De Vienne, le 29 May 1689.
On a sçeu par des lettres du Comte de Hoffkirck du 8 de ce mois, qu’aussitost qu’il fut revenu à Semendria, quatre mille Turcs, Tartares, ou Mécontents passerent la riviere de Morava, et firent sommer le Chasteau de Passarowitz. Mais qu’estant retourné de ce costé là, avec quatre régiments, il les avoit obligez à se retirer : qu’ensuite, il avoit rüiné vn pont de bateaux qu’ils dressoient sur la mesme riviere : et qu’il estoit venu camper pres de Sindovina. Il y avoit de l’autre costé, douze mille hommes des troupes Othomanes : ce qui obligea le Comte de Hoffkirck à envoyer à Belgrade demander du renfort, et à retourner vers Semendria, ne laissant que des Rasciens dans les places qui sont jusqu’à la riviere de Morava. On n’a pas eu la confirmation de l’avis qui estoit venu la semaine derniere, que
le Comte Thékéli
avoit esté blessé à l’attaque du Chasteau de Clodoüa. Le 26 de ce mois, vn courier dépesché de Belgrade, confirma les avis qu’on avoit receus depuis trois semaines, que les troupes Othomanes augmentoient considerablement : et que suivant plusieurs lettres de Transylvanie,
le Grand Vizir
estoit parti d’Andrinople, avec celles qu’il avoit assemblées pour venir joindre le Seraskier entre Sophie et Nissa. Ces nouvelles donnent sujet d’apprehender que les Infideles n’assiegent quelque place, ou ne fassent vne irruption, avant que l’armée Impériale soit en estat de s’opposer à leurs entreprises. Au départ du dernier courier, il n’y avoit encore que dix régiments arrivez entre Belgrade et Semendria, parce que le debordement de la Save et du Danube en avoit jusqu’alors empesché la jonction. Le Comte Veterani a écrit de Deva, qu’il marchoit avec ses troupes à grandes journées, pour se rendre à l’armée principale : et que le Baron Heusler estoit arrivé en Transylvanie pour commander à sa place. On a envoyé ordreau Comte Budiani de presser sa marche pour se joindre aussi à l’armée principale, avec les milices de Croatie et les Tolpatzes qu’il commande. D’autres troupes doivent aller à leur place, pour continüer le blocus de Canischa. Quelques transfuges ont rapporté que la garnison ne pouvoit plus tirer de vivres de cinq ou six lieuës à la ronde : qu’il n’y avoit plus que quarante chevaux dans la place : et qu’on n’en devoit plus craindre les courses. Mais ces rapports se sont trouvez si souvent faux, qu’on ne peut y ajoûter foy. L’ordre a aussi esté envoyé aux garnisons Allemandes de Waradin et de Carlstadt de veiller sur les mouvements des Turcs en Esclavonie : et au reste des troupes et des milices, de se joindre pareillement à l’armée principale. On dit que les fortifications de Belgrade sont entierement reparées : et que la place est pourveuë de toutes les choses necessaires pour sa défense.
La ville de Tyrnau dans la Haute Hongrie, a esté brûlée à la reserve d’environ dix maisons et du college des Iesüites. Trois des incendiaires ont esté pris : et apres avoir eu les dix doigts coupez en autant d’endroits de la ville, ils ont esté brûlez vifs.
Le Comte Ziacchi Envoyé de
l’Empereur
en Walaquie est revenu : et il a esté suivi d’vn officier du Hospodar qui a fait de grandes plaintes de sa condüite.
On publie neanmoins, qu’il offre au nom de ce Prince, de faire vn nouveau traité, suivant lequel il demeurera sous la protection de
l’Empereur
, à des conditions presque semblables à celles qui avoient esté reglées par l’Envoyé de son Predecesseur, dont les principales estoient de payer vn tribut annüel à
Sa Majesté Impériale
, et de fournir les provisions necessaires pour la subsistance des troupes employées à défendre le païs. Mais on croid qu’il ne fait ces propositions que pour éloigner la guerre de ses Estats. Les Envoyez de la Porte se sont plaints hautement de la resolution qui a esté prise de les retenir jusqu’à la fin de la Campagne. L’Ambassadeur Extraordinaire de Pologne eut ces jours passez, vne conference avec les Commissaires de
l’Empereur
, dans laquelle il leur demanda vn secours de quatre mille hommes, avec vne somme d’argent considerable pour les dépenses de la guerreque
le Roy
et la Republique de Pologne sont obligez de soûtenir. Il leur témoigna aussi que
Sa Majesté Polonoise
desiroit que
Sa Majesté Impériale
renonçât en faveur de la Pologne, à toutes ses pretentions sur la Moldavie et sur la Walaquie. Mais il n’a jusqu’à present reçeu aucune réponse. Le mesme jour, le Comte
Caprara
partit en poste, pour se rendre à l’armée de
l’Electeur de Baviere
. Il a esté declaré Conseiller d’Estat Privé avant son depart.
Le Prince Loüis de Bade
ne veut point partir pour la Hongrie, avant que les troupes, l’artillerie et les munitions qu’il a demandées ne soient arrivées à l’armée qu’il doit commander.
L’Empereur
est allé à Newstadt. Il a declaré le Comte de Montecuculli Prince de l’Empire.