve pour l’Empire, apres avoir donné un Decret qui n’est addressé qu’au Directeur de l’Empire , afin du moins qu’on püisse trouver dans les Archives , un Acte qui fasse voir qu’ils n’ont pas donné d’abord, les mains à cette ratification. Mais le Collége Electoral fait dresser un écrit qui sera mis à costé du mesme Decret , pour la justification des droits de l’Empire. Les Ministres de
l’Empereur
pressent toûjours sur le secours qu’ils demandent pour la Hongrie : & ils témoignent qu’ils seroient bien aises qu’il fût en argent. Neantmoins , les Estats de l’Empire désirent ne donner que des troupes , afin d’avoir ainsi plus de part aux avantages qu’ils croyent que les Impériaux remporteront facilement sur les Turcs , s’ils veulent réünir contre ces Infidéles ,toutes les forces dont ils seront assistez par tant de Princes qui s’engagent à les secourir. Cette matière n’a point encore esté mise en délibération dans les Colléges : & les Ministres de l’
Empereur
différent de la proposer dans l’incertitude du succez de leur prétention. Cependant , on continüe d’apprendre de toutes parts, que les fonds manquent à la Cour Impériale pour les provisions nécessaires : qu’il n’y a point d’artillerie dans les places, ni de munitions de guerre dans les Arsenaux , ni de bleds dans les magasins : & mesme que les troupes sont tellement diminüées,qu’il est impossible aux Impériaux d’avoir au Printemps, une armée considérable sans de fortes recrües, sans de nouvelles levées , & sans des secours extraordinaires de tous les Princes à qui l’
Empereur
en a fait demander. On écrit de la Haute Hongrie que
la misére
est toûjours si grande dans les Quartiers , que l’on y
mange la chair des corps morts
.