Histoire culturelle de l'Europe

Marie Christine Delamotte

Le triste sort des bâtards nouveau-nés en Pays rennais à la fin de l’Ancien Régime

Article

Résumé

A l’époque moderne, l’abandon d’enfants, en particulier des enfants illégitimes nouveau-nés, s’est pratiqué à grande échelle en Europe. L’article analyse cette pratique en Pays rennais pendant les vingt dernières années de l’Ancien Régime. A Rennes, l’hôpital Saint-Yves recueille les bâtards, mais cette prise en charge a la particularité de n’être ni anonyme, ni gratuite. Reçus « à forfait », la plupart des nouveau-nés meurent avant d’être mis en nourrice. Parallèlement, d’autres modes d’abandon plus discrets et moins coûteux existent : l’envoi des nourrissons à l’hôpital de Paris ou la mise en nourrice chez des femmes peu scrupuleuses. Dans tous les cas, c’est la mort quasi assurée pour le petit bâtard. Avec l’interdiction du transport à Paris en 1779, le nombre de nourrissons qui meurent dans des conditions effroyables augmente considérablement en Pays rennais. C’est très tardivement, en 1781, que des mesures sont prises à l’initiative du procureur du roi Tronjolly pour tenter de limiter cette hécatombe. Pénétré de l’idée que ces enfants sont une richesse pour l’Etat, il rencontre beaucoup de difficultés à faire accepter ses idées. Pour ses contemporains, ils restent les fruits de la débauche et de la misère, tandis que nous nous interrogeons sur le poids de la société comme facteur d’abandon.

Abstract

In modern times Europe, children, and particularly illegitimate new-born infants, were massively abandoned. The paper discusses this practice in the Rennes region during the last twenty years of the Ancien Regime. In Rennes, Saint Yves hospital took in illegitimate children, but the care was not anonymous nor free. Most of the new-born were received « on contract » but died before being fostered. In parallel, other more discreet and less expensive abandonment methods existed. For instance, infants were sent to Paris hospital or fostered by unscrupulous women. In any case, illegitimate children had limited chances of survival. With the ban of transport in Paris in 1779, the number of children dead in appalling conditions grew considerably in the Rennes land. It was very late on, in 1781, that measures were taken on royal prosecutor Tronjolly's initiative in an attempt to limit this hecatomb. Permeated by the conviction that these children were a wealth for the state, he faced many difficulties to put across his ideas. For his contemporaries, they remained the fruits of moral looseness and of destitution, while we question the weight of society as a factor leading to abandonment.

Texte intégral

1L’abandon d’enfants s’est pratiqué à grande échelle en Europe pendant toute l’époque moderne et s’est poursuivi au XIXe siècle. Il a suscité les interrogations des contemporains sur ses causes, débauche ou misère, sur la manière de prendre ces enfants en charge et de les conserver en vie, sur leur place dans la société. De nos jours, ce phénomène est étudié par les historiens qui en font l’objet de nombreux travaux, en France et en Europe1. A Rennes, cette pratique a été très bien étudiée par Sonoko Fujita2 qui s’est penchée sur les registres de l’hôpital Saint-Yves, où étaient recueillis les enfants abandonnés, et qui s’est intéressée à la période 1770-1789 ; période particulièrement intéressante, car elle voit augmenter considérablement le nombre des enfants accueillis et les conditions d’accueil, d’abord effrayantes, s’améliorer progressivement. Nous verrons que les bâtards nouveau-nés forment l’essentiel de ces cohortes d’abandonnés et c’est à eux que nous nous intéresserons particulièrement, d’autant plus que trois procédures judiciaires permettent de mieux cerner les pratiques d’alors. L’une, engagée à Fougères en 17693, renseigne sur l’envoi des nouveau-nés à Paris ; les deux autres, portées en 1781 devant le Présidial de Rennes, témoignent de la lutte du Procureur du Roy de police de Rennes contre les administrateurs de l’hôpital Saint-Yves4 et contre les sages-femmes et nourrices de la paroisse Saint-Hélier de Rennes5. Elles éclairent sur les comportements, les modes de pensée et permettent d’approfondir et compléter le travail de Sonoko Fujita, en dégageant les spécificités de la prise en charge des nouveau-nés illégitimes en Pays rennais6, pendant les vingt dernières années de l’Ancien Régime. Elles montrent que l’abandon à l’hôpital ne représente qu’une partie de la masse de ces abandonnés et reflètent le changement de mentalité qui s’opère en cette période.

Des pratiques d’abandon diverses

L’hôpital

2Les registres d’admission de l’hôpital Saint-Yves de Rennes7, qui sont tenus par les économes successifs, font la distinction entre enfants légitimes et illégitimes, appelés bâtards. Contrairement à beaucoup d’hôpitaux, l’abandon n’y est pas anonyme, ce qui permet de faire cette distinction. Ainsi, il est possible de connaître le nombre et le pourcentage des enfants naturels avec une relative précision, car il y a chaque année entre une dizaine et une vingtaine d’enfants dont on ignore l’origine : des enfants trouvés exposés, et qui sont au moins en partie illégitimes. Entre 1770 et 1779, l’hôpital Saint-Yves de Rennes accueille entre 88 et 108 enfants illégitimes par an, soit 1029 enfants, environ 60 % des abandonnés. Puis, à partir de 1780, les effectifs augmentent. Nous reviendrons sur les causes de cette augmentation. Ils approchent les 200 en 1780 et 1781. Pour la période 1780-1789, leur nombre est de 1525, soit 67 % des abandonnés. Au total, 2554 enfants naturels arrivent entre 1770 et 1789, auxquels il faut ajouter au moins une partie des 369 enfants d’origine inconnue, soit une moyenne approximative de 64 %8. Le nombre des enfants légitimes reçus à l’hôpital, qui n’est pas négligeable, et leur âge à l’admission, sont très variables, parce que leur abandon est lié à la maladie ou à la mort des parents, ou bien encore à la misère due aux crises économiques. Sonoko Fujita, comme Jean-Pierre Peyronnet à Limoges, trouve une corrélation entre le prix du seigle et les abandons d’enfants légitimes9. Les enfants illégitimes sont, eux, essentiellement des nouveau-nés abandonnés dès la naissance. Leur nombre ne connaît pas la même fluctuation ; il reste à peu près constant, avec une augmentation à partir de 1779, sur laquelle nous reviendrons. Sonoko Fugita estime que 70 % des enfants illégitimes sont des nouveau-nés et que 90 % des nouveau-nés sont illégitimes10. A Saint-Malo, ville du diocèse voisin, certes de moindre importance mais portuaire avec une prostitution conséquente, l’hôpital accueille 21 bâtards nouveau-nés en 1770, soit 67 % du total des enfants, et 49 en 1781, soit 71 % du total11. Au contraire, à Limoges, petite ville dans une région très rurale, où il doit être difficile d’accoucher clandestinement, le pourcentage d’enfants illégitimes abandonnés ne dépasse pas 30 %12. A Reims, pour Antoinette Chamoux, « Abandons d’enfants et naissances illégitimes sont directement liés13 », tandis qu’à Paris, Claude Delaselle note que « les enfants exposés et les enfants illégitimes sont abandonnés essentiellement pendant le premier mois14 ». Ces constatations montrent que la conjoncture économique n’est pas la cause de l’abandon de ces enfants et se trouve dans l’organisation de la société.

3Dans la société d’Ancien Régime, la femme15 doit arriver vierge au mariage, puis être fidèle pour préserver la pureté du lignage. La mère d’un bâtard perd son honneur, et avec elle, toute sa famille est déshonorée. Or, l’honneur est une notion extrêmement importante, qui concerne toutes les couches de la société. Et même si cette notion se dévalue au cours du XVIIIe siècle16, l’enfant bâtard reste une menace pour l’avenir de sa mère, mais aussi pour la famille tout entière. Jusqu’à la fin du siècle, accuser une femme d’être « une faiseuse de bâtards » reste une injure grave qui peut mener en justice17. C’est pourquoi, l’enfant illégitime est souvent abandonné à la naissance, après un accouchement qui se fait, dans la mesure du possible, secrètement, ce qui n’est pas toujours facile, en particulier dans les milieux populaires, où la vie privée a peu de place. Les voisines, toujours à l’affût, s’aperçoivent vite qu’un ventre s’arrondit. La promiscuité est importante, les cloisons sont minces, les portes ne ferment pas toujours. La ville est cependant plus propice à l’anonymat. Que ce soit à Rennes, Reims, ou Paris, beaucoup de femmes de la campagne viennent y faire leurs couches dans quelque grenier ou galetas. C’est pourquoi il est difficile d’affirmer dans quelle mesure il y a plus d’enfants illégitimes à la ville qu’à la campagne.

4L’admission de l’enfant à l’hôpital Saint-Yves est gérée par l’économe. Celui-ci négocie parfois directement avec la mère. Il peut recevoir les déclarations de grossesse18, ce qui est une première étape pour la réception de l’enfant à l’hôpital. Le plus souvent, c’est un intermédiaire, généralement une sage-femme, qui se charge des transactions. Il faut donner le nom de la mère, ce qui empêche l’anonymat, faire baptiser l’enfant, et, surtout, verser le prix de l’admission. Car la prise en charge du nouveau-né n’est pas gratuite. L’économe fixe le prix et il est autorisé à faire des « traités à forfait19 ». Selon Sonoko Fujita, le prix à régler était, en 1770, de 70 livres pour les enfants nés à Rennes, de 100 livres pour ceux du diocèse et de 150 livres pour ceux étrangers au diocèse. Puis respectivement de 100, 150, et 200 en 177320. Mais l’économe module les prix selon le degré de fortune des géniteurs et l’âpreté de la négociation. Peu d’enfants sont accueillis gratuitement, puisque, sur 2554 enfants illégitimes accueillis entre 1770 et 1789, seulement 306 le sont gratuitement, soit 12 %, la plus grande partie l’étant après 177921. Cette situation est tout à fait originale. On ne fait rien pour faciliter l’anonymat. Il n’y a pas de tour d’abandon comme on en installe à Rouen dès 175822, à Grasse en 177623. L’utilisation du tour est pratiquée depuis longtemps en Italie24 et Florence en possède un dès 1445. Si l’accueil des enfants légitimes est gratuit et remplit sa fonction d’aide aux parents en difficulté, l’accueil des enfants illégitimes est un service payant pour décharger d’un fardeau. Les registres ne permettent pas de connaître l’origine géographique et sociale des enfants, mais les notes écrites quelquefois par l’économe au sujet des négociations donnent quelques informations et montrent que les géniteurs ne sont pas forcément dans le besoin25. Cette impression est confirmée par des témoignages, dans une procédure sur laquelle nous reviendrons, qui affirment que certains nouveau-nés arrivent à l’hôpital « avec de très bons pacquets26 ». Ces notes montrent aussi que les pères ne sont pas systématiquement inconnus et absents, soit par choix, soit par obligation : rumeur publique ou décision de justice27. La mère n’est pas toujours complètement seule pour assumer la situation, mais les notes sont trop peu nombreuses pour en tirer une véritable étude, qui serait pourtant intéressante. Le fait même que l’admission soit payante et les admissions gratuites peu nombreuses tend à confirmer que la cause première de l’abandon des petits bâtards à l’hôpital Saint-Yves n’est pas la misère.

5Sonoko Fugita a également étudié quatre grosses paroisses rennaises. Elle montre que, dans la paroisse Saint-Germain, en 1770, 1774, 1778, 1782, 1786 et 1790 naît un nombre total de 299 nouveau-nés illégitimes ; 131 d’entre eux ne restent pas avec leur mère et ont une destination inconnue, qui n’est pas l’hôpital. Pour les mêmes années, dans la paroisse de Toussaints, ce sont 126 enfants sur 252 dont on ignore la destination, soit respectivement 44 % et 50 %28. Que sont devenus ces enfants ? L’étude d’autres documents d’archives conduit à penser qu’en parallèle à l’accueil « officiel » et organisé de l’hôpital, il existe des manières différentes, moins coûteuses et moins contraignantes, de se débarrasser des nouveau-nés et que l’abandon à l’hôpital est seulement la partie émergée de l’iceberg.

L’envoi à Paris

6Une pratique répandue est l’envoi des nourrissons à Paris, ce qui n’est pas spécifique au Pays rennais. Claude Delasselle29 montre que l’Hôpital des Enfants-Trouvés à Paris était surchargé d’enfants venant de province. Certains hôpitaux s’y déchargeaient de leurs enfants abandonnés. A Reims, par exemple, les nourrissons sont envoyés à Paris jusqu’en 177930. En 1777, une lettre circulaire envoyée par l’intendant de Bretagne à ses subdélégués demande de veiller à ce que les enfants ne soient plus envoyés à Paris31. Les réponses des subdélégués de Rennes, Antrain, Vitré et Fougères confirment que ces pratiques sont courantes32. Celui d’Antrain écrit :

Il n’est que trop vrai qu’on envoie souvent des enfants à Paris par des voituriers qui s’en chargent publiquement, l’usage est dans mon district de marchander avec des voituriers de Vitré qui se chargent de les porter à Paris moyennant une somme de quarante livres ou cinquante livres qu’on leur donne et on m’a assuré qu’on y faisait souvent passer des enfants légitimes de parents pauvres.

7A Rennes,

Il est fréquent d’envoyer des enfants à Paris par des voituriers... Les sages femmes du moins quelqu’unes se chargent vis à vis des père et mère des enfants bâtards pour une somme et ensuite font marché à moindre somme avec ces particuliers pour les conduire à Paris et ils n’apportent pas toujours le certificat de réception.

8On peut noter au passage que cette pratique ne concerne pas que les enfants illégitimes.

9En 1778, toujours selon Claude Delasselle, sont amenés à l’hôpital de Paris un enfant de Rennes et dix du diocèse de Rennes, soit onze enfants ; ce qui est très peu au regard des transports massifs décrits par les subdélégués. Deux explications peuvent être avancées : ou des mesures visant à interdire ces pratiques sont appliquées et les transports ont diminué, ou tout simplement, les enfants n’arrivent pas jusqu’à Paris. Or en 1779, c’est un arrêt du Conseil du Roi qui interdit de transporter les enfants de province vers l’Hôpital des Enfants-Trouvés, faisant défense « à tous voituriers messagers et autres personnes de se charger d’enfants qui viennent de naître, ou autres abandonnés, si ce n’est pour être remis à des nourrices ou pour être portés à l’hôpital d’enfants-trouvés le plus voisin33 ». Sonoko Fujita observe alors une nette augmentation du nombre des nouveau-nés illégitimes accueillis à l’hôpital Saint-Yves de Rennes, à partir de 1780, qu’elle attribue, au moins en partie, à cette interdiction34. Si on considère que cette hypothèse est la bonne, cela signifie que les recommandations de 1777 n’ont pas été suivies d’effet, et qu’en conséquence, le faible nombre d’enfants arrivés à Paris en 1778 est dû à une mortalité considérable en chemin, ce qui est l’hypothèse la plus vraisemblable, bien que de témoignages existent sur les conditions de transport de ces nourrissons35.

10Une procédure poursuivie entre 1769 et 1774 contre Jeanne Brillet, veuve Harel, sage-femme à Fougères, nous renseigne sur les pratiques en Pays rennais36 . Certes, une procédure judiciaire a une approche forcément biaisée des faits. De plus, beaucoup de dossiers sont incomplets. Pourtant, après la plainte initiale, l’information contenant les récits des témoins, puis les interrogatoires apportent de nombreuses informations. Le 6 mai 1769, le commissaire de police a été informé que Jeanne Brillet « auroit accouché il y a environ deux mois la nommée Marie fille de Benoît Mary d’un enfant batard masle et quelles auroit fait marché avecque le père et la mère de cet enfant à quarante livres pour le faire conduire à Paris ». Quand elle se présente ivre et qu’elle l’injurie, il lui dit « quelles méritoit fouller la paille en priszon, que sy Monsieur le procureur du roy de polisce estoit présant il l’y feroit conduire tant à raison de ses insollents propos que parce quil est contre les règles de la polisce d’exporter aucun enfant nouveau né à Paris ». A quoi elle lui répond « quelle se foutoit de Monsieur le procureur du roy et de toute la polisce ».

11Elle se retrouve en prison. Dans une information de septembre 1770, des témoignages donnent un aperçu des conditions du transport. Un témoin raconte :

Le deux du mois de janvier... il trouva un cheval avec deux mannequins abattu au même gué qui etoit conduit par le fils et la fille de la Hurel sage femme de cette ville ; en arrivant le témoin leur demanda si deux enfants que le déposant scavoit qu’ils conduisoient dans les deux mannequins y étoient, à quoy la fille Hurel répondit que non et qu’elle les tenoit dans son tablier.

12Et un autre ajoute que le même jour :

vinrent chez luy la fille et le fils de la Hurel sage femme en cette ville qui portoient deux enfants nouveaux nés mouillés, lesquels enfants furent chauffés et le témoin leur prêta un drap qu’il fist chauffer avec lequel ils enveloppèrent ces enfants pour les réchauffer et il donna du lait et firent de la bouillie aux deux enfants. Dit le témoin que la Hurel fille mit un de ces enfants dans sa chemise pour le réchauffer, après quoy le témoin vit remettre les deux petits enfants dans les deux mannequins et prirent route.

13Interrogatoire du 3 août 1771 :

Interrogée s’il n’est pas vray qu’elle transporte et fait transporter ces enfants naturels hors le pays...
Répond quelle les fait porter à l’Hôtel Dieu aux enfants trouvés à Paris, quelle en fouroit depuis vingt cinq ans audit lieu... qu’on luy envoya de toutes parts des enfants pour envoyer à Paris...

14Nouvel interrogatoire le 29 septembre 1774 :

Interrogée s’il n’est pas vray quelle ne faisoit point attention à la dureté des tems, quelle en envoyoit toujours quoy que nouveaux nés, que même il en est mort un enfant qui n’avoit lors que seize jours ».
Répond qu’il peut arriver qu’il en soit mort à Laval... mais qu’il est faux sauf respect qu’il en soit mort en route... que si par hazard il en est mort quelqu’un à cet âge c’estoit à Laval et encore à la nourice où ils restoient à l’ordinaire jusqu’à trois mois, après quoy on les envoyoit à Paris.

15Il n’y a pas de sentence avec la procédure ; mais en 1776, elle est libre puisqu’elle apparaît dans une nouvelle procédure37. Une femme est accusée d’infanticide, car elle ne peut présenter l’enfant dont elle aurait accouché. Mais, dans l’information, une femme raconte :

qu’elle a nourry cet enfant pendant deux mois pour quoy la ditte Hurel luy avoit donné six livres et la témoin au bout des deux mois le rendit à la veuve Hurel qui envoya cet enfant à Paris, et même la témoin le mit dans un manquin ou panier qui servant à provisioner.

16Il est impossible de savoir si cet exemple est un cas isolé ou s’il reflète une réalité courante, ce que tendrait à faire penser les écrits des subdélégués. Il est intéressant de voir que les deux parents de l’enfant sont concernés, même s’il est illégitime. Il montre également que le transport des nourrissons était déjà interdit en 1769, et parfois réprimé. Pourtant, dans toutes les archives du Pays rennais de cette période, il ne semble pas y avoir d’autres affaires du même ordre. La sentence est absente : perdue, ou peut-être Jeanne Brillet a-t-elle fini par être libérée par manque de preuves. Elle est tout de même restée de quatre à cinq ans en prison, ce qui a pu être considéré comme une peine suffisante : à la fois beaucoup et peu, quand on considère le nombre d’enfants qu’elle a pu faire périr. On a aussi des témoignages sur les conditions effrayantes du voyage qui montrent que peu de nourrissons devaient arriver à destination. Il est impossible également de savoir si Jeanne Brillet ment quand elle parle d’enfants qui séjournent à Laval. Il est aussi possible que des nouveau-nés enregistrés à Paris comme venant de Laval viennent en réalité de beaucoup plus loin. Quoi qu’il en soit, le nombre de bâtards nouveau-nés morts sur la route de Paris sera sans doute à jamais inconnu.

La mise en nourrice à forfait

17Une ordonnance du procureur du Roi de 1781 met au jour une autre pratique d’abandon :

Je me bornerai à vous représenter, Messieurs... qu’il n’est mis à l’Hôpital qu’un très-petit nombre de Bâtards ; pour mieux dire, que les Sages-Femmes se montrent peu soigneuses d’y en porter.
Il en est même qui, depuis plusieurs années, font un commerce qui répugne à l’humanité. Elles traitent à forfait, pour décharger les Filles de leurs Enfans. Au lieu d’en porter à l’Hôpital, pour gagner davantage elles livrent ces infortunés à des Femmes de la Rue ou de la paroisse de Saint Hellier, à des Femmes qui n’ont point de lait, _ qui sont dans la coupable habitude de se charger, sans doute aussi à forfait, de plusieur Enfans à la fois, qui périssent presqu’aussi-tôt38.

18Nous reviendrons en détail sur cette affaire. Il est improbable que cette mise en nourrice à forfait se pratique exclusivement dans la paroisse Saint-Hélier. L’ampleur du phénomène a sans doute conduit le procureur à entamer une procédure, mais cela existait probablement aussi à moindre échelle dans d’autres paroisses, urbaines ou rurales. En l’absence de procédure, ce mode d’abandon reste presque invisible, à moins d’examiner très attentivement les registres paroissiaux. La nourrice n’est pas ici une nourrice allaitante, régulièrement rétribuée, mais une nourrice sèche, femme parfois âgée, toujours de très modeste condition, qui reçoit l’enfant contre un forfait : une somme versée une fois pour toutes par une sage-femme qui sert d’intermédiaire. Il va sans dire que ces femmes n’ont aucun intérêt à ce que le nouveau-né reste en vie. L’envoi à Paris ou la mise en nourrice à forfait sont beaucoup moins onéreux que l’abandon à l’hôpital, puisqu’en 1773, ils ne coûtent que quarante livres, alors qu’il faut donner 100 ou 150 livres à l’hôpital Saint-Yves. Peut-on envisager que ces dernières pratiques soient celles de milieux plus modestes ? Enfin, pas plus que pour le transport à Paris, on ne peut affirmer que tous les nouveau-nés concernés sont illégitimes.

Exposition et infanticide

19L’exposition est une solution qui permet de contourner à la fois le problème financier et celui de l’anonymat. L’enfant est déposé dans un lieu public où quelqu’un est susceptible de le trouver, souvent devant ou dans une église. Ce qui n’est pas sans risque, en particulier pour les nouveau-nés, car s’il est trouvé trop tard, il peut mourir de froid ou de manque de soins. L’exposition est théoriquement punie de mort, au même titre que l’avortement et l’infanticide39. Pendant la période qui nous concerne, l’indulgence est toutefois de mise. A Rennes, en 1785, au sujet d’une procédure pour abandon d’enfant commencée à Vitré, le procureur du Roi s’exprime ainsi : « L’exposition de part était autrefois punie de mort suivant l’édit d’Henry deux, vérifié en parlement le 4 mars 1556 ; mais aujourd’hui dit Rousseau de la Combe dans son traité des matières criminelles page 22, pour éviter de plus grands maux, la justice ferme les yeux sur ce délit40 ». On en trouve effectivement peu de traces dans les archives criminelles du pays rennais, sans qu’il soit possible de savoir si elle était peu pratiquée ou peu poursuivie. Cependant les poursuites n’ont pas complètement disparu, comme en témoigne cette affaire. En 1790, une femme est incarcérée à Fougères pour abandon d’enfant41. Dans les paroisses rurales, le nouveau-né est généralement confié à une nourrice par la fabrique mais il arrive aussi que celle-ci paie pour faire admettre l’enfant à l’hôpital de Rennes. A Rennes, c’est le commissaire de police qui se charge de son admission à l’hôpital. Pour Sonoko Fugita, l’exposition est rare en ville pendant cette période42 : le nombre des enfants trouvés exposés admis à l’hôpital oscille entre 4 et 20 par an, avec un pic de 39 en 1772. Claude Delasselle fait le même constat à Paris43.

20Enfin, il faut aussi mentionner une autre pratique. Beaucoup de femmes se dérobent à la déclaration, tentent de cacher leur grossesse et leur accouchement et il arrive que la vie de l’enfant bâtard s’arrête tout simplement là. Les infanticides ne sont pas rares, pendant tout le XVIIIe siècle et se poursuivent au XIXe siècle. Nombreux sont les nouveau-nés, toujours illégitimes, retrouvés morts, étouffés, cachés dans la paille, enterrés, noyés, ou jetés dans les latrines. Nous ne nous étendrons pas sur ce vaste sujet44. Mais il est important de noter qu’il se pratique, à la ville et à la campagne, chez les femmes de condition modeste, domestiques, journalières, fileuses… Ce sont des femmes qui n’ont pas de moyens financiers, qui ne peuvent pas s’appuyer sur leur entourage, et qui se trouvent isolées avec leur problème, même si elles vivent sous le regard de la communauté.

Une amélioration tardive : vers un changement de mentalité ?

21Nous avons vu qu’à partir de 1780, le nombre des bâtards nouveau-nés confiés à l’hôpital Saint-Yves de Rennes explose (170 en 1780 et 184 en 1781). Il se maintient ensuite à un niveau plus élevé que pendant la période précédente, dépassant les 140 enfants par an, avec une légère baisse en 1787 et 1788. Nous avons vu que Sonoko Fujita attribue cette augmentation à l’arrêt de 1779, ce que confirme une supplique des administrateurs des Hôpitaux de la ville de Rennes adressée aux États de Bretagne en 178645. Selon Jean-Pierre Bardet, il en est de même à Rouen46. Claude Delasselle, de son côté, trouve que le nombre des enfants abandonnés à Paris même reste à peu près stable entre 1770 et 1790, même s’il estime aussi que les transports ne cessent pas complètement47. Cela tend à conforter cette hypothèse que l’augmentation des abandons vient, non pas d’une augmentation de l’illégitimité, mais d’un déplacement de ceux-ci de Paris vers les hôpitaux de province. Sonoko Fugita relève pourtant également dans quatre grosses paroisses rennaises, une augmentation de l’illégitimité qui peut contribuer à gonfler le nombre des abandons48. La croissance de celui-ci n’a sans doute pas une cause unique.

22La facilitation de l’abandon peut être considérée comme une incitation pour les mères à se débarrasser de leurs nourrissons. C’est l’avis de Jean-Pierre Bardet qui prend l’exemple de Rouen, mais aussi du Foundling Hospital de Londres qui connaît entre 1756 et 1760 « un véritable raz-de-marée d’abandons » qui cesse avec l’interruption de la libre admission49. L’exemple rennais tend à démontrer qu’il n’en est rien et que ce sont plutôt les pratiques d’abandon qui changent et prennent des formes plus ou moins visibles, en tout cas aux yeux de l’historien, si ce n’est des contemporains.

23L’afflux de bâtards nouveau-nés à l’hôpital coïncide avec une nouvelle façon de les considérer. L’arrêt du Conseil du Roi de 1779 montre qu’on porte un intérêt croissant à leur sort et à leur conservation. Des ministres, des administrateurs, des médecins se penchent sur la question, que ce soit dans un but utilitariste ou humanitariste50. On peut citer Desbois de Rochefort qui dit :

On sentit enfin, avec profondeur, que la religion, l'humanité et l'état avoient un intérêt égal à la conservation des enfants exposés (...) Le gouvernement s'apperçut que la véritable richesse étoit dans sa population, et que si la perte de tant d’enfans l’appeuvrissoit, leur mauvaise institution en pouvoit faire des scélérats51.

24Les controverses autour du populationnisme qui voit dans les hommes une richesse pour l’État sont nombreuses à cette époque52. En même temps, un regard nouveau est porté sur l’enfance. L’Émile de Rousseau paraît en 1762. Les débats sur l’allaitement maternel ou artificiel sont abondants53. Julie Doyon, de son côté, observe qu’à partir de 1760, émerge un intérêt juridique pour la protection de l’enfant contre « les abus les plus criants de l’autorité paternelle54 ». Il semble qu’à Rennes, ces idées soient amenées par le procureur du Roi de police François-Anne-Louis-Phelippes de Tronjolly. Il commence en 1781 deux procédures, l’une contre les administrateurs de l’hôpital Saint-Yves, l’autre contre les nourrices et sages-femmes de la paroisse Saint-Hélier. Il est important de s’intéresser à la personnalité de Tronjolly55. Jeune procureur, il a trente ans en 1781. Il est impétueux, ambitieux, populaire, acquis aux idées nouvelles. Tout au long de sa carrière à Rennes, il lutte contre la noblesse rennaise et les membres du Parlement, dans différentes affaires. Pendant la Révolution, il sera accusateur public au tribunal de Paimbœuf. Marié à dix-neuf ans, il a une nombreuse progéniture et sa femme allaite elle-même ses nourrissons ; ce qui peut expliquer sa sensibilité particulière au problème des bâtards nouveau-nés, en dehors du fait qu’ils peuvent être utiles à l’État. Il résume très bien sa pensée au début du mémoire qu’il adresse aux directeurs et administrateurs des hôpitaux de Rennes en mai 178156 :

L’intérêt de l’État, le cri de l’humanité, ma soumission aux ordres de la Cour, tout contribuoit à exciter ma vigilance en faveur des malheureuses victimes de la honte pour qui, dès leurs naissances... se ferme le cœur de ceux à qui ils doivent le jour...

25Différents documents d’archives57 existent sur la procédure criminelle contre les subalternes de l’hôpital Saint-Yves et révèlent qu’une véritable bataille s’est engagée. Le dossier le plus complet est celui des archives du Présidial de Rennes58. Il renferme une information contenant de nombreux témoignages qui se recoupent et paraissent fiables, ainsi que des interrogatoires. L’économe est alors Jean Radiguel fils, qui a succédé à Jean Radiguel père en mars 178159. La première remontrance est datée de juin 1781. Sans doute Tronjolly profite-t-il de ce changement pour attaquer, car c’est clairement l’économe qu’il vise. Il s’appuie dans sa remontrance sur des plaintes de parents, recueillies auparavant.

26La situation est effrayante. Le procureur examine le registre, comme le fera Sonoko Fugita beaucoup plus tard, et, comme elle, il constate que quasiment tous les nouveau-nés meurent avant l’âge de deux mois. On peut noter que nouveau-nés légitimes et illégitimes sont traités de la même manière. Entre 1770 et 1780, sur 999 nourrissons, 853 meurent avant un mois et 112 avant deux mois, ce qui amène à un taux de mortalité avant deux mois de 96 %. Certaines années, comme 1773 ou 1775, il n’y a aucun survivant60. Sur les registres, ces morts à l’hôpital sont expliquées par « leur indisposition qui a duré jusqu’à leur mort arrivée peu de jours après leur naissance61 ». Certes, il faut replacer la mortalité des petits bâtards dans le contexte de la mortalité infantile de l’époque (un enfant sur quatre meurt avant l’âge de un an62), où la mortalité des nouveau-nés dans les hôpitaux est énorme. Mais on peut constater qu’en 1779, il meurt 95 % des nourrissons avant l’âge de deux mois à l’hôpital de Rennes, et seulement 58 % à l’Hôtel-Dieu de Toulouse la même année63, 55 % à Saint-Malo en 1781. L’hôpital de Rennes a cette particularité que 96 % des enfants meurent à l’hôpital, sans être mis en nourrice, contrairement à ce qui se pratique dans d’autres hôpitaux, comme à Limoges, Reims, Saint-Malo, où les nourrissons partent très rapidement en nourrice. A Rennes, avant 1781, on ne retrouve pas non plus de traces de tentatives d’améliorer la survie des enfants, comme dans d’autres villes. Ainsi, Jean-Pierre Bardet relève qu’à Rouen, on a essayé de créer des pouponnières modèles dès 1759, et qu’en 1778, on a réglementé les conditions de transport des enfants chez les nourrices64. D’après Marie-France Morel, « en 1775... les administrateurs prennent conseil de la Faculté de Médecine de Paris qui charge huit médecins de rédiger une Consultation sur les modalités de l’allaitement artificiel des nouveau-nés ». En 1780, l’hôpital général de Montpellier entreprend une expérience analogue65.

27Dans sa remontrance du 12 juin 1781, le procureur dit que :

depuis les cinq ans derniers presque tous les enfans nouveaux nés mis à l’hôpital Saint Yves sont morts et ont péri par la faute de quelques subalternes dudit hôpital, le deffaut de soins et le manque d’alimens propres à la subsistance de créatures aussy faibles, qu’il en est mort renfermés dans des boëtes à perruques, qu’il a été donné plusieurs enfans à la fois aux mêmes nourices et à très bas prix, que différentes personnes en passant par la rue du port au vin ont entendu des enfans jetter pendant longtems des cris de telle force qu’ils faisaient gémir les passans et souffrir l’humanité, que des filles ou veuves s’étant mariées avec les auteurs de leur faiblesses, ayant voulu retirer leurs enfans de l’hôpital, l’économe les a laissé absolument ignorer l’existance comme la mort de leurs enfans, que certaines personnes ayant donné une grande quantité de hardes pour un enfant qu’elles firent recevoir audit hôpital, ledit enfant fut trouvé quelques jours après dans d’autres hardes très malpropres et où étaient morts d’autres enfans.

28La procédure nous apprend aussi que le local réservé aux nouveau-nés est un « embas humide ». Un témoin, prêtre, en parle ainsi dans l’information d’avril 1782 :

« Le local luy ayant paru très mal sain par le défaut d’air, il en a parlé plusieurs fois à quelques uns des administrateurs de l’hôpital, en leur disant même que ce lieu n’était pas propre à faire un chenil, le soleil n’y donnant jamais, ne recevant ordinairement de jour que par l’ouverture d’un carreau de boutique du côté de la rue ».

29Plusieurs femmes travaillant ou ayant travaillé à l’hôpital sont aussi interrogées en avril 1782. Une ancienne garde raconte :

« Quelques fois on en mettoit dans le même lit jusqu’à huit, qu’ils y restoient dans leur fange... elle a vu un enfant mort depuis trois jours caché au pied du lit ou étoient les autres enfans vivants ». Et une autre confirme : « qu’elle en a vu dix huit sur deux lits, qu’ils mourroient comme des mouches ».

30Une ancienne domestique témoigne :

Lorsqu’elle y entra, elle trouva les enfans dudit hôpital très malproprement vêtus, que leurs ballières et couches étaient totalement pourries de manière qu’on ne pouvait pas seulement y toucher, qu’elles se déchiraient par lambeaux, qu’à deux de ces enfans elle vit des vers dans la chair, qu’il en mourut plusieurs dans cette malpropreté avant d’être mis chez des nourrices.

31Une garde assure :

qu’on leur donnoit deux fois de la bouillie de fromant faite avec du lait écrémé et que le reste du jour on leur donnoit à boire du lait que s’ils crioient pendant le cours de la journée, ce n’étoit pas par besoin attendus qu’ils étoient bien nouris s’ils pouvoient l’être avec du lait écrémé attendu que Marton Radiguel sœur de l’œconome actuel enlevoit la crème de sur les pottées destinées à la nouriture de enfants.

32La veuve Radiguel, elle-même, est questionnée en ces termes :

Interrogée si le soir vers six heures on ne faisoit pas de la bouillie pour tous les enfans et si après cette heure il arrivoit des enfans, on ne leur donnoit pas de la même bouillie quoique dure et froide de manière que le lendemain, on trouvoit ces enfans là morts la bouillie dans la bouche, et lorsqu’on le disoit à l’interrogée et à son mari ils ne disoient pas : qu’importe, qu’ils en mangent s’ils veulent.

33Ce qu’elle nie évidemment. Il n’est pas besoin de commentaires pour expliquer le taux élevé de mortalité. Radiguel est aussi accusé par Tronjolly de faire payer les déclarations de grossesse et de vendre des cadavres d’enfants aux chirurgiens.

34Quant aux enfants qui sont mis en nourrice, ils ne sont pas mieux lotis. Dans la même information, un témoin raconte que, quand il était curé de Chavagne :

il a vu plusieurs fois des nourices emporter des enfans de l’hôpital dans les paroisses de Goven et de Lassy et que chaque fois, il a entendu dire à ceux qui le voyoient comme lui : voilà encore un enfant qui vat dans le cimetière de Goven, en voilà encore un qui vat dans le cimetière de Lassy.

35En 1781, sans doute sous la menace de la procédure, plusieurs mesures sont prises. Grâce aux efforts de Tronjolly, les nourrissons sont transférés « dans une grande salle à deux croisées ouvrant sur le port au vin de cette ville, laquelle salle est garnie de vingt petits berceaux ».Une gratification de trois sols par jour est accordée à la garde si l’enfant reste « en état d’estre mis à la nourrice66 ». La pension donnée aux nourrices est augmentée : elle passe de 36 à 48 livres en janvier 1781, puis à 60 livres pendant l’été67. A titre de comparaison, à Rouen, elle était déjà de 64 livres en 177868. La pension, très faible, ne peut intéresser que des femmes pauvres qui n’ont pas la possibilité d’élever correctement l’enfant. L’augmentation permet de trouver davantage de nourrices mais reste trop modeste pour attirer de bonnes nourrices. Sonoko Fugita constate aussi une accélération dans la mise en nourrice ; la situation s’améliore sensiblement puisque, entre 1781 et 1785, sur 590 enfants, 435 « seulement » meurent avant l’âge de deux mois, soit 74 %69.

36Cependant la victoire de Tronjolly n’est que partielle. La procédure s’arrête avec un document du 3 août 1782, un procès verbal de descente chez l’économe dans lequel le procureur dit : « Nous luy avons témoigné notre surprise de ce que étant depuis six mois sous un décret d’ajournement personnel, il n’en continue pas moins ses fonctions ». Il n’aura pas gain de cause puisque Jean Radiguel reste économe jusqu’en 1786. C’est seulement à cette date qu’une amélioration notable est constatée : 55 % des enfants dépassent l’âge de deux mois. A Saint-Malo, en 1787, sur 44 bâtards nouveau-nés, 10 seulement ne dépassent pas deux mois, ce qui donne 77 % de survivants à deux mois70.

37Avec l’augmentation du nombre des enfants illégitimes accueillis, l’augmentation du nombre de ceux qui sont accueillis gratuitement à partir de 1781, la durée de vie plus longue des enfants, l’hôpital se trouve dans une situation financière de plus en plus difficile71. Des témoignages de la procédure affirment que Radiguel père était formel : « il n’était point assez riche pour nourrir et entretenir tous les enfants qui luy étaient apportés ». Sa femme affirme également : « que la ville de Rennes ne seroit pas capable de nourrir les bâtards s’ils vivoient tous ». Sonoko Fugita s’est penchée sur la question. Elle a trouvé que les enfants légitimes, admis plus âgés à l’hôpital, survivent plus souvent et qu’en ce qui les concerne, le budget de l’hôpital est déficitaire. C’est l’argent versé pour les nouveau-nés mourant prématurément qui permet de combler ce déficit72. Il est donc vrai que, s’ils survivaient tous, l’hôpital ne pouvait subvenir à leurs besoins avec le même budget. L’admission à forfait admet implicitement que le système ne peut fonctionner que si les nouveau-nés ne survivent pas longtemps.

38En 1781, Tronjolly s’attaque également à la mise en nourrice à forfait dans la paroisse de Saint-Hélier de Rennes, pratique dont nous avons déjà parlé. La paroisse Saint-Hélier est un faubourg semi-rural de Rennes qui s’étire le long de la route qui part vers le Sud-Est, en direction de Vern-sur-Seiche. La procédure poursuivie au Présidial de Rennes nous permet d’avoir accès à de nombreux renseignements contenus dans une information, des interrogatoires, la sentence et l’ordonnance imprimée du 3 mars 178173. Dans cette ordonnance, il est dit :

J’ai vérifié très-scrupuleusement les registres de cette Paroisse ; j’y ai vu que depuis le 8 Mars 1776 jusqu’à ce jour, il n’y a été baptisé que douze Enfans naturels ; que cent y ont été inhumés... Presque tous ces Enfans sont morts dans les premiers jours ou premières semaines de leur naissance : il n’en est que cinq qui aient vécu deux mois, trois qui aient existé trois mois, cinq quatre mois, deux cinq mois, un seul a été jusqu’à six mois.

39Et le Procureur de conclure :

Si mes recherches eussent remonté au-delà de 1776, il est à croire que le tableau que je viens de faire seroit encore plus effrayant.

40Lors de l’information d’avril 1781, une femme témoigne au sujet de la Dujardin, une nourrice, et dit :

qu’elle est dans l’habitude de boire et de s’enyvrer, et qu’elle s’est absentée à différentes fois de la maison pendant l’espace de huit jours et souvent plus longtemps en laissant les pauvres petits enfants entre les mains de sa fille âgée d’environ dix huit ans qui leur donnoit de la bouillie épaisse comme des groux.

41Une autre affirme qu’elle « apperçut la Dujardin yvre morte et tombée par terre... et dans le tablier de laquelle... la déposante apperçut un enfans frais né ».

Une autre raconte que:

elle a, a differentes fois, entendu dans un embas qu’occupoit ledit Dujardin et sa femme qui leur servoit de décharge et pour accomoder leurs légumes des cris d’enfans nouveaux nés et qu’ayant demandé audit Dujardin quels etoient lesdits enfans, il luy a répondu que c’étoit des enfans bâtards que sa femme prenoit pour nourir, que luy ayant observé que cet endroit n’étoit pas propre pour mettre des enfans, il luy repondit qu’ils les mettoient là, attendu que les enfans les opposoient de dormir la nuit. 

42D’autres témoignages accusent une autre nourrice, « la Macé », de laisser les nourrissons « enfermés sous la clef des journées entières sans leur donner aucune nourriture ».

43Les sages-femmes de la ville sont mises en cause. Une femme dit que les sages-femmes « recommendoient de nourir ces pauvres enfans le plus mal possible afin de les faire périr plutôt » ; une autre que la sage-femme surnommée la Duval « cessoit de donner aux nourrices des enfants lorsqu’ils vivoient plus de deux mois ». Mais plus grave encore, on accuse les sages-femmes de hâter elles-mêmes la mort des enfants. Une femme raconte qu’elle a demandé à « la Macé », « s’il étoit vray que les sages femmes avoient coutume de tordre la verge des enfans avant de les luy livrer ; elle luy repondit qu’il y avoit toute apparence et luy montra un enfant dont les parties étoient en effet noires et enflées ». Plusieurs nourrices confirment cette pratique, ainsi que celle de leur « presser le nombril ». La Duval, sage-femme de soixante-et-onze ans, a en outre « une bouteille de liqueur qu’elle faisoit boire à certains d’entr’eux », qui mouraient peu après, bien entendu !

Dans son interrogatoire de mars 1781, « la Dujardin » est questionnée en ces termes :

Interrogée si surprise une fois à donner une soupe de pain noir à un enfant frais-né, sur ce qu’on luy représenta qu’elle péchoit mortellement, elle ne répondit pas que les sages femmes lui disoient quelle pouvoit faire manger des pierres à ces enfans.

44La volonté de faire périr les enfants au plus vite est manifeste, même si on ne peut prouver que « la Duval » les empoisonne. Elle se défend en produisant de bons certificats et en disant que : « Tout le monde sait que ces fruits de la prostitution sont infectés de maladie vénérienne ou nés de mères que la honte de porter des enfans engage à user de breuvages propres à étouffer dans leur sein même... ». Les nourrices justifient toutes la mort des nouveau-nés de la même manière, en disant que les enfants étaient « faibles et malsains », « attaqués d’un vilain mal », « attaqués de marques rouges », « et qu’après leur mort ils rendoient beaucoup de pourriture ». Les déclarations sont tellement semblables qu’on peut se demander s’il ne s’agit pas d’un discours préparé et appris. Il est vrai que les maladies vénériennes étaient redoutées et que les petits bâtards étaient tous suspectés d’être vénériens74, mais il est impossible de savoir dans quelle mesure ces affirmations correspondent à la réalité des faits. Même si les enfants n’étaient pas atteints de maladies vénériennes, ces propos nous paraissent impliquer qu’ils venaient de milieux modestes, voire misérables, enfants de prostituées ou de femmes dans une situation précaire.

45L’affaire se termine par une sentence du 6 août 1783. « La Dujardin » est condamnée à :

« être par trois jours de marché consécutifs conduite les épaules découvertes par les rues et carrefour de cette ville et notamment rue Saint Hellier avis sa demeure afin d’y être battue et fustigée de verges, à être le troisième jour attachée pendant deux heures au pilory sur la place des Lices de cette ville... un écriteau devant et derrière portant ces mots nourrice inhumaine ».

46« La Macé » est condamnée « à garder prison fermée pendant un an ». « La Duval », sage-femme à l’origine du trafic, est également condamnée « à garder prison fermée pendant un an ». Trois autres nourrices ont défense « de se charger à l’avenir d’enfans à nourrir ». Les autres sont renvoyées hors procès. Les peines peuvent sembler bien légères pour des femmes qui ont laissé ou fait mourir de nombreux enfants. A titre de comparaison, la même année, une femme est condamnée à être fouettée, comme « la Dujardin ». Elle est de plus condamnée à être marquée… pour vol d’effets75 ! En 1782, une femme est condamnée à trente ans de prison pour infanticide76. On voit là les contradictions d’une société qui condamne l’infanticide au nom de la morale chrétienne77, alors qu’il est pratiqué dans d’autres pays comme Sonoko Fujita le raconte si bien à propos du Japon78 ; mais qui est capable de laisser mourir les enfants mis en nourrice dans une quasi-indifférence, pourvu qu’ils soient baptisés.

47Il n’est pas possible de connaître l’impact que cette affaire a pu avoir sur les pratiques d’abandon. Elle a pu avoir un aspect dissuasif dans la paroisse, et plus largement dans la ville et les paroisses rurales, sans qu’on puisse véritablement le mesurer.

48On peut s’interroger sur l’illégitimité, cause de tous ces abandons. Les contemporains l’ont fait, comme les administrateurs de l’hôpital de Pradelles qui disent en 1780 : « On observe que pareils désordres proviennent de l’irréligion et du libertinage qui se sont introduits depuis quelques années dans nos montagnes comme aussi de la misère qui y règne79 ». Les raisons sont sans doute multiples : mariages tardifs, perte d’influence de l’Église, libertinage des couches supérieures, misère grandissante des couches populaires, particulièrement en Bretagne... Il est certain qu’entre filles séduites, servantes forcées puis renvoyées, travail précaire, la misère joue son rôle80. Mais il est peu vraisemblable que la masse des petits bâtards abandonnés ne soit que le fait de ces pauvres filles. Tronjolly est catégorique et dit, dans une remontrance de 1785, en parlant de l’abandon : « une preuve qu’il n’est que le fruit du libertinage ou de la fénéantise de ceux qui s’en rendent coupables, c’est qu’il est habituellement commis par des pères et mères valides81 ». De fait, dans le Pays rennais, l’abandon des enfants illégitimes à l’hôpital paraît exclure les couches les plus défavorisées de la population qui recherchent ailleurs des solutions moins coûteuses et plus expéditives, ce qui peut être aussi le cas pour des enfants légitimes. Ceci rejoint d’ailleurs les conclusions de Claude Delasselle pour qui l’abandon à Paris est aussi le fait des couches aisées82. Il semble donc que les idées nouvelles portées par Tronjolly ne pénètrent que progressivement la région, car il peine à convaincre les élites conservatrices. Pourtant, l’évolution dans la prise en charge des bâtards nouveau-nés à partir de 1781 peut être vue comme le signe d’un début de changement des mentalités. Jean-Pierre Bardet estime que : « Il est inacceptable d’affirmer que l’abandon était un infanticide déguisé. Il est même possible d’avancer que les mères cherchaient à sauver leurs bébés en les confiant à l’Assistance83 ». Cela est certainement vrai pour certaines mères, dans le contexte de l’abandon à l’hôpital, où les parents paraissent penser que leur enfant serait bien soigné. Nous savons par Tronjolly que des parents ont essayé de reprendre leur enfant. On ne peut pas nier qu’une partie a pu souffrir de l’abandon comme en témoignent des billets ou signes de reconnaissance trouvés sur les enfants84. Mais quel pourcentage représentent-ils ? A Rennes, en passant par la rue du Port-au-Vin, on entend les cris des nouveau-nés qui font « gémir les passants et souffrir l’humanité » comme le dit si bien Tronjolly. Au-delà de la figure de style, il y a une part de vérité : les cris s’entendent à l’extérieur85. Dès lors, est-il possible que le bruit public ignore complètement ce qui se passe ? Quant aux mères qui envoient leur nourrisson à Paris ou chez une nourrice à forfait, que ce soit par choix ou par nécessité, elles savent que le nourrisson va mourir. Il ne faut pas oublier que l’infanticide et l’abandon ont, partout et de tous temps, été largement pratiqués86. Il est tentant de penser, avec Elisabeth Badinter, que l’amour maternel est une idée neuve en 176087. Sans aller jusqu’à admettre qu’il est une pure construction sociale, on peut aussi envisager que l’instinct maternel n’est pas irrépressible et qu’il peut céder devant des pressions sociales qui empêchent les processus complexes qui amènent à un amour maternel effectif88. Or les pressions sociales, alors, ne manquent pas.

49A mesure que le regard sur l’enfant évoluera et que le rôle de mère sera valorisé, le regard sur l’abandon se modifiera également. Plus tard, entre 1850 et 1880, le principe de la fermeture des tours s’imposera partout en Europe, en même temps que se mettra en place une aide maternelle89. Au tournant des XIXe et XXe siècles, l’abandon des nouveau-nés, qui aura largement diminué, sera devenu le seul fait de filles-mères dans la misère90, comme si on était progressivement passé de la honte d’avoir un enfant illégitime à celle d’abandonner son enfant.

Notes

1 On peut consulter les travaux suivants : J.-P. Bardet, « Enfants abandonnés et enfants assistés à Rouen dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », Annales de démographie historique, 1973, p. 19-47. Consultable sur : http://www.persee.fr/doc/adh_0066-2062_1973_hos_1973_1_1129 ; A. Chamoux, « L'enfance abandonnée à Reims à la fin du XVIIIe siècle », Annales de démographie historique, 1973, p. 263-285. Consultable sur : http://www.persee.fr/doc/adh_0066-2062_1973_num_1973_1_1194 ; C. Delaselle, « Les enfants abandonnés à Paris au XVIIIe siècle », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 30ᵉ année, N. 1, 1975. p. 187-218 http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1975_num_30_1_293598 ; A. Molinier « Enfants trouvés, enfants abandonnés et enfants illégitimes en Languedoc aux XVIIe et XVIIIe siècles », Annales de démographie historique, 1973, p. 445-473. Consultable sur : http://www.persee.fr/doc/adh_0066-2062_1973_hos_1973_1_1156 ; J. C. Peyronnet, « Les enfants abandonnés et leurs nourrices à Limoges au XVIIIe siècle », Revue d'histoire moderne et contemporaine, tome 23 N°3, Juillet-septembre 1976. Recherches d’histoire régionale, p. 418-441 : http://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1976_num_23_3_2431 ; on peut citer également : Enfance abandonnée et société en Europe, XIVe-XXe siècle. Actes du colloque international de Rome (30 et 31 janvier 1987), Rome, Publications de l’École française de Rome, 1991, 1244 p. Consultable sur : www.persee.fr/issue/efr_0000-0000_1991_act_140_1

2 S. Fujita, Les malheurs de la première enfance en pays rennais à la fin de l’Ancien Régime (1770-1789) : illégitimité, abandon, mise en nourrice. Thèse de doctorat en Histoire, Université de Rennes 2, 1982, 240 p.

3 A.D. Ille-et-Vilaine, 3B 370.

4 A.D. Ille-et-Vilaine, 2B 1360.

5 A.D. Ille-et-Vilaine, 2B 1363.

6 Le Pays rennais correspond approximativement à l’ancien diocèse de Rennes et au département d’Ille-et-Vilaine. Outre Rennes, il comprend les villes de Fougères et Vitré.

7 A.D. Ille-et-Vilaine, 2H 738 à 751, pour la période 1770-1790.

8 Chiffres tirés de : S. Fujita, « L'abandon d'enfants illégitimes à Rennes à la fin de l'Ancien Régime », Histoire, économie et société, 1987, 6ᵉ année, n°3, p. 331.

9 S. Fujita, « L'abandon d'enfants légitimes à Rennes à la fin du XVIIIe siècle », Annales de démographie historique, 1983, p. 154 : http://www.persee.fr/doc/adh_0066-2062_1984_num_1983_1_1573 ; J.-P. Peyronnet, « Les enfants abandonnés et leurs nourrices à Limoges au XVIIIe siècle », art. cit., p. 424-429.

10 S. Fujita, « L'abandon d'enfants illégitimes... », art. cit., p. 335.

11 A. M. Saint-Malo, HG 164. Registre des enfants trouvés, 1749-1788.

12 J.-P. Peyronnet, Les enfants abandonnés et leurs nourrices à Limoges au XVIIIe siècle, art. cit., p. 430.

13 A. Chamoux, L'enfance abandonnée à Reims à la fin du XVIIIe siècle…, art. cit., p. 269.

14 C. Delasselle, Les enfants abandonnés à Paris..., art. cit., p. 200.

15 Sur la condition de la Femme, voir D. Godineau, Les femmes dans la France moderne, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2015.

16 B. Garnot, L’évolution des valeurs : l’honneur en moins ? Questions de justice, Paris, Belin, 2006, p. 31-51.

17 Exemples de procédures pour injures : A.D. Ille-et-Vilaine, 4B 4248 (1722) ; 2B 1197 (1787).

18 Dès 1556, un édit de Henri II avait institué la déclaration de grossesse pour les filles non mariées et les veuves, afin de prévenir les avortements ou les infanticides. En 1708, une déclaration du roi réaffirme que cet édit « sera publié de trois mois en trois par tous les Curez ou leurs Vicaires aux Prônes des Messes Paroissiales ». A.D. Ille-et-Vilaine, 1 Ba.

19 A.D. Ille-et-Vilaine, 2 H 594.

20 S. Fujita, L'abandon d'enfants illégitimes…, art. cit., p. 333., et A.D. Ille-et-Vilaine, C 4936.

21 S. Fujita, L'abandon d'enfants illégitimes…, art. cit., p. 330 et 334.

22 J.-P. Bardet, Enfants abandonnés et enfants assistés à Rouen…, art. cit., p. 22.

23 J.-P. Bardet, « La société et l'abandon », in Enfance abandonnée et société en Europe, XIVe-XXe siècle. Actes du colloque international de Rome (30 et 31 janvier 1987). Rome, Publications de l’École française de Rome, 1991, p. 3-26. Consultable sur : http://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1991_act_140_1_4446

24 J.-P. Bardet, La société et l’abandon…, art. cit., p. 7.

25 S. Fujita, L'abandon d'enfants illégitimes…, art. cit., p. 334.

26 A.D. Ille-et-Vilaine, 2 B 1363.

27 Il est possible pour les filles séduites de poursuivre leur suborneur en justice, de manière à les contraindre au mariage s’ils sont célibataires, ou à recevoir un dédommagement s’ils ne sont pas libres.

28 S. FUJITA, Les malheurs de la première enfance en pays rennais à la fin de l’Ancien Régime…, art. cit., p. 100.

29 C. DELASSELLE, Les enfants abandonnés à Paris…, art. cit., p. 189-194.

30 A. CHAMOUX, L'enfance abandonnée à Reims à la fin du XVIIIe siècle…, art.cit., p. 264.

31 A.D. Ille-et-Vilaine, C 1287. Correspondance de l’intendant.

32 A.D. Ille-et-Vilaine, C 1287.

33 A.D. Ille-et-Vilaine, C 1287. Cet arrêt du Conseil du Roi reprend un arrêt du Parlement de Paris de février 1663 renouvelé en 1772 qui n’a pas été suivi. Voir : I. Robin et A. Walch, « Géographie des enfants trouvés de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles », Histoire, économie et société, 1987, 6ᵉ année, n°3, p. 352.

34 S. Fujita, « L'abandon d'enfants illégitimes à Rennes à la fin de l'Ancien Régime », art. cit., p. 331-332.

35 L.-S. Mercier, Tableau de Paris, T. 3, Amsterdam, 1783, p. 142.

36 A.D. Ille-et-Vilaine, 3 B 370 et 3 B 371. Ces deux liasses contiennent des procédures du Siège Royal de Fougères engagées entre 1769 et 1777. Dans la première se trouve une affaire concernant Jeanne Brillet, qui s’étale de mai 1769 à 1774. Elle est incomplète, mais comprend notamment la plainte du commissaire de police, une information de septembre 1770, et plusieurs interrogatoires de 1769, 1771 et 1774. Dans la seconde, Jeanne Brillet est interrogée, en 1776, dans le cadre d’une affaire d’infanticide. Les sentences ne sont pas connues.

37 A.D. Ille-et-Vilaine, 3 B 371 (liasse). Procédure contre Jeanne Leroux pour infanticide en 1776, parmi d’autres procédures criminelles du Siège Royal de Fougères.

38 A.D. Ille-et-Vilaine, 2 B 1360. Imprimé joint à la procédure criminelle contre les nourrices de la paroisse Saint- Hélier.

39 Voir note 18 : Édit de Henri II de 1556.

40 A. D. Ille-et-Vilaine, 2 B 1190. Liasse de procédures criminelles du Présidial de Rennes.

41 A.D. Ille-et-Vilaine, 3 B 377. Liasse de procédures criminelles du Siège Royal de Fougères.

42 S. Fujita, Les malheurs de la première enfance en pays rennais à la fin de l’Ancien Régime..., art. cit., p. 171.

43 C. Delasselle, Les enfants abandonnés à Paris…, art. cit., p. 198.

44 Sur ce sujet, voir D. Riethmuller, L’infanticide en Bretagne au XVIIIe siècle. Thèse de doctorat en Histoire, Université de Rennes 2 ; Lille, Atelier national de reproduction des thèses, 1984 ; A. Tillier, Des criminelles au village. Femmes infanticides en Bretagne (1825-1865), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2001.

45 A.D. Ille-et-Vilaine, C 1287.

46 J.-P. Bardet, Enfants abandonnés et enfants assistés à Rouen…, art. cit., p. 26.

47 C. Delasselle, Les enfants abandonnés à Paris…, art. cit., p. 199.

48 S. Fujita, Les malheurs de la première enfance en pays rennais à la fin de l’Ancien Régime..., art. cit., p. 104.

49 J.-P. Bardet, La société et l’abandon..., op. cit., p. 7.

50 Sur ce sujet, voir P. Aragon, « L'enfant délaissé au Siècle des Lumières » in Histoire, économie et société, 1987, 6ᵉ année, n°3, p. 387-398. Consultable sur http://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1987_num_6_3_1460 ; J. Hecht, « Le Siècle des Lumières et la conservation des petits enfants » in Population, 47ᵉ année, n°6, 1992, p. 1589-1620 Consultable sur http://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1992_num_47_6_3941 ; M.-F. Morel, « À quoi servent les enfants trouvés? Les médecins et le problème de l'abandon dans la France du XVIIIe siècle » in Enfance abandonnée et société en Europe, XIVe-XXe siècle. Actes du colloque international de Rome (30 et 31 janvier 1987), Rome, École Française de Rome, 199, p. 837-858. Voir http://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1991_act_140_1_4478

51 Des Bois de Rochefort Article « Enfant-trouvé » in Encyclopédie méthodique. Économie politique et diplomatique..., Paris et Liège, 1786, tome II, p. 279.

52 C. Blum, Croître ou périr, Ined, « Classiques de l’Économie et de la Population », 2013.

53 M.-F. Morel, « Théories et pratiques de l'allaitement en France au XVIIIe siècle », Annales de démographie historique, 1976. p. 393-427.

54 J. Doyon, « Le « père dénaturé » au siècle des lumières », Annales de démographie historique 2009/2 (n° 118), p. 143-165.

55 Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes, T. 77, Paris, Michaud, 1845 ; Pocquet du Haut-Jussé, « La Motte-Fablet, maire de Rennes et son cousin Phelippes de Tronjolly », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, T. L, Rennes, 1970, p. 21-38.

56 A. D. Ille-et-Vilaine, 56 H.

57 A. M. Rennes, FF 391 : information contre les subalternes de l’hôpital Saint-Yves.

58 A. D. Ille-et-Vilaine, 2 B 1363. Liasse qui contient la procédure criminelle contre Jean Radiguel, économe de l’hôpital Saint-Yves, 1781-1782, parmi d’autres procédures. Il n’y a pas d’inventaire détaillé des archives du Présidial.

59 En août 1782, Mme Radiguel mère est veuve ; mais le fils a succédé au père parce que celui-ci est mort, ou il est décédé peu après.

60 S. Fujita, Les malheurs de la première enfance en pays rennais à la fin de l’Ancien Régime..., art. cit., p. 137.

61 A.D. Ille-et-Vilaine, 2 H 738 à 743.

62 J. Hecht, Le Siècle des Lumières et la conservation des petits enfants…, art. cit.

63 A. Molinier, Enfants trouvés, enfants abandonnés…, art. cit., p. 463.

64 J.-P. Bardet, Enfants abandonnés et enfants assistés à Rouen..., art. cit., p. 30.

65 M.-F. Morel, Théories et pratiques de l’allaitement…, art. cit., p. 422.

66 A.D. Ille-et-Vilaine, 2 H 594. Registre de délibération de l’hôpital général.

67 S. Fujita, L'abandon d'enfants illégitimes à Rennes…, art. cit., p. 338.

68 J.-P. Bardet, Enfants abandonnés et enfants assistés à Rouen…, art. cit., p. 22.

69 S. Fujita, Les malheurs de la première enfance en pays rennais à la fin de l’Ancien Régime..., p. 137.

70 A. M. Saint-Malo, H G 164. Registre des enfants trouvés, 1749-1788.

71 A. D. Ille-et-Vilaine, 2 H 594. Demandes de secours pour sauver l’hôpital (1783, 1784, 1786).

72 S. Fujita, L'abandon d'enfants illégitimes à Rennes…, art. cit., p. 340.

73 A. D. Ille-et-Vilaine, 2 B 1360. Liasse faisant partie des archives du Présidial de Rennes et qui comprend différentes procédures criminelles.

74 M.-F. Morel, A quoi servent les enfants trouvés ?…, art. cit., p. 854.

75 A.D. Ille-et-Vilaine, 2 B 1368.

76 A.D. Ille-et-Vilaine, 1 Bg 332.

77 Pendant cette période, l’infanticide est encore le plus souvent puni de mort en première instance ; mais en réalité, les peines sont rarement confirmées en appel au Parlement qui fait preuve de bienveillance en retenant le manque de preuves ou le fait que la mère soit « tombée en faiblesse ».

78 S. Fujita, Les malheurs de la première enfance en pays rennais à la fin de l’Ancien Régime..., p. 233.

79 A. Molinier, Enfants trouvés, enfants abandonnés…, art. cit., p. 462.

80 C. Delasselle, Les enfants abandonnés à Paris..., art. cit., p. 213-214.

81 A.D. Ille-et-Vilaine, 2 B 1190.

82 C. Delasselle, Les enfants abandonnés à Paris..., art. cit., p. 214.

83 J.-P. Bardet, La société et l’abandon, art. cit., p. 15.

84 J.-P. Bardet, Enfants abandonnés et enfants assistés à Rouen…, art. cit., p. 37 ; F. Langlois, « Les enfants abandonnés à Caen, 1661-1820 », Histoire, économie et société, 1987, p. 307-328.

85 A.D. Ille-et-Vilaine, 2 B 1363. Procédure contre les administrateurs de l’hôpital saint-Yves.

86 J. Boswell, « Expositio and Oblatio : The Abandonment of Children and the Ancient and Medieval Family », The American Historical Review, Vol. 89, n° 1, Oxford, Oxford University Press, 1984, p. 10-33.

87 E. Badinter, L’amour en plus. Histoire de l’amour maternel. XVIIe-XXsiècle, Paris, Flammarion, 1980.

88 S. Blaffer Hardy, Les instincts maternels, Paris, Payot, 2004.

89 J.-P. Bardet, La société et l’abandon…, art. cit., p. 19.

90 A. Rivière, « Mères sans mari. Filles-mères et abandons d’enfants (Paris, 1870-1920) », Genre _ Histoire [En ligne], 16 | Automme 2015, mis en ligne le 16 février 2016. URL : http://genrehistoire.revues.org/2292

Pour citer ce document

Marie Christine Delamotte, «Le triste sort des bâtards nouveau-nés en Pays rennais à la fin de l’Ancien Régime», Histoire culturelle de l'Europe [En ligne], Revue d'histoire culturelle de l'Europe, Regards portés sur la petite enfance en Europe (Moyen Âge-XVIIIe siècle), Pratiques liées à la petite enfance : place(s) dans la société et prises en charge spécifiques, Abandon, rejet/exclusion et dérives du nourrissage,mis à jour le : 15/01/2018,URL : http://www.unicaen.fr/mrsh/hce/index.php?id=567

Quelques mots à propos de : Marie Christine Delamotte

Université Rennes II

Marie Christine Delamotte est doctorante à l’Université de Rennes 2. Elle travaille sur la violence féminine à l’époque moderne, sous la direction de Dominique Godineau, professeure d’Histoire moderne, au sein de l’unité de recherche Tempora