Histoire culturelle de l'Europe

Jeanne Chiron

Les Lumières face à la parole de l'enfant : la construction d'un style enfantin

Article

Résumé

Les représentations de la petite enfance impliquent à la fois une conception de l’éducation et une vision de l’homme et de son développement. La période des Lumières, en posant à nouveau frais la question de la nature intellective de l’homme, et en reconsidérant la place accordée aux sens dans l’éducation de la première enfance, devait être un moment clé de redéfinition de la nature du jeune enfant. Pourtant, la question des représentations de la petite enfance dans les textes éducatifs de cette époque, et notamment de sa voix, se révèle fort complexe : il semblerait que les Lumières affrontent difficilement la question de la parole naissante, tant la pensée semble prise entre des exigences inconciliables ; entre raison naissante et universalité de la pensée rationnelle, le jeune enfant incarne une difficulté épistémologique fondamentale.

Dans cet article est proposé un travail sur la représentation de la parole enfantine dans les textes éducatifs des Lumières, en prenant en compte les acquis de l’empirisme et en envisageant les transformations que cette révolution conceptuelle a imposé à la représentation du jeune enfant. À la fin du xviiie siècle, les exigences de l’apprentissage empiriste sont devenues relativement attendues dans les textes éducatifs : il devient consensuel de déclarer que les situations éducatives proposées sauront rendre compte du monde et de sa complexité, prendre en compte les expériences du jeune enfant et forger une éducation « sensible », capable de proposer des apprentissages respectueux de sa nature et de sa sensibilité. En promouvant la sensibilité à tous les niveaux (enfance, personnel éducatif et pédagogie elle-même), les textes éducatifs mettent en scène des voix qui attestent de la prise en compte de l’émotion et la sensibilité dans la conception même des apprentissages. Mais dans quelle mesure ces éléments parviennent-ils à rendre compte d’une altérité enfantine ? Nous verrons que le défi épistémologique de la parole du jeune enfant, s’il est relevé par certains textes relativement rares, se résorbe dans la construction de stéréotypes de la parole enfantine, empruntant des traits stylistiques spécifiques : la représentation du jeune enfant révèle alors tout ce qu’il y a de construit et de déterminé dans cette prise de parole fonctionnelle.

Abstract

Representations of childhood entail a conception of education, as well as one of man and his development. Since thinkers of the Enlightenment endeavour to think anew the intellective nature of Man, and to give full consideration to the role of the senses in young children’s education, one could expect this period to stand out as a turning point in the definition of early childhood. Representations of young children and of their voices in educational texts of the time are actually quite complex. Representing the birth of language is a challenge, because of an irreducible double bind: between budding reason and universal rationality, the young child represents an epistemological aporia.

This article on the representation of child speech in educational texts of the Enlightenment shows how the conceptual revolution of Empirism has modelled the representation of early childhood. In the late 18th Century, empirical learning methods have become a commonplace requirement in educational texts. That educational situations aim to account for the world’s complexity goes without saying, and the young child’s experience will foster a sensitive education, which respects his nature and sensitivity. Educational texts insist on sensitivity at all levels (childhood, teachers, pedagogy itself), through voices that make emotion and sensitivity the very basis of learning processes. And yet, these elements do not fully succeed in accounting for the otherness of childhood. While few texts face the epistemological challenge posed by child speech, most texts resort to specific stylistic features to construct stereotypical, contrived and determined representations of it.

Texte intégral

1S’intéresser aux représentations de l’enfance engage une réflexion sur l’éducation. Chaque époque s’empare de l’enfance comme d’une image et d’un concept, chacun plus ou moins investis, dont la définition voire la seule édiction permettent de saisir les soubassements essentiels des consensus à l’œuvre dans les pratiques éducatives du moment. Autrement dit, les représentations de l’enfance en disent plus sur l’époque que sur l’enfance elle-même. Et ce, a fortiori quand il s’agit d’une époque où la question de l’enfance intéresse au plus haut point la communauté des citoyens, comme c’est le cas au xviiie siècle, dans cette période qui tire les conséquences de la révolution empiriste diffusée notamment par Locke1. Les Lumières, en posant à nouveaux frais la question de la nature intellective de l’homme, et en reconsidérant la place accordée aux sens dans l’éducation de la première enfance, devraient logiquement être un moment clé de redéfinition de la nature du jeune enfant. Pourtant, les représentations de la petite enfance dans les textes éducatifs de cette époque, et notamment de sa voix, se révèlent fort complexe : il semblerait que les penseurs et les penseuses des Lumières affrontent difficilement la question de la parole naissante, tant la pensée semble prise entre des exigences inconciliables. Entre réalité de la raison naissante et universalité de la pensée rationnelle, le jeune enfant incarne une difficulté épistémologique fondamentale.

2En nous intéressant ici aux dialogues éducatifs des Lumières, nous nous pencherons sur des textes qui se sont mis en quête de le faire parler. Par sa voix, l’enfant est mis en scène comme un être de parole singulier, défini par sa sensibilité : les œuvres éducatives qui se multiplient dans la seconde moitié du xviiie siècle se mettent en effet souvent en situation de l’incarner en lui donnant une voix marquée par l’émotion. Certes, la majorité de ces œuvres s’intéresse au jeune adolescent, le plus souvent uniquement défini par sa naïveté et par un rôle hiérarchique inférieur face à son maître. Mais des cas d’enfants très jeunes apparaissent et se révèlent plus complexes : ils engagent une réflexion sur ce qu’est sa nature, et notamment sa « sensibilité », comme concept tant philosophique qu’esthétique.

3Se concentrer sur la petite enfance – temps que nous étendrons des premières paroles à la fin de l’âge de nature et aux premières années de l’âge de raison, jusqu’à dix ans environ, afin de pouvoir inclure des textes où la « raison balbutiante » se manifeste – nous permettra de souligner à quel point la voix du jeune enfant est difficile à prendre en considération pour les Lumières éducatives : les différentes fonctions et inflexions attribuées à cette voix témoignent des hésitations d’une époque qui, malgré les prétentions philosophiques qui l’animent, parvient difficilement à rendre compte d’une altérité enfantine. Nous verrons que le défi épistémologique de la parole du jeune enfant, s’il est parfois – rarement même – relevé, se résorbe le plus souvent dans la construction de stéréotypes de la parole enfantine, en empruntant des traits stylistiques spécifiques. Se révèle alors tout ce qu’il y a de construit et de déterminé dans cette prise de parole fonctionnelle, qui crée une figure du jeune enfant « sensible », dont la postérité sera extrêmement riche et contribuera à la création de la littérature de jeunesse au xixe siècle.

Le jeune enfant réinventé par l'empirisme ?

4Il faut d’abord imaginer l’impact considérable de la révolution conceptuelle lancée dans le secteur éducatif de l’enfance par Locke2 à l’aube du xviiie siècle. Déterminante dans la reconsidération de la nature de l’enfant, la philosophie empiriste3 est alors incontournable pour appréhender les liens entre sensibilité, sensation et développement de l’intelligence, à cet « âge qui ne va que par les sentiments4 ».

5La « sensibilité » est le cœur de cette question : ce concept, situé à la croisée de questions intellectuelles, esthétiques et affectives, est un élément clé de compréhension des Lumières. Elle a même été présentée comme une des ses caractéristiques esthétiques premières : ce moment de toute puissance de la sensibilité coïncide avec la vogue des émotions et des larmes, esthétique que l’on considèrera comme pré-romantique5. Cette mode est essentielle à la compréhension de la figure de l’enfant, comme nous le verrons plus loin, mais elle est aussi enracinée dans une histoire culturelle plus large, celle des consensus intellectuels qui nourrissent le xviiie siècle. La définition de la « sensibilité » est en effet avant tout un enjeu philosophique : elle concerne d’abord la définition de l’homme – qui, en tant qu’« être vivant supérieur6 », a la propriété d’éprouver des sensations et de les organiser en connaissances7, ce qui constitue le principal fondement cognitif de la pensée empiriste. Elle peut aussi être définie par cette « faculté de percevoir les impressions morales8 ». On imagine à quel point cet élément, dans le cadre éducatif, prend une place importante, non seulement dans la construction intellectuelle de l’enfant, mais aussi dans l’élaboration d’une pédagogie efficace – défi affiché de la majeure partie des textes éducatifs des Lumières. Cette prise en compte remet nécessairement en question un consensus éducatif antérieur qui peut être résumé par l’innéisme : la découverte du monde se ferait au prisme d’idées innées, déjà présentes en nous, qui nous permettraient de l’appréhender9 et seraient les fondements de toute connaissance. Au contraire, l’idée d’un esprit naissant sous forme de tabula rasa, déjà formulée par Aristote10, permet à Locke de démontrer que toute idée dérive nécessairement des expériences sensibles11. Comment se manifeste alors, dans les textes éducatifs, cet impératif de s’appuyer sur toutes les expériences vécues pour forger l’esprit d’un enfant dont l’éducation se doit désormais de donner la primeur aux sens ?

6Les sens acquièrent au fil du xviiie siècle une place grandissante dans les textes d’éducation, parce qu’ils sont désormais reconnus comme le premier enjeu éducatif, celui par lequel les premières expériences s’impriment chez le sujet : la promotion de la sensation comme lieu de formation des connaissances est indéniable dans les textes éducatifs du xviiie siècle, et s’apparente à ce que l’on peut appeler une doxa sensible12. Sans même évoquer l’Émile de Rousseau, un très grand nombre de textes désireux de renouveler l’éducation des enfants s’applique à promouvoir les expériences enfantines par le biais de stimulations sensorielles – certes encore très générales. Mais l’enjeu est omniprésent : il faut prendre en compte les sens, et proposer des expériences sensorielles à l’appui des apprentissages, et ce dans tout type de texte13, usant désormais de tous les verbes de perception faisant référence à l’expérience des sens. Les ouvrages consacrés à l’éducation des enfants, alors en plein essor, empruntent ce qui devient progressivement une thématique incontournable : les sens des enfants sont stimulés par des expériences (on fait voir les particules de poussière, mesurer des jarres d’eau, comprendre la nature de l’air par la respiration, sentir la chaleur de ses mains au-dessus d’un bol de soupe…), par des spectacles (recyclant notamment les spectacles chrétiens d’admiration des merveilles de la nature) et par des situations sociales censées instiller la bonté, la charité et l’éthique chrétienne par l’expérience visuelle de la pauvreté ou de la bonté – préfigurant en cela la fonction éducative du drame bourgeois théorisé par Diderot. Ces éducations par la sensation, élargie à toute forme d’expérience du monde, recoupent ainsi les objectifs d’une éducation morale, par laquelle le jeune enfant sera orienté, grâce à ses premières impressions, vers un esprit juste et bon, dimensions indissociables de l’éthique éducative des Lumières14 : l’éducation par les sens est un des plus sûrs moyens d’accès à la sensibilité du jeune enfant, creuset de son éducation morale.

7Partant de cette reconnaissance de la sensibilité comme enjeu principal des apprentissages, les textes éducatifs des Lumières créent une représentation de la petite enfance rénovée, dans laquelle l’expression affective et sensible est placée au premier plan. L’expression du jeune enfant se différencie progressivement de la longue tradition chrétienne dont elle est l’héritière, essentiellement dans le registre émotionnel. Cela fait écho à la vogue du sentiment qui irrigue le xviiie siècle, mais c’est aussi une manifestation de la sensibilité de l’enfant telle que l’époque se la représente. Pour approfondir cet aspect, nous proposons ici une analyse des caractéristiques des voix d’enfants qui apparaissent dans les textes éducatifs écrits sous forme de dialogues à cette période.

Représenter l'affectivité de l'enfant en situation d'apprentissage

8La parole des enfants n’apparaît pas au xviiie siècle : les romans et les textes éducatifs avaient depuis longtemps donné voix à cet être objet d’éducation, avant tout pour en montrer des formes modèles. Les catéchismes, au premier chef, se sont appliqués à figurer des « réponses » parfaites à la question posée, reflets de ce qu’il faut que l’enfant dise… dans des formes parfaites qui n’attestent pas véritablement d’un souci de prise en compte de sa voix singulière et hors normes. Toutefois, deux éléments y ont amené par paliers : la naïveté de l’enfance et son enthousiasme. On donne la parole à l’enfant, et ce déjà dans les dialogues de l’Orbis sensualium pictus de Comenius15, notamment par le biais d’exclamations signifiant le désir d’apprentissage du jeune enfant.

Naïvetés topiques

9La parole de l’enfant dans les textes qui s’attèlent à la représenter mériterait une histoire stylistique. En effet, des traits stylistiques spécifiques ne semblent nécessaires qu’à partir du moment où, d’une part, l’altérité de la figure enfantine est reconnue pour ce qu’elle est (une forme différente et peut-être non compréhensible de la pensée), d’autre part, quand cette expression différente est considérée comme un élément à prendre en compte et non à combattre. Bernard Jolibert, dans sa présentation de L’Enfance au xviie siècle, s’emploie à montrer que l’enfant n’existe pas dans les textes qui précèdent sa période d’étude pour la simple raison que « toute l’attention des textes éducatifs se concentre soit sur le modèle anthropologique idéal, soit sur le modèle de comportement16 ». Il n’est pas nécessaire de tenir compte de l’enfant tel qu’il est puisque celui-ci est considéré comme « inessentiel », non fini, seulement pris dans une tension vers ce qu’il devrait être. Les textes pédagogiques sont donc consacrés avant tout à la définition de l’homme à construire, et laissent de côté la représentation de l’enfant, qui est investie à d’autres fins – satiriques ou « réalistes » dans certaines fictions. Il est fort intéressant de voir que dans un dialogue médiéval maintes fois réédité dans la Bibliothèque bleue, L’enfant sage à trois ans17, la parole de l’enfant n’est pas stylistiquement différente de celle d’un adulte. Ce qui la différencie, c’est la simplicité de ses réponses aux questions qui sont celles du catéchisme. Et c’est par cette simplicité qu’il peut prétendre à la sagesse. L’enfant sage, présenté à l’Empereur Adrien, devient ainsi le protagoniste idéal : le catéchisme ressort à la fois simplifié et grandi par ce personnage. La posture de naïveté candide autorise a priori l’enfant sage et lui donne une force dogmatique plus grande – renforcée par l’étonnement et le silence de l’Empereur Adrien. À la fiction historique esquissée s’ajoute un personnage d’enfant, efficace par sa stature et par ce qu’il représente, plus que par sa parole et la spécificité de celle-ci. On peut dire qu’est accolé à cette figure enfantine un préjugé de simplicité et de naïveté qui a des fonctions démonstratives.

Enthousiasmes enfantins

10La construction d’une voix expressive chez l’enfant ne s’est de plus pas produite ex nihilo : la mise en scène de l’adhésion enthousiaste de l’enfant à l’enseignement proposé est même déjà, au xviiie siècle, de l’ordre du topos dans les textes éducatifs. Présent dans les textes éducatifs religieux comme le signe de l’ardeur chrétienne face à la découverte des merveilles de la nature, l’enthousiasme est mis en scène de façon systématique dans les dialogues d’obédience chrétienne, à la manière de Pluche dont le best-seller date du début du siècle18 : l’exclamation caractérise tous les personnages en situation d’apprentissage. Étendu à tous les textes de découverte de la nature, l’enthousiasme est avant tout une preuve du bonheur chrétien et il ne saurait être analysé comme un trait spécifique de la parole enfantine. Toutefois, les premières formulations de cet enthousiasme chrétien ont pu être utilisées à des fins morales. Ainsi les jeunes garçons mis en scène par Leprince de Beaumont dans son Mentor moderne montrent comment l’enthousiasme et l’intensité des sentiments enfantins peuvent être exploités pour enseigner l’amour divin :

Le Mentor.
Quand on vous donne quelque chose que vous aimez beaucoup, qu’est-ce que vous sentez au dedans de vous ?
Pompée.
Il me semble, monsieur, que mon cœur saute. J’embrasse ceux qui me font ce plaisir, je les aime tant, tant, que je ne puis le dire.
Le Mentor.
Et bien, voilà comme il faut être à l’égard du bon Dieu19.

11L’enthousiasme et ses modulations ont plusieurs fins, dont le re-ligere, cette tentative ambitieuse des pédagogues chrétiennes de montrer comment enseigner l’amour en faisant appel aux sentiments profonds pour justifier l’esprit de la religion chrétienne. Les exemples de ce type sont très nombreux chez Leprince de Beaumont, et fondent une partie de sa pédagogie : la sensibilité mise en scène est avant tout un moyen de promouvoir la vie chrétienne, conçue comme un continuel examen de soi grâce à la médiatisation de la bonne enseignante20.

12Cependant, certains textes approfondissent cet enthousiasme pour lui donner une véritable densité pédagogique : l’adhésion des élèves est un des éléments auxquels Perrault accorde une attention particulière21. Cet éducateur montre comment présenter à de jeunes enfants des choses complexes, créant par exemple une analogie éloquente entre la taxinomie des sciences naturelles et une armoire (qui permet elle aussi de ranger et de retrouver les choses). Après avoir expliqué cette similitude avec le quotidien, le Bon Ami laisse ses élèves la déployer librement : ce faisant, il montre comment une stratégie éducative peut obtenir les suffrages des élèves, à partir d’une stimulation de la curiosité22, ensuite laissée libre de se développer dans un enthousiasme enfantin dont le texte tente de rendre compte, en utilisant notamment des stratégies stylistiques comme la répétition et l’accumulation :

Le bon Ami. Vous avez bien vu comment votre maman, avec ses servantes, arrange tout le linge de la maison dans ses armoires _ dans ses tiroirs, n’est-ce pas ?
Les jeunes Amis. Oh mon Dieu oui ! elle met d’un côté les draps de lit tous ensemble, les petits à part pour nous, et les grands encore à part pour les grands lits : et puis elle met d’un autre côté les chemises, celles de papa, et puis celles de maman, et puis les nôtres, tout cela à part ; et puis après cela les nappes (…) et puis après cela les – –
Le b. A. Eh bien, vous voyez comment tout cela reste dans votre mémoire, quoique vous n’ayez pas eu besoin de l’apprendre par cœur23 !

13Ces réactions enthousiastes servent aussi à valoriser des dispositifs pédagogiques étonnants ou novateurs, comme la lanterne magique dont la description clôt le Premier volume de l’édition de 1782 des Conversations d’Émilie de Louise d’Épinay. Émilie, âgée de cinq ans, y fait un inventaire enthousiaste des nombreuses constructions architecturales qu’elle découvre : l’élan et la joie de la jeune fille à « raconter » ce qu’elle voit montrent assez que cette « machine si bien meublée » est une excellente technique éducative pour rendre attrayante l’architecture antique et moderne.

14Ici se combinent, d’un point de vue pédagogique, les questions de réussite éducative et celles qui ont trait à la force démonstrative du texte : quand le pédagogue sait faire bon usage de la sensibilité de l’enfant, le succès éducatif est assuré. C’est d’ailleurs sur ce principe que Sicard forge une grande partie de sa pédagogie pour les sourds-muets : ces enfants ayant une complexion spécifique, profondément orientée par leurs « impressions » et étant restés, d’une certaine manière, dans un état premier de la sensibilité, la réussite éducative est liée aux compétences « sensibles » du pédagogue, qui saura rebondir sur les enthousiasmes de l’enfant24. L’enthousiasme est donc à la fois un lieu commun, une clé pédagogique et un enjeu rhétorique, qui a partie liée avec l’ambition démonstrative des textes éducatifs : il faut mettre en place et surtout signifier la réussite du projet éducatif, qui passe par l’enthousiasme enfantin. Toutefois, le langage du cœur, de l’enthousiasme et du plaisir d’apprendre a beau être de plus en plus fréquent dans les textes éducatifs du xviiie siècle, il n’est pas toujours adossé à des situations pédagogiques. Il semble même, à de nombreuses reprises, gratuit.

Différencier l'enfant : la création d'un style enfantin

15Au cœur du xviiie siècle, la spécificité de la parole de l’enfant devient un sujet d’intérêt européen partagé, qui n’est pas sans rappeler l’adhésion généralisée au grand parti-pris rousseauiste, celui qui ouvre l’Émile : « l’enfance a des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui sont propres25 ». Il semble d’usage, même si les principes éducatifs de Rousseau ne sont pas complètement suivis, de différencier l’enfant, avant tout par sa parole. De ce point de vue, les textes éducatifs de la seconde moitié du xviiie siècle marquent un tournant important dans l’histoire des représentations de la parole de l’enfant. Cette parole devient un enjeu primordial, celui de l’affirmation d’une sensibilité singulière de l’enfant. Apparaissent alors des voix d’enfants marquées avant tout par les émotions et les cris : ce style sensible est même devenu une caricature de la sensibilité littéraire de la fin du xviiie siècle.

16Ce sont en effet ces éléments de stylistique qui ont contribué à décrédibiliser la notion de sensibilité, qualifiée de sensiblerie par des critiques postérieurs, notamment Paul Hazard. Son ouvrage sur les textes éducatifs, Les Livres, les enfants et les hommes, débute à la manière d’un pamphlet contre des auteurs coupables, selon lui, de n’avoir pas su offrir de librairie aux enfants. Il condamne successivement Leprince de Beaumont et Berquin pour leur incapacité à rendre compte de la sensibilité enfantine, pour l’une faute de capacité à se confronter à la nature de l’enfance proprement dite26, pour l’autre à cause d’une envie de suivre la mode « sensible » qui l’a rendu « myope » aux enfants27. Hazard n’est pas le seul à condamner violemment cette littérature construite autour de figures familiales qui promeuvent « la sensiblerie et l’attendrissement, les torrents de larmes et la morale de mirliton28 ». Il nous semble, quant à nous, nécessaire de dépasser ce jugement, en considérant que ces caractéristiques à la fois stylistiques et esthétiques disent quelque chose de l’évolution du regard sur l’enfant.

17La valorisation de la sensibilité à l’intérieur des textes éducatifs se fait alors à travers le langage lui-même : les jeunes enfants manifestent un langage « sensible », fait d’enthousiasmes et de naïvetés approfondies, combinés à des éléments stylistiques propres à la prise de parole de l’enfant. Cet ensemble de traits stylistiques crée ce que nous proposons d’appeler un « style enfantin », fait de stéréotypes langagiers et d’expressions lexicalisées, qui relève à la fois du lieu commun et de la construction d’ethos d’enfants caractérisés par leur sensibilité.

Le langage du coeur

18Est en effet créé, à cette époque, un style empruntant le langage du cœur pour évoquer la spécificité d’une parole qui n’est pas totalement maîtrisée. Les expressions exclamatives et averbales vont prendre une place de plus en plus importante dans ces œuvres éducatives, au point de devenir l’objet même de certains dialogues : Berquin consacre ainsi différents genres littéraires exploités dans l’Ami des enfants (dialogues, saynètes, anecdotes et petit théâtre de société notamment), comme des lieux où peut se manifester la sensibilité enfantine, à l’instar de la suite de micro-narrations intitulées « Caroline », héroïne touchante, charmante et naïve, âgée de 3 à 5 ans au fil des livraisons du périodique. Écrites d’un revers de main, ces saynètes de quelques lignes flattent le goût « mignon » et promettent de bons rendements éditoriaux. Elles n’ont pour ambition que de créer une configuration empathique, amenant les lecteurs à admirer un comportement aussi moral que simple. La parole naïve est inclue dans une conception mimétique de la morale, dans laquelle le spectacle du « bien » est moteur de bonnes actions. La parole enfantine sert cette fonction, et nous semble, de ce fait, aussi niaise que pétrie de bons sentiments simplistes.

19Mais ces expressions exclamatives et ces prises de paroles d’enfants, souvent très jeunes, revêtent aussi d’autres fonctions, plus intéressantes. Elles sont une manière, notamment chez Berquin, de présenter des tableaux de mœurs et en particulier des relations enfantines, qui ont une importance majeure dans la morale qu’il promeut. Ces relations sont relativement stéréotypées, au sein de la famille comme au dehors, et visent toujours à rendre compte de problèmes moraux. Par exemple, dans le dialogue « Les petites couturières », les trois bonnes filles Louise, Léonor et Sophie, attelées à leur ouvrage pour refaire un trousseau aux enfants d’une « misérable famille », sont malmenées par l’arrivée de leur voisine Charlotte, qui, après les avoir incitées à faire autre chose, s’emploie à les aider mais en se montrant piètre tricoteuse. La tension monte et les plus jeunes, tentées par les noms d’oiseaux, sont apaisées par la grande sœur. Avec la mère arrive la récompense, la perspective de la visite des pauvres que les jeunes filles auront la joie de pouvoir habiller… comme des poupées. Par delà l’irénisme, voire la naïveté puérile, d’une telle mise en scène, le dialogue se plaît à s’attarder sur les échanges entre les jeunes filles, entre rudesse (« – Tu parles aussi, toi, petite morveuse, comme si tu y étais pour quelque chose ? ») et pardon (« – Veux-tu bien me pardonner ? / – Ah ! de toute mon âme29 ! »). Ces relations idéalisées s’appuient en fait sur un spectacle relativement réaliste, qui s’emploie à montrer les tensions, les difficultés, voire la méchanceté des relations enfantines. La parole sensible de l’enfant sert ainsi à faire apparaître, de concert, les deux grandes tendances de la représentation des enfants, une nouvelle bonté irénique et l’ancestrale conception de l’enfant mauvais, voire malin30.

Bonté et joie : omniprésence des exclamations

20Cependant, la plupart du temps, c’est la bonté qui domine ces scènes familières. Ainsi chez Berquin, en ouverture de l’Ami des enfants, la petite Fanchette découvre son petit frère nouveau-né, et s’écrie : « ah ! Mon Dieu : les petits pieds ! Je vois que nous ne pourrons pas courir de long temps ensemble ». Tout en exprimant l’étonnement par des phrases exclamatives averbales, Fanchette explore chez son petit frère, de façon systématique, les besoins primaires (courir, jouer, manger) censés rendre compte de son champ d’expérience et d’intérêt31. Les extraits rivalisent d’expressivité quand il s’agit de sonder les activités qui plaisent aux enfants, ce qui permet de placer sur le même plan les jeux et les activités éducatives agréables. Chez Campe, dans Le Nouveau Robinson, le père fait le choix de raconter des histoires à l’extérieur :

Mon père32, dit Théodore, un beau soir d’été, mon père, aurons-nous le plaisir de t’entendre aujourd’hui ? Oui, répondit-il ; mais quel dommage de ne pas jouir d’une aussi belle soirée ! Sortons, et allons nous reposer sur le gazon. Oh ! quelle bonne idée ! quelle bonne idée ! s’écrient-ils tous, _ ils quittent la maison avec le cri de la joie _ du plaisir33.

21Le but est clairement de montrer une relation éducative heureuse et épanouie, où prime l’adhésion sans faille de tous les enfants. Ce « cri de la joie et du plaisir » est au singulier car la diversité des prises de parole n’a ici aucune importance. Ce qui prime est l’expression de l’adhésion, sous la forme attendue des exclamatives et de la répétition des phrases nominales.

22Cette propension à l’exclamation se trouvait déjà dans la liste des objets du monde proposée par Sarah Trimmer34 dans ses Instructions pour la jeunesse traduites par Berquin en 1784 : le texte souligne à maintes reprises l’enthousiasme enfantin qui signifie la découverte des merveilles de la nature, comme nous l’avons vu dans le cas des dialogues chrétiens. On retrouve aussi ce type d’enthousiasme dans les Choix de petits contes quand, par exemple, la nature renaît après un orage impressionnant35. Ces sentiments primaires – joie et peur – sont omniprésents et contribuent à l’impression d’expressivité naïve et souvent outrée de ces textes. L’enthousiasme s’appliquant à tout, à la relation éducative comme aux apprentissages, les personnages d’enfants deviennent des machines à exclamations et celles-ci scandent le texte comme un outil systématique. Dans ce lieu commun de sa représentation, l’enfant devient une incarnation de la naïveté pure qui s’enthousiasme de toute forme de découverte. Jauffret l’utilisera, plus tard, de façon systématique – comme dans « La soirée d’été », dans laquelle les exclamations du jeune garçon devant une découverte permettent d’introduire une nouvelle explication : « O mon papa ! que de milliers d’étoiles ! » s’exclame le fils, avant de se voir expliquer toute la voie lactée36.

23L’exclamative devient alors une forme d’appui du discours, qui remplace, partiellement, les questions définitionnelles37, comme si le « cri de l’enfance » permettait de lancer l’explication, à partir de la fiction d’une découverte personnelle. Ce faisant, les textes font mine de partir de l’expérience de l’enfant, et entérinent ainsi une des données premières de ce que nous avons appelé la doxa sensible, qui est de placer l’expérience au centre de l’éducation.

Les répétitions

24À cet usage diffus de l’exclamation s’ajoute un autre trait stylistique, celui de la répétition. La parole de l’enfant, comme nous l’avons vu avec Campe, est une parole répétitive et intensive, les termes y sont fréquemment dupliqués. Chez Leprince de Beaumont, trente ans plus tôt, on trouvait déjà une recherche stylistique pour mimer la parole enfantine, notamment au début du quatrième dialogue du Magasin des enfants. Lady Mary, âgée de cinq ans, est chargée de raconter la Genèse :

Il y a bien longtemps, bien longtemps qu’il n’y avait ni ciel, ni terre, ni hommes, ni animaux. Il n’y avait que Dieu ; car il a toujours été. Le bon Dieu, Mesdames, peut faire tout ce qu’il veut. S’il disait à ce moment : « je veux qu’il y ait un jardin dans cette chambre », il y aurait un jardin. Eh bien ! tout d’un coup il dit, qu’il voulait qu’il y eût le ciel, la terre, des arbres, des oiseaux, des poissons, des fleurs, etc. À mesure qu’il disait « je veux cela », tout cela venait38.

25La familiarité de ton et le caractère puéril de la narration découlent ici des répétitions expressives, voire emphatiques (« bien longtemps »), des ruptures syntaxiques, des déictiques, des incises explicatives et d’un lexique simple utilisant des références familières. De surcroît, l’usage de constructions syntaxiques simples sert de signifiant primordial pour montrer la jeunesse de l’intelligence. Il est intéressant de noter que Leprince de Beaumont supprimera ces traits stylistiques dans les rééditions de son ouvrage, parce qu’ils entraient en conflit avec la fonction exemplaire de ce texte39. L’approximation expressive n’était pas encore revêtue d’une fonction éducative. En revanche, chez Épinay, tous ces faits stylistiques sont exploités par l’éducatrice, notamment les répétitions d’Émilie. Elles signifient son enthousiasme, lorsqu’elle comprend quelque chose ou quand, fière de savoir, elle interrompt sa mère : « ah ! je sais, je sais, Maman40 » ; elles expriment l’intensité du sentiment, lorsque sa Mère l’amène à ressentir le bonheur d’avoir fait son devoir :

Ah quand cela m’arrive, mes devoirs sont fait dans un clin d’œil ; je suis heureuse, heureuse… Tenez, ma petite Maman, je sens là quelque chose dans mon cœur qui me rend si aise, si aise ! … Oh, comme je suis gaie et contente41.

26Les répétitions multiples sont amplifiées par les exclamatives, elles-mêmes redoublées par une logique de formulation progressive du discours. La progressivité des apprentissages incite en effet l’autrice à exploiter les figures d’hésitation que sont les répétitions, les approximations et les aposiopèses, ces trois petits points omniprésents qui signalent les nombreux raisonnements d’Émilie laissés en suspens ou remplacés par un autre idée. C’est une des singularités de la parole d’Émilie, singularité qui sera ré-exploitée par les textes qui se placeront dans la filiation littéraire d’Épinay, au premier titre Le Noir et Cœurderoy, autrices de textes éducatifs pour les filles de la fin du siècle42.

27Chez la majorité des auteurs de textes éducatifs, cependant, les traits de style enfantin se réduisent plus spécifiquement aux exclamations, aux répétitions et à la simplicité syntaxique, à quoi il faut ajouter le choix du lexique. Dans ce dernier, on retrouve à la fois des termes d’adresse comme les hypocoristiques (ou diminutifs affectueux) « papa » et « maman », d’autres termes d’affection gravitant autour du lexique de l’amitié, des adjectifs simples et des tournures types.

Adjectifs sensibles et stylèmes enfantins

28Parmi ces adjectifs simples, on peut évoquer comme un topos la récurrence de l’adjectif « joli », qui revêt une polysémie intéressante. D’un niveau de langage familier, il évolue vers une qualité morale, que l’on retrouve sous la forme « c’est joli d’être43… » ou la réprimande « ce n’est pas joli ». Ce déplacement de l’esthétique à l’éthique semble témoigner d’une simplification des catégories morales, et d’un souci de simplifier des réprimandes en leur donnant la simplicité expressive de l’enfance. Ces adjectifs sont d’ailleurs pris dans des tournures présentatives qui fonctionnent comme des matrices langagières44, sous la forme < comme + présentatif + groupe nominal + adjectif >.

29Les termes simples, exploités de façon récurrente chez Berquin, dessinent une forme de territoire lexical de l’enfance, des mono- ou di-syllabes qui sauraient rendre compte de sa lecture du monde. Les « joujous », le « lolo », le « dodo », par leur emploi de plus en plus fréquent dans les textes à l’approche de la période révolutionnaire, créent un effet d’amplification voire de systématisation de certains choix lexicaux : le langage enfantin devient un modèle-type, dont les textes révolutionnaires se font les promoteurs. Ce jeu sur la naïveté du vocabulaire est incarné par la récurrence des adjectifs « gai » ou « beau », et encore plus fréquent, « joli », qui apparaît presque à chaque page de Berquin, devenant un syntagme caractéristique des « berquinades ». L’association de ces termes esthétiques à des situations morales occasionne d’ailleurs des questions étonnantes, comme « est-ce joli d’être jaloux45 ? ». Les décalages sémantiques ainsi créés prêtent certes à sourire, mais ils participent d’un des éléments fondateurs de l’éducation des enfants – à savoir l’équivalence posée entre beauté physique et beauté morale.

30Chez Berquin, ces syntagmes sont omniprésents, et le règne des « joujoux » s’ouvre : les paroles d’enfants sont quelquefois à la limite du babil, et les textes publiés ensuite sous le Directoire en seront un excellent exemple. Le Domino Mentor de Fréville46, dont le but est d’amener les « enfants sages », auxquels il est adressé, à « imiter » la parole et le comportement des enfants parfaits présentés dans l’œuvre, est un succès. Leur « joli petit langage » atteste de leur qualité d’âme. Dans l’Abrégé de l’histoire du petit Emilien, qui est l’histoire la plus longue proposée dans le Domino Mentor, on trouve ainsi une multitude d’anecdotes mignonnes ou édifiantes : le petit Émilien demande par exemple à son père, dès 5 ans, « papa lire, papa lire ». Autre exemple : « Émilien aimait beaucoup le lait, qu’il appelait du lolo dans son joli petit langage ». Ces traits stylistiques renforcent l’empathie pour ce petit garçon, qui mourra de façon exemplaire…

31Ainsi, progressivement, la parole de la petite enfance apparaît et se systématise dans des choix lexicaux et une simplicité syntaxique, souvent des phrases nominales, mises en valeur par de multiples exclamatives. Ces éléments, qu’il faudrait analyser également par-delà les textes dialogués, mettent en place une forme de stylème enfantin, dont la valeur éthique concurrence la force démonstrative : les bons enfants sont bons parce qu’ils sont bien éduqués grâce au texte que nous avons sous les yeux...

32In fine, ces faits de style s’imprègnent à la fois des consensus sur la représentation de l’enfance, mais aussi de stéréotypes langagiers qui s’apparentent à une stylistique de la sensibilité : les textes éducatifs se nourrissent à ces deux sources, philosophique et esthétique, pour satisfaire les goûts de leur lectorat et, - pour créer des configurations textuelles touchantes – et donc efficaces d’un point de vue démonstratif. En revanche, très peu de textes tentent de représenter la singularité de l’intelligence enfantine.

Conclusion

33Ainsi peut-on affirmer, au terme de cette étude, que la fameuse proposition popularisée par Rousseau d’une singularité émotionnelle et intellectuelle de l’enfance est l’objet d’une exigence avant tout stylistique au fil du xviiie siècle. Quand, dans la Préface de l’Émile, il présente ce sujet « tout neuf », il affirme :

On ne connaît point l’enfance : sur les fausses idées qu’on en a, plus on va, plus on s’égare. Les plus sages s’attachent à ce qu’il importe aux hommes de savoir, sans considérer ce que les enfants sont en état d’apprendre. Ils cherchent toujours l’homme dans l’enfant, sans penser à ce qu’il est avant que d’être homme47.

34Mettre en scène l’enfant et représenter sa voix, c’est relever le défi de « penser à ce qu’il est avant que d’être homme », c’est s’efforcer de représenter les échanges qui ont véritablement lieu avec cet être dont la raison est en cours de construction. Objets d’une véritable reconsidération, voire d’un intérêt généralisé, les enfants des textes littéraires des Lumières sont les héritiers d’une nouvelle conception de l’homme comme être « sensible », dont l’intelligence ne saurait être appréhendée sans en considérer la construction progressive par l’entremise des sensations et des émotions.

35Maiscette reconsidération philosophique, premier chemin vers une singularisation de l’enfance, a avant tout multiplié nombre de lieux communs, langagiers le plus souvent. Elle a aussi permis la création de personnages et de figures singulières qui ne se réduisent pas à la sensiblerie parentale et enfantine, et qui, grâce à un effort sur l’expressivité, relèvent le défi de représenter l’altérité enfantine.

36Toutefois, marqués par des signes sensibles qui attestaient pourtant d’une recherche sur sa nature, les enfants et leur singularité expressive ont très vite été assimilés à l’« enfant », défini par sa sensibilité, son enthousiasme, ses émotions et sa vivacité. Il est devenu une figure stéréotypée, dont la parole est ponctuée de marqueurs textuels. Ce faisant s’est créé un poncif dont la littérature européenne peinera à se défaire : constitué en figure type et en lectorat sensible, le jeune enfant tel qu’il se manifestera dans la littérature de jeunesse naissante n’échappera à ces types de prises de parole que très rarement – et il faudra attendre quelques grands textes du xxe siècle pour que la nature de l’enfant, celle d’une intelligence singulière à l’expression potentiellement sauvage, trouve des espaces où se manifester48.

Notes

1 Le consensus empiriste dans les pratiques éducatives du xviiie siècle doit encore être l’objet d’un ouvrage, même si celui d’A. Charrak, Empirisme et théorie de la connaissance : réflexion et fondements des sciences au xviiie siècle, Paris, Vrin, 2009, en a tracé les grandes lignes théoriques. Toutefois, la diffusion de ces théories se fait de façon fort intéressante, se mêlant à des pratiques éducatives traditionnelles et coïncidant parfois avec des habitudes éducatives opposées, raisons pour lesquelles nous parlons ici d’un « consensus empiriste ». Dans notre travail de thèse (à paraître), nous en avons montré le caractère presque convenu à la fin du xviiie siècle, éléments sur lesquels nous nous appuyons ici.

2 La rapide diffusion et les innombrables traductions européennes de Some thoughts concerning education, Londres, Awnsham and John Churchill, 1693, attestent de son influence. De plus, cet ouvrage originellement adressé sous forme de lettres à un ami soucieux de l’éducation de ses enfants est un parangon de vulgarisation théorique : les points philosophiques développés par Locke dans son Essay Concerning Human Understanding, Londres, Thomas Basset, 1689, y sont distillés dans des conseils bien plus pratiques sur le choix des précepteurs, la remise en question des habitudes éducatives inutiles, la promotion de l’éducation physique, la mise au premier plan de la vertu primant sur la formation de « têtes bien pleines » déjà vilipendée par Montaigne, et enfin le souci d’enseignements utiles, en langue vernaculaire et non en latin, dans lesquels les maîtres sauraient attiser la curiosité des enfants, condition nécessaire à tout apprentissage. La clarté de ce texte, sa simplicité et la force de son bon sens en font certainement un des ouvrages les plus influents de l’histoire éducative européenne.

3 Nous ne proposerons pas ici de présentation détaillée de celle-ci, gageure dans le cadre d’un article, et renvoyons à l’ouvrage d’André Charrak précédemment cité. La lecture des Pensées sur l’éducation de Locke reste de plus la meilleure des introductions à l’empirisme éducatif.

4 M. Grandière, L’Idéal pédagogique en France au dix-huitième siècle, Oxford, Voltaire foundation, Studies on Voltaire and the eighteenth century n° 361, 1998, p. 149.

5 Et qui a été et est encore l’objet d’une lutte littéraire entre les partisans d’un mépris longtemps reconduit pour cette période littéraire (à l’instar d’Henri Coulet, disant éloquemment « De toute l’histoire du roman sous l’Ancien Régime, la période dont il est le plus difficile de donner une description satisfaisante est la fin du xviiie siècle. Autant qu’on puisse en juger, les œuvres médiocres et ridicules ont pullulé plus qu’en aucun autre temps. » H. Coulet, Le Roman jusqu’à la Révolution, Paris, Colin, 1967-68, tome I, p. 418) et, à l’inverse, ses défenseurs, prenant la suite de P. Viallaneix, (éd.), Le Préromantisme : hypothèque ou hypothèse ?, Paris, Klincksieck, 1975.

6 Selon l’expression proposée par le TLF dans la définition physique du terme ; la distinction des êtres sensibles s’opérant encore, pour la physique du xviiie siècle, dans une distinction entre réactions simples et complexes – ce qui a été remis en question par l’épistémologie des sciences modernes, sous l’influence notamment de la précision des moyens d’observation offerts par la biologie.

7 Nous n’avons pu prendre parti sur l’adhésion de nos textes à une orientation sensualiste de l’empirisme. Comme nous le verrons, il n’y a qu’Épinay qui se situe très clairement au sein de ce débat philosophique qui anime les penseurs de la seconde moitié du siècle. Le sensualisme, pour le présenter schématiquement, radicalise le propos de Locke et fait des sensations elles-mêmes la matière des pensées, alors que Locke ne les présentait que comme leur source et supposait l’existence de capacités mentales qui les organiseraient. C’est là une des propositions que Condillac puis Helvétius remettent en question, en lui opposant des hypothèses réductionnistes. La statue que Condillac fait naître dans le Traité des sensations, comme le fameux « penser, c’est sentir » du traité De l’esprit, poussent à leur point ultime les hypothèses empiristes, que nous avons préféré choisir comme principaux référents pour leur moindre complexité, leur diffusion et leur acceptation relativement consensuelle dans l’Europe du xviiie siècle.

8 Trésor de la Langue Française (En ligne : http://www.atilf.fr/tlfi) citant le Dictionnaire Royal augmenté de Pomey (1671).

9 Voir notamment R. Descartes, Méditations métaphysiques (1641), notamment la Méditation VI.

10 Notamment dans le passage De l’âme, III, 4, où il compare l’âme à une tablette où il n’y a rien d’écrit en entéléchie (ce principe créateur de l’être par lequel il passe de la puissance à l’acte).

11 Associée à la tabula rasa que serait l’esprit de l’homme à la naissance, cette primauté de la sensation sur la connaissance est en fait bien plus complexe : il s’agira pour les philosophes successeurs de l’empirisme d’expliquer le plus clairement possible la chaîne causale permettant la génération des idées complexes, en donnant un rôle plus où moins discriminant à la sensation première – d’où l’importance de l’hypothèse de la statue de Condillac dans le Traité des sensations, comme du problème de Molyneux, deux exemples parmi les plus féconds au xviiie siècle pour discuter de l’origine des connaissances humaines.

12 Dans l’analyse du corpus des dialogues éducatifs des Lumières, au travers desquels se manifestent les questions éducatives dans leurs versants tant théoriques que pratiques, nous avons constaté à quel point la sensibilité était avant tout un instrument, à la fois narratif et pédagogique. Entraînant une promotion de l’affection au cœur de l’éducation de façon surtout convenue, se manifestant par des lieux communs thématiques et langagiers, la sensibilité n’est que très rarement au cœur d’une réflexion sur la conscience et les principes moraux de l’enfance. À ce sujet, voir le développement que nous consacrons à l’éducation « sensible » dans notre thèse (à paraître).

13 Nous résumons ici à grands traits, et renvoyons à ce sujet à l’approfondissement que nous avons déjà proposé à cette question dans l’article « Usages des lieux dans les dialogues d’éducation du xviiie siècle », Les Lieux du dialogue et de la conversation, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, collection « Croisée des SHS », 2016, p. 179-191.

14 Dont R. Mauzi a montré l’importance au cœur de son ouvrage L’Idée du bonheur dans la littérature et la pensée françaises au xviiie siècle, Paris, A. Colin, 1960.

15 Considéré comme le premier album pour enfant, cet ouvrage bilingue (latin/allemand) puis quadrilingue de Comenius propose dès 1658 une présentation du monde illustrée. J. A. Comenius, Orbis sensualium pictus. Die sichtbare Welt, Noribergae, M. Endteri, 1658 [En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k317106b], publié ensuite en édition quadrilingue : Orbis sensualium pictus quadrilinguis, hoc est Omnium fundamentalium in mundo rerum... pictura et nomenclatura germanica, latina, italica et gallica, Noribergae, M. et J. E. Endterorum, 1666.

16 B. Jolibert, L’Enfance au xviie siècle, Paris, J. Vrin, 1981, p. 104.

17 Réédité dans le chapitre « Le contenu idéologique de la littérature « populaire » du xvie au xixe siècle, d’après L’Enfant sage à trois ans », dans F. Lebrun, Croyances et cultures dans la France d’Ancien Régime, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2001.

18 A. Pluche, Le Spectacle de la nature, ou Entretiens sur les particularités de l’Histoire naturelle qui ont paru les plus propres à rendre les jeunes gens curieux et à leur former l’esprit, Paris, Vve Estienne, 1732-1750, 8 tomes.

19 M. Leprince de Beaumont, Le Mentor moderne, ou instructions pour les garçons et pour ceux qui les élèvent, Lausanne, Jean Pierre Heubach, 1773, vol. II, p. 11. On peut d’ailleurs remarquer que Leprince de Beaumont utilise un autre lieu commun, celui de l’inexprimable (« je les aime tant, tant, que je ne puis le dire ») pour montrer la naïveté et la pureté de l’amour dans le cœur des enfants, qui est donc déjà potentiellement un amour divin.

20 Leprince de Beaumont revalorise par ailleurs la place de la prière en utilisant la même stratégie de transfert de l’enthousiasme : à partir de cette évocation de l’amour pour les parents, transféré à l’enthousiasme pour Dieu, une application pratique est suggérée : prier, pour témoigner son amour. L’analogie avec l’amour filial sera aussi utilisée à de multiples reprises dans La Dévotion éclairée.

21 Cet auteur, peu connu, n’est pas lié au polygraphe du xviie siècle. Inspiré d’un ouvrage allemand, son Abrégé d’histoire naturelle pour l’instruction de la jeunesse, imité de l’Allemand de M. Raff, Strasbourg, Koenig, 1786, est un texte essentiel pour analyser les questions de transformations pédagogiques de la fin du siècle, notamment du point de vue des apprentissages botaniques. La préface de cet ouvrage se révèle passionnante.

22 « Les jeunes Amis. Est-ce que tout cela est dans votre livre, _ dans les images ? (…) Mais comment est-ce qu’on peut se souvenir de tout cela, pour le raconter ou le mettre dans les livres ? / Le bon Ami. Ah, je m’en vais vous le dire. » M. Perrault, Abrégé d’histoire naturelle pour l’instruction de la jeunesse, op. cit., p. 65.

23 Ibid., p. 66-67. Nous soulignons.

24 Voir R.-A. Sicard, Manuel de l’enfance, contenant des éléments de lecture et des dialogues instructifs et moraux, Paris, Le Clère, 1797, et notre article sur cet ouvrage clé pour comprendre les enjeux de la littérature de jeunesse naissante et sa constitution progressive, passant par une phase d’hybridité intéressante à plus d’un titre : « Formes et usages du dialogue d’éducation : le cas du Manuel de l’enfance de Roch-Ambroise Sicard », dans Démocratisation et diversification : les littératures d’éducation au siècle des Lumières, éd. R. von Kulessa, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 245-261.

25 « La nature veut que les enfants soient enfants avant que d’être hommes. Si nous voulons pervertir cet ordre, nous produirons des fruits précoces, qui n’auront ni maturité ni saveur, et ne tarderont pas à se corrompre ; nous aurons de jeunes docteurs et de vieux enfants. L’enfance a des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui sont propres ; rien n'est moins sensé que d’y vouloir substituer les nôtres ; et j'aimerais autant exiger qu’un enfant eût cinq pieds de haut, que du jugement à dix ans. » J.-J. Rousseau, Émile, ou de l’éducation, dans Œuvres complètes IV, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1969, livre II, p. 318.

26 « Voici que l’imagination, la sensibilité, ne seront plus considérées comme des valeurs en soi, mais comme des moyens qu’une sage gouvernante emploie pour mieux faire avaler le savoir : voici qu’approche le moment redoutable où l’on décrètera que les enfants n’ont pas une seule minute à perdre, pas une seule, et que pendant leurs récréations même, ils doivent s’appliquer à devenir le plus vite possible de petits vieillards. » P. Hazard, Les Livres, les enfants et les hommes, Paris, Flammarion, 1932, p. 24.

27 Comme le formule Paul Hazard sur la période prérévolutionnaire : « La mode avait alors changé ; il ne s’agissait plus d'être raisonnable, mais d’être sensible », Berquin aurait donc suivi cela et tout écrit « pour la montre », afin de publier le plus rapidement possible.

28 F. Caradec, Histoire de la littérature enfantine en France, Paris, A. Michel, 1977, p. 106.

29 A. Berquin, L’Ami des enfants, Paris, Pissot et Barrois, 1782-1783, 24 n° in-18. Ici édition Didier, Paris, 1845, tome V, vol. 10. Nous modernisons la graphie « enfans » employée au XVIIIe siècle.

30 Parfaitement illustrée par l’article « Méchant » du Dictionnaire philosophique de Voltaire.

31 A. Berquin, L’Ami des enfants, op. cit., tome I, vol. 1.

32 Ce dialogue narrativisé est introduit par ce prélude, dans lequel l’auteur s’adresse à son jeune lecteur : « Une famille nombreuse s'était rassemblée dans une maison peu éloignée de Hambourg. L’histoire suivante du nouveau Robinson fut pendant plusieurs soirées le sujet de leur entretien. Le père, croyant que d’autres bons enfants pourraient témoigner le même désir d’être instruits de ces aventures extraordinaires, prit le parti de les écrire, de leur donner de la suite, de la liaison, _ d’en faire tirer 4 000 exemplaires. Le livre que tu tiens, mon cher enfant, est de ce nombre : jette les yeux sur la page suivante. L’Histoire de Robinson commence ; mais j’oublie ce qui précéda cette narration. Mon père, dit Théodore, un beau soir d’été, mon père, aurons-nous le plaisir de t'entendre aujourd’hui ? (…) » J. H. Campe, Le Nouveau Robinson pour servir à l’amusement et à l’instruction des enfants de l’un et de l’autre sexe, Londres et Versailles, Poinçot, 1785, « Avant-propos », n. p. Nous soulignons.

33 Ibid.

34 Le texte original est publié en 1780 : An Easy Introduction to the Knowledge of Nature, and reading the Holy Scriptures, adapted to the capacities of children, London, Printed for the Author, 1780, et sera traduit par Berquin sous le titre Introduction familière à la connoissance de la nature, traduction libre de l’anglois de Mrs. Trimmer, trad. Arnaud Berquin, Paris, « au bureau de l’Ami des enfans », 1784.

35 Anonyme, Choix de petits contes anecdotes, fables, comédies, dialogues, propres à être mis entre les mains des enfants, Paris, Royer, 1789, « XIV – L’orage », p. 90-92.

36 L.-F. Jauffret, Géographie dramatique de la jeunesse, ou Nouvelle méthode amusante pour apprendre la géographie mise en dialogues et en scènes, 2e édition, Paris, P. Maumus, 1829 [1807], « La soirée d’été », p. 320.

37 Questions définitionnelles qui fondaient la majorité des prises de parole du personnage d’enfant dans les textes éducatifs antérieurs, l’enfant remplaçant progressivement les « D. » [Demandes] des dialogues par demandes et réponses ou des catéchismes.

38 M. Leprince de Beaumont, Magasin des enfants, dans G.-S. de Villeneuve et M. Leprince de Beaumont, Madame de Villeneuve, La Jeune Américaine et les contes marins (La Belle et la Bête), Les Belles Solitaires – Madame Leprince de Beaumont, Magasin des enfants (La Belle et la Bête), éd. Elisa Biancardi, Paris, H. Champion, coll. « Bibliothèque des génies et des fées », vol. 15, 2008, p. 1009. Nous soulignons.

39 C’est ce que Elisa Biancardi démontre dans son analyse de l’évolution des éditions successives du Magasin des enfants, ibid., p. 941-947. Elle évoque une « opération de toilettage du texte », qui s’attaque notamment à la familiarité de l’expression. Les pronoms toniques fréquemment répétés sont transformés (« je pense, moi, qu’il est bien aisé » ou « J’en suis bien contente, moi ») en des tournures plus travaillées (« quant à moi, j’en suis bien contente ») ce qui occasionne un ennoblissement du registre. De plus, les naïvetés enfantines sont éliminées : les remarques bibliques, notamment, se voient rehaussées dans le style. On passe par exemple de « Le pauvre Moïse a eu bien du mal pendant sa vie ! » à « ce grand législateur a essuyé bien des traverses pendant sa vie ». L’élimination de ce style naïf va de pair avec une clarification et une élévation du style. Ce mouvement d’écriture semble révélateur de la volonté qu’a Leprince de Beaumont d’attribuer à son texte une fonction de texte modèle et d’instrument d’apprentissage.

40 « Mère – On peut être charmante sans être précisément jolie, et l’on peut être très jolie sans être charmante : car… / Émilie – ah ! je sais, je sais, Maman. Pour être charmante, il faut être sage, modeste, ne parler qu’à propos, n’être pas importune ; n’est-ce pas Maman ? Vous m’avez dit cela. » L. Tardieu d’Esclavelles d'Épinay, Les Conversations d’Émilie, éd. R. Davison, Oxford, Voltaire Foundation, Studies on Voltaire and the eighteenth century n° 342, 1996, [1774 ; 1781 ; 1788], début de la Seconde conversation, p. 61.

41 Ibid., Sixième conversation, p. 125.

42 Voir notamment M.-A. Le Noir, La Compagne de la jeunesse, ou entretiens d’une institutrice avec son élève, Londres, Edwards, 1791, ainsi que les très instructifs Dialogues d’une mère avec sa fille, Paris, Rondonneau, 1801, de Claudine Cœurderoy.

43 d'Épinay, éd. cit., Onzième Conversation, p. 220.

44 Raison pour laquelle nous avançons le terme de « stylème », que Georges Molinié définit comme « une corrélation fonctionnelle entre deux éléments » censée définir un style, dans son Dictionnaire de rhétorique, Paris, Librairie générale française, 1992.

45 Ibid., Quatrième conversation, p. 465.

46 A.-F.-J. Fréville, Domino-mentor, ou Moyen d’enseigner par le simple attrait du jeu, les lettres, les chiffres, les nombres et la lecture, Paris, Gueffier, 1795.

47 Émile, op. cit., Préface, p. 242

48 Nous pensons ici notamment à la petite révolution que représentera la publication de Max et les maximonstres par Maurice Sendak en 1967, ainsi qu’aux choix esthétiques et éditoriaux faits par François Ruy-Vidal dans les années 70, notamment dans son partenariat avec les éditions Harlin Quist, cherchant des représentations de l’enfant et de ses imaginaires qui ne soient pas entravées par les perspectives pédagogiques.

Pour citer ce document

Jeanne Chiron, «Les Lumières face à la parole de l'enfant : la construction d'un style enfantin», Histoire culturelle de l'Europe [En ligne], Revue d'histoire culturelle de l'Europe, Regards portés sur la petite enfance en Europe (Moyen Âge-XVIIIe siècle), La petite enfance en représentation(s),mis à jour le : 15/01/2018,URL : http://www.unicaen.fr/mrsh/hce/index.php?id=660

Quelques mots à propos de : Jeanne Chiron

Université de Rouen (Éspé)

Jeanne Chiron est normalienne agrégée de lettres modernes, et titulaire d’un doctorat intitulé « Le dialogue éducatif des Lumières : innovations, permanences et fantasmes (1754-1804) » soutenu en 2016 sous la direction de Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval à l’Université Paris-Est Créteil. Elle a publié des articles sur les écrivains pédagogues des Lumières, notamment Épinay, Leprince de Beaumont et Sicard, et a contribué, avec Catriona Seth, à la publication du collectif Marie Leprince de Beaumont. De l’éducation des filles à La Belle et la bête, Paris, Classiques Garnier, 2013. Actuellement maîtresse de conférences à l’ÉSPÉ de l’Université de Rouen et rattachée au CÉRÉdI (Université de Normandie) et au LIS (Université Paris-Est Créteil), ses activités de recherche se concentrent sur l’histoire des idées éducatives, les représentations de l’enfant et l’histoire des femmes des Lumières.