De Londres, le 6 Octobre 1689.
L’inscription qui avoit esté ostée par ordre du
Roy
, a esté rétablie sur la pyramide élevée pour mémoire du grand incendie de 1666, et sur vne pierre posée à l’endroit où le feu commença. Les Evesques et les Docteurs en Théologie nommez par
le Prince d’Orange
, pour travailler à vn accommodement entre les Episcopaux et les Presbytériens Nonconformistes, commenceront à s’assembler le 13 de ce mois, pour examiner les principaux points de doctrine et de discipline, qui sont en contestation entre les deux partis. Ceux qui ont refusé de prester les nouveaux serments n’y ont pas esté appellez : et tous ceux qui ont paru les plus zélez pour l’Eglise Anglicane, sont persüadez que le succez de cette conférence ne luy sera pas plus avantageux que celuy de semblables assemblées tenües dans le temps de la longue rebellion, qui finirent par la destruction entiére de l’Episcopat et de la Religion établie par les loix.
Le 1r de ce mois, le feu prit entre onze heures et minüit, pres des prisons de la Cour du Banc du Roy, et en consuma vne partie avec environ cent maisons voisines. On ne sçait s’il prit par hasard, ou s’il fut mis par les amis et parents des prisonniers qui y estoient en tres grand nombre, et dont plusieurs se sauvérent.
Quelque soin qu’on ait pris jusqu’à présent, d’arrester toutes sortes de personnes sur le moindre soupçon d’estre mécontents du gouvernement present, le nombre en est toûjours fort grand. On a encore découvert depuis peu, vn dessein formé en faveur du
Roy
: et on en recherche les auteurs et les complices.
Les marchands se plaignent toûjours de ce que nonobstant les grandes sommes qui ont esté accordées au
Prince d’Orange
, pour l’entretien d’vne flote capable d’assurer la navigation contre les armateurs François, ils venoient tres souvent enlever des bastiments presque sous le canon des places maritimes. L’Amiral
Herbert
a eu ordre d’envoyer deux vaisseaux de guerre croiser à la hauteur de Falmouth, pour donner la chasse à ces armateurs, qui ont fait plusieurs prises de ce costé là. On croid qu’vne escadre sera bientost détachée pour servird’escorte à
la Reyne d’Espagne
. Le 30 du mois dernier, les deux Chambres du Parlement s’assemblérent à Westminster suivant la derniére proclamation, par laquelle
le Prince d’Orange
avoit ajourné l’assemblée jusqu’à ce jour là. Il leur fit sçavoir en mesme temps, que son intention estoit qu’elles se séparassent jusqu’au 29 de ce mois : ce qui fut exécuté. Mylord Griffin qui s’estoit toûjours absenté depuis les révolutions présentes, est venu icy : et il s’est obligé à comparoistre toutes les fois qu’il en seroit requis, ayant donné pour cet effet, vne caution de dix mille livres sterlin : et le Comte d’Oxford s’est aussi obligé pour luy. Les douze Compagnies de cette ville ont donné chacune mille livres sterlin, pour estre employées à réparer les fortifications et les maisons de Londonderry, qui ont esté fort endommagées par les bombes durant le siége. Le sieur Harbord payeur Général de l’armée d’Irlande est parti : et porte cent mille livres sterlin pour la subsistance des troupes. Environ cent cinquante cavaliers, la pluspart François fugitifs pour la Religion, ont esté embarquez à Highlake pour passer en Irlande : et le 28, on acheva de faire embarquer l’artillerie destinée pour l’armée du Maréchal de
Schomberg
, qui est campée entre Dundalke et Drogheda.
Plusieurs brüits qui s’estoient répandus depuis quinze jours, de divers avantages remportez sur les troupes du
Roy
ne se confirment pas. Mais on apprend qu’elles sont fort supérieures en nombre à celles du Maréchal de
Schomberg
: que l’vnion estoit fort grande parmi ces troupes : et qu’elles faisoient paroistre vne grande résolution de combattre.
Elles consistent suivant le rapport des deserteurs et des prisonniers, en vingt huit mille hommes d’infanterie, et huit mille chevaux ou dragons bien montez et bien armez.
La desertion est assez grande dans l’armée du Mareschal de
Schomberg
: et pour l’empescher, il a fait passer par les armes quelques deserteurs qui ont esté pris
.
La disette y est extreme : et suivant les derniers avis, les troupes ont manqué de pain durant plusieurs jours, parce que les Irlandois en se retirant, ont enlevé ou brûlé les grains et les farines en tous les endroits où ils ont passé : et qu’ils ont mesme détrüit les moulins.
Surcet avis,
le Prince d’Orange
a envoyé ordre de faire partir de Highlake, vn bastiment chargé d’autant de biscüit qu’on en pourroit ramasser, et de quelques moulins à bras. Vn vaisseau de trois cents tonneaux chargé de farines destinées pour y estre portées, a fait naufrage pres de l’Isle de Mann. Le brüit court que le Chevalier Lanier est arrivé en Irlande : et qu’il a joint l’armée du Maréchal de
Schomberg
, avec six régiments de cavalerie. La flote mit à la voile le 30 du mois dernier, sans qu’on sçeût qu’elle route elle devoit tenir : mais le vent contraire l’obligea à relâcher. Les équipages sont fort affoiblis par les maladies : et on a beaucoup de peine à trouver des matelots pour remplacer ceux qui sont morts. Quelques vaisseaux de guerre qui avoient esté détachez pour aller au devant des pescheurs de Terre Neuve ont esté contre-mandez. Le Phenix de Londres est revenu depuis peu à Plymouth : ayant perdu tous ses masts dans vn combat contre des armateurs François. Vn armateur de S. Malo a pris vn autre vaisseau pres de l’Isle de Scilly.
Le Prince d’Orange
a fait demander au Corps de ville, vne avance de quatre cents mille livres sterlin sur le subside de douze sols par livre : et on croid qu’elle luy sera accordée.