Histoire culturelle de l'Europe

Adrian von Buttlar

Scènes de deuil et de mélancolie dans le jardin paysager

Article

Résumé

Le jardin paysager anglais de la fin du XVIIIe siècle constitue à la fois un laboratoire d’images idéales de la nature en trois dimensions et un parcours pittoresque et évocateur d’émotions. Le changement de paradigme, de la conception allégorique du jardin au sensualisme se reflète dans l’esthétique contemporaine et dans les théories du jardin (Burke, Whately, Hirschfeld, etc.). Dans le large éventail de sentiments mis en scène dans la topologie du jardin, les scènes d’une « douce » mélancolie deviennent maintenant à la mode. Le présent article examine le décor et l’iconographie typique de ce locus melancholicus à partir de documents iconographiques et textuels ainsi que d’exemples de jardins ayant perduré, en tenant compte aussi bien du caractère physique du lieu, de ses éléments naturels, ses couleurs, son espace, sa lumière et ses sonorités que du choix de plantes particulières et d'ornements sculpturaux, d'inscriptions et différents types de constructions. En tant qu’hétérotopie (Foucault), ces scènes de jardin ont transformé des concepts intellectuels plus anciens de la mélancolie en expériences sensorielles et émotionnelles modernes, promouvant ainsi les nouveaux stéréotypes littéraires et picturaux romantiques.

Abstract

Scenes of grief and melancholy in the landscape garden

The English landscape garden during the later 18th century works as a laboratory not only of three-dimensional ideal images of « nature » but also as a scenic and evocative circuit of emotions. The turn from allegorical garden-programmes to sensualism is reflected in contemporary aesthetics and theories of gardening (Burke, Whately, Hirschfeld etc.). Within the wide range of sentiments staged within the garden’s topology, scenes of a « sweet » melancholy now become fashionable. The paper investigates the typical decorative and iconographic setting of this locus melancholicus by pictorial and written sources and surviving examples, ranging from the physical character of the place, its natural elements, colours, space, light and sounds up to the choice of special plants and the elaboration with sculptural ornaments, inscriptions and different species of buildings. As a heterotopia (Foucault) such garden scenes transformed older intellectual concepts of melancholy into modern sensual and emotional experiences, thus promoting further literary and pictorial romantic stereotypes.

Texte intégral

1Les jardins remplissent de manière remarquable les critères de ce que Michel Foucault a défini comme hétérotopie en 1967 :

Il y a également, et ceci probablement dans toute culture, dans toute civilisation, des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui sont dessinés dans l’institution même de la société et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, tous les autres emplacements que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables1.

2Dans le jardin paysager anglais, qui s’exportera rapidement dans toute l’Europe, de telles mises en scène tridimensionnelles émergent sous l’influence de la nouvelle sensibilité esthétique sensualiste de la deuxième moitié du XVIIIe siècle : des scènes de nature réelles et qui ne sont plus à décoder essentiellement de manière emblématique, mythologique ou allégorique mais consacrées à l’imagination poétique, à la mémoire historique et à l’ensemble du spectre des états émotionnels. Ces jardins étaient conçus de manière à créer chez l’observateur ces états d’après les règles de l’esthétique et de la théorie du jardin de l’époque – c’est ce que signifiait le terme de « jardin sentimental » alors nullement compris de manière péjorative. À la suite de ces états contrastés émergent ainsi dans le jardin une topologie et une iconologie réelles – une disposition des « lieux » et des « tableaux » – qui sert de parcours pour les sentiments et les sensations du promeneur observateur2.

3Les scènes funéraires et mélancoliques – qui étaient depuis longtemps déjà un thème et un motif dans la poésie et les arts picturaux3 – sont un sujet important dans le jardin paysager, même si elles ne sont plus perceptibles dans les jardins historiques tels qu’ils existent aujourd’hui. C’est pourquoi nous allons nous rapprocher de ce sujet essentiellement par les sources que constituent les tableaux et les textes4. Je présenterai pour cela d’abord le gestus melancholicus comme clé d’identification de ces scènes puis, à partir de définitions tirées des théories du jardin et d’exemples concrets, le caractère paysager du locus melancholicus et son traitement artistique à travers différents décors et fabriques.

Gestus melancholicus / Locus melancholicus

4Un exemple typique d’une telle scène de deuil et de mélancolie est celui de la partie du jardin de la vallée de Seifersdorf près de Dresde qui est dédiée à « l’amitié gothique ».

Monument à « l’amitié gothique »

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W. G. Becker, Das Seifersdorfer Tal, Leipzig 1792, S. 145

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5Il s’agit d’un parc naturel paysager que le Comte Hans Moritz Brühl et son épouse Christiane ont élaboré dans une période allant approximativement de 1780 à 1800 avec une revalorisation sentimentale de la petite vallée de la rivière Röder par de nombreux éléments de décor dédiés à la littérature, surtout à des contemporains tels que Edward Young, Lawrence Sterne, Klopstock, Goethe, Herder et Wieland. Dans la description illustrée de Wilhelm Gottlieb Becker de 1792, le caractère programmatique de cette scène sentimentaliste est clairement rendu par l’iconographie5. Alors que la consécration du monument à « l’amitié gothique » fait référence à l’« ancienne vertu allemande » de fidélité et de loyauté, le gestus melancholicus de la femme songeuse indique qu’il s’agit d’un locus melancholicus, le commanditaire étant également représenté en mélancolique.

6Le gestus melancholicus au menton appuyé sur la paume de la main est connu depuis l’Antiquité et, en pays germaniques, depuis le Moyen-Âge : il est mentionné dans le manuscrit Manessische Liederhandschrift vers 1300, où il caractérise le troubadour Walther von der Vogelweide dans son vers le plus célèbre : « J’étais assis sur une pierre – et couvrais la jambe avec mes jambes – dessus je posai le coude – et pris dans ma main – mon menton et une joue – là, je restai longuement pensif6. » La version la plus célèbre est celle d’Albrecht Dürer dans sa gravure de maître Melancholia I de 1514, qui selon la complexe interprétation néoplatonicienne qu’en donne Erwin Panofsky représente un type relevant de l’étude des tempéraments, à savoir la mélancolie à la fois désespérée et productive de l’artiste créatif et génial et du scientifique7. La Mélancolie de Dürer est confrontée aux énigmes et aux secrets de la nature dans une ambiance assombrie par la nuit de l’ignorance et accentuée par des éléments chaotiques. Même le lévrier grelottant enroulé sur lui-même, que Panofsky attribue à la sphère saturnienne, réapparaît comme symbole de fidélité dans la scène de Seifersdorf.

7Si l’on compare la scène du jardin de Seifersdorf à des portraits historiques de philosophes de la nature en gestus melancholicus, on remarque que ces philosophes reposent dans la nature, à même le sol : Edward Herbert, baron Herbert de Cherbury, qui avec son traité De Veritate est considéré comme le père du déisme anglais8 ou Gottfried Wilhelm Leibniz, également représenté rétrospectivement en 1795, en tant que rénovateur de la philosophie moderne, dans une forêt sauvage9 – en quelque sorte comme prédécesseur de Jean-Jacques Rousseau dont l’« expérience d’illumination » avait déjà eu lieu dans une forêt10. C’est la nature à l’état sauvage, et même la sublime dimension « sauvage » au sens de Shaftesbury qui, dans les tableaux, est invoquée comme métaphore de la religion et de la philosophie naturelles modernes11. Dans le jardin paysager, il s’agit au contraire d’une nature sauvage, « exposée », qui sans acteur devient coulisse, porteuse d’une ambiance.

8Le décor en apparence naturel et sauvage de Seifersdorf au bord de la Röder est également travaillé avec soin : les grands arbres sombres au bord du fleuve sont dégagés, la pelouse située derrière est débarrassée de ses mauvaises herbes, les broussailles denses taillées en une sorte de grotte sur laquelle on voit apparaître un tertre funéraire de création récente – couronné par une urne ou un vase funéraire d’où germent des fleurs, métaphores de la transcendance de la nature. Cette mise en scène doit transformer la profonde émotion de deuil et de mélancolie que l’on éprouve en une expérience positive et belle qu’on dénommait alors « douce mélancolie ». Le Dictionnaire de Trévoux définissait celle-ci en 1771 comme « […] délicieuse tristesse […]. C’est la situation d’une âme qui, en se refusant aux tentations vives qui la fatigueroient, sait se prêter aux illusions des sens, _ trouver du plaisir dans la méditation même de ce qui cause ses peines12 ». En effet, l’amie de Tina Brühl, Sophie Becker, écrivit alors dans son journal intime qu’elle ne s’était encore jamais trouvée dans une telle disposition de « vertueuse volupté » ailleurs que dans la vallée de Seifersdorf13.

9Le lieu protégé par des arbres, sombre et solitaire avec son cours d’eau silencieux, représente pleinement la conception alors en vigueur dans la théorie du jardin. Le théoricien du jardin originaire de Kiel, Christian Cay Laurenz Hirschfeld, a développé et fait évoluer l’esthétique française et l’esthétique anglaise du jardin dans son ouvrage paru en français et en allemand, Theorie der Gartenkunst (« Théorie de l’art des jardins ») 1779-1785. En plus des lieux « solennels » et « romantiques », il y définit aussi de manière détaillée les caractéristiques d’un paysage mélancolique :

Un canton où domine la douce mélancolie se produit par l’exclusion totale des lointains ; par des fonds _ des abaissements ; par des buissons _ des bois épais, souvent même par de simples grouppes d’arbres élevés, touffus _ serrés […] par des eaux dormantes, où qui, dérobées aux yeux, produisent un murmure étoffé, par un feuillage d’un verd sombre ou noirâtre, par des feuilles pendantes, _ une ombre qui s’étend par-tout, par l’absence de tout ce qui peut annoncer la vie _ l’activité. […] Ce canton […] offre la jouissance du repos _ de la solitude […]. Il attire _ recrée l’âme, qui retirée des soucis _ des affaires du monde, veut jouir un instant d’elle-même14.

10Si l’on compare le locus melancholicus de Seifersdorf à une scène de deuil composée environ dix ans auparavant dans le célèbre parc de Wörlitz, le passage d’une vision encore fortement allégorique à une esthétique métaphorique et sensualiste est sensible. Celui-ci avait été appelé de ses vœux par Thomas Whately dans ses Observations on modern gardening (1770) comme transition entre l’emblématique et l’expressif15. À Wörlitz, le prince Leopold François d’Anhalt-Dessau laissa reposer les cendres de sa fille sur un petit tumulus entouré de quatre cyprès nains – arbres symbolisant traditionnellement la tristesse ‒ dans ce qu’il appela l’« urne dorée » (1769). Dans le jardin paysager, les perspectives sont aussi des axes qui ont un sens : ainsi, la perspective menant aux cours d’eau signifiant le fleuve des morts laisse apparaître le clocher de Wörlitz comme une vision lointaine de la transcendance chrétienne. Cette interprétation devient encore plus plausible quand on considère qu’il n’y a pas seulement une mais trois perspectives qui partent de l’urne : celle de gauche mène à la synagogue érigée en 1782 selon les plans du temple de Vesta à Rome, celle de droite donne sur un « autel de la nature » (1800), qui représente la religion naturelle propre au déisme.

Wörlitz, „Toleranzblick“

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Wörlitz, „Toleranzblick“ « regard de tolérance » (1769-1800)

Photo : Adrian von Buttlar

11Nous avons à ce propos fait référence au terme de « regard de tolérance » et renvoyé à la parabole de l’anneau de Lessing, sa pièce Nathan le sage ayant été jouée à Dessau en 1778, représentant fidèlement par son message de tolérance l’esprit éclairé du prince16.

12Le théoricien anglais Thomas Whately refusait au contraire de telles constructions mentales et défendait quant à lui l’effet direct de la forme brute sur l’âme de l’observateur :

Mais tous ces objets sont plutôt emblématiques qu’expressifs. Ils peuvent être le fruit d’une invention ingénieuse, _ rappeller de loin certaines idées à l’imagination, mais leur impression n’est pas immédiate, parce qu’ils doivent être examinés, comparés, _ souvent même expliqués, avant qu’on apperçoive leur rapport avec la scene… […]. Il faut qu’elle paroisse avoir été indiquée par la scene même […] sans travail _ sans efforts. Et doit avoir la force de la métaphore, sans les détails pénibles de l’allégorie17.

13Hirschfeld abonde en son sens, car c’est « de cette manière [que l’on peut] éveiller tous les grands et nobles sentiments18 ». Il donne même une description psychologique de la façon dont une telle réception sensible et mélancolique fonctionne et ce, de manière caractéristique, par une scène nocturne devant le monument dédié au philosophe et esthète suisse Johann Jakob Sulzer (1720-1779) :

Quel ami de la promenade solitaire ne seroit pas vivement ému, en rencontrant dans un bois un mausolée érigé à un homme de son estime ! […] Au milieu repose une eau paisible, d’où découle avec un doux murmure un petit ruisseau qui se glisse au pied du monument. La lune se leve sur les bosquets, _ y répand une lumiere qui a quelque chose de solemnel […] On n’entend aucun son ; par-tout regne à l’entour un profond _ majestueux silence. Pénétré de l’impression que fait cette scene, enfoncé dans les réflexions _ la douleur, l’observateur sensible s’appuye contre un chêne voisin, porte les yeux vers l’endroit où la lune éclaire le nom de Sulzer ; il détourne la vue ; une larme tombe19 !

Monument dédié à Johann Jakob Sulzer

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Hirschfeld, Theorie der Gartenkunst, Bd. II, 1780, S. 61

Archiv A. von Buttlar

L’atlas des arbres et l’aménagement par des monuments

14Dans le quatrième tome de sa « Théorie », Hirschfeld conseille des types d’arbres particulièrement adaptés aux décors mélancoliques, établissant ainsi une iconographie funéraire des plantes :

Les arbres et les arbrisseaux auront un feuillage abondant _ d’un verd foncé, tels qu’en ont le maronnier l’aune vulgaire, le tilleul noir d’Amérique, le chêne noir, la thuia de Canada (Thuia occidentalis) l’if, le peuplier noir (Populusbalsamea) etc. Une variéte du boileau à branches pendantes (Betula pendula virgilis), _ principalement le saule de Babylone, qui par ses branches tombant très bas vers la terre, semble exprimer un sentiment de pitié _ compassion causée par un bonheur évanoui, conviennent particulièrement à ces scenes, sur-tout lorsque le verd encore trop vif de leurs feuilles est surmonté par le verd noirâtre qu’occasionnent les riches ombrages d’autres arbres plus élevés…20.

Arbres pour les jardins mélancoliques

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Bäume für melancholische Gartenszenen nach Hirschfeld

Photo A. von Buttlar

15Hirschfeld discute surtout de divers aménagements de décors mélancoliques grâce à des constructions et monuments. En même temps, il y démontre le rôle que jouent les épigraphes sentimentales comme révélateurs des sentiments.

[…] la sculpture livre des monuments, des urnes, des colonnes _ d’autres marques de souvenir consacrées à l’amitié où à l’amour après la mort de l’objet chéri, _ qui par leur aspect remplissent l’âme d’une tristesse touchante ; la Poésie nous offre des inscriptions attendrissantes, qui, en rappellant la fragilité des choses mondaines, donne encore des préceptes de sagesse. Les inscriptions paroissent sur-tout indispensables dans le jardin où regne la douce mélancolie…21

16Dans le « Magazine d’idées pour amateurs de jardins, de jardins anglais, etc. » de Grohmann, de telles suggestions sont présentées aux clients à la manière d’un catalogue, parmi lesquelles une tombe pour chien avec une urne dans une grotte22.

Tombe de chien

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Tombe de chien, tiré de W. G. Grohmann, Heft 5, Taf. VII (extrait)

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17L’urne funéraire est sans doute le thème le plus populaire du jardin paysager en lien avec la mélancolie. « Des urnes _ des mausolées […] renforcent en général l’impression que fait un canton mélancolique _ réveillent de plus des idées _ des sentiments que ce canton ne sauroit produire par lui-même d’une maniere aussi déterminée23 ».

18Mais seul un nombre restreint de ces monuments funéraires était véritablement dédié à des sépultures dans l’enceinte du parc, exprimant une croyance, impliquée par le déisme, en la transcendance du corps, de l’esprit et de l’âme dans la nature. La plupart servaient le souvenir voluptueusement funéraire des proches et lointains « héros » historiques ou littéraires. À la fin des années 1770, au plus fort de la vague « sensibiliste », Goethe moquait déjà dans une lettre à Johann Caspar Lavater les « monuments et urnes », et le fait qu’on jouait maintenant partout avec leurs « coquilles et ventres vides24 ».

19Le plus célèbre décor de ce style – particulièrement solennel par sa forme stricte, évoquant les mausolées romains –, est l’île de Rousseau dans le parc d’Ermenonville du Marquis de Girardin, sur laquelle, comme on le sait, le philosophe fut d’abord inhumé en 1778 sous un monument à urne. L’île de Rousseau fut imitée dans de nombreux jardins comme par exemple à Wörlitz vers 1782 par Leopold Frédéric François d’Anhalt-Dessau qui connaissait personnellement Rousseau, ou encore en 1785 par la princesse Helena Radziwill dans son parc paysager Arcadia à environ 80 km à l’ouest de Varsovie.

Wörlitz, île de Rousseau

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Wörlitz, île de Rousseau, 1991

Photo Adrian von Buttlar

20Dans son guide du parc publié en 1800 à Berlin, elle cite les épitaphes du mémorial « Et in Arcadia ego » et « J’ai fait l’Arcadie et j’y repose » et ajoute : « Le charme de ce lieu emplit l’âme d’une profonde quiétude. On quitte ce lieu avec la mélancolie dans son cœur, mais la mélancolie est douce…25 ». À Ermenonville, l’île de Rousseau n’était qu’un aspect de la réflexion mélancolique dans un cosmos des ambiances et des caractères paysagers, comme Jean-Joseph-Xavier Bidault l’a discrètement mis en avant vers 1800 dans sa fabrique. Entretemps, l’urne de l’île avait déjà été remplacée par un sarcophage antique décrit minutieusement dans le cinquième tome de La Théorie du jardin de Hirschfeld (1785)26. Dès 1787, l’île de Rousseau réaménagée fait figure de pièce décalée et mélancolique parmi les nombreuses attractions du parc touristique privé « Bagno » du Comte Louis von Bentheim-Steinfurth. Sybille Hoiman a récemment analysé en détail la large réception de ce motif27.

21Cette scène arcadienne de sarcophage, conservée grâce au célèbre tableau de Nicolas Poussin exposé au Louvre, aurait eu selon Hirschfeld (qui se réfère aux « Réflexions critiques » de l’Abbé du Bos de 1746) une influence encore plus grande que les urnes funéraires :

Des monuments effectifs placés dans un jardin, doivent bien plus encore toucher que le fameux tableau de Poussin appelé communément l’Arcadie. Au milieu d’une contrée riante <l’on voit le monument d’une jeune fille morte à la fleur de son âge, l’inscription sépulcrale n’est que de quatre mots latins : Et in ARCADIA Ego ! Mais cette inscription si courte fait faire les plus sérieuses réflexions à deux jeunes garçons _ à deux jeunes filles…> [d’après l’Abbé Du Bos]28.

22Comme le montre le mémorial funéraire de Fritz Schwegler « Lebensmüde [fatigué de vivre] - Abulvenz » (1993) dans la nécropole de Kassel à Habichtswald, la fascination mélancolique du sarcophage (destiné à servir de tombe à l’artiste) perdure aujourd’hui encore, même si Schwegler fut finalement inhumé en 2014 dans sa ville d’origine de Börtlinen, dans le Bade-Wurtemberg29.

Tombe de Fritz Schwegler (1993)

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Fritz Schwegler (1935-2014), tombe (1993), Nécropole des artistes, Kassel

Photo Armin Schönewolf

23Le « mémorial-sarcophage » était décliné en plusieurs variantes : du type classique-antique de la tombe de Rousseau, que nous rencontrons aussi pour la tombe du maréchal impérial autrichien Gideon Comte de Laudon à Hadersdorf près de Vienne en 179030, en passant par la forme réaliste d’un simple cercueil reposant sur un catafalque que le comte de Brühl choisit pour son père, le ministre de Saxe Heinrich von Brühl, dans la vallée de Seifersdorf31, jusqu’à la combinaison appréciée d’un sarcophage et d’une urne pour le duc de Brunswick32.

Monument pour le prince Léopold de Brunswick

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Monument pour le prince Léopold de Brunswick, tiré de W. G. Becker, Das Seifersdorfer Tal, Leipzig 1792, S. 42

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24Des sites funéraires fictifs dans un bosquet sacré offraient une variante particulièrement séduisante du locus melancholicus comme par exemple la « forêt des tombes » au Parc Monceau, le légendaire jardin anglo-chinois du prince franc-maçon Philippe duc d’Orléans, dessiné d’après une esquisse de Louis Carmontelle (1773-79)33.

Parc Monceau, Bois des Tombeaux

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Louis Carmontelle, Jardin de Monceau, près de Paris, appartenant à Son Altesse Sérénissime Monseigneur Le Duc de Chartes, Paris 1779, Table XII

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1066592n/f16.item.r=Carmontelle.zoom

25Hirschfeld, qui demandait en 1785 dans son chapitre « Jardins dans les cimetières » qu’on construise les cimetières en dehors de l’immédiate proximité des églises et des enceintes des villes allemandes, devint ainsi l’un des grands protagonistes des cimetières créés dans les parcs et en forêt à la fin du XVIIIe siècle. C’est également Hirschfeld qui a inclus ce type de jardin parmi les « genres mélancoliques de jardin34 ». Cinq ans plus tôt, il œuvrait déjà pour « qu’un propriétaire fit construire une tombe dans une partie de son parc au moins pour sa famille afin d’entretenir des sentiments vertueux35 ». L’un des premiers exemples frappants d’un tel champ élyséen est le caveau familial de « L’Ile des bienheureux » que le baron Edzard Mauritz zu Inn- et Knyphausen fit construire entre 1793 et 1797, après la mort de sa jeune épouse bien-aimée, dans son jardin paysager de Lütetsburg / Ostfriesland, à la fois expression de sontravail de deuil et thérapie contre ses profondes dépressions36.

Bâtiments

26Des constructions de différentes sortes, soutenues par des épitaphes sentimentales, renforcent l’effet des décors mélancoliques. Les œuvres d’architecture classique en forme de temple, comme par exemple un monopteros, le plus souvent situé sur une colline ou dans une clairière, renvoient à un caractère paysager joyeux, solennel et sublime. Dans cette mesure, ni l’emplacement sur une petite péninsule ni l’ambiance nocturne mélancolique dans le Vedute de Simon Gassner du premier monopteros dans le jardin anglais à Munich (1790) ne sont adaptés à son style et à son thème, c’est-à-dire au dieu du soleil Apollon37.

27De même, le « temple de la mélancolie » qu’Hirschfeld représente également sous la forme d’une scène nocturne et que nous trouvons dans un style similaire à Ernstbrunn près de Vienne38, peut uniquement être décrit comme locus melancholicus parce qu’il s’agit d’une ruine :

Il est à moitié tombé. Ses murs écroulés _ couverts de mousse annonce l’approche de sa ruine, tandis que quelques colonnes rappellent sa beauté passée. D’épais buissons voilent son emplacement enfoncé, _ la lumiere de la lune qui se leve, répand une clarté mystérieuse sur la cime des arbres _ sur la façade du temple…39.

Temple de la mélancolie

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Temple de la mélancolie, tiré de : Hirschfeld, Theorie der Gartenkunst, Bd. IV (1782), p. 86

Archiv A. von Buttlar

28Bien que les pyramides soient toujours associées à l’idée de mort et qu’elles soient largement présentes dans les jardins paysagers comme tombes réelles ou fictives – souvent avec une symbolique maçonnique – ni leur forme sublime, ni leur caractère monumental n’étaient spécialement adaptés aux décors mélancoliques des jardins. C’est sans doute parce que leur présence dans les pays nordiques est aussi peu plausible que celle des chinoiseries qu’Hirschfeld ne les mentionne pas, dans la mesure où il accorde de l’importance à la crédibilité historique dans la stimulation des émotions.

29La ruine artificielle comme symbole de l’éphémère est évidemment le moyen le plus courant de créer des atmosphères mélancoliques40. L’implacable œuvre de destruction du temps répand toujours un sentiment de mélancolie et de nostalgie, qui peut cependant être chargé de significations différentes. Depuis la sortie en 1499 à Venise du premier roman de jardin, Hypnerotomachia Poliphili, les ruines dans le style classique témoignent, même dans leur déclin, de la grandeur du monde antique (Roma quanta fuit ipse Ruina docet). La perspective centrale du culte de la ruine était – comme la gravure datant approximativement de 1780 le montre particulièrement bien – le thème de la vanité comme identification existentielle au caractère éphémère de notre propre vie : « Regarde ce que le temps dévaste, et c’en est ainsi pour nous tous, les constructions les plus splendides sont tombées avec le temps. »

Allégorie des ruines/ Vanité

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Allégorie des ruines/ Vanité, gravure sur cuivre, vers 1770

Archiv A. von Buttlar

30Henry Home conseille en 1762 dans son Elements of criticism de préférer les ruines de style médiéval aux ruines de style classique car elles ne rappellent que « le triomphe du temps sur la force » alors que ces dernières incarnent « le triomphe de la barbarie sur le goût41 ». Dans son Unconnected thoughts on Gardening (1764), le poète William Shenstone incite autant que possible à utiliser des ruines historiques authentiques dans le parc paysager. Les ruines gothiques font revivre désormais une époque des chevaliers fantasmée et l’histoire nationale, et tentent de légitimer des lignées dynastiques souvent inventées. En y regardant de plus près, on constate que leur fonction dans le parcours du jardin varie en fonction du contexte. Hirschfeld constate, avec un certain scepticisme, au sujet de la nouvelle invention des Anglais qu’est la ruine artificielle :

Le Ruines […] paroissent un attentat contre les privileges du temps, dont les effets se montrent sans notre secours dans la détérioration _ la dissolution des choses, elles semblent une application mal-entendue de l’art de bâtir […]. Effectivement, tant qu’on n’avoit pas encore commencé à calculer les effets de tous les objets du paysage susceptibles d’être mis avantageusement en œuvre pour étendre _ renforcer les impressions du ressort des jardins, on ne pouvoit pas non plus penser à limiter artificiellement les ruines […]. Des ruines réelles n’ont rien qui soit contre la nature dans un jardin, _ les ruines artificielles peuvent avoir parfaitement l’apparence de ruines réelles _ par conséquent produire le même effet42.

31La « mise en ruines » concerne parfois aussi les monuments mémoriels : la signification emblématique et métaphorique que Goethe donne à son « Monument à la bonne fortune » (Agathé Tyché), situé près de sa maison de jardin à Weimar, s’appuie sur la combinaison du cube parfait – comme « pierre taillée » dans l’emblème maçonnique de la vertu parachevée – sur lequel repose la sphère précaire de la fortune, symbolisant un instant de bonheur. Les Brühl à Seifersdorf ont fait de cette idée un autel en ruines : comme « monument à la vanité », le sens de l’allégorie abstraite est presque renversé dans un sens contraire43.

Ruine de l’évanescence

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Ruine de l’évanescence, tiré de W. G. Becker, Das Seifersdorfer Tal, Leipzig 1792, p. 46

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32Même la nature pouvait elle-même devenir ruine depuis que William Kent avait pour la première fois introduit des arbres morts dans le jardin. Le « prie-Dieu de l’ermite » de la vallée de Seifersdorf nous amène à la dernière catégorie de fabriques dans des décors mélancoliques : les ermitages.

33Les ermitages étaient déjà connus comme lieux de contrastes conçus de manière raffinée dans les jardins des châteaux de la Renaissance et du baroque, notamment en Italie et en France. Mais au XVIIIe siècle, dans la mouvance de l’étude des effets esthétiques, ces lieux de solitude et de retrait du monde devaient eux aussi renforcer l’effet des « territoires calmes et mélancoliques », par leur caractère spécifique de simplicité, de pauvreté et d’abandon aux ruines.

Ermitage

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Ermitage, tiré de Grohmanns Ideenmagazin, Heft 4 (1796), Table. VII (extrait)

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34Ils ne devaient montrer « aucun artifice, encore moins un semblant de magnificence » ; tout devait avoir un aspect évoquant « simplicité, pauvreté, délaissement » : des toits en paille, des murs en argile, en pierre brute, en planches, en branches, à base de colombages, avec des traces de destruction, des racines, de la mousse, « au-dessus de la porte une clochette annonçant l’heure de la prière » sont les outils de conception44 qui restèrent en vogue jusqu’à la hutte de Gurnemanz, faite d’après l’opéra Parsifal de Wagner pour le Roi Louis II de Bavière au château de Linderhof en 187745.

35Au regard de la rapide diffusion de modèles pour l’aménagement d’un locus melancholicus, Hirschfeld déplore dès 1783 que ces décors « perdent de leur effet par l’imitation répétée » de ce modèle et craint « un affaiblissement de leur effet46 ». En effet, il y eut dès les années 1770 – c’est-à-dire en même temps que l’élaboration des codes propres à un locus melancholicus – des aspirations à toujours accroître la charge émotionnelle des jardins, en allant presque jusqu’au grotesque. C’est l’architecte Sir William Chambers qui, avec sa Dissertation on oriental gardening (parution en anglais et en français en 1772, en allemand en 1775), va au-delà des décors mélancoliques habituels47 et plaide pour des scenes of terror qui mettent tous les sens en éveil et qu’on rencontrait prétendument en Chine :

Les tableaux du genre terrible sont composés de sombres forêts, de vallées profondes inaccessibles aux rayons du soleil, de rochers arides, près de s’écrouler, de noires cavernes de cataractes impétueuses qui se précipitent de toutes les parties des montagnes. Les arbres ont une forme hideuse, on les a forcés de quitter leur direction naturelle _ ils paraissent déchirés par l’effort des tempêtes […]. Les bâtiments sont en ruines, ou à demi-consumés par le feu […]. Les chauvesouris, les vautours _ tous les oiseaux de rapine voltigent dans les halliers ; les loups, les tigres les jakals hurlent dans les forêts, des animaux affamés sont errans dans les plaines. Du milieu des routes on voit des gibets, des croix, des roues et tout l’appareil de la torture […] De tems en tems on (le voyageur) surprend par des secousses répétées de l’impulsion électrique, par des ondées de pluie artificielle […] des explosions de feu […] [S]es oreilles sont frappées successivement de sons différens […] ressemblent aux cris des malheureux dans les angoisses de la torture […]48.

36Même si de tels décors extrêmes étaient à peine réalisables, beaucoup de jardins dans les années 1780 et 1790 montrent cependant, sous l’influence de William Chambers, une mise en scène allant jusqu’à l’épouvante, souvent en lien avec les « parcours initiatiques » maçonniques49 : c’est ainsi que dans les ermitages de Louisenlund près de Eckernförde ou d’Arlesheim près de Bâle par exemple, les visiteurs étaient effrayés par la présence d’automates d’ermites réalistes50. Dans le donjon de Laxenburg près de Vienne l’automate d’un chevalier templier fait prisonnier faisait trembler ses chaînes et gémissait dès que la grille était ouverte51. Dans le parc de Christiansen à Flensburg, notre groupe de recherche a trouvé en 1993 un authentique sarcophage à momie phénicien servant de mobilier à une effroyable grotte de jardin52.

Grotte à la momie dans le parc Christiansen / Flensburg

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Grotte à la momie dans le parc de Christiansen / Flensburg

Institut für Kunstwissenschaft TU Berlin

37L’idée de Chambers d’aménager des cavernes avec des dragons cracheurs de feu fut réalisée à l’ermitage d’Arlesheim. Sa proposition de construire des volcans artificiels à l’aide d’effets pyrotechniques fut exécutée dans le dénommé « Stein », une reproduction miniature du Vésuve à Wörlitz. Les thèses de Chambers déclenchèrent parmi les théoriciens du jardin un débat houleux, auquel participa également Hirschfeld, critiquant ce spectacle qu’il jugeait incompatible avec l’art du jardin :

Le caractère de la douce mélancolie perd son effet dès qu’on l’outre au point de le porter jusqu’à la terreur où à l’épouvante, _ ces sortes d’émotions ne sont nullement convenables à la destination des jardins53.

38J’en viens à ma conclusion : déjà dans son essai On modern Gardening (1771), Horace Walpole trouvait absurde de dédier une partie de son jardin à la mélancolie : « But the ornament whose merit soonest fades, is the hermitage or scene of contemplation. It is almost comic to set aside a quarter of one´s garden to be melancholy in54 ». Et le poète William Beckford, baron de Fonthill Abbey dans le Wiltshire, ironisait à raison sur le décor mélancolique dans sa satire Modern novel writing, or the elegant Enthusiast en 1796 :

Aux abords de cette grotte, on s’était toujours strictement interdit de faire pousser des fleurs bigarrées ou criardes ; cette partie du jardin était en effet consacrée aux lis et aux violettes […]. C’était là, étendu sur un parterre de mousse, que feu Lord Mahogany aimait à passer les heures du jour où la chaleur se faisait la plus étouffante. C’était là aussi que le nouveau et digne propriétaire du domaine, Lord Charles Oakley, s’accordait parfois quelques plaisirs. […] C’était là qu’il parvenait à réprimer un soupir naissant, à interrompre le flot de ses larmes […] ; c’était là que, souvent, il se laissait aller au réconfort d’une pipe, tandis que la douce lueur de la lune se lovait, toute joueuse, sur le torse nacré des eaux alentours55.

39Au cours du XIXe siècle, le jardin paysager comme laboratoire des émotions fut soumis à de nouvelles finalités et de nouveaux modes de réception. Les décors obsolètes de la « douce » ou « chère mélancolie » rencontrèrent toujours un écho dans les formules iconographiques du romantisme et du symbolisme, mais furent de plus en plus remplacés dans la littérature et les arts picturaux par les visions de l’épouvante sublime et de la « noire mélancolie » dépressive, qui apparaît déjà dans l’allégorie satirique Tail Piece de William Hogarth, évoquant la fin du monde et de l’art (1764).

William Hogarth : Tailpiece (1764)

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William Hogarth : Tailpiece (1764),

Institut für Kunstwissenschaft und Historische Urbanistik TU Berlin

40Traduction de l’allemand par Anne-Marie Pailhès

Notes

1  Michel Foucault, « Des espaces autres », in Dits et écrits, II, 1976-1988, Gallimard, 2001, p. 1571-1581, ici p. 1574-1575.

2  On ne peut ici retracer leur évolution qui va de Joseph Addison (1712) à David Hume (1739) et Edmund Burke (1757) jusqu’à Henry Home (1762) et Thomas Whately (1763). Voir par exemple Harald Tausch, Locke, Addison, Hume und die Imagination des Gartens, p. 23-43 et Michael Gamper, Zwischen allegorischer Entzifferung und Schwärmerei. Imagination und Bedeutungsproduktion im deutschen Gartendiskurs des 18. Jahrhunderts, p. 45-70, in Günter Oesterle / Harald Tausch (dir.), Der imaginierte Garten, Göttingen, Vandenhoeck _ Ruprecht, 2001.

3  Mélancolie : génie et folie en Occident : en hommage à Raymond Klibansky, 1905-2005 : [exposition] Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 10 octobre 2005-16 janvier 2006 ; Neue Nationalgalerie, Berlin, 17 février-7 mai 2006 [organisée par la Réunion des musées nationaux et les Staatliche Museen zu Berlin].

4  Ce sujet est en général abordé de façon périphérique dans les études sur le jardin paysager. Cf. Günter Hartmann, Die Ruine im Landschaftsgarten : ihre Bedeutung für den frühen Historismus und die Landschaftsmalerei der Romantik, Worms, Werner’sche Verlagsgesellschaft, 1981 ; Richard A. Etlin, « Death in the Garden » (chap. 5), in Richard A. Etlin, The Architecture of Death. The Transformation of the Cemetery in Eighteenth-Century Paris, Cambridge (Massachussets) et Londres, MIT Press, 1984, p. 199-228 ; sur quelques scènes mélancoliques au jardin dans les environs de Vienne voir Géza Hajós, Romantische Gärten der Aufklärung. Englische Landschaftskultur des 18. Jahrhunderts in und um Wien, Vienne/Cologne, Böhlau, 1989, p. 91-98.

5  Wilhelm Gottlieb Becker, Das Seifersdorfer Thal (avec des illustrations de Darnstedt), Leipzig, Voß _ Leo, 1792, p. 88 sq. http://digital.ub.uni-duesseldorf.de/urn/urn:nbn:de:hbz:061:1-21629 (consulté le 12 juin 2019).

6  Ich saz ûf eime steine,
und dahte bein mit beine;
dar ûf satzt ich den ellenbogen;
ich hete in mîne hant gesmogen
daz kinne und ein mîn wange.

7  Erwin Panofsky, The Life and Art of Albrecht Dürer (1943/1955), 4e édition, Princeton, Univ. Pr., 1955, p. 157-171.

8  Isaac Oliver, Lord Herbert (1614 environ), Powis Castle / Wales (National Trust).

9  Gravure de Johann Daniel Schubert, 1796 : « Leibniz choisit entre l’ancienne et la nouvelle philosophie » reproduit dans Horst Bredekamp, Leibniz und die Revolution der Gartenkunst. Herrenhausen, Versailles und die Revolution der Blätter, Berlin, Wagenbach, 2012, p. 40.

10  Januarius Zick, Rousseau bei der Lösung der Preisaufgabe (1757), Museum zu Allerheiligen Schaffhausen.

11  Anthony Ashley Cooper, 3rd Earl of Shaftesbury, The Moralists (1709), in John Dixon Hunt / Peter Willis (dir.), The Genius of the Place – The English Landscape Garden 1620-1820, New York, San Francisco, Londres, Harper _ Row, 1975, p. 121-123.

12  Dictionnaire universel françois et latin vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux, nouvelle édition, Paris 1771, vol. 5, p. 911, cité d’après le catalogue de l’exposition. Melancholie – génie et folie en Occident, sous la dir. de Jean Clair, Gallimard, Réunion des musées nationaux, 2005, p. 274.

13  Renate Krüger, Das Zeitalter der Empfindsamkeit: Kunst und Kultur des späten 18. Jahrhunderts in Deutschland, Leipzig, Koehler _ Amelang, 1972.

14  Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Théorie de l’Art des Jardins (Traduit de l’allemand par Frédéric de Castillon), vol I., Leipzig, 1779, p. 243 sq. La graphie originale a été conservée pour l’ensemble des citations tirées de cette édition.

15  Cf. Ronald Paulson, Emblem and Expression – Meaning in English Art of the Eighteenth Century, Londres, Thames _ Hudson, 1975.

16  Adrian von Buttlar, « Das Grab im Garten – Zur naturreligiösen Deutung eines arkadischen Gartenmotivs », in Heinke Wunderlich (dir.), Gärten und Landschaften im 18. Jahrhundert, Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 1995, p. 79-119, ici p. 104 ; Ewald Hirsch, « Hortus oeconomicus : Nutzen Schönheit, Bildung. Das Dessau-Wörlitzer Gartenreich als Landschaftsgestaltung der europäischen Aufklärung », ibid., p. 179-207, Ill. 14, p. 205 ; Rudolf Sühnel, Der englische Landschaftsgarten in Wörlitz als Gesamtkunstwerk der Aufklärung – Fünf historische Rundgänge, in catalogue de l’exposition. Weltbild Wörlitz – Entwurf einer Kulturlandschaft, dir. par Frank-Andreas Bechthold / Thomas Weiss, Staatliche Schlösser und Gärten Wörlitz Oranienbaum Luisium, DAM Frankfurt am Main / Ostfildern-Ruit, 1996, p. 74. Sur les funérailles et les monuments funéraires, voir aussi Anette Dorgerloh, Strategien des Überdauerns – Das Grab- und Erinnerungsmal im frühen deutschen Landschaftsgarten, Düsseldorf, Grupello, 2012 ; Sascha Winter, « "Gerne gebe ich meinen Lebensodem der wohltätigen Natur zurück". Bestattungsformen, Begräbnisriten und Grabkulte in Gärten und Parks des 18. Jahrhunderts », in Stefan Schweizer (dir.), Gärten und Parks als Lebens- und Erlebnisraum. Funktions- und nutzungsgeschichtliche Aspekte der Gartenkunst in Früher Neuzeit und Moderne, Worms, Werner, 2008, p. 125-136.

17  Thomas Whately, L’Art de former les Jardins modernes ou l´Art des Jardins Anglais, Paris, Charles-Antoine Jombert père, 1771, p. 201.

18  Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Théorie de l’Art des Jardins, vol. II, Leipzig, Weidmanns Erben und Reich, 1780, p. 58. La graphie originale a été conservée pour l’ensemble des citations tirées de cette édition.

19 Id., La Théorie de l’Art des Jardins, op. cit., vol. II, 1780, p. 74.

20  Ibid., vol. IV, 1783, p. 96.

21  Ibid., p. 97.

22  Johann Gottfried Grohmann, Ideenmagazin für Liebhaber von Gärten, Englischen Anlagen und für Besitzer von Landgütern […], Leipzig, allemand et français, cahier 5 (1796), tableau VII. http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/ideenmagazin1_6/0091/image (consulté le 14 juin 2019)

23  Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Théorie de l’Art des Jardins, op. cit., vol. III, 1780, p. 164.

24  Goethe à Lavater, 3/5 décembre 1779, in Johann Wolfgang von Goethe, Gedenkausgabe der Werke, Briefe und Gespräche, éd. par Ernst Beutler, vol.18, Zurich, 1965, p. 467 sq.

25  Barbara Werner, Ermenonville and Arkadia – an example of the transfer of motifs for garden monuments, in Monumente im Garten – der Garten als Monument – Internationales Symposium, 31.März bis 2. April 2011, Schloss Schwetzingen, édité par Regierungspräsidium Stuttgart – Landesamt für Denkmalpflege, Stuttgart, 2012, p. 173-184, ici p. 180 sq.

26  Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Théorie de l’Art des Jardins, op. cit., vol. V, p. 261 sq.

27  Sibylle Hoiman, « Le culte des grands hommes dans les jardins paysagers : le tombeau de Jean-Jacques Rousseau sur l´île des Peupliers à Ermenonville », in Thomas W. Gaehtgens / Gregor Wedekind (dir.), Le culte des grands hommes, 1750-1850, Centre allemand d’histoire de l’art, Passages, vol. 16, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2010, p. 173-193.

28  Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Théorie de l’Art des Jardins, op. cit., vol. III, 1780, p. 164.

29  Cf. Angela Landgrebe, Künstler-Nekropole Kassel, Kassel, euregioverlag, 2004.

30  Géza Hajós, Romantische Gärten der Aufklärung, op. cit., tableaux XI, XII.

31  Wilhelm Gottlieb Becker, Das Seifersdorfer Tal, op. cit., p. 161.

32  Ibid., p. 72 (Prinz Leopold von Braunschweig) ; Voir aussi Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Théorie de l’Art des Jardins, op. cit., vol. III, 1780, tableau V et p. 149 (Hagedorn).

33  Louis Carmontelle, Jardin de Monceau, près de Paris, appartenant à Son Altesse Sérénissime Monseigneur Le Duc de Chartres, Paris, 1779, p. 10. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1066592n/f16.item.r=Carmontelle.zoom (consulté le 13 juin 2019).

34  Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Théorie de l’Art des Jardins, op. cit., vol. V, 1785, p. 117-119.

35  Id., La Théorie de l’Art des Jardins, op. cit., vol.. II, 1780, p. 58 sq.

36  Wolfgang Kehn (dir.), Der Schlossgarten zu Lütetsburg, tirage spécial dans : Die Gartenkunst I/1998, p. 18 sq.

37  Adrian von Buttlar, « Der Garten als Bild – Das Bild des Gartens. Zum Englischen Garten in München », in Armin Zweite (dir.), catalogue de l’exposition, Münchner Landschaftsmalerei 1800-1850, Städtische Galerie im Lenbachhaus, Munich, 1979, p. 160-172, p. 168 sq.

38  Géza Hajós, Romantische Gärten der Aufklärung, op. cit., tableau XIIIb.

39  Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Théorie de l’Art des Jardins, op. cit., vol. IV, 1783, p. 100.

40  Cf. Günter Hartmann, Die Ruine im Landschaftsgarten : ihre Bedeutung für den frühen Historismus und die Landschaftsmalerei der Romantik, Grüne Reihe. Quellen und Forschungen zur Gartenkunst 3, Worms, Wernersche Verlagsgesellschaft, 1981.

41  Henry Home (Lord Kames), Elements of Criticism (1762), vol. II., Dublin, 1772, p. 285. https://archive.org/stream/elementsofcritic02inkame#page/n5/mode/1up (consulté le 13 juin 2019). Cette considération reprend Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Théorie de l’Art des Jardins, op. cit., vol. III, 1780, p. 114.

42  Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Théorie de l’Art des Jardins, op. cit., vol. III, 1780, p. 123.

43  Wilhelm Gottlieb Becker, Das Seifersdorfer Tal, op. cit., p. 82.

44  Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Theorie, op. cit., vol. III, 1780. p. 96-108.

45  Cf. Einsiedelei des Gurnemanz [https://de.wikipedia.org/wiki/Einsiedelei_des_Gurnemanz]

46  Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Théorie de l’Art des Jardins, op. cit., vol. IV, 1782, p. 85.

47  William Chambers, A Dissertation on oriental Gardening, Farnborough, Gregg, 1772, p. 34 sq.

48  Id., Dissertation sur le Jardinage de l´Orient par Mr de Chambers, Londres, 1772, p. 30-34. La graphie originale a été conservée pour l’ensemble des citations tirées de cette édition.

49  Cf. Berit Ruge, Von der Finsternis zum Licht – Inszenierte Erkenntnisreisen in Gärten des Gold- und Rosenkreuzers Friedrich Wilhelm II, Grüne Reihe. Quellen und Forschungen zur Gartenkunst 32, Worms, 2013.

50  Cf. Adrian von Buttlar / Margita Marion Meyer (dir.), Historische Gärten in Schleswig-Holstein, Heide, Boyens Buchverlag, 1996, p. 410-425 ; Vanja Hug, Die Eremitage in Arlesheim. Ein Englisch-Chinesischer Landschaftsgarten der Spätaufklärung, Grüne Reihe. Quellen und Forschungen zur Gartenkunst 27, 2 volumes, Worms, Wernersche Verlagsgesellschaft, 2008.

51  Cf. Günter Hartmann, Die Ruine im Landschaftsgartenop. cit., p. 311; Geza Hajós, Romantische Gärten der Aufklärung, op. cit., p. 56 sq. avec ill.

52  Thomas Messerschmidt, Christiansenpark und Alter Friedhof in Flensburg: Bürgerliche Gartenkunst und kommunale Friedhofskultur im frühen 19. Jahrhundert, Flensburg, Schriften der Gesellschaft für Flensburger Stadtgeschichte e.V., n° 50, 1997.

53  Christian Cay Laurenz Hirschfeld, La Théorie de l’Art des Jardins, op. cit., vol. IV, 1783, p. 101.

54  Horace Walpole, On modern gardening (1770), in Horace Walpole, Anecdotes of painting, 3e édition, Londres, 1786, p. 247-316, p. 305.

55  « Round this cave no gaudy flowers were ever permitted to bloom; this spot was sacred to pale lilies and violets. […] Here stretched supinely on a bed of moss, the late Lord Mahogany would frequently pass the sultry hours of the day, and here its present worthy possessor Lord Charles Oakley would sometimes also indulge himself. […]. Here he […] stiffled the rising sigh, stopped the flowing tear and […] would oftentimes smoke a comfortable pipe, when the soft radiance of the moon played upon the pearly bosom of the adjacent waters. » In Modern Novel Writing, or the Elegant Enthusiast […] by the Right Honorable Lady Harriet Marlow [William Beckford], Londres, G. G. and J. Robinson, 1796, Vol. II, p. 69-72. https://books.google.de/books?id=mg8UAAAAQAAJ_printsec=frontcover_hl=de_source=gbs_ge_summary_r_cad=0#v=onepage_q_f=false (consulté le 13 juin 2019).

Pour citer ce document

Adrian von Buttlar , «Scènes de deuil et de mélancolie dans le jardin paysager», Histoire culturelle de l'Europe [En ligne], Prochains numéros, Jardin et mélancolie en Europe entre le XVIIIe siècle et l’époque contemporaine, Jardin et thérapie : sens, sensations, émotions,mis à jour le : 17/12/2019,URL : http://www.unicaen.fr/mrsh/hce/index.php?id=1609

Quelques mots à propos de : Adrian von Buttlar

Professeur émérite.

Entre 1968 et 1976, études d’histoire de l’art, d’archéologie et de sociologie à Munich et Londres, thèse de doctorat en 1977, thèse d’habilitation en 1984. De 1985 à 2001, chaire à la Christian-Albrechts-Universität de Kiel ; de 2001 à 2013, chaire d’histoire de l’art à l’Institut des sciences de l’art et de l’urbanisme historique (« Institut für Kunstwissenschaft und Historische Urbanistik ») de l’Université technique (TU) de Berlin. Nombreuses publications autour des axes suivants : histoire de l’architecture de l’époque moderne et contemporaine, protection du patrimoine et politique du patrimoine, histoire de l’art du jardin, dont sont issus les ouvrages suivants : Der Englische Landsitz 1715-1760 – Symbol eines liberalen Weltentwurfs (1982), Der Landschaftsgarten – Gartenkunst des Klassizismus und der Romantik (1989²), Historische Gärten in Schleswig-Holstein (dir. en collaboration avec M.M. Meyer, 1996), Tod, Glück und Ruhm in Sanssouci – Ein Führer durch die Gartenwelt Friedrichs des Großen (2012).