Préface : « La langue de l’Europe, c’est la traduction. »
Table des matières
La langue de l’Europe, c’est la traduction1.
1Comment comprendre l’aphorisme d’Umberto Eco ? Si cette déclaration envisage les cultures européennes sous l’égide mythique de la traduction, elle laisse paradoxalement en suspens la nécessité de s’attarder sur l’histoire de leurs langues et des échanges langagiers effectifs. Ce silence voilé de mystère semble, dans la pensée d’Umberto Eco, presque religieux – il suffit de se rappeler la préface du Nom de la Rose où le philosophe, philologue, traducteur et romancier italien prétend « conjecturer2 » sur les origines obscures d’un manuscrit médiéval qu’on lui aurait confié :
Le 16 août 1968, on me mit dans les mains un livre dû à la plume d’un certain abbé Vallet, Le Manuscrit de Dom Adso de Melk, traduit en français d’après l’édition de Dom J. Mabillon (aux Presses de l’Abbaye de la Source, Paris, 1842). Le livre […] affirmait qu’il reproduisait fidèlement un manuscrit du XIVe siècle, trouvé à son tour dans le monastère de Melk par le grand érudit du XVIIe […]. La docte trouvaille (la mienne, troisième dans le temps donc) me réjouissait tandis que je me trouvais à Prague dans l’attente d’une personne chère. Six jours après, les troupes soviétiques envahissaient la malheureuse ville.
2Le mystérieux manuscrit est égaré alors qu’Eco fuit précipitamment la cité tchèque, à l’heure où l’Europe est coupée en deux. Il poursuit : ayant retrouvé miraculeusement le document sous un titre latin cette fois, Venera analecta, il constate que le manuscrit d’Adso en a hélas été supprimé. Puis Eco affirme avoir déniché quelques années plus tard, à Buenos Aires, un opuscule de Milo Temesvar apparemment sans rapport, De l'utilisation des miroirs dans le jeu d'échecs, rédigé dans une autre langue du Vieux Continent, une de celles qui furent implantées dans le Nouveau Monde. Mais le castillan est lui-même traduit du géorgien et contient des passages du manuscrit d’Adso eux-mêmes issus d’un ouvrage de l’encyclopédiste jésuite Athanasius Kircher. Cette fois, la langue de la source n’est plus le français ou le latin, mais l’allemand. Eco résume alors – non sans malice quant aux fins métanarratives de sa préface, qui vise sans doute plus à la fictionnalisation qu’à l’authenticité3 :
Tout bien réfléchi, elles étaient plutôt minces, les raisons qui pouvaient me porter à faire imprimer ma version italienne d’une obscure version néo-gothique française d’une édition latine du XVIIe siècle d’un ouvrage écrit en latin par un moine allemand vers la fin du XIVe siècle4.
3La préface du Nom de la Rose concentre l’imaginaire d’une Europe plurilingue qui, au moins depuis le Moyen Âge, se déploie autour de la question du sacré dont seraient exclus les profanes, cantonnés à la pratique des langues vernaculaires et éloignés d’un certain savoir religieux, savant et littéraire. C’est bien cette idée d’une culture religieuse commune, où se mélangent les langues de l’Europe, que semblent incarner les moines copistes nés de la plume d’Umberto Eco, habitués, comme l’auteur, à naviguer avec érudition entre langues sacrées (latin, et dans une moindre mesure grec et hébreu), langue véhiculaire des différents latins médiévaux et un ou plusieurs idiomes vernaculaires, relevant rarement, pour ces derniers, du domaine de l’écrit.
4Grâce à ses personnages de moines copistes, Umberto Eco associe habilement son propre savoir de chercheur à une invitation au voyage dans le temps et entre les langues. À quelle période remonte l’image de cette Europe, dont la culture s’articulerait avec force autour des champs du religieux et du langagier, telle qu’Umberto Eco la représente dans son roman ? L’historiographie européenne ayant longtemps été frileuse à l’égard du linguistic turn5, l’écriture d’une histoire culturelle de cette Europe-là a, semble-t-il, été largement laissée en suspens : Peter Burke a ainsi appelé plusieurs fois à travailler sur ce thème6. L’Europe médiévale telle que l’imagine Eco perdure-t-elle au-delà du long Moyen Âge, avec l’avènement des États-nations ? Ce quatrième numéro d’Histoire Culturelle de l’Europe propose non seulement de prolonger les interrogations autour d’une histoire de l’Europe des langues et des religions d’une part dans le temps – du Moyen Âge jusqu’à nos jours –, mais aussi dans une perspective heuristique : il s’agit en effet de penser ensemble le religieux et le langagier.
5Les langues de l’Europe seraient-elles des entités fédératrices d’une identité propre dans la possibilité même de leur traduction ? Les religions organisées, dogmes, courants religieux et réformes de l’Europe sont et ont été nombreux ; les guerres – plus particulièrement celles de religion – ont quant à elles pu relever d’une véritable « sacralisation » comme le rappelle Emmanuelle Loyer dans sa Brève histoire culturelle de l’Europe7. Le langagier, la multiplicité des langues et le religieux : nulle histoire culturelle ne peut faire l’économie de ces éléments fondateurs pour les cultures d’Europe, celle que le politique a voulu fédérer autour d’États-nations depuis le XIXe siècle, comme l’ont montré et illustré les travaux de Louis-Jean Calvet8. Que sont les langues de l’Europe à travers son histoire ? Des systèmes de signes dépositaires d’une culture, d’un peuple, parfois aussi d’une religion organisée – tous ces éléments dont les États-nations décrètent l’unicité puis l’unité en se constituant au XIXe siècle. C’est cette superposition dont nombre d’entre eux ambitionnent l’export et l’implantation à distance du Vieux Continent, par et dans leurs Empires coloniaux ; c’est aussi cette dynamique et cette problématique qu’il faut interroger dans une perspective postcoloniale, comme nous y encourage Edward Said dans son autobiographie9 ou dans un essai sur Freud et le freudisme au-delà du Vieux Continent10, puisque l’inventeur de la psychanalyse est, selon Said, le cas paradigmatique de l’ignorance et du désintérêt du milieu académique européen quant aux modes et enjeux de l’implantation de l’Europe dans le reste du monde.
6Le sujet de ce nouveau numéro de la revue Histoire Culturelle de l’Europe s’inscrit donc pour deux raisons dans la continuité épistémologique de l’histoire culturelle telle qu’elle est envisagée en France. Premièrement en ce qui concerne les langues : Jean-François Sirinelli et Jean-Pierre Rioux avaient, dans leur Histoire culturelle de la France, déjà identifié la question des langues comme un des phénomènes constitutifs de leur objet d’étude11. Deuxièmement en ce qui touche au religieux : les religions – en particulier celles dites du Livre – d’une part, le fait et le sentiment religieux d’autre part, comptent eux-mêmes parmi les phénomènes identifiés très tôt comme fondant l’histoire culturelle d’un territoire, et ayant même tendance à être surreprésentés lorsqu’émerge ce que Peter Burke identifie comme les premières formes de cultural history12. Il est donc surprenant qu’une quinzaine d’années après l’émergence dans l’historiographie de l’idée d’une histoire culturelle, les langues aient somme toute peu été traitées du point de vue des religions, et encore moins dans une perspective transculturelle ou comparatiste.
7Les langues dites naturelles sont des phénomènes culturels dès qu’une autorité cherche « la codification et la promotion d’une seule langue » ce qui correspond à « l’imposition d’un univers déterminé de normes et de valeurs13 » ; chercher à retracer leur place dans l’histoire culturelle, c’est prendre conscience de la condition post-monolingue14 de l’humanité et se rappeler avec Erich Auerbach que « notre patrie philologique est la terre ; ce ne peut plus être la nation15 ». Gageons donc en ce sens que l’exploration des liens entre les religions et les langues représente un enrichissement historiographique. Les pratiques langagières au sein de populations européennes – ou extra-européennes et primo-arrivantes, voire installées depuis une ou deux générations en Europe – suivant des normes liturgiques et des obligations religieuses variées restent relativement peu explorées. C’est en tant que phénomènes culturels en effet que les langues permettent d’articuler des abstractions quant à l’identité, à l’histoire des mentalités, aux représentations des langues d’une part, à des situations linguistiques concrètes relevant des aléas de l’histoire et des ancrages géographiques d’autre part.
8Chacun des articles qui suivent travaille donc cette question des langues et des religions pour continuer à écrire l'histoire culturelle du continent européen et des aires linguistiques et religieuses que son passé a engendrées. Les contributions s’inscrivent dans un double héritage disciplinaire. D’abord en ce que l’histoire culturelle se situe dans la lignée de l’histoire des mentalités ; dans la mesure ensuite où elle peut bénéficier des apports de l’anthropologie linguistique.
9Les articles qui suivent permettent de dégager de nouvelles perspectives sur la question du passage de l’individuel au collectif, clé de voûte, nous semble-t-il, de l’histoire culturelle. En effet, les auteurs réunis dans le présent numéro illustrent par leurs travaux l’intersection de parcours politiques étatiques et individuels, les réflexions sur les langues y reflétant différents rapports à la religion, à la liturgie et au religieux. Par contraste, ils se font aussi l’écho de différents mouvements culturels qui traversent l’Europe – et de leurs représentations. Le choix d’une langue spécifique, le changement de langue qu’opère un individu sont aussi l’expression « du passage et de la traduction entre les cultures16 », c’est-à-dire des transferts culturels entre différentes aires, communautés et traditions linguistiques, religieuses, culturelles. Les mouvements d’allers et retours entre des langues dans des trajectoires individuelles et collectives sont le miroir d’évolutions politiques et de la circulation des idées.
10Penser ensemble les langues et les religions dans l’histoire de l’Europe, c’est aussi penser l’avenir du continent et de l’ethos politique de l’Union européenne. Même s’il ne saurait être question de placer la question de l’identité européenne dans une alternative stricte entre appartenance religieuse et appartenance linguistique, on se souvient du rapport portant sur le multilinguisme et remis en 2008 à la Commission européenne. Intitulé « A Rewarding Challenge. How the Multiplicity of Languages Could Strengthen Europe », son comité de rédaction a été dirigé par Amin Maalouf, auteur franco-libanais résidant à Paris. Chrétien du Liban, A. Maalouf est issu d’un contexte glossopolitique complexe (arabe, français, anglais) et a vécu la guerre du Liban dans un contexte de tensions religieuses et identitaires exacerbées.
Excessive assertion of identity often stems from a feeling of guilt in relation to one’s culture of origin, a guilt which is sometimes expressed by exacerbated religion-based reactions. To describe it differently, the immigrant or a person whose origins lie in immigration and is able to speak his mother tongue and would be able to teach it to his children, knowing that his language and culture of origin are respected in the host society, would have less need to assuage his thirst for identity in another way17.
11Le rapport se veut optimiste quant au choix d’une identité plurilingue comme inscription du sujet allophone et de ses descendants dans le pays d’accueil. Partant, la question du sentiment religieux et des éventuels conflits en résultant trouverait une résolution langagière positive et féconde sur le plan culturel, individuel et collectif.
12Les articles de ce numéro sont regroupés selon une progression chronologique, dans l’optique de souligner la pertinence heuristique d’une approche articulant le religieux et le langagier (voire les champs de la linguistique historique et aréale) pour l’écriture d’une histoire culturelle.
1. Langues vernaculaires et langue liturgique au long Moyen Âge (XIVe-XVIIIe siècles)
13Une première étape correspond à une longue période médiévale européenne, au sens où Le Goff entend le « long Moyen Âge18 » : jusqu’au XVIIIe siècle, la tendance est à l’emploi croissant des langues vernaculaires dans la liturgie chrétienne, avant tout dans la moitié nord de l’Europe, au rythme des réformes et de l’essor du protestantisme. Après l’analyse d’un sujet touchant au monde catholique (la péninsule italienne aux XIIIe et XIVe siècles) sont traités trois cas de langues souvent ignorées dans l’histoire de la Réforme et de ses conséquences linguistiques et liturgiques : le roumain, le tchèque et le norvégien.
14La contribution de François Wallerich nous conduit dans la péninsule italienne à l’orée du XIVe siècle et compare la production homilétique de deux frères prêcheurs dominicains, Aldobrandino de Toscanella et Jourdain de Pise. Les sermons du second nous sont parvenus sous forme de reportationes (notes prises par les auditeurs au moment de l’homélie) en langue vulgaire. Les prédications d’Aldobrandino, en latin, sont rassemblées par l’auteur sous forme de recueils de sermons devant servir de modèles. À travers l’étude attentive des textes, l’article analyse les choix de langues opérés par chacun des deux prêcheurs, en fonction de leur public respectif. Mathieu Mokhtari réfléchit lui aussi aux modalités de diffusion des contenus dogmatiques. Étudiant l’élan traductif en Roumanie à partir du XVIe siècle sous l’influence des idées de la Réforme, il montre le rôle de la traduction des écrits religieux du slavon d’Église vers le roumain dans le développement de la langue littéraire roumaine ancienne aux XVIe et XVIIe siècles. Le religieux influence ainsi très concrètement l’unification des différents dialectes et l’élaboration d’une norme langagière permettant à tous les Roumains de comprendre les textes sacrés, quelle que soit leur région d’origine.
15Daniel Larangé s’intéresse également à la question des dogmes religieux en regard d’une langue. Il explore l’influence exercée par l’Unité des Frères sur la constitution des cultures d’Europe centrale par et grâce au travail de la langue tchèque, par la collecte et l’organisation des archives, par la rédaction de chroniques et d’histoires collectives. Se dessine une relation singulière à un christianisme populaire. Elle poursuit une ambition culturelle slave, dans un monde catholique et germanique, et réclame l’héritage spirituelle de Jan Hus en œuvrant à la réforme de l’humanité. La théologie de ce dernier s’articule autour du concept de la cultura, qui suppose une bonne intelligence du culte : l’Écriture et sa propagation deviennent une préoccupation centrale des communautés qui acquièrent des presses pour diffuser des commentaires exégétiques et des œuvres à caractère scientifique. La lecture devient alors une ascèse indispensable au maintien de l’âme. Alexandre Chollet analyse pour sa part la production de textes religieux chrétiens rédigés en vieux norvégien initiée dans la deuxième moitié du XIe siècle et s’interroge dans cette optique sur l’absence de traduction complète en norvégien des Ancien et Nouveau Testaments avant 1904. Revenant sur l’extinction progressive de la tradition scripturale en langue vernaculaire en Norvège au Moyen Âge tardif, l’auteur montre comment c’est le danois qui a supplanté le norvégien dès la fin du XIVe siècle. L’article propose une synthèse analytique de travaux académiques norvégiens, précieuse car inédite en français, de deux éléments d’histoire culturelle et d’histoire des religions : la domination culturelle du royaume du Danemark – auquel la Norvège s’est trouvée de facto liée de 1380 à 1814 – d’une part, d’autre part la position inédite du norvégien peu usité dans le champ religieux en regard de l’emploi croissant des langues vernaculaires dans la liturgie chrétienne d’une partie de l’Europe nouvellement protestante au Moyen Âge.
2. Langue, religion, identités nationales aux XIXe et XXe siècles
16La deuxième période correspond à l’âge d’or des États-nations autour de problématiques inédites. Au cours du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle se pose la question des frontières de l’Europe, et non seulement des frontières des nations qui la composent. Cette interrogation ouvre sur des perspectives fécondes pour les études culturelles mais aussi pour l’historiographie, la linguistique et les études du religieux. Quels sont les liens entre langues et interactions religieuses à l’époque où émerge la volonté politique de faire coïncider peuple, langue, culture et nation ? Cette unification culturelle se fait notamment « sous la pression du super État napoléonien19 » qui provoque l’émergence, dans les champs culturels (littéraires, éditoriaux, académiques), de l'idée même des « littératures nationales » au moment du « réveil des nationalités20 », bouleversant ainsi les approches philologiques en vigueur jusqu’alors. Si la question de nouvelles frontières culturelles est interne au continent européen, qu’en est-il du reste du monde à l’heure de la colonisation par les États-nations du Vieux Continent ? Les frontières de ce dernier sont-elles aussi langagières que culturelles et religieuses ? Qu’impliquent les pratiques linguistiques des missionnaires à cette période, déjà engagées depuis le Moyen Âge ? Les questions de l’identité religieuse se forment autour du national et de la question des peuples et des langues qu'ils parlent. La place des glottopolitiques dans l’Empire ottoman dès le début du XIXe siècle montre la longue postérité culturelle du schisme de 1054. En effet, la séparation entre Églises orientales et Rome a influencé les pratiques langagières de tout le continent. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les questions autour du choix d’une langue nationale juive sont le reflet de débats idéologiques sur le destin du peuple juif.
17L’Europe se déchire, provoquant la disparition du « monde d’hier21 » dont Stefan Zweig, viennois cosmopolite et plurilingue, pleurait en 1942 la disparition jusqu’à se suicider en exil dans le Nouveau Monde. Les articles de la deuxième période que nous identifions se concentrent précisément sur ce développement des identités religieuses et nationales. L’accent est d’abord placé sur l’identité juive en regard des langues juives, à travers deux études de cas : Émeline Durand s’intéresse au rôle de la langue hébraïque dans l'œuvre du philosophe Franz Rosenzweig (1886-1929) qui observe le phénomène de renaissance de l’hébreu. Au début du XXe siècle, la langue est au cœur des débats politiques sur le destin du peuple juif, le projet sioniste plaçant l’hébreu moderne comme langue nationale du futur État juif, contre les langues de l’exil – d’autres « langues juives » et les langues des nations où vivaient les juifs (comme l’allemand, dans le cas de Franz Rosenzweig) – tandis que les tenants de l’assimilation prônaient l’adoption des langues pratiquées dans les pays de l’exil. L’article examine aussi bien la réflexion philosophique de Franz Rosenzweig sur le destin historique du peuple juif à travers le statut de ses différentes langues, que son activité de traducteur de l’hébreu vers l’allemand dans laquelle se dessine une voie originale de dialogue entre les deux langues, au-delà de la dichotomie entre langue sacrée et langue vernaculaire, où la langue éternelle de la Bible est sans cesse réactualisée et nourrit les langues de la diaspora. À travers une étude philologique détaillée du proverbier d’I.S. Révah, constitué à Salonique en 1936, Sarah Gimenez étudie ensuite les liens entre langue judéo-espagnole et identité juive. Ce proverbier est un reflet de l’hybridité linguistique de la communauté des juifs de Salonique de l’entre-deux-guerres, caractérisée par une situation de diglossie entre langue liturgique utilisée (l’hébreu, utilisé à la synagogue), et langue vernaculaire (judéo-espagnol, employé quotidiennement dans la communauté), auxquelles s’ajoute, fait original, une troisième langue, intermédiaire, « langue-calque », le ladino, qui a un rôle didactique dans l’apprentissage de l’hébreu.
18Aleksi Moine nous reconduit dans le nord de l’Europe et contribue à l’historiographie de deux églises chrétiennes (luthérienne et orthodoxe) : son article étudie le cas de la paroisse d’Ilomantsi en Carélie (au nord-est de la Finlande) au XIXe siècle et au début du XXe siècle. La région se situe à la fois au croisement de plusieurs religions (l’Église luthérienne, l’orthodoxie) et au carrefour d’une grande variété de langues (finnois, carélien, suédois, russe, slavon d’Église). En confrontant les pratiques de poésie orale consacrée à l’Église aux représentations qu’en font les élites religieuses, politiques et culturelles et les paroissiens eux-mêmes, cette contribution montre quelles sont les implications politiques, sociales, culturelles plus larges de ce cas de figure a priori singulier au sein de la construction du sentiment national en Finlande. Les deux derniers articles traitant de cette deuxième période qui se dessine dans l'histoire religieuse et langagière de l’Europe dépassent les frontières du continent, dans une perspective coloniale puis universaliste, car espérantiste (un universel linguistique et, on l’ignore souvent, religieux).
19L’article de Regina Célia Pereira da Silva met en exergue la forte interaction linguistique qui se met en œuvre entre le portugais et la langue vernaculaire de Goa, en Inde. Cette rencontre linguistique, culturelle et religieuse se fait par rapprochement (accomodatio) par l’activité constante des missionnaires jésuites, venus propager la foi chrétienne à l’aube du XVIe siècle. Ainsi, la langue portugaise parlée à Goa au XIXe et XXe siècles a déjà largement intégré la langue autochtone, le konkani, tout en subissant, dans un mouvement de réciprocité, une adaptation phonologique au fil du temps. Est étudiée dans cette perspective l’œuvre du peintre Angelo da Fonseca, précurseur de l'art chrétien dans le style indien, qui, au XXe siècle, crée un « lexique artistique spécifique », imprégné de catégories religieuses occidentales tout en respectant la tradition artistique indienne. Cette absorption des langages culturels de l'ensemble du sous-continent indien par la langue portugaise et par l’art souligne là encore la richesse des interactions entre langues et religions pour l’histoire culturelle de l’Europe et de ses colonies, tous ces espaces étant en créolisation constante, pour reprendre le terme forgé par Édouard Glissant22. Brian Bennett prolonge la réflexion sur la diffusion d’une langue européenne, cette fois non pas naturelle mais artificielle, au-delà du continent. Sa contribution, la dernière de ce deuxième moment de notre chronologie, articule la question du religieux à celle de l’espéranto après la mort de Ludwik Lejzer Zamenhof, et bien au-delà du seul homaranisme auxquels se sont largement limitées les recherches sur l’histoire culturelle espérantiste.
3. Du fait religieux dans les langues de l’Europe au plurilinguisme comme religion de l’Europe ? (XXe-XXIe siècles)
20La dernière des trois périodes de notre chronologie des langues et des religions en Europe recouvre des aspects philologiques voire philosophiques, deux piliers de l’histoire culturelle selon Jean-François Rioux et Jean-Pierre Sirinelli23. Deux articles se penchent sur l’imaginaire religieux inhérent aux langues de l’Europe elles-mêmes, dans un siècle qui, on s’en souvient, devait être ou ne pas être religieux. Sont étudiées les représentations hybrides de la culture, des imaginaires religieux dans les langues européennes et leur transmission. Il est souvent rappelé que la religion a, étymologiquement du moins, l’ambition de relier entre eux les hommes24. « Il faut au moins deux langues pour savoir qu’on en parle une », selon le mot de Barbara Cassin25 : autrement dit, comprendre ce que l’on est, penser sa culture, croire en un récit collectif… ne peut se faire que dans la prise en compte de l’altérité multiple, celle que Michel Serres appelle « l’éventail multiplié des langues26 ». C’est à l’idée d’une foi en la langue, comprise comme idiome bien plus que comme langage, qu’aboutissent in fine les articles de ce numéro. Le plurilinguisme est soit envisagé comme fardeau potentiel de nouveaux dogmes langagiers qui seraient laïques mais quasiment religieux, soit comme atout dans la rencontre d’une langue de l’Europe chrétienne, encore imprégnée de phrasèmes religieux. Ces deux alternatives se répercutent sur les représentations culturelles, au sein d’un imaginaire à la fois religieux et langagier. Aïssa Messaoudi étudie dans une contribution les difficultés que peut poser l’enseignement des phraséologismes français à caractère religieux en classe de français langue étrangère en Asie, auprès d’apprenants chinois et coréens. L’étude croisée des représentations de l'amour de Dieu et de l’amour des langues, voire de l’amour de la langue comme un dieu n’est pas sans rappeler Jacques Derrida, qui dans le Monolinguisme de l’autre évoquait une “loi secrète” régissant les langues.
21Ces dernières seraient elles-mêmes marquées par un hermétisme quasi-religieux : c’est le sujet de la contribution de Louise Sampagnay dans un article consacré au multilinguisme comme religion : la langue pourrait-elle venir se substituer au religieux et procurer aux cultures européennes un sentiment d’appartenance partagé ? L’article réévalue l’imaginaire religieux de la multiplicité des langues par-delà le mythe biblique de Babel. Sont étudiées à titre d’exemple d’ambiguïté plurilingue les occurrences de la confusion volontaire des langues à travers l’histoire de l’aire germanophone, du terme de Sprachverwirrung dans la Bible de Luther jusqu’à l’oubli auquel a longtemps été condamné Sándor Ferenczi par Sigmund Freud et par Ernest Jones pour son emploi du terme dans Confusion de langue entre les adultes et l’enfant (1932). Un cas particulier est mobilisé dans l’article afin d’illustrer le propos : celui de l’autobiographie d’Elias Canetti, dont « l’histoire d’une vie » (Lebensgeschichte, 1977, 1980, 1985) nous semble cristalliser à elle seule un imaginaire plurilingue à travers l’histoire récente des cultures européennes.
Pour conclure
22Chercher à penser l’histoire culturelle de l’Europe en regard de la multiplicité des langues et des religions du continent, c’est aussi poser les fondements heuristiques d’une réflexivité quant à ce que pourrait être l’identité européenne à l’avenir, dont l’existence même est remise en question par la fragilité du sentiment d’appartenance européen au XXIe siècle27. L’élaboration commune d’une histoire culturelle partagée est-elle la condition de possibilité d’une réitération d’un vivre-ensemble véritable au-delà d’un multiculturalisme constaté mais loin de l’imaginaire de la créolisation décrit par Édouard Glissant28 ? L’idée même de vivre-ensemble paraît presque ironique aujourd’hui, tant les occurrences du terme dans des conceptions galvaudées d’une Europe multiculturelle ont été nombreuses. Le recentrement de l'histoire culturelle autour des langues et des religions, eux-mêmes fragiles piliers des identités collectives, pourrait-il éviter au politique de confondre volontairement le multilinguisme et le multiculturalisme ? C’est en tout cas la réflexion qu’a pu engager Pieter M. Judson en travaillant l’aire européenne plurilingue par excellence, l’empire des Habsbourg29 : un projet collectif commun pourrait constituer une religion laïque multilingue, à la condition que la multiplicité des langues soit envisagée comme objet transcendant capable de fonder l’imaginaire commun des habitants de l’Europe au-delà des seules aires culturelles nationales héritées des États-nations, des religions diverses et des langues divisant les hommes en communautés qui ne se rencontrent pas, s’évitent ou s’affrontent.
23On se situe-là à mille lieux d’un « État culturel » français étourdi de sa propre « religion moderne » que Marc Fumaroli, académicien, moquait dans son pamphlet provocateur en 199130. C’est sur cette idée d’une possible religion laïque et langagière, avec tous ses dangers et ses perspectives plus fécondes que se clôt ce numéro d’Histoire culturelle de l’Europe. Il ne saurait être question de verser dans la « doxa plurilingue » tancée par Hervé Adami et Virginie André31 ; mais bien plutôt de louer la parution prochaine d’un nouveau volet du dictionnaire des intraduisibles, préparé sous la direction, il y a plus de quinze ans, de Barbara Cassin32. Imaginant les perspectives que la poursuite de la réflexion sur les intraduisibles dira de l’articulation entre langue et religieux pour l’identité culturelle européenne multireligieuse et multilingue33, ce quatrième numéro de la revue Histoire culturelle de l’Europe s'inscrit donc résolument dans cette optique : penser ensemble les liens et passages entre le langagier et le religieux pour mieux écrire les traductions et les échanges des Européens, de leur mémoire, de leurs représentations, de leurs imaginaires.
Notes
1 Absente de la production écrite d’Umberto Eco, son origine est difficile à retracer. Selon Barbara Cassin s’appuyant sur Françoise Wuilmart, elle daterait de la conférence d’Eco lors des Assises de la traduction littéraire d’Arles (automne 1993) ou de la leçon inaugurale d’Eco au Collège de France un an plus tôt. Barbara Cassin, « La langue de l’Europe ? », Po_sie, vol. 160-161, n° 2-3, 2017, p. 154-159.
2 Umberto Eco, Le Nom de la rose, traduit de l’italien par Jean-Noël Schifano, Paris, éditions Grasset _ Fasquelle, 1982, p. 12.
3 Voir Franck Wagner, « Naissance, croissance et descendance des "livres-fantômes"», Fabula-LhT, n°13, « La Bibliothèque des textes fantômes », novembre 2014.
4 Umberto Eco, op.cit., p. 9-13.
5 Voir Philippe Poirrier, Les enjeux de l'histoire culturelle, Paris, Seuil, 2004, p. 118-121.
6 Voir notamment Peter Burke, Languages and Communities in Early Modern Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 160-172.
7 Emmanuelle Loyer, Une brève histoire culturelle de l’Europe, Paris, Flammarion, 2017, p. 111.
8 Voir notamment Louis-Jean Calvet, La guerre des langues et les politiques linguistiques, Paris, Hachette, 1999, p. 8-12.
9 Edward Said, Between Worlds. Reflections on Exile and Other Essays, Cambridge, MA, Harvard University Press, 2000, p. 178.
10 « Of course Freud was deeply gripped by what stands outside the limits of reason, convention, and, of course, consciousness: his whole work in that sense is about the Other, but always about an Other recognizable mainly to readers who are well acquainted with the classics of Graeco-Roman and Hebrew Antiquity and what was later to derive from them in the various modern European languages, literatures, sciences, religions and cultures with which he himself was well acquainted. » Edward Said, Freud and the Non-European, Londres, New York, Verso, 2003, p. 12.
11 Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire culturelle de la France, Paris, Seuil, 2004, p. 17-18.
12 Notamment lorsque le Suisse Jacob Burckhardt, au milieu du XIXe siècle, se penche sur la Renaissance en Italie. Voir Peter Burke, What is cultural history?, Cambridge, Polity, 2008, p. 6-17 et p. 103-104.
13 Emilio Sciarrino, Le plurilinguisme en littérature. Le cas italien, Paris, Archives Contemporaines, 2016, p. i.
14 Yasemin Yildiz, Beyond the Mother Tongue, The Postmonolingual Condition, New York, Fordham University Press, 2012.
15 Erich Auerbach, « Philologie de la littérature mondiale », traduit de l’allemand par Diane Meur, in Christophe Pradeau et Tiphaine Samoyault (dir.), Où est la littérature mondiale ?, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2005, p. 37.
16 Delphine Bechtel, La Renaissance culturelle juive. Europe centrale et orientale, 1897 - 1930, Paris, Belin, 2001, p. 27.
17 Commission Européenne, « A Rewarding Challenge. How the Multiplicity of Languages Could Strengthen Europe: Proposals from the Group of Intellectuals for Intercultural Dialogue Set up at the Initiative of the European Commission. » (Rapport), Luxembourg, Office for Official Publications of the European Communities, 2008, p. 20, cité par David Gramling, The Invention of Monolingualism, New York, Bloomsbury, 2016, p. 84-85.
18 Il s’agit du « long Moyen Âge » dont la conceptualisation est justifiée ainsi par Jacques Le Goff : « Il s’agit maintenant de montrer que, dans les domaines aussi bien économique, politique, social que culturel, il n’y a pas au XVIe siècle et de fait jusqu’au milieu du XVIIIe, de changements fondamentaux qui justifieraient la séparation entre le Moyen Âge et une période nouvelle, différente qui serait la Renaissance ». Jacques Le Goff, Faut-il vraiment découper l'histoire en tranches ?, Paris, Seuil, 2014, p. 137.
19 Ernst Robert Curtius, La littérature européenne et le Moyen-Âge latin, traduit de l’anglais par Jean Bréjoux, Paris, PUF, 1956, p. 24.
20 Ibid.
21 Stefan Zweig, Die Welt von Gestern. Erinnerungen eines Europäers, Stockholm, 1942.
22 Voir en particulier Édouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996, p. 27-51 et Édouard Glissant, Poétique de la relation (Poétique III), Paris, Gallimard, 1990, p. 113-129.
23 Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli (dir.), op.cit, p. 14.
24 Voir par exemple la démonstration de Michel Serres dans son dernier ouvrage, posthume, intitulé Relire le relié. Michel Serres, Relire le relié, Paris, Le Pommier, 2019, p. 14-31.
25 Fabienne Durand-Bogaert, « Barbara Cassin – « Il faut au moins deux langues pour savoir qu’on en parle une » », Genesis, n°38, 2014, p. 129-137
26 Michel Serres, Musique, Paris, Le Pommier, 2011, p. 109.
27 Sophie Duchesne, André-Paul Frognier, National and European identifications: A dual relationship. Comparative European Politics, 2008, vol. 6, n°2, p. 143-168.
28 Cf supra, note 22.
29 Pieter M. Judson, « Do multiple languages mean a multicultural society?: nationalist ‘frontiers’ in rural Austria, 1880-1918 », in Johannes Feichtinger, Gary B. Cohen (dir.), Understanding multiculturalism: the Habsburg Central European experience, New York, Oxford, Berghahn Books, 2014, p. 61-82.
30 « "Le Conseil régional dynamise les Arts plastiques." Vous chercherez en vain un pays où l'on pourrait voir l'équivalent d'une telle affiche officielle, qui ne surprend pas en France, ni à Paris, ni "en région". À qui s'adresse un tel message […] qui suggère soit un sex-shop, soit un arsenal ? Si les "régions" ont été souhaitées et inventées pour rapprocher les responsables et leurs mandants, n'est-il pas singulier qu'elles cherchent à se rendre familières dans un langage aussi abstrus et abscons […] ? De deux choses l'une : ou bien la Provence-Côte d'Azur est embrasée d'une telle passion des arts qu'elle attendait, même sous cette forme indécente, que son Conseil régional lui promît une renaissance méridionale ; ou bien ce genre de "communication sociale" renvoie à un mythe bureaucratique hexagonal, qui se fait fête à lui-même dans son propre langage, sans se soucier le moins du monde ni de la Provence, ni de son attente, ni de ses aspirations plus modestes ». Marc Fumaroli, L'État culturel. Essai sur une religion moderne, Paris, édition de Fallois, 1991, p. 11-12, cité par Emmanuelle Loyer, op.cit., p. 244-245.
31 Hervé Adami, Virginie André (dir.), De l’idéologie monolingue à la doxa plurilingue : regards pluridisciplinaires, Bern, Peter Lang, 2015.
32 C’est par son sous-titre qu'est connu cet ouvrage monumental, déjà traduit en une dizaine de langues : Barbara Cassin (dir.), Vocabulaire européen des philosophies. Dictionnaire des intraduisibles, Paris, Le Robert/Seuil, 2005.
33 Barbara Cassin, Souleymane Bachir Diagne (dir.), Dictionnaire des intraduisibles dans les trois monothéismes, Paris, Fayard, parution prévue pour 2023.
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Quelques mots à propos de : Louise Sampagnay
Après des études de littérature comparée au Trinity College de Dublin, Louise Sampagnay, ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Lyon et agrégée d’allemand, prépare depuis 2019 une thèse de doctorat sous la direction d’Éric Leroy du Cardonnoy à l’Université de Caen Normandie. Ses recherches portent sur le récit de soi entre les langues et sur la langue allemande comme objet littéraire dans les œuvres d’autobiographes plurilingues. Elle a notamment organisé une journée d’étude internationale sur la figure de l’enfant plurilingue en littérature (2021), publié un article sur la conscience métalinguistique, le récit d’enfance et l’intertexte dickensien dans La Langue sauvée d’Elias Canetti (Loxias, 2021) et un article intitulé « l’Allemagne dans l’Irlande de Hugo Hamilton, ou la mise en film sur le papier d’une Vergangenheitsbewältigung maternelle » (Symposium Culture@Kultur, 2022). https://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/pagePerso/4088833?id=biographie
Quelques mots à propos de : Lana Kupiec
Ancienne élève de l’École normale supérieure, Lana Kupiec est doctorante à l’Université de Caen Normandie et à Paris Sorbonne, sous la direction de Boris Czerny (ERLIS) et Luba Jurgenson (Eur’Orbem). Son sujet de thèse, à la croisée de la littérature russe, de la civilisation juive et de questions mémorielles, porte sur la représentation des shtetls de l’ancien Empire russe dans la littérature écrite en russe entre 1917 et 1991. Ce sujet relie son parcours en littérature russe et son intérêt pour les cultures juives d’Europe de l’Est, qu’elle approfondit en parallèle par l’apprentissage de la langue yiddish. Elle a publié un article « Le shtetl comme interface dans Huits récits sur l’enfance de Julius Margolin » (Russie : limites et frontières, Cinquièmes Doctoriales de l’AFR, Revue russe, 55, Institut d’Études Slaves, Paris, 2020)
Quelques mots à propos de : Valeria Caldarella Allaire
Valeria Caldarella Allaire est maîtresse de conférences en Études italiennes à l’Université de Caen Normandie et membre du groupe de recherche ERLIS (EA 4254). Après avoir consacré sa thèse aux relations entre les États de la péninsule italienne et le royaume de France pendant les 15 premières années du règne de François Ier, elle consacre une attention particulière au Royaume de Naples depuis la conquête par la maison d’Aragon jusqu’à la fin de la période des Guerres d’Italie. En outre, elle a organisé un colloque international intitulé « Les courants prophétiques comme dispositifs de propagande et subversion en Europe et en Amérique » en 2021. Ancienne responsable scientifique du Laboratoire ERLIS Junior de son équipe, elle co-organise actuellement le séminaire « Le Temps de l’Empire Ibérique » (Caen, ERLIS – HisTeMé). Parmi ses publications récentes, on compte « L’image de François Ier chez certains hommes de culture italiens de la Renaissance » (2017), « Décembre 1515, les entrevues de Bologne : François Ier et le regard des diplomates italiens lors de sa rencontre avec Léon X » (2018), « “Franciosi”, peuple de barbares : le regard des lettrés et des ambassadeurs italiens sur la nation française à travers le prisme des Guerres d’Italie », (2019).https://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/pagePerso/3169281?id=biographie