Soigner l’enfant pendant les premières années de sa vie : ordre naturel et curation chez Antoine Petit (1722-1794)
Résumé
En consacrant la dernière partie de son Abrégé historique de l’art des accouchemens (1799) au nouveau-né, le médecin Antoine Petit (1722-1794) témoigne d’une attention particulière portée au corps du tout jeune enfant, fragile et sujet aux maladies. Le régime médical qu’il prescrit demeure certes classique, dans la mesure où il s’intéresse aux différents facteurs pouvant modifier la physiologie infantile. Éminemment malléable, l’enfant doit se conformer au corps prévu par la Nature : le rôle du médecin est donc d’empêcher tout ce qui pourrait nuire à son développement naturel, qu’il s’agisse de « vices de conformation » ou de mauvaises pratiques. Dès lors, tout l’environnement de l’enfant est étudié : au centre de ces conseils, le choix de la nourrice, dont « les inclinations passent à l’enfant » et dont le lait transmet diverses vertus, occupe une place considérable. Empreint de réflexions propres au siècle des Lumières, Antoine Petit entend s’ériger contre les « préjugés ». Ainsi, l’emmaillotement prêché sur le continent européen constitue une entrave à l’enfant, « arbrisseau qui poussera des branches droites, si on le laisse à lui-même ». Tout l’art du médecin consiste donc à trouver l’équilibre entre « suivre la simple nature » et procéder à la curation, afin de « sauver les jours de l’enfant ».
Abstract
By focusing on newborn babies in the last chapters of his Abrégé historique de l’art des accouchemens (1798), the French doctor Antoine Petit (1722-1794) shows a particular interest in young children, especially frail and exposed to diseases. He prescribes a traditional health regimen, which focuses on factors influencing the child’s health. The infant’s soft body must conform to the body provided by Nature. Therefore, the doctor’s role is to prevent the child from anything that could hurt his natural development, such as birth defects or wrong medical practices. The doctor then pays attention to the child’s whole environment. Among these medical advices, the choice of the wet nurse is extremely important because through breastfeeding she transmits to the newborn baby her behaviour and virtue. In accordance with the ideas of the Age of Enlightenment, Antoine Petit intends to fight prejudices: although swaddling is common on the European continent, this practice is harmful to children. The art of the doctor is to find a balance between following Nature and giving “curation”, i. e. medical treatment, in order to save the child’s life.
Table des matières
Texte intégral
Introduction
1Au cours du XVIIIe siècle, les médecins ont développé un discours presque unanime1 sur la petite enfance et les soins spécifiques qui y sont attachés, si bien que l’on a pu y voir, à tort, l’émergence d’un sentiment inédit pour l’enfance2. Si l’attention portée au premier âge de la vie n’est pas nouvelle3, l’étude des maux qui le touchent devient, il est vrai, plus systématique. Les traités d’obstétrique s’enrichissent progressivement : en plus des soins gestationnels, ils étendent désormais leurs conseils à la femme nouvellement accouchée et à son nourrisson4. Médecins et philosophes s’inscrivent dans la politique de santé publique initiée dès les années 1750. Ainsi, en 1759, la sage femme Angélique du Coudray, qui a conçu le fameux mannequin d’accouchement, est chargée par Louis XV de diffuser son enseignement sur tout le territoire français. Par l’amélioration de la formation médicale, la monarchie vise à réduire la mortalité touchant les mères comme leurs enfants, et encourage, de fait, les traités dédiés à cette question, qui se multiplient à cette période. En consacrant la dernière partie de son Traité des maladies des femmes enceintes, des femmes en couche et des enfants nouveaux nés5 au jeune enfant, le médecin orléanais Antoine Petit6 participe donc de ce mouvement, d’autant plus si l’on examine son manuscrit intitulé Les maladies des femmes, conservé à la Bibliothèque Municipale de Tours7. Ces notes de cours, qui selon toute vraisemblance, précèdent l’édition de 1799 d’une vingtaine d’années, suivent dans l’ensemble le plan du futur traité, à l’exception toutefois de la dernière partie. Dans la version imprimée de 1799 en effet, Antoine Petit fait figurer, à la suite des chapitres concernant les maladies féminines hors ou pendant la grossesse, un traité sur le nouveau-né, qui témoigne de cette attention particulière portée au corps du tout jeune enfant, fragile et sujet aux maladies. Cet ajout, qui sera au cœur de la présente étude, reprend les thèmes traditionnels de la littérature médicale du XVIIIe siècle. Marqués par l’Émile de Jean-Jacques Rousseau et l’Encyclopédie, les médecins se caractérisent par « une volonté d’agir en profondeur sur les comportements et sur l’environnement, rendus responsables de la plupart des maladies »8. Le régime médical qu’Antoine Petit prescrit demeure certes classique, dans la mesure où il s’intéresse aux différents facteurs pouvant modifier la physiologie infantile. Malléable par essence, l’enfant doit se conformer au corps prévu par la nature. Le rôle du médecin consiste donc à empêcher tout ce qui pourrait nuire à son développement.
2Cet article, qui se veut avant tout une première approche de l’œuvre méconnue d’Antoine Petit, fera émerger différentes thématiques. La valorisation de « l’ordre naturel », qui retiendra tout d’abord notre attention, passe par la dénonciation de certaines pratiques, jugées nocives au nouveau-né. Les mères sont vivement encouragées à nourrir elles-mêmes leurs enfants et, à défaut d’allaitement maternel, le choix de la nourrice, dont « les inclinations […] passent à l’enfant » et dont le lait transmet diverses vertus, occupe une place considérable9. Antoine Petit s’érige aussi contre l’autre « préjugé » de ce siècle, l’emmaillotement, qui immobilise le nouveau-né dans différentes couches de linges10. Prêché sur le continent européen, il constitue une entrave à l’enfant, « arbrisseau qui poussera des branches droites, si on le laisse à lui-même »11. Parfois cependant, « la nature peut s’être écartée des règles »12 : le médecin doit alors intervenir et procéder à la curation. Le nouveau-né affligé de malformations bénignes subit une opération chirurgicale pour corriger l’imperfection corporelle, et celui qui a souffert d’un accouchement laborieux est guéri par des manipulations expertes. L’homme de l’art rend ainsi à l’enfant le corps que la nature avait prévu pour lui. Enfin, les maladies propres au premier âge de la vie font l’objet d’une description détaillée, qui met l’accent sur la période allant de la naissance à l’apparition des premières dents. Située « entre le douzième et le quinzième mois », cette étape décisive marque en effet la fin de la spécificité de l’enfance, car « passé ce temps, l’enfant est compris dans la classe du reste des hommes ; et les maladies dont il peut être attaqué ne se traitent pas différemment »13.
« Suivre la simple nature » : langer et nourrir
3Dès sa naissance, l’enfant reçoit des soins qui demeurent inchangés depuis l’Antiquité14. Cet ensemble de tâches minutieuses est rappelé par Antoine Petit dans le chapitre consacré au « traitement de l’enfant pendant les premières vingt-quatre heures de sa vie »15. Le cordon ombilical est coupé, puis enveloppé de linges imprégnés de vin chaud. Après quoi, l’une des premières tâches du médecin consiste à « examiner si l’enfant est dans l’état naturel » ou s’il souffre de « vices de conformation » 16. Les diverses malformations qui peuvent être découvertes appellent une série de manipulations particulières que le médecin détaillera dans les chapitres suivants ; pour lors, il se concentre sur les gestes qui visent à nettoyer le nouveau-né. « Linges mollets » et « petites douches » débarrassent en douceur l’enfant de sa « robe de crasse » et s’adaptent à la fragilité du « petit corps »17. Selon Antoine Petit, ces premiers soins s’inscrivent dans une pratique universelle et, pour ainsi dire, innée : « Il paroît que c’est cette crasse qui a donné lieu à tous les peuples de laver leurs enfants »18. Sans passer sous silence le risque parfois mortel qu’implique un baptême par immersion, le parallèle que le médecin établit entre le nettoyage de l’enfant et le premier sacrement renforce l’idée selon laquelle cette pratique tient autant du rituel que du souci hygiénique :
Notre baptême doit peut-être son origine à cet ancien usage. Ce qui me le fait croire, c’est la manière dont on l’administroit autrefois ; c’étoit par immersion : mais ayant vu les mauvais effets qui en résultoient, on s’est contenté de l’aspersion ; encore incommode-t-elle beaucoup d’enfans.19
4Tout comme baptiser l’enfant permet son introduction dans la communauté chrétienne, le laver signe son entrée chez les vivants. Une fois le cordon coupé et les résidus puerpéraux enlevés, l’enfant est définitivement séparé de tout ce qui le rattachait au ventre maternel. Il quitte le milieu aquatique de la matrice, « les eaux dans lesquelles [il] nage »20, pour rejoindre le monde des hommes.
5Il peut à présent recevoir des vêtements, et ils sont nombreux, comme en témoigne l’énumération des différents linges nécessaires à l’emmaillotement :
Les ustensiles les plus nécessaires pour cette opération sont un linge fin ployé en triangle, un béguin, un bonnet de laine, une petite cornette, une chemise à brassière, un petit mouchoir de cou, deux langes, deux petites couvertes, deux bandes de toile, et quelques compresses de linge fin pour mettre derrière les oreilles et entre les cuisses.21
6La profusion des tissus consacrés à l’emmaillotement peut frapper un esprit contemporain, d’autant plus que certaines pièces sont revêtues en double voire en triple. Le béguin, le bonnet de laine et la cornette couvrent ainsi la tête, protégeant au moins symboliquement ce « siège de l’âme », qui, par la présence des fontanelles, est aussi un « endroit névralgique »22. L’abondance des couches de vêtements correspond à une volonté de garder le nouveau-né au chaud tout en soutenant son corps jugé mou et faible. Dès le milieu du XVIIIe siècle toutefois, à la suite de Buffon23, la critique de l’emmaillotement se généralise dans le discours médical24. Antoine Petit suit ce courant de pensée : s’il détaille les tissus enveloppant l’enfant, il se refuse à expliquer la manière de procéder, arguant que la pratique est si courante qu’elle n’est inconnue de personne. Il se limite à indiquer que l’emmaillotement doit « tenir l’enfant ferme, la tête dans une attitude droite et perpendiculaire au reste du corps, les bras allongés et placés à côté de la poitrine », mais sans le serrer de façon excessive, puisque « la main doit passer aisément entre [la poitrine] et le maillot »25. Cette précision s’accompagne d’une mise en cause des nourrices, qui « ne prennent pas garde » à laisser respirer l’enfant. Topos de la littérature médicale, la dénonciation des erreurs commises par les nourrices ne suffit pas pour autant à asseoir l’autorité du médecin : « Mais aller prêcher cette doctrine aux pères et aux mères, ou aux nourrices, ce serait perdre son temps ; ils ne vous écouteroient pas »26. Cette position peut rappeler celle du chirurgien Antoine-François Barbaut, qui se dit favorable à ce qu’on « habill[e] l’enfant comme on le fait après quelques mois, c’est-à-dire qu’on le laiss[e] libre »27, tout en reconnaissant son échec pour changer les mentalités28. Antoine Petit passe sous silence les gestes controversés et s’emploie au contraire à démontrer, en cinq points, que cette pratique est « très mauvaise », et qu’il faudrait, « pour le bien du genre humain, qu’on la rejet[te] totalement »29.
7Le médecin décrit un enfant « séquestré », qui demeure faible faute de pouvoir agiter ses membres. Le corps, en « prison », ne peut développer correctement ses organes, notamment ceux qui sont pressés directement par les linges, comme les viscères ou les poumons. Emmailloter est peu hygiénique : à cause de la complexité de l’opération, le maillot n’est pas changé fréquemment, et le bébé est bien souvent laissé dans ses excréments. Cette couche successive de vêtements enfin, « loin de bien conformer le corps, le contrefait », allant jusqu’à le rendre « rachitique, tortueux, bossu »30. Prêchée sur l’ensemble du continent européen, cette « maudite compression » produit donc l’exact inverse de l’effet escompté et constitue une entrave à l’enfant. Les médecins du XVIIIe siècle promeuvent les pratiques de peuplades alors jugées primitives : Antoine Petit rapporte la méthode des Indiens, qui « font un trou en terre assez profond pour que l’enfant puisse y être debout jusqu’aux aisselles ». C’est toutefois le sac de peau utilisé par les Virginiens et les Canadiens qui remporte sa préférence :
Les Virginiens, les Canadiens mettent leurs enfants dans des sacs de peau qui se froncent et se serrent autour du cou de l’enfant, pour le garantir du froid qui règne dans ces climats. Cette manière de faire est très bonne ; je la conseille très-fort. On ménage un trou au sac, vis-à-vis les fesses de l’enfant ; on y ajoute un autre petit sac pour recevoir les excrémens et les urines : on changeroit tout uniment cette poche de cuir quand elle seroit sale, sans avoir l’incommodité de démailloter l’enfant à chaque fois qu’il rend ses excrémens. Ce maillot, je le répète, vaut mieux que le nôtre ; il n’a aucun inconvénient ; il rassemble, au contraire, tous les avantages.31
8En plus de son aspect hygiénique, ce sac de peau peut être rendu plus ou moins chaud selon les saisons ; il laisse en outre toute liberté de mouvement à l’enfant, qui se développera correctement, deviendra plus fort et pourra même faire ses premiers pas plus tôt. Une sollicitude semblable occupe le médecin lorsque l’enfant commence à marcher : les chariots dans lesquels il prend place, les bretelles ou les « corps » qu’il porte sont à proscrire. Tous contribuent à le rendre « bossu », quand ils ne sont pas à l’origine de problèmes plus graves32. Une fois encore, l’exemple d’autres peuples pourrait inspirer les Européens :
Les négresses, qui suivent la simple nature, nous indiquent la manière d’apprendre à marcher aux enfants ; elles leur présentent le tetton ou quelque chose qui les flatte ; l’appât ou le désir de la jouissance les déterminent à se tenir droits et à venir chercher ce qu’on leur présente : il faut pourtant avoir les mains prêtes à les retenir, en cas qu’ils viennent à tomber.33
9Pour que l’enfant grandisse et acquière une bonne santé, il faut donc « suivre la simple nature ». Il n’est cependant pas question d’imiter les animaux. Antoine Petit s’oppose ainsi à un « auteur anglais », dont il ne cite pas le nom, mais dans lequel il est possible de reconnaître Michel Bermingham. Dans sa Manière de bien nourrir et soigner les enfants nouveaux-nés, ce médecin s’inquiète en effet de la différence brutale de température lors de la venue au monde de l’enfant. Placé dans une chambre susceptible d’être en proie aux courants d’air, et qui n’est en tout cas jamais « d’une chaleur si égale et si douce que l’étoit le sein de la mère », le nouveau-né risque un sort funeste. Michel Bermingham conseille alors de prendre exemple sur les animaux, qui couvent leurs petits : de la sorte, on pourra éviter aux enfants un refroidissement fatal34. Antoine Petit est résolument contre cette méthode, à l’origine d’un accident « qui n’est que trop commun » : bien des femmes en effet s’endorment dans le même lit que leur nouveau-né et l’étouffent dans leur sommeil35. Le médecin orléanais avance encore une autre raison, d’ordre hygiénique, et exprime sa crainte que le nouveau-né ne respire un air vicié, « car le lit d’une femme en couches, quelque propre qu’elle soit, peut être regardé comme un cloaque »36.
10Une autre question fait particulièrement débat dans les traités médicaux : il s’agit de déterminer quelle nourriture l’enfant doit prendre et quand. Au XVIIIe siècle, rares sont les médecins qui se prononcent contre l’allaitement, à l’image de ce « médecin de notre temps », probablement Alexandre-Théophile Vandermonde. Sa proposition de nourrir les enfants de bouillons, panades et laits animaux lui vaut d’être qualifié de « ridicule », par Antoine Petit37. Sans renouveler fondamentalement le discours sur l’allaitement maternel, le XVIIIe siècle opère un changement concernant le colostrum. Auparavant considéré au mieux comme du lait de mauvaise qualité, au pire comme du poison, ce premier lait est progressivement réhabilité, et l’on n’attend plus que la femme ait complètement évacué ses lochies pour qu’elle puisse nourrir son enfant. Bien plus, la plupart des médecins, dont Antoine Petit, considèrent que le colostrum, légèrement purgatif, rend l’enfant plus apte à expulser le méconium, ses premières selles. Après en avoir appelé à « la tendresse et l’attachement que la mère a ou doit avoir pour son enfant », Antoine Petit a recours à un dernier argument pour engager les mères à allaiter elles-mêmes :
Non seulement ce dernier en seroit mieux, mais encore la femme s’épargneroit une infinité de maux qui peuvent survenir, et qui arrivent souvent. Les femmes qui nourrissent leurs enfants sont très rarement sujettes aux fleurs blanches, si communes à Paris sur-tout ; elles sont moins exposées aux engorgemens, aux obstructions, aux inflammations, aux squirres, au cancer de la matrice. Les nourrices, de même que les femmes grosses, sont exemptes, tout le temps de leur nourriture, des maladies ordinaires qui attaquent les autres, les fièvres, les rhumatismes, la goutte. Il me semble que la nature s’intéresse à écarter du corps de la femme qui nourrit tous les accidens qui pourroient arrêter cette nourriture.38
11Aux considérations morales en faveur de l’allaitement s’ajoute donc un intérêt sanitaire : la mère allaitante est en meilleure santé que la mère qui confie son enfant à une autre, idée du reste assez répandue dans les traités médicaux39. Ne pas allaiter son enfant revient à ne pas respecter l’ordre naturel : « C’est tellement le vœu de la nature, je dirois presque l’ordre, que lorsqu’il n’est pas écouté, le mal s’ensuit pour la mère et l’enfant, et souvent pour tous les deux »40. Ce raisonnement fait écho à une autre assertion que l’on trouve au début du chapitre sur les maladies des femmes grosses :
La grossesse expose les femmes à quelques accidents ; mais elle leur épargne, en récompense, un grand nombre de maladies fort graves, par exemple, les fièvres inflammatoires, les convulsions, l’épilepsie : il semble que la nature, attentive à leur état, éloigne d’elles tout ce qui pourroit écraser le précieux fardeau qu’elles portent. Non seulement les femmes grosses sont exemptes de plusieurs maladies, mais même la grossesse les guérit d’un grand nombre d’autres.41
12Antoine Petit propose l’explication suivante : « l'enfant absorbe une partie du levain qui produit ces accidents ; peut-être aussi que le corps de l'enfant et le placenta sont de nouveaux agens qui conjointement avec ceux de la mère, travaillent à attenuer et à assimiler nos humeurs »42. Tant que la femme nourrit son enfant, fœtus dans le ventre maternel ou bébé nouvellement né, tous deux se préservent mutuellement, et se fondent en un seul corps rendu plus fort contre les maladies. Seules deux circonstances justifient le recours à une « nourrice étrangère », lorsque la mère meurt en couches, ou lorsqu’elle est susceptible de transmettre une maladie à son enfant. Comme nombre de ses confrères, Antoine Petit consacre un chapitre au choix de la nourrice. Dans l’ensemble, le portrait qu’il en offre s’appuie sur des critères relativement courants, qu’il semble toutefois adapter aux réalités de son époque. Si la plupart des auteurs s’accordent sur l’âge moyen de la nourrice, compris entre vingt-cinq et trente-cinq ans43, Antoine Petit étend cet intervalle, jusqu’à trente-huit ans pour les petites femmes, et quarante-quatre pour les grandes. Il faut bien sûr veiller à ce que la nourrice ne soit porteuse d’aucune maladie, sans quoi « elle la communiqueroit à l’enfant »44. Sa bonne santé peut être jugée à son teint vermeil, et surtout, à sa bouche : l’haleine fétide et les dents gâtées indiquent clairement un corps malsain. Ce critère apparaît d’ailleurs à deux reprises, et à seulement une page d’intervalle : le médecin orléanais insiste donc sur la « dangereuse conséquence » d’une bouche puante. La proximité de l’enfant avec la bouche de la nourrice explique cette crainte : l’enfant « respire un air infect », et « se nourrit d’aliments qui ont déjà acquis un degré de pourriture »45. S’il reste préférable que la nourrice ait un tempérament semblable à celui de la mère, un tempérament différent peut parfois être exploité à succès : le meilleur tempérament, le sanguin, peut ainsi être utilisé pour « corriger » les apports négatifs d’une mère « cachochime »46. Opter pour une nourrice au tempérament sanguin n’a rien d’étonnant, puisqu’il correspond au premier âge de la vie, défini depuis Empédocle et le corpus hippocratique comme étant chaud et humide : un allaitement approprié permettrait ainsi de rétablir l’équilibre dans le corps de l’enfant. L’originalité d’Antoine Petit réside manifestement dans la gestion des tabous sexuels. Depuis l’Antiquité, il est admis que la nourrice ne peut être réglée lorsqu’elle allaite : Antoine Petit estime qu’« on s’est trompé à cet égard »47 et que les menstrues n’altèrent en rien la qualité du lait. Il ne prêche pas non plus l’abstinence, puisque le chagrin qu’elle est susceptible d’entraîner « aigrit et tarit le lait »48. À plus d’un titre, le sevrage de l’enfant est un moment délicat : indiqué par la nature, qui laisse sortir les dents, il doit être progressif et concerne aussi bien l’enfant que la nourrice. Pour cette dernière, la souffrance physique provoquée par les dépôts laiteux ou les engorgements s’accompagne d’une détresse psychologique : Antoine Petit évoque alors la nécessité d’« égayer » et de « distraire » la nourrice « triste d’avoir perdu son nourrisson »49.
Un corps qui s'écarte de la nature : « vices de conformation » et « accidens »
13Lorsque l’enfant naît, il arrive parfois que le médecin ou la sage-femme constate des défauts sur son corps – voies naturelles obstruées complètement ou partiellement, parties béantes au lieu d’être fermées. L’opération chirurgicale s’impose alors, mais demeure sans gravité. Le fragilité du jeune enfant est un travers autant qu’un atout : s’il se prête aisément aux altérations infligées par la nature, la malléabilité de son corps autorise également toutes sortes d’interventions. Le médecin s’efforce de corriger la nature défaillante : il décrit l’imperfection, en exposant les causes, le diagnostic et le pronostic, puis précise la « curation ». Des six malformations citées par Antoine Petit, cinq concernent des organes situés sur la tête, et qui déterminent les fonctions sensitives élémentaires que sont la vue, l’ouïe, l’odorat et le goût. Le médecin traite successivement des yeux, des oreilles, des narines, des lèvres, du filet de la langue et du nombril. Dans certains cas, l’anomalie corporelle ne met pas en danger la vie de l’enfant, bien qu’elle soit à l’origine d’une infirmité. Ainsi, « un enfant pourroit vivre avec les narines bouchées ; mais le sens de l’odorat seroit presque détruit chez lui, et comme cela se dit vulgairement, il parleroit du nez »50. La non-perforation des oreilles affecte doublement l’enfant, le rendant sourd et muet51. L’ankyloblépharon enfin, peut frapper l’enfant de cécité. Ce « vice dans lequel les paupières sont collées, fermées ensemble »52, retient davantage l’attention d’Antoine Petit53. Le petit patient est plus ou moins affecté, selon l’épaisseur de la membrane, et selon qu’elle recouvre entièrement ou partiellement les yeux. Dans d’autres cas, les paupières ne font qu’une ; parfois même, elles adhèrent au globe oculaire, mais « cette dernière espèce est rare »54. Lorsque l’ankyloblépharon n’est pas complexe, il s’agit d’inciser pour créer l’ouverture manquante, sans blesser le globe oculaire et en prenant soin de ne pas endommager les « points lacrymaux »55 ; on lave ensuite au vin et à l’eau tiède. Antoine Petit insiste sur la sûreté d’une telle opération et la rapidité du rétablissement, propre au jeune âge du patient : « La cure est bientôt faite : on ne peut croire avec quelle promptitude les plaies se cicatrisent dans les enfans »56. Il ajoute encore : « Comme cette opération n’est pas dangereuse, on peut la faire au bout de huit jours, sans attendre trois ou quatre mois, comme quelques auteurs le recommandent ; il n’en résultera aucun inconvénient »57. Ouvrir le conduit auditif est plus malaisé ; lorsque la membrane qui le bouche est trop épaisse ou particulièrement profonde, « le mal est incurable »58. Il faut malgré tout retirer la chair superflue. Le résultat demeure plus qu’incertain, puisque « cette opération n’a pas eu jusqu’ici des succès bien avérés »59. Le choix d’un instrument non-chirurgical, « l’emporte-pièce, qui est un instrument dont se servent ceux qui font des fleurs sur des étoffes »60, peut surprendre. Mais ce conseil d’Antoine Petit est le témoin d’une médecine en constante adaptation, et qui vise à déterminer l’instrument le plus approprié pour opérer l’enfant. Bien plus, soigner le mal ne se résume pas à réparer la partie affectée et à préserver le nouveau-né d’une possible infirmité. Le rôle du médecin consiste aussi à rendre le corps de l’enfant conforme à ce qu’il doit être, de façon à ce qu’il présente, au moins en apparence, des organes fonctionnels.
14D’autres malformations mettent directement en danger l’enfant : l’occlusion des lèvres, par exemple, qui se résout facilement mais implique que le bébé soit nourri à la cuillère le temps de la cicatrisation. « Défaut de nourriture de l’enfant »61, encore, lorsque le frein lingual se prolonge jusqu’à l’extrémité de la langue. Il faut alors couper ce « filet » qui retient la langue, empêche l’enfant de téter et le rend parfois bègue ou muet. Tout en répondant à une nécessité vitale (« il y a impossibilité de tetter », nous dit Antoine Petit), cette section du filet s’inscrit dans une pratique ancienne, qui visait à « délier la langue de l’enfant », lui assurant de ce fait pleine croissance et usage de la parole :
Dans la plupart des pays d’Europe la coutume voulait que le filet de la langue soit sectionné ; et la pratique était courante en Haute-Auvergne, en Languedoc, dans le Poitou et le Morvan au début du XXe siècle […]. La matrone ne taille jamais l’ongle qu’elle utilise pour cette opération : c’est là une vieille tradition.62
15Pour commune, cette opération n’est cependant pas sans danger : Antoine Petit déplore que « les accidens qui suivent coûtent souvent la vie aux petits enfants »63. La première complication survient lorsque « l’opérateur travaille en aveugle » et endommage les artères : l’hémorragie qui s’ensuit est fatale au nourrisson. Autre risque, la suffocation : en cherchant à sucer le sang, d’une « saveur douceâtre qui le flatte »64, l’enfant peut avaler sa langue. Antoine Petit indique un dernier cas, qui relève du tabou alimentaire :
Si l’enfant avale le sang et qu’il aille dans l’estomac, il s’y altère, il s’y pourrit, occasionne des nausées, des vomissements, des diarrhées, des coliques, qui donnent la mort. […] Observez que le sang ne se digère jamais : le législateur des Juifs avoit donc grandement raison d’interdire à ses peuples l’usage de manger du sang.65
16Les traités médicaux confèrent au sang humain un statut ambigu. Dans son De medicina, Celse rapporte la pratique qui consistait à boire le sang d’un gladiateur pour guérir l’épilepsie66. Quant à Pietro d’Abano, il place le sang menstruel et le sang de l’homme roux en colère parmi les « venins » susceptibles d’entraîner un état second, amnésie ou folie67. À l’interdit proféré par le Lévitique (17, 10-14), s’ajoute donc ici l’ambivalence du sang en médecine, tour à tour remède ou poison68. Dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, Antoine Petit rapporte différents cas d’enfants qui lui furent confiés suite à une section du filet ratée. Les soins qu’il leur apporte constituent le point de départ d’une réflexion sur une possible amélioration de cette opération, tant dans son exécution que dans la convalescence qui suit :
L’ouverture de ces vaisseaux n’est pas un petit accident, plusieurs enfants en ont perdu la vie, soit parce que ceux qui avaient commis cette faute l’ont cachée, ou parce que les pauvres enfants ont été mis entre les mains de gens dont le savoir borné ne leur a pas fourni tous les expédiens et les différens moyens que l’on peut pratiquer en pareil cas. J’ose dire qu’aucun de ceux auquels j’ai été appellé, n’est mort de cette hémorragie, ayant trouvé d’une façon ou d’une autre le moyen de l’arrêter.69
17Au bistouri, il substitue ainsi « des ciseaux, dont une branche est dormante et l’autre mobile »70, et détaille l’autre instrument utilisé, une sorte de fourchette à deux branches, dont la fente permet de laisser passer le filet, et qui présente l’avantage de maintenir et de dégager la langue. Les autres vices de conformation font l’objet de développements plus courts de la part du médecin. L’emplâtre « contra rupturas » est préconisé en cas de malformations du nombril, qu’Antoine Petit décrit en quelques mots avant de mentionner Alexander Monro. Ce médecin écossais, auteur d’un ouvrage sur les hernies, souligne la plus grande dangerosité de cette maladie chez les femmes, notamment lors d’une grossesse :
Infants, especially in the first months after birth, if proper pressure has not been applied to the part, are extremely liable to suffer from umbilical hernia. If boys, the disease is less formidable, and of less consequence, as they commonly outgrow it; but, in girls, it often lays the foundation of the complaint, especially when they become pregnant at an after period of life.71
18Alors qu’il annonçait en début de chapitre les occlusions « de l’anus, de la vulve chez les filles, de l’uréthre chez les garçons », Antoine Petit n’explique pas comment procéder dans ces cas particuliers. Il conclut de manière rapide, en renvoyant son lecteur à l’opération des narines : « je passe ici sur ce que nous aurions à dire […] sur l’occlusion du fondement, sur celle de l’uréthre, de la vulve : toutes ces choses ne contiennent rien de particulier qui n’ait été expliqué en parlant de l’occlusion des narines »72. Ce silence est d’autant plus surprenant que de telles malformations génitales étaient extrêmement redoutées par l’issue fatale qu’elles pouvaient laisser présager pour le nouveau-né.
19Une délivrance compliquée ne laisse pas toujours l’enfant indemne : bien des maladies « reconnoissent pour cause ce que l’enfant a souffert dans l’accouchement laborieux »73. Les « accidents » qui en découlent ont deux origines : l’étroitesse du bassin ou les mauvaises manipulations de la personne en charge de l’accouchement. La suffocation est certainement le cas le plus spectaculaire, car l’enfant, en état de mort apparente, « livide, violet, bouffi, défiguré », « meurt bientôt, si on ne lui donne promptement secours »74. Antoine Petit préconise des méthodes bien connues des accoucheurs pour ranimer l’enfant, notamment l’utilisation du placenta. On diffère la ligature du cordon, on le frictionne afin de relancer la circulation du corps de la mère à celui du bébé. Cette technique ancienne est déjà rapportée par Aristote dans son Histoire des animaux :
On croit souvent que l’enfant est mort-né lorsqu’il s’agit d’un être maladif et que, avant la ligature du cordon, le sang s’est par hasard écoulé hors de son corps dans le cordon ombilical et les parties voisines. Mais certaines sages-femmes déjà expérimentées, pressent le cordon pour faire rentrer le sang et aussitôt l’enfant qui l’instant d’avant était devenu comme exsangue, revient à la vie.75
20La respiration peut être rétablie « [en adaptant] sa bouche à celle de l’enfant, [en chassant] doucement dans cette petite bouche son haleine »76. La saignée n’est envisagée qu’en dernier recours pour sauver la vie du nouveau-né. Lorsque la tête est retenue « au passage », le crâne est comprimé et « les os passent les uns sur les autres »77 ; il se forme quelquefois sur le vertex une contusion, « moitié remplie de sang, moitié d’eau »78. De nouveau, la manipulation du cordon ombilical entre dans la guérison de l’enfant : il faut en extraire du sang, puis appliquer du vin chaud sur la tête meurtrie. Élément éminemment symbolique, le cordon ombilical, essentiel au bon développement de l’enfant dans le ventre maternel, lui dispense encore ses vertus thérapeutiques après la naissance. Le médecin procède à de légères pressions pour remettre les os « dans l’état naturel »79. En cas de contusion, la racine de grande scrofulaire, réputée contre les écrouelles, se mêle au vin pour réduire l’œdème. Jugée dangereuse, la scarification est exclue par Antoine Petit, qui ne conseille d’inciser qu’en cas d’échec du traitement et d’apparition d’un abcès.
21Caractérisés par leur douceur, tous ces soins viennent compenser la violence que peut subir le corps enfantin lors de sa venue au monde, problème majeur que mettent aussi en évidence les luxations et les fractures. S’il sacrifie au topos de la sage-femme malhabile, coupable de « tirer l’enfant par les cheveux, […] de le faire venir en double, et de le retourner sans ménagement »80, Antoine Petit déplore aussi « l’impéritie » de l’accoucheur. Bien qu’il admette que face à des situations périlleuses, on soit « obligé de luxer ou de casser un membre pour sauver la vie à l’enfant », faire preuve de « précaution, adresse et patience »81 reste pour lui le seul moyen d’éviter ces accidents. Les fractures occasionnées par ces manipulations brutales se soignent de la même manière que chez les adultes. Elles sont toutefois marquées par la spécificité du corps infantile : aisément reconnaissables, « car les membres se raccourcissent encore plus que chez l’adulte »82, leur guérison se trouve compliquée par la difficulté de « maintenir les parties en place »83. Antoine Petit précise également que « les membres de l’enfant souffrent beaucoup de la compression qu’on est obligé de faire » et que « l’enfant (proportion gardée) a plus de graisse que l’adulte »84. Le médecin est donc amené à prendre en compte un corps qui, tout en recevant des soins communs au genre humain, n’est pas pour autant celui d’un adulte en miniature. Cette pensée se trouve renforcée par les derniers chapitres du traité, qui abordent l’étude des « maladies proprement dites des enfans nouveaux nés »85.
La « curation » : art du médecin ou « forces de la nature » ?
On connoît que l’enfant se porte bien, quand la chaleur de son corps est modérée, qu’il exerce bien ses fonctions et ses mouvements, qu’il digère bien son lait, qu’il est sans convulsion, qu’il n’a pas les yeux égarés, qu’il ne crie pas trop, et qu’il dort bien. Il ne faut pas lui toucher le pouls, cela ne meneroit à rien ; le pouls des enfans est toujours fort intermittent. Le contraire de tous ces signes nous fait connoître que l’enfant est malade.86
22Une difficulté supplémentaire s’impose au médecin auscultant le nouveau-né : dépourvu de langage articulé, ce dernier ne peut exprimer sa souffrance ou son inconfort que par les cris. Déceler le mal passe donc exclusivement par la prise en compte minutieuse des signes corporels. Certains maux se résolvent aisément, en abandonnant des comportements préjudiciables. Le refus du maillot permet d’éviter les rougeurs des cuisses et guérit l’hydrocèle, cet épanchement anormal de liquide dans le testicule. Selon Antoine Petit, les maladies qui touchent les enfants « dépendent presque toutes de la délicatesse de leur estomac et des vices de digestion »87. Il n’est donc guère étonnant que le lait soit au centre des soins à l’enfant : cette problématique se retrouve dans l’ensemble des affections infantiles, à l’exception des hernies et de l’hydrocèle. Inclure la purgation de la nourrice dans le traitement n’est pas rare. En influant sur les propriétés du lait, le médecin agit sur la constitution infantile. La nourrice devient en outre une auxiliaire du soin, son lait contribuant à calmer88 ou évacuer le mal89 et pouvant même se substituer à un médicament90.
23Curatif, le lait est aussi à l’origine de maladies : il provoque notamment la jaunisse, mal qui « n’arrive guère que quand l’enfant tette une nourrice étrangère »91. Dans ce cas, opter pour l’allaitement maternel est la meilleure des préventions, car « sur vingt [enfants] nourris par leur mère il y en a dix-sept ou dix-huit qui n’en sont pas attaqués »92. Antoine Petit conclut donc que « cette maladie nous prouve combien il est important que la mère nourrisse elle-même son enfant »93. Mais lorsqu’elle n’est pas en mesure d’allaiter à la naissance, il faut agir directement sur le lait pour qu’il adopte les qualités du colostrum. Le lait de la nourrice diffère en effet de ce premier lait maternel, « fait pour l’enfant », « analogue à son état », ce « demi-lait qui se digère facilement en raison de sa légèreté »94. Afin que le bébé soit en bonne santé, il faut rendre le lait de la nourrice « tel que son petit estomac l’exige »95, et procéder à des lavements ou des purgations pour le délayer. En dernier recours, il est nécessaire de « bien examiner le lait de la nourrice, de voir la date de son certificat de couche, et de changer pour peu qu’on soupçonne son lait ancien »96.
24Par l’étude de ces maladies, le médecin met également en lumière son talent particulier pour les guérir. Qu’il indique ses préférences ou remette en cause certaines pratiques, Antoine Petit affirme nettement ses choix. Ses décisions sont guidées par l’expérience, comme pour le traitement de la gourme, sorte de gale qui touche le visage des enfants :
Je conseille de faire plutôt le cautère avec le bistouri qu’avec la pierre à cautère ou infernale. Je me suis aperçu que le cautère fait avec les escharotiques nuit à l’enfant, soit que cela dépende de la vive sensation qu’ils impriment, soit de l’eschare gangreneuse qui en résulte. Quoi qu’il en soit, je préfère, et je vous conseille de faire l’opération avec le bistouri.97
25Tout en s’inscrivant dans la « curation » traditionnelle de cette maladie, Antoine Petit l’adapte au jeune âge des patients. Il concède que l’ulcération des tissus, le « cautère » pratiqué par les anciens, est nécessaire pour guérir le mal. Toutefois, la « pierre à cautère », la « pierre infernale » et autres « escharotiques », instruments caustiques, qui brûlent les parties vivantes et provoquent des escarres, sont abandonnés au profit du bistouri. Le médecin peut aussi réhabiliter des soins dédaignés du monde médical ; dans les hernies du nouveau-né, « on évite le bandage élastique, mais on fait mal », écrit Antoine Petit, qui ajoute : « j’en ai fait porter aux enfans pour lesquels j’ai été consulté, et je n’en ai vu que de bons effets »98. Loin d’incarner une autorité absolue, la figure médicale n’est pas sans failles. Le chapitre concernant l’hydrocèle nous montre ainsi « le premier chirurgien de Paris, ou du moins celui à qui la place qu’il occupe donne ce rang, prendre une pareille hydrocèle pour une tumeur squirreuse des testicules »99. Une position respectable ne garantit donc aucunement l’efficacité diagnostique ; bien plus, l’acerbe remarque qui rabaisse le titre à un simple rang suffit à discréditer entièrement le chirurgien. La critique d’Antoine Petit ne se limite cependant pas à ses collègues :
Il faut aussi avouer que s’il meurt tant d’enfans dans les convulsions, c’est qu’on les soigne fort mal : on les inonde, pour l’ordinaire, d’antispasmodiques, de relâchans, d’adoucissans ; on applique des cataplasmes émolliens sur le ventre ; on fait des embrocations. Ces différens remèdes peuvent être utiles lors du paroxysme, mais ensuite il en faut d’autres : sinon les convulsions augmentent, et elles emportent l’enfant. J’ai suivi cette méthode pendant un temps ; aussi j’ai eu le chagrin de voir périr plusieurs enfans qui m’intéressoient d’autant plus que je les croyois mieux, du moins je me le suis imaginé. Voyant ses mauvais succès, j’ai changé de méthode.100
26À forte valeur positive, ce court passage reste néanmoins révélateur de la démarche adoptée par Antoine Petit. Il se distingue par son implication : le « chagrin » qu’il éprouve le pousse à trouver une solution. Bien plus, il se dépeint comme un médecin capable de se remettre en cause et de reconnaître ses erreurs. En s’appuyant sur le précepte hippocratique « vomitus vomitu curatur »101, il recommande un traitement qui combine émétiques et purgatifs : « de cette façon, l’enfant rend copieusement par le haut et par le bas ». Il lui administre ensuite « un petit cordial pour consoler son estomac encore tout ému ». Une purge de la nourrice complète éventuellement « cette nouvelle route », qu’Antoine Petit considère comme un succès : « Depuis que je la pratique, il ne m’est pas mort un seul enfant de la maladie dont nous parlons »102.
27Les résultats aléatoires de la « curation » mettent en relief la particularité du « rapport entre l’enfance et la médecine […] encore placé, à la fin de l’Ancien Régime, sous le signe obsédant de la mort »103. De fait, les affections infantiles entraînent bien souvent le décès du nourrisson. La vérole, autre nom de la syphilis, en est un exemple. Si elle n’est pas une maladie spécifique du nouveau-né, son mode de transmission favorise son apparition dès le premier âge :
Les pères et mères vérolés engendrent des enfans attaqués de ce mal. C’est un spectacle affreux que de voir un petit malheureux dans ce cas : il semble que la vérole ne conserve sa force que pour ces pauvres malheureuses créatures. Ils sont couverts, depuis les pieds jusqu’à la tête, de pustules qui ne font bientôt plus qu’un ulcère ; on ne sait où les toucher : ils crient toujours, paroissent mal à leur aise ; le ventre quelquefois est douloureux, enflé.104
28Parce qu’elle ronge le corps jusqu’à en recouvrir toute la surface, la maladie déshumanise le nourrisson, dont la grande souffrance est relevée par le médecin. Ce tableau est d’autant plus pathétique que l’enfant vérolé, contagieux, est nourri au biberon, par du lait de chèvre, d’ânesse ou de vache que l’on coupe. Seul cas qui exclut un allaitement humain, la vérole a bien souvent une issue malheureuse, puisque « ces enfans périssent ordinairement dans les six premières semaines de leur naissance »105. Pour tenter de remédier à ce mal, le médecin applique des emplâtres mercuriels sur le corps de l’enfant, en évitant le ventre, la tête et la poitrine. Il faut encore tenir l’enfant au chaud et le faire boire fréquemment, sans garantie de guérison. Antoine Petit précise enfin que « quelquefois, ce remède [lui] a réussi : apparemment que le corps de l’enfant avoit absorbé assez de mercure pour opérer la destruction du vice vérolique »106 ; le moyen le plus efficace restant toutefois de traiter la femme enceinte. L’impuissance du médecin culmine avec le « rachitis », « maladie nouvelle »107 qui demeure un mal incurable. Rare à l’âge adulte, « cette maladie attaque les enfants communément à la sortie des dents, et jusqu’à quatre ans, quelquefois jusqu’à la septième année, quelquefois même jusqu’à la dixième »108. Un « levain acide » attaque les os, courbe le squelette, décolore la peau et tuméfie le ventre. La crise qui se déclare vers l’âge de cinq ou six ans se manifeste par des fièvres et des sueurs, et se solde par le décès de l’enfant. Antoine Petit dédaigne certains remèdes, « corail en poudre, cloportes, vers de terre », qui ne font qu’ « absorber les aigres, et qui ne sont pas curatifs »109, au profit d’un régime à base de « terre foliée de tartre et de savon ». Il préconise surtout d’élever l’enfant à la campagne, et « de lui faire respirer un air vif et salubre »110. Mais tous ces efforts semblent bien vains face au constat d’Antoine Petit : « on guérit en général très-difficilement, l’art a fait peu de progrès dans cette partie : c’est la nature qui fait presque tout »111. Le médecin avoue alors humblement son échec et en appelle aux générations futures :
J’avoue, de bonne foi, que la plupart des enfans auxquels j’ai donné mes soins sont morts ; ce qui me fait croire que je dois tout aux forces de la nature dans les cas où j’ai eu quelques succès. Voilà ma méthode ; voyez si elle ne pourra pas acquérir plus d’efficacité : ce n’est qu’une pierre d’attente que je pose, c’est à vous à bâtir d’après moi et à finir l’édifice.112
29Antoine Petit revendique ainsi sa propre conception de la médecine : une discipline en perpétuel mouvement, qui se nourrit des découvertes successives, et au sein de laquelle l’homme de l’art n’est qu’un modeste contributeur.
30La fin de la petite enfance est marquée par la dentition, cette « crise que tout homme a éprouvée »113, et sur laquelle se clôt symboliquement le traité d’Antoine Petit. « La nature prévoyante et sage »114 retarde l’apparition des dents au neuvième ou dixième mois. Inutiles au nouveau-né, les dents sont en outre nuisibles à la nourrice, si bien que leur sortie précoce est le signe d’un destin hors-du-commun :
Les enfants qui viennent au monde avec des dents sont rares ; cependant nous en avons un exemple dans la personne du roi Louis XIV, qui, en venant au monde, apporta quatre dents incisives ; ce qui fit prédire qu’il seroit d’une grande force, qu’il vivroit long-temps, et avec toutes sortes de succès. Les fastes et la vie de ce grand roi ont prouvé la vérité de cette conjecture.115
31Moment charnière dans la vie d’un nourrisson, l’apparition des premières dents est comprise dans les maladies de l’enfant ; mais elle s’inscrit surtout dans un processus normal et prévisible, qui se distingue de l’irruption de la maladie. Le rôle du médecin, davantage dans l’accompagnement, consiste à soulager l’enfant, et, en dernier recours uniquement, à inciser la gencive. La sortie des dents n’est « fâcheuse » qu’à cause des « accidens » qu’elle provoque :
L’enfant a le visage pâle, les yeux mornes, éteints ; il est hargneux, de mauvaise humeur, crie toujours ; son corps fond, maigrit à vue d’œil ; enfin, il survient une diarrhée abondante chez quelques enfans, produite par le relâchement de l’estomac et des intestins, lequel dépend de la quantité de la salive que l’enfant exprime en remuant continuellement la mâchoire : c’est encore pour cela qu’il bave toujours.116
32Tous ces désagréments peuvent être anticipés, et les douleurs atténuées par un régime que suivent la nourrice et l’enfant quelques mois avant le début de la crise. Antoine Petit conseille de privilégier les boissons à base de gruau et d’orge, et d’interdire la viande, le ragoût et le vin. Promené au grand air, le nourrisson prend de légers purgatifs. L’évacuation naturelle que produit le corps de l’enfant, en proie à des diarrhées, n’est pas néfaste et doit au contraire être provoquée par le médecin lorsqu’elle est absente. Un tel dévoiement est conçu comme un phénomène naturel visant à débarrasser le corps du mal. Cette pensée fait écho à la croyance populaire que réfute Antoine Petit, lorsqu’il précise qu’à l’examen des selles « on y voit de petits points blanchâtres que les bonnes gens ont pris mal à propos pour le germe des dents »117. Le hochet est le meilleur allié de l’enfant qui souffre des gencives : la « dureté et la fraîcheur »118 de cet objet incite l’enfant à le mâcher, hâtant ainsi la sortie des dents. Préférable aux « cervelles de lapin, de coq », au sang animal et aux huiles diverses119, il est d’une matière analogue aux dents enfantines, en ivoire, en crocs de loup ou mieux encore, en cristal de roche. La dent suscite ainsi la dent, et par un procédé tant sympathique que pratique, l’enfant fait apparaître le nouvel organe grâce auquel il est prêt à entrer dans le monde adulte.
Conclusion
33À la lecture de cette œuvre, une question reste en suspens : celle de l’inoculation, dont Antoine Petit fut un fervent défenseur. Destinée à préserver de la variole, cette pratique, ancêtre de la vaccination, consistait à introduire dans l’organisme le germe variolique, afin que le corps se défende et s’immunise contre lui. Absente de ce traité, la variole faisait pourtant des ravages parmi les jeunes enfants. Auteur de deux Rapports en faveur de l’inoculation, tous deux publiés en 1766, Antoine Petit ne précise pas quel est l’âge idéal pour avoir recours à cette opération. Deux exemples succincts peuvent toutefois nous laisser penser qu’il était favorable à une inoculation dès les premières années de la vie. Dans le Second rapport, il met en scène un enfant « inoculé à la mamelle », et soutient que la dégradation de sa santé est due à son transport par mauvais temps – et non à l’introduction de la variole dans son corps120. L’autre extrait, issu du Premier rapport, présente l’inoculation précoce comme une véritable promesse d’avenir, qui garantit non seulement l’immunisation des enfants mais encore la sécurité sanitaire de tous les citoyens :
34Si dans la suite on prenoit le parti d’inoculer tous les enfants, ou à la mamelle, ou bien après la sortie de leurs dents, on ne seroit plus fondé à appréhender que des adultes, après avoir reçu le levain variolique, se mêlassent aux autres citoyens, au risque de les infecter, ou tout au moins, de leur causer de vives inquiétudes.121
35Ce passage est une nouvelle preuve de la constante oscillation du soignant, entre respect de l’« ordre naturel » et nécessité de la « curation ». Le médecin se fait bien souvent le simple assistant de la nature, au nom de laquelle il célèbre l’allaitement maternel ou rejette l’emmaillotement. Il rend le corps du bébé conforme à ce qu’il doit être, corrige la nature responsable de certains vices, ou restitue à l’enfant un corps malmené lors d’un accouchement difficile. La « curation » occupe une place encore plus importante lorsque la maladie s’installe. Les traitements spécifiques et adaptés laissent entrevoir les prémices d’une nouvelle spécialité médicale. La nourrice et son lait font partie intégrante de la relation entre le médecin et son petit patient : de ce fait, ils traversent le discours médical et sont regardés comme des éléments nécessaires à la conservation ou à la guérison de l’enfant. Toutes ces maladies infantiles contribuent également à dresser le portrait d’Antoine Petit, homme de l’art déterminé à « poser une pierre d’attente » à « l’édifice » médical.
Notes
1 Il s’agit même, pour Marie-France Morel, d’un « discours souvent très stéréotypé, où les auteurs se copient et se plagient, et où les mêmes thèmes reviennent souvent d’un ouvrage à l’autre » (« Ville et campagne dans le discours médical sur la petite enfance au XVIIIe siècle », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 32e Année, No 5, Paris, Armand Colin, 1977, p. 1008).
2 C’est la thèse défendue par Philippe Ariès dans ses travaux, notamment dans L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Paris, Seuil, 1973.
3 Dès le IIe siècle de notre ère, Soranos d’Éphèse s’intéresse au nouveau-né et au choix de la nourrice. (Soranos d’Éphèse, Maladies des femmes, II, texte traduit et commenté par Paul Burguière, Danielle Gourevitch et Yves Malinas, Paris, Les Belles Lettres, 1990).
4 Sur ce sujet, voir V. Worth-Stylianou, Les traités d'obstétrique en langue française au seuil de la modernité : bibliographie critique des « Divers travaulx » d'Euchaire Rösslin (1536) à « l'Apologie de Louyse Bourgeois sage femme » (1627), Genève, Droz, 2007.
5 A. Petit, Traité des maladies des femmes enceintes, des femmes en couches et des enfans nouveaux nés, publié par les citoyens Baignères et Perral, Paris, Baudouin, An VII (1799).
6 Né en 1722 à Orléans dans une famille modeste, Antoine Petit étudia la chirurgie et la médecine à Paris. Il obtint en 1746 le titre de Docteur Régent de la Faculté de Médecine puis occupa, à partir de 1768, la chaire d’anatomie. Ses œuvres révèlent des intérêts aussi variés que l'obstétrique, la médecine légale ou les pathologies oculaires. À Orléans, sa ville natale, il mit en place des consultations gratuites de médecine et de jurisprudence : deux chirurgiens et quatre médecins étaient ainsi au service des plus démunis. Peu étudié, ce médecin a fait l’objet d’un article par Georges Sauvé : « Un cours de médecine d'Antoine Petit en 1768 »,
7 Il s’agit du ms. 2015 de la Bibliothèque Municipale de Tours, qui est à relier au ms. 2014, contenant un autre traité d’Antoine Petit, « Sur les poisons et différentes maladies ». Une note sur le premier folio, de la même main que celle du ms. 2015, nous indique la date de rédaction : « Traité des différentes maladies d’après les leçons de petit docteur de la faculté de médecine de paris et de l’academie des sciences a paris 16 janviers 1777 ».
8 M.-F. Morel, « Les soins prodigués aux enfants : influence des innovations médicales et des institutions médicalisées (1750-1914). Médecine et déclin de la mortalité infantile », Annales de démographie historique, 1989, p. 157-181, p. 159. Disponible en ligne : http://www.persee.fr/doc/adh_0066-2062_1989_num_1989_1_1737.
9 A. Petit, op. cit., p. 250. L’historiographie concernant l’allaitement et les nourrices est relativement abondante. Citons notamment M.-F. Morel, « Théories et pratiques de l'allaitement en France au XVIIIe siècle », Annales de démographie historique, Paris, Mouton, 1976, p. 393-427 (disponible en ligne : www.persee.fr/doc/adh_0066-2062_1976_num_1976_1_1322) ; C. Rollet, « L’allaitement artificiel des nourrissons avant Pasteur », Annales de démographie historique, Paris, EHESS, 1983, p. 81-91 (disponible en ligne : www.persee.fr/doc/adh_0066-2062_1984_num_1983_1_1568) ; V. Fildes, Wet Nursing. A History from Antiquity to the Present, Oxford et New York, Basil Blackwell, 1988 ; D. Lett et M.-F. Morel, Une histoire de l’allaitement, Paris, La Martinière, 2006.
10 Les soins traditionnels prodigués au nouveau-né ont notamment été analysés par Jacques Gélis, dans L’arbre et le fruit : la naissance dans l’Occident moderne, XVIe-XIXe siècle, Paris, Fayard, 1984.
11 A. Petit, op. cit., p. 242.
12 Ibid., p. 269.
13 Ibid., p. 286-287.
14 Sur cette question, consulter par exemple V. Dasen, « Entrer dans la vie à l'époque romaine », dans M.-F. Morel, Accueillir le nouveau-né, d'hier à aujourd'hui, Toulouse, ERES, 2013, p. 19-48 (disponible en ligne : http://www.cairn.info/accueillir-le-nouveau-ne-d-hier-a-aujourd-hui--9782749239118-page-19.htm).
15 A. Petit, op. cit., p. 237.
16 Ibid., p. 238-239.
17 Ibid., p. 240.
18 Ibid.
19 Ibid.
20 J. Gélis, op. cit., p. 242.
21 A. Petit, op. cit., p. 240-241
22 M.-F. Morel, « Histoire du maillot en Europe occidentale », dans Du soin au rite dans l'enfance, Toulouse, ERES, p. 61-84, p. 67. Disponible en ligne : http://www.cairn.info/du-soin-au-rite-dans-l-enfance--9782749208015-page-61.htm
23 G.-L. Leclerc de Buffon, Histoire Naturelle, II, Paris, Imprimerie Royale, 1749, p. 457.
24 Sur ce sujet, voir M.-F. Morel, « Histoire du maillot en Europe occidentale », art. cit., p. 70-73 et H. Cazes, « Alphonse Leroy, Recherches sur les habillemens des femmes et des enfants, 1772 : un discours de la réforme des habitudes ? », Tangence, 89, 2009, p. 11-34, disponible en ligne : https://www.erudit.org/en/journals/tce/2009-n89-tce3327/037730ar/
25 A. Petit, op. cit., p. 241.
26 Ibid., p. 242.
27 A.-F. Barbaut, Suite du cours d'accouchemens, en faveur des étudians en chirurgie, Paris, Valleyre, 1775, p. 212-213.
28 Ibid., p. 214.
29 A. Petit, op. cit., p. 242.
30 Ibid., p. 242.
31 Ibid., p. 243. Antoine Petit mentionne encore ce sac p. 244, p. 261 et p. 263.
32 « Les trois quarts des enfans finissent par être pulmoniques », ibid., p. 266.
33 Ibid. On trouve un passage similaire dans l’Histoire Naturelle (Buffon, op. cit., III, p. 116), cité aussi par Jean-Jacques Rousseau dans l’Émile (La Haye, Jean Néaulme, 1762, I, p. 76). Ce sont toutefois les Péruviens qui usent de cette technique, tandis qu’est évoquée la délicate posture des « petits Nègres » tétant leurs mères.
34 M. Bermingham, Manière de bien nourrir et soigner les enfans nouveaux-nés, Paris, Barrois, 1750, p. 6-7.
35 De la même façon, Antoine Petit déconseille l’allaitement au lit (op. cit., p. 261).
36 Ibid., p. 244.
37 Ibid., p. 257. A.-T. Vandermonde, Essai sur la manière de perfectionner l'espèce humaine, II, Paris, Vincent, 1766, p. 103.
38 A. Petit, op. cit., p. 246-247.
39 La littérature médicale foisonne d’exemples de ce lait « rentré », qui, s’il ne sort pas du corps de la mère, l’expose à toutes sortes de dérèglements, allant des « fleurs blanches » (leucorrhée) aux cancers : N. Puzos, Traité des accouchemens, Paris, Desaint et Saillant, 1759, p. 235 ; J.-C. Desessartz, Traité sur l'éducation corporelle des enfants en bas âge, Paris, Jean-Thomas Hérissant, 1760, p. 185 ; J. Ballexserd, Dissertation sur l’éducation physique des enfans, depuis la naissance jusqu’à l’âge de puberté, Paris, Vallat-La-Chapelle, 1762, p. 44 ; M.-A. Le Rebours, Avis aux mères qui veulent nourrir leurs enfans, Paris, Barrois, an VII (1799), p. 45-47.
40 A. Petit, op. cit., p. 301.
41 Ibid.
42 Ibid., p. 129. On trouve « nouveaux orgânes » dans le ms. 2015 de la Bibliothèque Municipale de Tours (f. 143).
43 Sur les critères de sélection concernant les nourrices, voir par exemple D. Gourevitch, Le mal d’être femme. La femme et la médecine à Rome, Paris, Les Belles Lettres, 1984, p. 233 sq.
44 A. Petit, op. cit., p. 248.
45 Ibid., et p. 249.
46 Ibid.
47 Ibid., p. 250.
48 Ibid., p. 255. Jean-Charles Desessartz partage cette opinion (op. cit., p. 183 sq). Quant à Jacques Ballexserd, il concède qu’il « vaudroit mieux que [la nourrice] usât un peu du privilège du mariage, que si elle se chagrinoit de ne pas voir son mari », avant d’affirmer : « une femme amoureuse n’est pas une bonne nourrice » (op. cit., p. 48).
49 A. Petit, op. cit., p. 267.
50 Ibid., p. 275.
51 Ibid., p. 273 et p. 274.
52 Ibid., p. 270.
53 Ibid., p. 269. Ce plus long développement pourrait s’expliquer par un intérêt personnel d’Antoine Petit pour l’ophtalmie : il aurait en effet écrit un traité sur les maladies des yeux, à ce jour perdu (G. Sauvé, art. cit., p. 241).
54 A. Petit, op. cit., p. 269.
55 Ibid., p. 272.
56 Ibid., p. 271.
57 Ibid., p. 273.
58 Ibid., p. 274. Antoine Maître-Jean conseille de ne pas pratiquer cette opération sur les enfants (Traité des maladies de l’œil, Paris, Le Breton, 1740, p. 514-515), et François-Ange Deleurye, pas avant trois ou quatre ans (Traité des accouchemens, en faveur des élèves, Paris, Didot Le Jeune, 1777, p. 522).
59 A. Petit, op. cit., p. 275. Pour François-Ange Deleurye, « lorsque [la membrane] est en dedans, il n’y a point de remède, l’enfant sera sourd » (op. cit., p. 524).
60 A. Petit, op. cit., p. 274-275.
61 Ibid., p. 277.
62 J. Gélis, L’arbre et le fruit, op. cit., p. 442-449.
63 A. Petit, op. cit., p. 277.
64 Ibid., p. 278.
65 Ibid., p. 278-279.
66 Celse, De medicina, III, I, 23.
67 P. d’Abano, Conciliator controversiarum, De remediis venenorum, cap. LXII-LXIII, Venise, Giunta, 1548, f. 281r.
68 Sur cette question, voir notamment L. Moulinier, « Le sang au Moyen Age, entre savoir et questionnements, science et imaginaire », 1453, Rencontres européennes, Bordeaux, éditions confluences, 2004, p. 53-73 et F. Collard, « Le poison et le sang dans la culture médiévale », Médiévales, 60, 2011, p. 129-155 (disponible en ligne : https://medievales.revues.org/6218).
69 A. Petit, op. cit., p. 352-353.
70 Ibid., p. 351.
71 A. Monro, Observations on crural hernia, Edimburgh, Longman and Rees,1803, p. 33 (« Si l’on a pas effectué une pression appropriée sur cette partie du corps, les nourrissons, en particulier dans les premiers mois après la naissance, sont extrêmement susceptibles de souffrir d’une hernie ombilicale. Dans le cas des garçons, la maladie est moins redoutable, et de moins de conséquence : ils la surmontent généralement. Chez les filles cependant, elle pose souvent les bases d’une affection, surtout lorsque, plus tard dans leur vie, elles tombent enceintes »).
72 A. Petit, op. cit., p. 279-280.
73 Ibid., p. 280.
74 Ibid., p. 281.
75 Aristote, Histoire des animaux, VII, 10, traduction par Pierre Louis, Paris, Les Belles Lettres, 1968, p. 152. Angélique Du Coudray rapporte une technique similaire (Abrégé de l’art des accouchements, Paris, Debure, 1777, p. 75).
76 A. Petit, op. cit., p. 281.
77 Ibid., p. 282.
78 Ibid., p. 283.
79 Ibid., p. 281.
80 Ibid.
81 Ibid., p. 285.
82 Ibid., p. 286.
83 Ibid.
84 Ibid.
85 Ibid., p. 263.
86 Ibid., p. 263.
87 Ibid. La mauvaise digestion est en effet une des deux causes de maladies infantiles pour les médecins du XVIIIe siècle, comme l’a montré Daniel Teysseire (Pédiatrie des Lumières : maladies et soins des enfants dans l'Encyclopédie et le Dictionnaire de Trévoux, Paris, Vrin, 1982, p. 50 sq.), l’autre étant la forte concentration des fibres nerveuses dans le corps de l’enfant.
88 « Quant à la nourrice, il est sage de lui faire observer, dès les premiers mois et avant la sortie des dents, un régime humectant et délayant, qui donne à son lait les qualités relâchantes, adoucissantes et délayantes », A. Petit, op. cit., p. 316.
89 « Si on soupçonnoit l’hydrocéphale naissante, je ne connois pas de plus sûr remède que d’administrer des purgations à la nourrice, et d’appliquer un séton sur la nuque de l’enfant », ibid., p. 298.
90 « Je commence par donner l’ipécacuanha à la dose d’un grain, d’un grain et demi, ou bien je purge la nourrice, un peu fortement, pour que son lait, devenu purgatif, fasse faire quelques selles à l’enfant ; je règle ensuite le régime de la nourrice », ibid., p. 293.
91 Ibid., p. 300.
92 Ibid.
93 Ibid., p. 301.
94 Ibid., p. 301.
95 Ibid., p. 303.
96 Ibid.
97 Ibid., p. 296.
98 Ibid., p. 294.
99 Ibid., p. 294-295.
100 Ibid., p. 289-290.
101 Hippocrate, Œuvres complètes, traduction par Émile Littré, vol. VI, Des lieux dans l’homme, § 42, Paris, Baillière, 1849, p. 337.
102 A. Petit, op. cit., p. 291.
103 C. Desplat, « Médecine et enfance dans les Pyrénées Orientales », dans R. Fossier, La petite enfance dans l’Europe médiévale et moderne, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, p. 166.
104 A. Petit, op. cit., p. 298.
105 Ibid., p. 299.
106 Ibid.
107 Ibid., p. 304.
108 Ibid., p. 305.
109 Ibid., p. 309.
110 Ibid., p. 308.
111 Ibid. Le chirurgien Jean-Louis Petit reconnaît aussi que dans le cas du rachitisme, « l’Art a moins de part à sa guérison que la Nature » (Traité des maladies des os, II, Paris, Cavelier, 1758, p. 564).
112 A. Petit, op. cit., p. 310.
113 Ibid., p. 315.
114 Ibid., p. 312.
115 Ibid. La présence des dents natales de Louis XIV est attestée par de nombreux contemporains : voir S. Perez, La santé de Louis XIV : une biohistoire du Roi-Soleil, Seyselle, Champ-Vallon, 2007, p. 31-32. Sur l’accueil du petit enfant en milieu curial, consulter P. Mormiche et S. Perez, Naissance et petite enfance à la Cour de France, Villeneuve d’Ascq, PUS, 2016.
116 A. Petit, op. cit., p. 314-315.
117 Ibid., p. 315.
118 Ibid., p. 318.
119 « Si les dents ont de la peine à percer les gencives, on en facilite leur sortie en les frottant souvent avec le sang de crête de coq, la cervelle de liévre, les huiles d’amandes douces, de lys, de palme et autres petits remédes que le succès a mis en usage parmi ceux qui gouvernent et nourrissent les enfants » (J.-L. Petit, op. cit., II, p. 565).
120 A. Petit, Second rapport en faveur de l’inoculation, Paris, Dessain Junior, 1766, p. 155.
121 Id., Premier rapport en faveur de l’inoculation, Paris, Dessain Junior, 1766, p. 133.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Estela Bonnaffoux
Université de Tours
Estela Bonnafoux est doctorante au CESR (Centre d’Études Supérieures de la Renaissance, Tours). Ses recherches portent sur les imaginaires de la peste et de la stérilité à la Renaissance, à travers l’itinéraire de deux médecins italiens, Antonio et Théodore Guaineri (XVe-XVIe siècles). Chargée de mission pour le projet SaRC (Santé en Région Centre au Moyen Âge et à la Renaissance), elle s’est également intéressée aux figures soignantes de la Région Centre. Elle a récemment publié « Tamquam exul, ignotus et neglectus : deux Italiens en terres étrangères. L’exemple de Pierre Martyr d’Anghiera et de Théodore Guaineri » (Viaggiatori, 1, septembre 2017). Un autre article est actuellement en cours de publication : « “Réveiller la Vénus endormie” : le plaisir sexuel et ses limites dans le discours médical (première moitié du XVe siècle) » (revue Questes).