De Londres le 21 Mars 1689.
La Convention continüe ses séances : et depuis qu’elle a pris le nom de Parlement, elle a si bien employé le temps, qu’elle a déja détrüit la pluspart des loix fondamentales que les Parlements avoient eu beaucoup de peine à établir en plusieurs siécles.
Le Prince d’Orange
pour l’engager davantage dans ses interests, envoya le 9 de ce mois, dire à la Chambre des Communes, qu’il estoit résolu de supprimer la taxe sur les cheminées.
Il fit sçavoir aux deux Chambres qu’il avoit fait mettre à la Tour le Comte d’
Arran
, Mylord Denmore, le Chevalier Robert
Hamilton
et le sieur Pen, sur ce qu’ils estoient accusez d’avoir entretenu correspondance avec
le Roy
. Mais que comme il ne vouloit se gouverner que selon les loix, il souhaitoit d’avoir leur avis sur vne affaire si importante. Il nomma le mesme jour, trois Commissaires du grand Seau, qui sont le Chevalier Iean
Maynard
et les sieurs Rawlinson, et Keeke, qu’il a depuis fait Chevaliers. Le 10, la Chambre des Communes s’estant tournée en Committé général, résolut de donner au
Prince d’Orange
vn subside extraordinaire de quatre cents vingt mille livres sterlin payables en six mois et en payements égaux de soixante dix mille livres sterlin chacun : que
cette somme seroit levée par vne taxe sur les terres de la mesme maniére que celle qui fut accordée an Roy Charles II
, par vn Acte passé la 31e année de son regne, pour congédier l’armée. Il y eut aussi quelques délibérations sur les moyens de faciliter la recepte et la régie des revenus ordinaires de la Couronne. Vn Committé fut établi pour préparer la matiére. Le 11, le Chevalier Robert Howard chargé d’informer la Chambre des Communes de l’estat des revenus du
Roy
, rapporta qu’ils montoient à seize cents mille livres sterlin ou environ. Il fut résolu que
le Prince d’Orange
seroit remercié par vne Adresse, d’avoir aboli la taxe sur les cheminées. Le sieur
Hamden
Orateur des Communes, les informa de l’emprisonnement du Comte d’
Arran
et de quelques autres personnes : et leur dit que
le Prince d’Orange
souhaitoit de sçavoir si l’avis de la Chambre estoit qu’ils fussent mis en liberté en donnant caution comme ils l’avoient demandé, en vertu de la loy Habeas Corpus. On attendoit que des personnes qui ont pris pour prétexte de leur rebellion, la conservation des loix et de la liberté publique, s’opposeroient vigoureusement à vn attentat aussi manifeste contre cette loy, qui a toûjours esté considérée comme la plus importante de celles qui concernent la liberté des particuliers. Cependant, il fut résolu à la pluralité des voix, de dresser vn Acte pour autoriser le Prince d’Orange durant vn certain temps, afin qu’il pût faire arrester tous ceux qui luy seroient suspects, sans qu’ils pûssent estre élargis sous caution, sans son consentement.
Le projet de cet Acte fut lû deux fois, ainsi que l’Adresse ordonnée pour le remercier, que quelques vns des députez, membres de son Conseil, furent chargez de luy présenter. Le 12, les Seigneurs et les Communes commencérent à prester les deux nouveaux serments. Les Evesques de
Londres
, de Lincoln et de Bristol furent les seuls des Pairs Ecclésiastiques, qui le prestérent. Le Comte de
Notingham
proposa dans la Chambre des Seigneurs, de dresser deux Actes : l’vn pour oster du livre des Priéres Communes quelques oraisons et formules, sur lesquelles les Protestants Nonconformistes témoignent avoir des scrupules : et l’autre pour tolérer l’exercice de leur religion. La derniére proposition avoit toûjours esté rejettée, comme tendante à l’entiére destruction de la Religion Anglicane : et on n’avoit osé faire mention de la premiere, puisque divers Actes ont autorisé le livre des Priéres Communes : et que les seuls rebelles et perturbateurs du repos public, ont fait difficulté de le recevoir. Mais cette demande fut mieux reçeüe, qu’on n’auroit autrefois osé espérer : et quelques Evesques qui avoient souvent animé les autres à la défense de l’Eglise Anglicane, abandonnerent ses interests en cette occasion, témoignant qu’ils estoient prests de reçevoir comme leurs freres, ceux qu’elle a toûjours considérez comme schismatiques, et qu’elle a souvent excommuniez comme hérétiques. Le 14, on ajoûta au projet d’Acte proposé pour autoriser
le Prince d’Orange
à faire mettre en prison ceux qu’il luy plaira, et à les y retenir contre les loix, cette clause, que ce nouvel acte n’auroit de force que jusqu’au 27 d’Avril prochain : et qu’apres ce terme, la loy reprendroit son ancienne vigueur. Le projet ayant esté lû trois fois, avec l’addition : fut envoyé aux Seigneurs pour les prier d’y donner leur consentement. On fit la deuxiéme lecture de l’Acte pour le subside extraordinaire. L’Archevesque d’York et les Evesques de Winchester, de Rochester, de S. Asaph et de Landaf prestérent les deux nouveaux serments. Les Seigneurs achevérent de délibérer sur vn réglement pour la procédure criminelle contre les Pairs accusez de Haute Trahison. Le 15, les Communes establirent vn Committé pour découvrir ceux qui ont eu part directement ou indirectement aux infractions qu’on prétend avoir esté faites cy devant, aux loix du Royaume. Il fut résolu de dresser vn Acte pour casser ceux des précédents Parlements qui avoient establi la taxe sur les cheminées. On délibéra ensüite, pour establir vn fonds qui pût prodüire au
Prince d’Orange
vn revenu égal à celuy qu’elle produisoit. On proposa aussi vn projet d’Acte pour exclure les Catholiquesde la succession à la Couronne, et pour empescher que la Maison Royale ne prenne des alliances par mariage avec les Catholiques.
Le 16, on lût vn autre Acte pour obliger les Catholiques de sortir de cette Ville, et de s’en éloigner au moins, de dix milles.
Le 17, il fut leu dans les deux Chambres : et on y ajoûta que les Ambassadeurs, les officiers de la Reyne Doüairiére, et les Marchands étrangers en seroient exceptez. On lût aussi le projet d’vn Acte pour supprimer les serments d’Allégeance et de Suprémacie. Les derniéres nouvelles d’Irlande sont que les troupes du Comte de
Tyrconnel
estoient de plus de soixante et dix mille hommes, dont trente mille estoient bien armez : qu’on attendoit bien tost des armes pour les autres : qu’ils témoignoient vne résolution extraordinaire de bien faire : et que les troupes de nouvelle levée faisoient tous les jours l’exercice. On parle de lever vingt six régiments pour envoyer de ce costé là : et des commissions ont déja esté données à quelques Seigneurs. On est persüadé présentement, qu’il est impossible de rédüire l’Irlande sans de nombreuses troupes. Le brüit s’est déja répandu que
le Roy de la Grande Bretagne
y estoit arrivé.
Sur l’avis que le Prince d’Orange reçeut que Sa Majesté Britannique s’estoit renduë à Brest pour passer en Irlande, le Conseil s’assembla extraordinairement le 9 de ce mois : et il fut résolu d’envoyer autant de vaisseaux qu’il seroit possible pour croiser sur sa route.
Mais comme il n’y en a presque point d’armez, on ne pourra pas en assembler vn grand nombre.
On écrit d’Escosse, que les Highlanders ou Montagnards avoient pris les armes : que la Noblesse du plat pays les avoit aussi prises : mais que de part et d’autre, il ne s’estoit encore fait aucune hostilité.
Le brüit court que
le Prince d’Orange
a résolu d’envoyer huit mille hommes de ce costé là, pour appüyer ceux de son parti. Mais on ne croit pas qu’ils se déclarent avant la Convention qui doit s’assembler à la fin de ce mois. Le Duc de
Hamilton
partit il y a quelques jours, pour s’y rendre : et il y a des ordres envoyez pour tascher de l’arrester sur la route. Le sieur
Pollixfen
a esté fait Procureur Général, et le Chevalier George
Tréby
solliciteur Général. Le
Prince d’Orange
est allé à Hamptoncourt : d’où il vient tous les jours icy, pour assister au Conseil : et il y retourne le soir, parce que l’air est meilleur pour sa santé que celuy de cette ville. Le Docteur
Burnet
a esté fait Evesque de Salisbéry.