De Londres, le 10 Iuin 1689.
Le 2 de ce mois, la Chambre des Seigneurs entendit le rapport des informations touchant le prétendu meurtre du Comte d’
Essex
. L’affaire fut remise à vne plus ample délibération, parce qu’on ne trouve encore aucun fondement aux accusations intentées contre quelques particuliers qu’on a mis en liberté. Il fut résolu dans la Chambre des Communes, de prier
le Prince d’Orange
d’établir sur les revenus qui luy ont esté assignez, vn fonds pour la subsistance des pauvres Protestans fugitifs d’Irlande. On examina ensüite, quelques Mémoires touchant les interests que
le Roy
avant son avenement à la Couronne, avoit dans les Compagnies des Indes Orientales, de Guinée et de la Baye de Hudson.
L’Acte additionnel pour la levée de la taxe par teste fut leu dans la mesme séance : où il fut réglé qu’on leveroit vn shelling par livre sterlin, sur tous les biens, meubles et immeubles, mesmes sur les charges, pensions, gages et salaires : que cette taxe dureroit vn an : et qu’elle seroit payée de trois mois en trois mois.
Le Chevalier
Littleton
, au nom du Committé établi pour dresser le projet d’Acte d’amnistie, rapporta que l’avis des Commissaires estoit n’en excepter : 1, ceux qui ont soûtenu, appuyé ou fait valoir le pouvoir dispensatif : 2, Ceux qui ont eu part à la procédure criminelle faite au Banc du Roy contre lesEvesques : 3, trois Commissaires de la Commission pour les affaires Ecclesiastiques : 4, ceux qui ont levé des deniers sur le peuple sans l’autorité du Parlement : 5, ceux qui ont conseillé au
Roy
d’entretenir vne armée en temps de paix : 6, ceux qui ont rendu divers jugements par lesquels les villes et Communautez ont esté condamnées à la confiscation de leurs Chartes : 7, ceux qui ont donné des sentences favorables au
Roy
en interprétation des loix : 8, ceux qui ont eu part à nommer des Iurez suspects : 9, ceux qui ont exigé des cautions excessives, ou condamné les particuliers à des amandes exorbitantes : enfin, ceux qui ont empesché la Convocation des Parlements. Le 3, on leut à la Chambre Basse vn projet d’Acte pour dispenser des loix qui concernent la Religion et la fréquentation des Eglises, les officiers des armées de terre et de mer, qui servent actüellement. Ainsi ceux qui n’ont pû donner atteinte aux anciennes loix pénales contre les Nonconformistes, tâchent à les rüiner indirectement. Comme la deuxiéme suspension de la loy
Habeas Corpus
est expirée et que le nombre des mécontents augmente tous les jours,
le Prince d’Orange
a jugé à propos de la faire prolonger pour six mois. L’Acte en avoit esté proposé dans les séances précédentes : et on en fit la deuxiéme lecture en y ajoûtant ces clauses assez inutiles : Que personne ne seroit arresté sans vn ordre signé de six Conseillers d’Estat : qu’on ne pourroit faire le procez aux prisonniers avant le 2e de Novembre : et que cet Acte n’auroit aucune force au préjudice des priviléges dont joüissent les Députez au Parlement. Le mesme jour,
le Prince d’Orange
estant venu, à la Chambre des Seigneurs, approuva trois Actes. Le premier, pour exemter les Protestants Nonconformistes de quelques loix Pénales : le deuxiéme pour casser la Sentence de mort rendüe contre la Dame l’Isle : le troisiéme, pour vne affaire particuliére. Le 4, l’Acte pour la suspension de l’Habeas Corpus fut lû la troisiéme fois : et envoyé aux Seigneurs. Ils envoyérent vn Bill arresté dans leur Chambre, pour regler la succession de la Couronne au défaut des enfans du
Prince de Danemark
: et y appeller ceux du
Duc de Hanower
,comme l’héritier le plus proche entre les Princes Protestants. . Le 6, les Seigneurs mandérent qu’ils avoient approuvé l’Acte pour prolonger la suspension de l’.
On lut à la Chambre Basse vn Bill pour imposer vne taxe sur les terres en valeur, et sur les nouveaux bâtiments.
Le Vicomte de
Preston
et le Colonel Legg qui avoient esté arrestez dans le Nord, ont esté amenez en cette ville.
Plusieurs Catholiques ont aussi esté mis en prison sous prétexte de servir d’ostages pour vn grand nombre de Protestants qui ont esté arrestez en Irlande.
Le mesme jour, les sieurs d’Engelenbourg de
Witzen
, de Odick, de Citters, et de
Dickvelt
Ambassadeurs Extraordinaires de Hollande firent leur entrée publique. Le 7, la Chambre Basse écouta le rapport d’vn Committé, par lequel il se trouva que le
Roy
avant son avénement à la Couronne, avoit dix mille livres sterlin dans la Compagnie des Indes Orientales, trois mille dans celle de Guinée, et pareille somme dans celle de la Baye de Hudson : mais que
Sa Majesté
en avoit disposé en faveur de diverses personnes. Il fut résolu que sans avoir égard à cette disposition,
le Prince d’Orange
seroit autorisé pour s’en saisir : et que la plus grande partie seroit employée au soulagement des Protestants fugitifs d’Irlande. Le 8,
apres vne longue contestation, les additions que les Seigneurs vouloient faire à l’Acte pour l’imposition de la taxe par teste, furent rejettées
: la Chambre prétendant qu’en telles affaires, les Seigneurs n’avoient pas droit de faire aucun changement aux Actes.
On leut aussi le projet d’vn nouvel Acte, pour vne nouvelle imposition de trois sols par tonneau de bierre.
Les nouvelles d’Irlande sont fort incertaines. Tout ce qu’on en sçait est sur le rapport de quelques passagers. On publie de grands avantages remportez par la garnison de Londonderry dans plusieurs sorties. On est persüadé néanmoins, que la place n’est pas en estat de faire vne longue résistance si elle n’est promtement secourüe. Trois régiments avoient esté embarquezpour s’y rendre sous les ordres du Major Général
Kirke
: mais les vaisseaux qui les portent ont esté obligez par les vents contraires, de relâcher le 3, à Highlake pres de Leverpool. Il fait marcher toutes les troupes de ce costé là. On n’a aucune nouvelle de cinq des vaisseaux de la flote commandée par le Vice-Amiral
Herbert
depuis le dernier combat : et on ne sçait ce qu’ils sont devenus.