De la Rochelle, le 19 Aoust 1689.
Le sieur Iulien Lieutenant de vaisseau, arriva icy ces jours passez, des Isles de l’Amérique, sur vn petit bâtiment du
Roy
de dix pieces de canon armé en course, accompagné de la Mareschale vaisseau marchand de seize pieces, commandé par le sieur Guillot. A trente lieües de Bellisle, ils rencontrérent vn vaisseau de guerre Hollandois de soixante pieces de canon et vne frégate de vingt deux pieces, qu’ils crurent François, parce qu’ils faisoient pavil--lon blanc : et ils essüyérent leur bordée à la portée du fusil. Les sieurs Iulien et Guillot se défendirent avec vne extréme vigueur durant six heures. Alors le bastiment du
Roy
estant percé à l’eau de tous costez, fit signal à la Mareschale de s’approcher. Il n’eut que le temps d’y monter avec ses gens, desquels il ne restoit que douze en estat de combattre, et aussitost son vaisseau coula à fonds. Les deux Capitaines démastérent le grand vaisseau Hollandois : et repoussérent ensüite la frégate qui estoit venuë à l’abordage. Le lendemain, ils virent sous le vent le gros vaisseau qui n’ayant pû se remaster, envoyoit cent hommes à la frégate. Elle vint avec ce renfort, les sommer de se rendre : les menaçant de ne point donner de quartier s’ils tiroient vn seul coup. Ils répondirent qu’ils n’en vouloient point : et en mesme temps, ils luy envoyérent leur bordée si à propos et de si pres, qu’ils tüérent vn grand nombre des ennemis : et au cinquiéme abordage, ils démastérent la frégate, qui fut obligée de s’approcher du gros vaisseau, et de se mettre à la bande, estant percée de plusieurs coups à l’eau. On remarqua qu’il ne restoit sur son pont, que cinquante hommes de deux cents qu’on y avoit vûs le matin. Les sieurs Iulien et Guillot arrivérent heureusement en ce port, avec leur vaisseau fort maltraité : ayant eu dix hommes tüez et plusieurs blessez.