Histoire culturelle de l'Europe

Alex Fouillet

Voyager dans le paysage scandinave depuis la France : le traitement des noms propres lors de la traduction vers le français

Article

Résumé

Cet article vise à démontrer l’importance, pour les lecteurs de romans scandinaves en premier lieu, des informations fournies par les noms propres, soigneusement choisis par les auteurs de ces romans. Ces informations, qui consistent principalement en des toponymes, sont presque inévitablement perdues dans la langue cible. Cette démonstration est suivie d’une revue des différentes méthodes de traduction, fondée sur l’analyse de nombreux exemples. L’article aborde enfin les différents pièges qui guettent les traducteurs de toute œuvre de fiction lorsqu’il s’agit de traiter les occurrences de noms propres.  »

Abstract

This article aims to demonstrate the significance, first and foremost for the readers of Scandinavian novels, of the information provided by the use of proper nouns, carefully chosen by the authors of these novels. This information, consisting mostly of toponyms, is almost unavoidably lost in the target language. The demonstration is then followed by a review of the different methods of translation, based on numerous examples. Afterwards, the article looks at various pitfalls that befall translators of all works of fiction when it comes to dealing with occurrences of proper nouns.  »

Texte intégral

À propos de son roman Le choix de Martin Brenner1, dans lequel tous les noms de personnes sont des pseudonymes, officiellement pour protéger les véritables protagonistes de cette histoire, présentée comme vraie, et où très peu de lieux sont mentionnés (ce sont tous des endroits indéterminables liés à l’auteur lui-même), l’auteur suédois Björn Larsson décrivait, lors d’une rencontre dans le cadre du festival des Boréales à Caen en novembre 2021, la difficulté qu’il y avait à n’utiliser aucune précision spatiale dans une œuvre de fiction, tous sous-genres confondus. Dans les faits, à moins que l’évitement de toute mention de lieu soit délibéré et à la base de l’écriture, très rares sont les romans à ne nommer aucune voie de circulation, par exemple. Que ce soit donc pour faire couleur locale ou parce que l’action doit nécessairement se dérouler à tel ou tel endroit, les toponymes sont pratiquement inévitables. Puisque ces romans font fatalement intervenir un certain nombre de protagonistes, pour l’essentiel fictifs, il en va de même pour les anthroponymes.

Les textes mentionnés dans cet article sont tous des œuvres de fiction, récentes pour la plupart, dont des romans policiers, écrites en danois, norvégien ou suédois (langues sources), et traduites en français (langue cible), dans certains cas par mes soins. Certains aspects particuliers à la langue islandaise sont aussi abordés à travers des exemples. Le fait qu’il s’agisse de textes de fiction implique que les noms de lieux ou de personnes ne sont pas toujours anodins. Il y a de même une distinction fondamentale à faire, à ce niveau, entre les noms de personnes et les noms de lieux. En effet, dans la majorité des œuvres de fiction, les lieux décrits ou évoqués sont authentiques, tandis que les personnages principaux sont fictifs. Les personnages réels, s’il y en a, ne servent qu’à ancrer le récit dans une culture ou une époque particulière ; cette présence est surtout sensible dans le genre du roman historique, qu’on peut définir comme un récit fictif, dont les personnages principaux sont ou peuvent être fictifs, dans un cadre historique réel et attesté. Puisque le cadre est réel et vérifiable, le lecteur peut donc avoir envie ou besoin de contrôler, de se documenter, de se projeter dans le récit en faisant des recherches dans les atlas traditionnels ou sur Internet, ou en se rendant sur place (tourisme littéraire). C’est particulièrement important dans les romans où les références à des lieux existants sont nombreuses, comme dans Le roman de Bergen2 ; mais le ton est donné dès le titre de l’œuvre, ce n’est pas le « Roman d’une grande ville quelque part en Scandinavie » ; c’est de Bergen qu’on va parler, le décor doit être rigoureux.

Ces romans ont été traduits, des stratégies de traduction ont donc dû être privilégiées et des choix de traduction effectués. Il a fallu que les traducteurs concilient leurs propres principes et leurs propres objectifs avec ceux des éditeurs des textes traduits, en définissant en particulier d’entrée le public cible. Puisque ces œuvres contiennent de nombreux noms propres qui ne sont pas tous ou toujours fortuits (allusions, jeux de mots), il faut, paradoxalement peut-être, s’attendre à devoir préciser ou expliquer certains passages, en anticipant la réaction du lecteur en fonction du profil que le traducteur ou l’éditeur lui suppose.

À travers des exemples tirés de ces œuvres scandinaves, je tenterai de montrer l’importance, pour le lecteur du texte en langue source en premier lieu, des informations données dans les romans scandinaves, dans la langue dans laquelle ils ont été écrits, par l’utilisation de noms propres soigneusement choisis par leurs auteurs, informations que le lecteur perd presque inévitablement dans la langue cible, de passer en revue les différentes méthodes de traduction et d’exposer les différents écueils qui guettent les traducteurs dans toutes les œuvres de fiction quand il s’agit de traiter les occurrences de noms propres.

Que sont les noms propres ?

Selon le Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage de Dubois et al., les noms propres sont des noms « qui ne s’appliquent qu’à un être ou une chose pris en particulier (prénoms, noms de famille, noms de dynasties, noms de peuples, noms géographiques de pays, de contrées, de villes, de fleuves, de montagnes3) ». Les auteurs précisent toutefois que « la frontière entre noms propres et noms communs est instable4 ». C’est aussi le genre de définition qu’en donne Michel Ballard5. Pour Paul Robert, un dictionnaire des noms propres « vise à englober en un corps unique l’histoire des lieux et des hommes dans leurs relations spatiales ou temporelles, de manière à en découvrir les noms par la voie analogique aussi bien que dans l’ordre alphabétique », puisque « les lieux et les hommes s’identifi[ent] par des noms propres6 ». De ce point de vue, les noms propres recoupent la toponymie et l’anthroponymie, deux branches de l’onomastique qui comprend par ailleurs l’hydronymie en tant que sous-branche de la toponymie.

On peut ajouter une catégorie, importante parce que très présente dans les textes modernes et problématique dans le cadre de la traduction : celle des organismes, raisons sociales et autres organisations, qui correspondraient à l’ajout de Grevisse sur ce que sont les « véritables noms propres », dans la mesure où ces noms renvoient à un référent unique :

Des mots ayant une signification deviennent des noms propres lorsqu’on les emploie pour désigner, en faisant abstraction de leur signification : c’est le cas des titres de livres (le Code civil, L’éducation sentimentale), de revues (La nouvelle revue française), etc.7.

Par ailleurs, dans son article « La traduction comme appropriation : le cas des toponymes étrangers8 », Thierry Grass mentionne le projet Prolex, qui « a pour objectif de créer des outils permettant le traitement automatique des noms propres9 » et qui recense pas moins de dix types de toponymes ; les noms de pays, de régions, de groupes de pays, de villes, de quartiers, de voies et de places, d’hydronymes et de géonymes sont souvent ou toujours cités dans la définition des toponymes, mais ce n’est pas le cas des objets célestes, des édifices et des lieux mythiques ou fictifs, que le projet Prolex prend aussi en compte.

Il résulte de ces différentes approches une catégorie de noms désignant des entités uniques, qui ne revêtent pas de signification a priori, mais dont le sens premier doit parfois être connu du lecteur, notamment quand ces noms propres s’intègrent à un récit de fiction pour les informations qu’ils véhiculent et les associations qu’ils créent.

Au-delà des catégories et sous-catégories dans lesquelles classer les noms, on se rend rapidement compte que les définitions de ces catégories sont sujettes à discussion, essentiellement en raison de difficultés terminologiques : l’approche linguistique selon laquelle « le nom propre est vide de sens10 », un postulat de la théorie causale de la référence de Saul Kripke11, ne se comprend pleinement et ne peut être mise en perspective avec d’autres approches (description du référent ou prédicat de dénomination) que si les informations contenues dans le mot « sens » sont les mêmes pour tout le monde. Or, on voit que sens et signification peuvent être synonymes ou distincts, et correspondre chez deux auteurs distincts à des concepts différents12. Ces deux termes sont en outre complétés dans ce débat terminologique par d’autres, dont contenu informatif, connotations, désignation, etc.

Les noms propres dans la fiction scandinave

Les noms de personnes

Ce sont sans doute les noms propres les moins modifiés lors du passage dans une autre langue, pour plusieurs raisons. On peut y voir en premier lieu une volonté du traducteur et de l’éditeur en français de préserver ce que le texte a d’étranger, de différent, et par là de conserver une homogénéité entre le cadre spatial du récit et ses protagonistes. Par ailleurs, dans le cas des langues scandinaves, les prénoms sont souvent familiers et ne présentent pas de difficulté pour un lecteur francophone : ce sont des variantes de prénoms européens courants (Anna, Jan, Ellen, Peder, Margrethe) ou ils ont été portés par des personnalités qui les ont popularisés (Astrid, Ingrid, Björn, Olaf). Puisque la signification de ces prénoms est déconnectée des personnages qui les portent (hormis leur prénom, les Birgit, Oddvar, Auður et Leif scandinaves ne partagent a priori entre eux aucune caractéristique), et en laissant de côté les jeux de mots ou les allusions, le choix du prénom d’un protagoniste est indifférent au lecteur d’une traduction, en l’occurrence en français, il n’indique rien hormis le genre du personnage. Attention malgré tout aux conclusions hâtives : le prénom Ola, en Norvège, est une forme tronquée d’Olaf / Olav, donc un prénom masculin…

Les noms de personnes ont une autre caractéristique : d’un point de vue plus théorique, on peut tout simplement se demander s’il est possible de véritablement les traduire, ou s’il ne s’agit que d’adaptation : pour rester dans le domaine scandinave, Jan, Jon, Jón, Jo, Johannes, ou Hans sont-ils des traductions de Jean, ou des variantes linguistiques13 ?

Mais leur usage dans la fiction est rarement laissé au hasard.

Gunnar Staalesen est né en 1947 à Bergen, il y a grandi et y a toujours habité. La quasi-totalité de ses romans ont cette ville du sud-ouest de la Norvège pour cadre, en particulier parce que le personnage principal de ses romans policiers, Varg Veum, y a son bureau ; c’est de là que partent toutes ses enquêtes. On devine dans les romans de Staalesen, qu’ils soient policiers ou historiques, une profonde affection pour sa ville et une connaissance solide de son histoire, dont l’auteur tire profit pour ancrer ses récits et les colorer ponctuellement par des allusions, des jeux de mots ou des références historiques. L’effet est double : les lecteurs berguénois ou norvégiens situent les scènes dans l’espace et peuvent se faire une idée précise des personnages à travers les noms que l’auteur leur a donnés, tandis que les lecteurs des traductions voyagent dans Bergen et sa région, au milieu d’autochtones, à condition que les noms propres n’aient pas été modifiés à la traduction.

Le choix des anthroponymes, en particulier des noms de famille, est rarement fortuit dans les romans de Gunnar Staalesen, étant donné que jeux de mots mis à part, ils rendent souvent hommage à la population de Bergen et à son histoire.

En Scandinavie14, diverses traditions ont coexisté ou se sont succédé pour arriver au mode actuel de formation des noms de famille. L’Islande reste un cas particulier dans la mesure où les patronymes sont toujours utilisés, et changent donc d’une génération à l’autre. Ils se forment sur le prénom du père, décliné au génitif et auquel on ajoute -son (« fils ») ou -dóttir (« fille »). Pour prendre des exemples d’écrivains islandais, on sait immédiatement que le père d’Arnaldur Indriðason se prénommait Indriði, le père d’Árni Þórarinsson se prénommait Þórarinn, celui d’Auður Ava Ólafsdóttir se prénommait Ólafur, etc. Les exceptions à ce procédé concernent les noms de famille d’origine étrangère, portés par un petit dixième de la population seulement.

Dans le reste de la Scandinavie, que concerne cet article, le système prénom(s) + nom de famille s’est imposé à différentes époques, et le nom de famille est maintenant fixe d’une génération à la suivante. Une partie des patronymes se sont maintenus bien que les prénoms changent, mais à ce jour, les noms de famille les plus fréquents en Norvège sont des noms de fermes ou de fermes de tenanciers, puisqu’environ deux tiers des Norvégiens en portent un15. On peut citer parmi ces noms de famille Nesbø, Helland, Bakken, Sveen, Vik comme exemples. Ces fermes, qui devaient souvent leur nom au type d’endroit où elles se trouvaient (baie, crique, pointe, fjord, ilôt), ont pu former le cœur d’agglomérations qui se sont constituées autour, auxquelles elles ont donné leur nom. Ce sont ces noms d’agglomérations que Gunnar Staalesen utilise comme moyen pour donner d’entrée une identité locale forte à ses personnages, rien qu’en les nommant. En effet, à partir du xviie siècle, mais après la Révolution industrielle surtout, à un moment où les futures grandes villes scandinaves connaissaient une très forte poussée démographique, la population de Bergen s’est enrichie d’habitants issus des campagnes et des fjords environnants, en particulier du nord de la région du Hordaland16, dont Bergen est la capitale. Ces nouveaux habitants ont contribué à l’essor social, politique et économique de la ville, en conservant une identité régionale dont les Norvégiens sont très fiers ; la diversité des costumes folkloriques (bunader, au singulier bunad) à travers le pays suffit à le prouver. Ils étaient d’autant plus les bienvenus qu’ils permettaient de réduire la proportion de berguénois d’origine allemande ou néerlandaise, population très présente dans la ville depuis la période hanséatique17, entre les xiiie et xviie siècles. En conséquence, une bonne partie des protagonistes de ses romans portent en tant que nom de famille des noms de localités plus ou moins proches de Bergen, tels que Vadheim, Mongstad, Hamre, Myking ou Brekke, et ce sont des informations précieuses pour le lecteur norvégien.

Cette carte du sud de la Norvège18 montre la répartition géographique de localités ou lieux-dits dont les noms sont devenus des noms de famille dans les romans de Gunnar Staalesen. La punaise jaune indique où est Bergen.

Les repères rouges désignent Hellesø(y) (A), Langeland (B), Melvær (C), Mongstad (D), Vadheim (E), Solheim (F), Kyrkjebø (G), Brekke (H), Lavik (I), Matre (J), Fanebust (K), Myking (L), Manger (M), Hamre (N), Vassenden (O), Holmefjord (P), Haga (Q), Tysse (R), Bjørge (S), Bruvik (T), Myklebust (U) et Bruland (V). Ce sont des noms de famille tout à fait acceptables pour un lecteur norvégien.

De la même façon, on peut mentionner le personnage secondaire de Svein Grorud, dans Les chiens enterrés ne mordent pas19 : Grorud est une banlieue au nord-est d’Oslo, il était tout naturel d’en faire un nom de famille dans ce roman très particulier puisqu’il a pour cadre essentiel Oslo alors que la quasi-totalité des autres romans de la série n’ont que Bergen et ses environs pour décor.

Dans les autres œuvres analysées, les noms de personnes sont dans la très grande majorité conservés avec leur orthographe originale, hormis les noms islandais contenant un þ ou un ð et quelques très rares exceptions qui peuvent faire penser à une correction automatique ou malheureuse dans la phase d’édition (« Irène Dam », avec l’accent grave, donc, dans la traduction de Vådeskud20, dans laquelle tous les noms de personnes sont pourtant orthographiés comme en danois).

Enfin, il faut signaler les noms de personnes construits sur des jeux de mots. Ceux-ci peuvent être ponctuels, comme pour l’inspecteur de police Harry Hole créé par Jo Nesbø, puisque son nom de famille, qui n’est pas rare en Norvège, fait assez naturellement sourire un fonctionnaire australien à la toute première page du premier roman de la série21, ce qui a l’avantage de poser dès le début le ton du roman. Ils peuvent aussi être récurrents, c’est particulièrement le cas pour le détective privé imaginé par Gunnar Staalesen, Varg Veum. Ce jeu de mot est fondamental pour l’identité de ce personnage, non seulement pour sa valeur première, puisque les anciens Scandinaves désignaient par l’expression vargr í véum (littéralement « le loup dans le sanctuaire ») un proscrit, une personne qui avait perdu tous ses droits civiques et sociaux et évoluait donc en marge de la société, mais aussi pour les situations cocasses que ce nom crée : il peut par exemple préciser après s’être présenté que son « père avait le sens de l’humour22 » ou qu’il « ne mord pas23 ». On trouve d’autres exemples dans Anges déchus (« Je suis content que ce ne soit pas moi qui vous aie baptisé, ajouta-t-il en partant. Ça aurait pu être un moment amusant24 »), Fleurs amères (« “Je m’appelle Bodil.” […] / “Varg.” Elle haussa les sourcils et partit d’un rire adorable. “Vraiment ?” […] “Varg Veum.” Elle émit encore quelques trilles en guise de rire. “Ça aussi25 ?” ») et Où les roses ne meurent jamais (« “Ici Varg Veum. Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi ?” / “Oh si. Ce n’est pas un nom si facile à oublier26” »).

C’est dans cette catégorie de noms de personnes que s’intègrent beaucoup d’anthroponymes nés sous la plume de l’auteur norvégien Kjartan Fløgstad (né en 1944). On trouve dans ses romans des protagonistes tels que « greven av Bar Bakke », qui équivaudrait à un « comte d’Ésargenté » ; une liste plus complète, dont voici quelques exemples, est donnée dans la présentation éditeur d’un recueil de textes, Gi lyd27 : Ann Dante (Andante), Gro Ruud (Grorud est la banlieue d’Oslo mentionnée plus haut), Claus Reading (Anglais Close reading, lecture attentive), Dikke Dahr (il manque une terminaison du pluriel (dikkedarer), mais l’expression signifie « des manières, des chichis »), Robinson Freitag (association de Robinson et de la variante allemande de Vendredi, les deux personnages principaux de Robinson Crusoé) ; la liste est loin d’être exhaustive.

Løgneren (Le menteur28), de l’auteur danois Martin A. Hansen, est un exemple encore plus complet, puisque les noms de son personnage principal, Johannes Vig, et de l’île sur laquelle se déroule l’action, Sandø, peuvent être interprétés de plusieurs façons. Dans sa préface, Régis Boyer29 ne fait aucune mention des jeux de mots30, Sandø est traduit par « l’île de Sand » dès la deuxième page, et les traducteurs, Eva Berg Gravensten et Vincent Fournier, expliquent en note de bas de page que « sand signifie “sable” en danois » pour justifier qu’il « va y avoir toutes sortes de désagréments dans l’île de Sand31 ». Mais sand est aussi un adjectif danois qui signifie « vrai ». Il n’a pas l’air d’y avoir d’île de Sandø au Danemark, alors qu’il y en a une dans le fjord d’Oslo et une (Sandö) en Suède, dans l’Ådal (Nord-est de Sundsval, près du golfe de Botnie). « Vrai » s’écrivant sann en suédois et en norvégien, le jeu de mot entre « vrai » et « sable » n’est valable que pour le danois.

Il apparaît que les traducteurs ou l’éditeur n’ont pas bien perçu le sens véritable de Sandø, surtout compte tenu du thème général du roman. Cette île fictive serait en fait plutôt « l’île de la Vérité », en rétro-traduction en danois sandhedens ø32, donc « l’île où on est authentique ».

Le nom du personnage principal, qui s’oppose en définitive à celui de l’île et pose donc d’entrée l’antagonisme entre ce nouvel arrivant sur l’île et le contexte dans lequel il va évoluer, est même un jeu de mots à plusieurs niveaux, puisqu’on peut le comprendre comme Vig (ce qui signifie la baie, l’anse, la crique), le sens le plus évident et, d’une certaine façon, le plus innocent, car c’est également un nom de famille courant en Scandinavie (avec sa variante Vik en Norvège et en Suède), ou l’impératif du verbe vige (« céder, fléchir, plier, reculer »), ou encore svig (substantif signifiant la « trahison », la « fraude ») lorsque le nom de famille est associé au prénom Johannes, assez peu courant et très connoté du point de vue religieux ; c’est sans doute le sens à retenir dans Le menteur.

Cet exemple danois fera le lien avec la deuxième grande catégorie de noms propres, les toponymes, et l’utilisation qu’en font les auteurs scandinaves mentionnés ici.

Les noms de lieux

Les romans de ces auteurs faisant quasi exclusivement évoluer des personnages fictifs dans un cadre réel, la liberté concernant l’utilisation des noms de lieux est moindre qu’en matière de noms de personnes. Ce sont en outre des sociétés où la population est relativement peu nombreuse, un peu plus de vingt-deux millions d’habitants dans toute la Scandinavie en 2020, et où le lien entre l’auteur et ses lecteurs est plus étroit, plus intime qu’en France. En conséquence, ces lecteurs ne se priveront pas de faire savoir à un auteur que son roman contient des erreurs ou des inexactitudes sur la description des lieux.

De façon très ponctuelle, certains noms de rues ou de quartiers peuvent servir à créer une ambiance ou évoquer une impression précise chez le lecteur, comme dans cet exemple où l’idée était sans doute d’évoquer un contexte vaguement menaçant, d’ailleurs souligné par l’auteur lui-même :

[Elle] descendit Galgebakken, où, comme le nom l’indiquait, s’était trouvé l’un des nombreux lieux de supplice de la ville, pour arriver à la grande usine devant Georgernes Verft33.

Pour un lecteur francophone, Galgebakken n’indique rien du tout, et la précision apportée par l’auteur arrive mal à propos. À moins de la supprimer, en tout dernier recours, il faut donc expliquer le plus simplement possible que Galgebakken signifie « la butte de la potence » en norvégien, en l’occurrence en note.

Il arrive aussi qu’un toponyme soit utilisé à des fins burlesques, mais les exemples sont rares. En voici un tiré d’un roman de la série des Varg Veum, le seul qui se déroule en majeure partie dans la capitale norvégienne :

Vi kom ut i Stenersgata. Jeg pekte østover, mot Lilletorget og Vaterlands bru. « Retning Grønland. »« Å-å-h fa-faen. Og så jeg som har gl-glemt å ta med skiene. »
« Å-å-h fa-faen. Og så jeg som har gl-glemt å ta med skiene. »
Jeg lo høflig, i et forsøk på å muntre ham opp. « Det er vel litt for tidlig i sesongen til det34. »

Nous débouchâmes dans Stenersgata. Je tendis une main vers l’est, en direction de Lilletorget et du pont de Vaterland.
« Direction Grønland.
- O-o-oh merde ; et moi qui ai oublié mes skis. »
Je ris poliment, pour essayer de lui remonter le moral. « C’est un peu tôt dans la saison
35. »

Cet exemple souligne d’ailleurs une difficulté de traduction reposant sur la graphie du mot norvégien, qui peut rendre malaisée la compréhension du terme – et donc du quiproquo – par un lecteur francophone. Il était exclu d’écrire « Groenland » le nom du quartier d’Oslo, puisque, si l’étymologie est commune à l’île et au quartier de la capitale (pays vert et terres vertes), les deux ne sont pas liés, le premier terme étant une création d’Erik le Rouge à la fin du xe siècle36 pour donner à ses compatriotes « grande envie d’y aller si ce pays portait un beau nom37 », et le second d’origine incertaine, mais il fait peut-être référence à l’époque où l’Akerselva, la rivière qui traverse la capitale norvégienne du nord au sud, y débouchait, entre des plaines herbeuses et des champs, donc dans un cadre verdoyant38. Pour faciliter la compréhension de ce passage, l’éditeur de ce roman a bien voulu accepter ma note de traducteur « Quartier d’Oslo, Grønland est aussi la graphie norvégienne de Groenland39 ».

Cette difficulté de traduction se double de celle consistant à préserver autant que possible une allusion évidente pour tous les Norvégiens, dans la mesure où l’association entre le Groenland et les skis renvoie au titre du célèbre récit d’expédition de Fridtjof Nansen, En skis à travers le Groenland40. Mais sauf à donner un côté très didactique à la version française d’un roman policier norvégien, en l’occurrence par l’insertion d’une note de bas de page ou de fin, cette référence se perd à la traduction.

Si certains écrivains norvégiens, à l’instar de Chris Tvedt, dont les romans ont Bergen pour décor, ne nomment que très rarement les éléments de leurs décors, comme les noms de rue ou de restaurants, Gunnar Staalesen et Jo Nesbø, par exemple, sont plutôt généreux dans ce domaine ; les passages de leurs livres décrivant le parcours précis de tel ou tel personnage sont nombreux, comme dans ces trois exemples (les termes et expressions en italiques sont de mon fait) tirés du tome 1 du Roman de Bergen :

Lorsque les Berguénois se rassemblèrent par milliers autour de la statue de Christie sur Øvre Torvet, où le maire Mowinckel leur souhaita la bienvenue, avant que les chants [Gud, du styrer og rår et Ja, vi elsker] ne soient entonnés, et que la foule ne démarre un défilé qui partit dans Småstradgaten, passa Vågsalmenningen, Strandgaten et monta Muren jusqu’à Engen, ils étaient serrés chacun autour de sa gamelle de soupe dans le réfectoire du Pénitencier41.

Elle ferma silencieusement la porte derrière elle, remonta complètement Kjellersmuget et descendit Store Markevei jusqu’à Torvalmenningen, prit à droite au coin de Småstrandgaten et approcha du commissariat à pas toujours plus hésitants. Arrivée sur Rådstuplass, elle s’arrêta devant l’ancien palais de justice42.

Ils sortirent de concert de l’élégante gare. Au lieu de remonter devant l’école technique de Kong Oscars gate et de descendre la rue jusqu’à Torvet, Torleif choisit de passer par Lungegårdsgaten et Marken jusqu’à Allehelgens gate, Rådstuplass et Småstrandgaten. Sur ce trajet, il pouvait montrer à son frère qu’ils avaient bien progressé à Bergen aussi, on n’avait pas besoin d’aller jusqu’en Amérique pour voir une usine de lampes électriques comme A/S Luna, des bains publics ou des bureaux de poste modernes, et les gamins désignèrent avec entrain un policier en uniforme qui montait la garde devant l’ancien pénitencier d’Allehelgens gate43.

Il y a six noms de lieux dans le premier extrait, cinq dans le deuxième et huit dans le troisième. Ce sont des endroits familiers pour les habitants de Bergen, peut-être un peu moins pour les autres Norvégiens, mais inconnus pour la grande majorité des lecteurs français qui peuvent malgré tout suivre sur un plan de la ville les déplacements des protagonistes.

Dans ces trois derniers exemples comme dans tous les autres abordés, lors de la traduction de ces textes, il a fallu opérer des choix pour tenter de rendre au mieux en français les descriptions, la culture et les ambiances propres aux romans originaux.

Les choix de traduction en fonction du type de nom propre

Puisque les textes cités en exemple sont des traductions d’œuvres de fiction, destinées à être publiées pour toucher le public francophone le plus large possible, il y a un impératif de lisibilité, sinon de simplification. L’un de ces aspects concerne la graphie des noms propres (les æ, ø et å du norvégien et du danois, les ä et ö du suédois, où le å est aussi présent, les þ et ð de l’islandais, en plus des voyelles accentuées) et leur difficulté de prononciation, réelle ou supposée.

Il faut en outre prendre en compte le public visé : on ne traduit pas de la même façon pour des enfants, de jeunes adultes ou des adultes, et on ne traduit pas un roman policier comme un roman historique ou de la littérature sentimentale. Chaque genre a ses règles propres dans la culture source comme dans la culture cible, d’où un ensemble d’équilibres complexes et précaires.

Le cas du roman policier est intéressant parce qu’il illustre bien les différences de perception et de points de vue dans les cultures source et cible, en Scandinavie et en France. Ses règles sont très strictes en France alors qu’elles sont plus floues et mouvantes en Scandinavie, où le genre n’est d’ailleurs pas considéré comme très différent de la littérature blanche. En effet, les auteurs nordiques tous genres confondus cherchent d’abord à raconter une histoire, dans une tradition ancienne puisqu’on parlait en islandais ancien de littérature til gamans « pour le plaisir » ou « pour le divertissement ». En 1888, Tchekhov a écrit dans une lettre que selon lui, l’artiste doit poser les questions de façon satisfaisante, mais ce n’est pas son rôle d’y répondre. Cette idée est aussi à la base des leçons de Georg Brandes à partir de 1871 : les artistes devaient faire en sorte « que les problèmes deviennent matière à débat », et Ibsen et Strindberg, entre autres, l’ont exploitée dans leur œuvre. Les romans policiers nordiques, prolongements du roman social44, sont avant tout des romans destinés à divertir, et qui posent en même temps une problématique et invitent à réfléchir dessus. En Scandinavie, le genre policier n’est qu’un truchement, ce n’est pas une fin en soi. Beaucoup de ces écrivains se considèrent avant tout ou uniquement comme des écrivains, et pas seulement (ou pas) comme des auteurs de romans policiers, et l’exemple de Ian Rankin, bien que britannique, peut être appliqué à beaucoup d’entre eux : « I was the accidental crime writer. I used to go into bookstores and I’d take [copies of] my book off the Crime Fiction shelves and put them in with Scottish Fiction45. » Ils n’écrivent d’ailleurs pour la grande majorité d’entre eux pas que des romans policiers, et leurs autres œuvres sont tout autant appréciées, parfois davantage, indépendamment de leur production policière.

La perception de ce genre littéraire particulier qu’est le roman policier implique que le public concerné en Scandinavie n’est pas nécessairement le même qu’en France, et que les codes que le lecteur attend ne sont pas obligatoirement identiques. Partant, le traducteur peut choisir de rester le plus proche possible du texte scandinave, en le préservant et en le transmettant plutôt qu’en le traduisant, dans une optique qu’on peut qualifier de sourcière puisqu’elle se concentre sur le texte source, ou d’adapter son texte au public visé, en étant en cela plutôt cibliste. Les deux stratégies qui y sont apparentées sont l’exotisation (ou étrangéisation), consistant à revendiquer ce que le texte source a d’étranger et de propre à sa culture de départ, et la domestication dont le but est de produire le texte qui se fondra le plus facilement dans la langue et la culture cibles : les tendances ont varié au fil du temps, et on peut notamment citer la vague des « belles infidèles » des xviie et xviiie siècles, mais la tendance actuelle serait un retour à une traduction plus éthique, c’est-à-dire plus ouverte à « l’autre46 ».

Pour illustrer cette tendance, on peut évoquer les éléments qui font depuis une vingtaine d’années au moins le succès de la littérature nordique en France. Que ce soit de façon spontanée dans les critiques, les blogs, ou dans les réponses à des questions, de nombreux lecteurs disent apprécier ou préférer la littérature nordique traduite pour le voyage et le dépaysement qu’elle offre. Les lecteurs intrigués ou fascinés par un cadre géographique et culturel donné hésitent de moins en moins à aller voir sur place, et le Roman de Bergen en est un exemple. À la suite de sa publication en français à partir de 2006, les Berguénois ont vu des groupes de touristes français parcourir la ville, le livre à la main, sur les traces des principaux personnages du roman. De Gunnar Staalesen, Mireille Descombes écrit dans son blog pour l’hebdomadaire suisse L’hebdo qu’il « possède en plus un indéniable talent de peintre et le goût des descriptions minutieuses. Chacun de ses romans peut donc servir de guide aux touristes partant à la découverte des charmes et des secrets de la Norvège, et de Bergen en particulier47 ». Dans la capitale norvégienne, d’importants groupes de touristes allemands, anglais et australiens, mais aussi asiatiques, effectuent des visites de l’Oslo de Harry Hole, l’inspecteur de police créé par Jo Nesbø48. Des circuits touristiques littéraires ont aussi vu le jour au Danemark et en Suède. Si l’on adopte le principe de ne jamais traduire les noms de lieux, qu’il s’agisse de rues ou de quartiers, il est très facile pour un lecteur français de suivre, pour ainsi dire mètre par mètre, les trajets des protagonistes sur un plan de la ville, ou d’aller voir sur place, le cas échéant, pour marcher sur les traces d’un personnage, réel ou fictif, qui l’aura marqué.

Pour que ce dépaysement reste entier et pour que ce tourisme littéraire puisse exister, la stratégie applicable aux œuvres entières serait donc la préservation de tous les endonymes. Tout comme on prend ici en compte les attentes d’étrangéité du lecteur francophone, on doit aussi prendre en compte la lisibilité du texte cible et les informations dont le lecteur aura besoin, le plus souvent de façon ponctuelle, pour comprendre au mieux le texte.

Il semble plus prudent de ne donner ces informations qu’avec parcimonie, en partant du principe que ces traductions de littérature de fiction, et à plus forte raison de littérature policière, ne sont pas (principalement) à visée didactique ; la traduction ne peut pas intégrer trop d’éléments informatifs et explicatifs, que ce soit dans le texte ou en note, au risque de verser dans le pédantisme ou une attitude consistant à montrer au lecteur qu’on le pense moins intelligent ou moins instruit qu’il ne l’est en réalité. C’est l’un des dilemmes auxquels le traducteur fait face avec les noms propres.

Les problèmes qui se posent à la traduction

Ces problèmes concernent essentiellement les toponymes, puisque la solution la plus simple et la moins risquée consiste à transposer les noms de personnes dans la version française, sans les modifier dans la plupart des cas. Il serait en effet troublant pour un lecteur francophone, hispanophone ou anglophone de retrouver dans un cadre géographique attesté typiquement scandinave des protagonistes affublés exclusivement de noms à l’évidence français, espagnols ou anglo-saxons. Les lettres des alphabets scandinaves qui ne font pas partie de notre alphabet demeurent la plupart du temps, comme les æ, ø, ä, ö et å des alphabets danois, suédois et norvégien, tandis que les deux lettres islandaises þ et ð peuvent céder la place à th et dh (ou d) respectivement, et que les caractères accentués peuvent perdre leur accent, par exemple dans Reykjavík qui devient Reykjavik. Ces choix appartiennent presque exclusivement à l’éditeur.

Les problèmes qui se posent à la traduction peuvent être classés en deux catégories. La première regroupe ce que j’appellerais les problèmes directs, le premier étant l’éventuelle nécessité de définir ou de préciser les noms propres49, au risque de redites ou de redondances ; en effet, écrire « la rue Karl Johans gate » est redondant car gate signifie rue en norvégien, « Gamle Bybro » mentionne déjà un pont (bro en norvégien), l’élément dal dans « Setesdal » précise qu’il s’agit d’une vallée, ce qui dispense en principe d’écrire dans la traduction « la vallée du Setesdal.

L’inconvénient de l’insertion d’informations dans le texte est que ces informations, quand elles sont exactes, ne sont pas toujours homogènes : Karl Johans gate, l’une des rues les plus célèbres d’Oslo, entre la gare principale de la ville et le Palais royal, donne en traduction « la rue Karl-Johan50 » (alors que dans cette même traduction, d’autres noms de voies de circulation sont conservés, comme Akersgaden51 ou Pilestrædet52, mais on trouve « la place Saint-Olaf53 »), « l’avenue Karl-Johan54 », avec sa variante « l’avenue Karl Johan55 », et « la promenade Karl Johan56 », entre autres. En second lieu, l’endroit est-il assez connu pour pouvoir se passer de traduction, comme Karl Johans gate à Oslo, ou Bryggen à Bergen ? Enfin, le nom original est-il assez transparent pour qu’un lecteur français puisse identifier le type d’endroit dont il s’agit, par exemple Bygdøy allé (orthographe norvégienne de « l’allée » de Bygdøy) à Oslo, ou Nordnesparken à Bergen ?

La seconde catégorie regroupe ce qu’on peut qualifier de problèmes indirects. Tout d’abord, le choix de la préposition et de la structure à utiliser pour la traduction dépend d’une bonne connaissance de ce à quoi les toponymes renvoient, et les vérifications sont indispensables si le moindre doute subsiste. Ces cas sont parfois très problématiques car le toponyme est faussement transparent, et oriente à la traduction vers un autre type de lieu. On peut donner comme exemple les noms en -vika ou -viken, qui peuvent désigner une baie, une crique (c’est le sens premier de vik en scandinave, vika ou viken à la forme définie en norvégien), comme Pipervika, à Oslo, mais aussi une agglomération (Olsvika, dans la région du Sør-Trøndelag) ou un quartier, comme Breiviken, à Bergen. On aurait pour ces exemples les traductions respectives « sur Pipervika » ou « dans Pipervika », « à Olsvika » et « dans le quartier de Breiviken », sachant qu’en norvégien, la préposition pourra dans tous les cas être i, dont le sens principal est « dans ».

On peut étendre ce problème aux toponymes comportant le suffixe -dal, très nombreux en Norvège. Dal désigne une vallée en Norvège, et bon nombre de ces toponymes sont bien des vallées (Gudbrandsdal, Setesdal, Østerdal) ; en revanche, certains quartiers, voire certaines rues dans les grandes villes portent aussi des noms en -dal, comme Nydalen à Bergen, une rue sinueuse qui mesure un peu plus de deux cents mètres de long. Puisque les prépositions en version originale sont les mêmes dans les deux cas (i, fra, mot, etc.), qu’il s’agisse d’une véritable vallée ou d’un autre type de lieu, le traducteur peut facilement faire la confusion et écrire qu’une maison est située « dans le Nydal », i Nydalen en norvégien, comme on écrirait qu’elle est « dans le Gudbrandsdal », i Gudbrandsdalen, une vallée longue, elle, de deux cent trente kilomètres. Il convient donc de traduire i Nydalen par « dans le quartier de Nydal », éventuellement « à Nydal » si le contexte permet d’éviter une méprise sur le type de lieu dont il s’agit.

C’est également valable pour un terme qui, dans beaucoup de langues, est passé dans la catégorie des realia, donc un terme étranger qui désigne une réalité particulière dans une culture donnée : fjord. La Norvège n’en manque pas, les six plus longs mesurant chacun plus de cent kilomètres. Il faut néanmoins prêter une attention particulière au fait que le Randsfjord (Randsfjorden) et le Tyrifjord (Tyrifjorden) sont à égalité les quatrièmes plus grands lacs de Norvège, avec 139 km2 de surface57. Les qualifier de fjords à la traduction serait donc absurde.

Enfin, il faut prendre en compte tous les toponymes dont l’étymologie est inconnue ou incertaine, puisque les séparer en une partie traduisible et une autre à laisser en l’état peut occasionner de belles erreurs. L’exemple le plus représentatif en est peut-être le Puddefjord, dans le centre de Bergen, puisque son étymologie est très incertaine et que rien ne permet aujourd’hui de savoir avec certitude s’il s’agirait en français du « fjord Pudde », « le fjord de Pudde », ou « de Pudd », car le e peut servir à lier les deux parties du mot, comme c’est le cas pour le e de Sognefjord, entre autres.

En outre, les gentilés, qui indiquent les habitants d’un lieu, aussi fréquents en scandinave qu’en français, sont pratiquement tous à inventer et, d’une certaine façon, à imposer : bergensere (« les habitants de Bergen »), eksingedøl (« les habitants de l’Eksingedal »), sunnfjording (« les habitants du Sunnfjord »), etc. Des recommandations officielles existent58, comme osloïtes pour les habitants d’Oslo ; j’utilise berguénois pour ceux de Bergen.

Concernant les prénoms, cette fois, on peut citer ceux dont certaines variantes scandinaves, parfois d’inspiration française, peuvent passer pour des prénoms français mal orthographiés, comme Sofie, Agnes, Susanne, Cecilie, etc. Ils sont particulièrement fréquents au Danemark. La graphie posera aussi un problème lorsque ces noms contiennent des graphèmes æ, ø, ä, ö et å en danois, en suédois et en norvégien, des lettres þ et des ð en islandais, puisque le lecteur peut ne pas savoir comment les prononcer et donc ne pas être en mesure de se faire une représentation du signifiant de ces noms. C’est une remarque que les lecteurs français formulaient souvent à propos du Roman de Bergen lors des festivals et rencontres avec l’auteur.

Le cœur du problème tient sans doute à la nature même du nom propre ; si beaucoup d’entre eux étaient à l’origine des substantifs (simples ou composés), la signification en a progressivement disparu, à plus forte raison au gré des évolutions de la langue et des circonstances historiques, qui font, par exemple, que le nom de Bergen, en Norvège, serait passé par les étapes suivantes : Bergawinjó (« le pâturage [entre les] montagnes », entre les ve et viiie siècles) – Biorgvin (xiiie-xive siècles) – Bergen (fin xve, début xviie siècles59). La signification est ici pratiquement impossible à voir, ce qui est assez rare en Scandinave, où les noms sont souvent transparents puisque chaque élément a encore un sens propre (comme vik : baie, fjell : montagne, vatn ou vann : lac, etc.). Certains noms du nord de la Scandinavie peuvent faire exception, puisque leur étymologie est à chercher dans les langues finno-ougriennes, comme pour Kautokeino en Norvège et Kiruna en Suède. Le lecteur français perd donc dans la traduction des informations parfois précieuses et le plus souvent beaucoup plus évidentes pour le lecteur du livre en langue originale que pour le lecteur français, qui vit dans un environnement où les noms de lieux ont une signification première plus difficile à percevoir. On se retrouve donc la plupart du temps à devoir casser (ou non) un toponyme en une partie traduisible et une autre à laisser telle quelle, pour ne pas encombrer la traduction de termes étrangers quand ils peuvent être évités, et la rendre plus facilement lisible60. Le risque principal qui en découle est d’écrire une absurdité. Par exemple, Nygård étant un quartier de Bergen, il paraît plus logique de traduire Nygårdsparken par « le parc de Nygård » (comme on parle du Parc de Belleville ou de la Tête d’Or) que par « le parc Nygård », par analogie avec le Parc Georges Brassens par exemple, bien qu’on puisse hésiter à laisser le nom dans sa version originale, Nygårdsparken ; se pose alors la question du traitement de l’article défini, postposé en norvégien ; on peut en faire « le Nygårdspark », « le Nygårdsparken » ou le laisser tel quel, sans article en français.

Il importe de la même façon de conserver le nom original des organismes, raisons sociales et autres organisations, en l’expliquant d’une façon ou d’une autre si sa signification première joue un rôle dans la narration. On peut noter dans cette rubrique Gjensidige en Norvège, une compagnie d’assurance dont le nom signifie littéralement « réciproque », Nordstjernan en Suède, un groupement d’entreprises dont le nom signifie « L’étoile polaire », Nykredit au Danemark, un organisme de crédit dont le nom signifie simplement « (le) Nouveau crédit ». Il semble assez naturel de ne pas traduire ces raisons sociales, puisqu’il n’existe pas en Scandinavie de sociétés nommées « Réciproque », « L’étoile polaire » ou « Le nouveau crédit ». Si elles existent malgré tout, ce ne sont très probablement pas celles dont on parle dans l’œuvre originale. Or, leurs noms sont transparents pour les Scandinaves, et en fonction du rôle plus ou moins important que ces sociétés jouent dans le roman qui les mentionne, il peut être utile ou nécessaire d’en indiquer le sens à la traduction.

Par ailleurs, s’il existait jusqu’en 2007, à Bergen, un Børs café, dont le nom peut se traduire par « café de la bourse [des marchands] » parce qu’il se situait non loin de celle-ci, il semble absurde de le traduire en français ; il n’y avait pas de « café de la bourse » à cet endroit-là, bien que dans l’absolu, c’eût été possible : les raisons sociales à consonance française existent en Norvège, on peut citer La baguette, une petite chaîne de boulangeries et points de restauration sur le pouce. En traduisant, on peut laisser croire que le prestige français est assez vivant en Norvège pour que des enseignes norvégiennes aient un nom français, ou que des expatriés aient ouvert un débit de boissons sur place et revendiquent leurs origines françaises.

La volonté de conserver les noms propres originaux, pour préserver les singularités de la culture de départ, a malgré tout quelques inconvénients : tout d’abord, le lecteur peut se sentir mis à l’écart, exclu, car le texte français semble destiné à un public de connaisseurs ou de spécialistes. En second lieu, le traducteur ou l’éditeur peut sembler faire preuve de pédantisme, si le fait de ne pas traduire donne l’impression que le traducteur connaît les bons termes et la culture, et tient à le montrer au détriment de la compréhension.

Les méthodes de traduction

Elles concernent exclusivement les noms de lieux, plus descriptifs (en tout cas pour le lecteur en langue source), mais aussi susceptibles d’être recherchés, contrairement aux personnages fictifs, par le lecteur d’une traduction. Les noms de personnes ont tout intérêt à être laissés en l’état, en expliquant à la rigueur en quoi ils sont particuliers, évocateurs ou comiques dans un contexte bien précis.

La traduction littérale décompose le toponyme dans la langue source en sémantèmes et les traduit, en conservant ou non l’anthroponyme s’il y en a un. On trouve dans cette catégorie « la place Saint-Olaf61 » (Sankt Olavs plass en norvégien, qui dit plutôt « la place de Saint Olav »), « la place du Chemin-de-Fer62 » (Jernbanetorget en norvégien), « la grand-place63 », (Stortorvet en norvégien), etc. Ces choix de traduction rendent très difficile, voire impossible, la recherche de ces lieux sur un plan ou une carte, en plus d’affadir le texte et de lui ôter une partie de son étrangéité. On peut en outre s’interroger sur les raisons pour lesquelles Universitetsgaden est traduit « la rue de l’Université64 » alors que Toldbogaden ne l’est pas65.

L’emprunt est l’utilisation du nom en langue source à l’identique dans la langue cible, avec ajout ou non d’article défini. À côté d’exemples comme « le croisement de Götagatan et Hornsgatan66 », donc les noms de rue tels qu’ils sont à Stockholm, ou « les grilles de Kongens Have67 » à Copenhague, on trouve « la Kofferdistgatan68 », « la Kirkeveien69 » etc.

L’emprunt avec ajout de précisions permet d’informer le lecteur du genre de lieux dont il est question dans le texte. Si le contexte ou l’usage de prépositions ne permet pas de trancher sur la nature du lieu (à, par, sur…), une précision absente du texte en langue source (bien qu’elle puisse faire partie du toponyme) peut être la bienvenue. Ainsi, « í Garðastræti70 » devient « dans la rue Garðastræti71 », « í Vogunum72 » est rendu par « dans le quartier de Vogar73 ». Dans son travail sur Mýrin, Éric Boury est même allé plus loin en traduisant « í Skuggahverfinu74 » par « dans le quartier de Skuggahverfi, le quartier des ombres75 », donc en complétant par la traduction littérale de Skuggahverfi, une précision qui se justifie pleinement dans le cadre d’un roman policier dont le cadre est Reykjavík.

Encore faut-il, ici comme partout ailleurs, que le texte soit cohérent et que les choix de traductions suivent une certaine logique. Dans la traduction de Sult, par exemple, la voie de circulation dans le centre d’Oslo Grændsen (aujoud’hui Grensen), donne en traduction « la rue Grændsen76 », plus loin simplement « Grændsen ».

Conclusion

On voit à travers ces exemples et les aspects théoriques en matière d’onomastique que le cœur du problème est en fait l’équilibre très précaire dans lequel se trouve constamment le traducteur, partagé entre des impératifs multiples : lisibilité du texte cible, conformité de la traduction par rapport au texte source, conservation du maximum d’éléments propres au pays dans lequel le roman se déroule et à sa culture, cohérence du texte cible dans les choix de traduction, tendance à l’explication au lecteur sans tomber dans le pédantisme.

Pour que le texte en langue cible puisse toucher son public et ne le fasse pas se sentir exclu ou négligé, il importe d’accompagner le lecteur, en glissant dans le texte de discrets éléments d’explication qui lui permettent de savoir de quel genre de réalité il s’agit, toujours en faisant attention à l’excès : si la traduction est supposée fidèle au texte original en tout point, le lecteur peut se demander pourquoi l’auteur a cru utile d’expliquer à son public premier, dans une langue scandinave, donc, une chose qui semble évidente. Le choix de traduction opéré ici est donc un cas très particulier de léger écart à l’original qui ne doit surtout pas être visible, une forme d’étoffement, que Vinay et Darbelnet définissent comme « le renforcement d’un mot qui ne se suffit pas à lui-même et qui a besoin d’être épaulé par d’autres77 ».

Il se double d’une obligation pour le traducteur à se renseigner le plus souvent possible et à ne s’autoriser aucun doute sur la nature exacte des lieux mentionnés, ce qui permet une plus grande souplesse dans l’explication ou la traduction partielle des toponymes. Quelles que soient les techniques retenues, la traduction des noms propres, et en particulier des toponymes, n’a jamais rien de simple et encore moins d’évident.

Notes

1Björn Larsson, Le choix de Martin Brenner, traduit par Hélène Hervieux, Paris, Grasset, 2020.

2Gunnar Staalesen, Le roman de Bergen, traduit par Alex Fouillet, Larbey, Gaïa Éditions, 2007.

3Jean Dubois et al., Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 2001, p. 325.

4Ibid.

5Michel Ballard, Le nom propre en traduction, Gap-Paris, Ophrys, 2001, p. 17.

6Alain Rey et J. Rey-Debove, Le Petit Robert 2 - Dictionnaire universel des noms propres - alphabétique et analogique, Paris, Le Robert, 1988, p. IX, préface.

7Maurice Grevisse et André Goosse, Le bon usage, Bruxelles, De Boeck, 2007, p. 583.

8Thierry Grass, « La traduction comme appropriation : le cas des toponymes étrangers », Meta, vol. 51, no 4, 2006, p. 660‑670.

9Ibid., p. 661.

10Voir par exemple Kerstin Jonasson, Le nom propre - Constructions et interprétations, Louvain-la-Neuve, Duculot, 1994, p. 114.

11Saul Kripke, « Naming and Necessity », dans Semantics of Natural Language, Dordrecht, D. & G. Harman (dir.), 1972, p. 253‑355.

12Jean-Louis Vaxelaire, « Étymologie, signification et sens des noms propres », Texto ! Textes & Cultures, [en ligne], vol. XV, no 3, juillet 2010. URL : http://www.revue-texto.net/index.php?id=2649.

13Kjell M. Paulssen (dir.), Hva skal barnet hete?, 10e éd., Oslo, Chr. Schibsteds Forlag, 2003, p. 38.

14L’acception retenue pour la Scandinavie dans cet article est l’acception française classique, qui regroupe l’Islande, les îles Féroé, la Suède, le Danemark et la Norvège.

15Olav Veka, Etternamn, https://snl.no/etternamn.

16Yngve Nedrebø, Grunnleiebøker fra Bergen 1686-1854, https://www.arkivverket.no/utforsk-arkivene/norges-dokumentarv/grunnleieboker-fra-bergen-1686-1854/_/attachment/download/86f013f3-3f91-44ce-a7c9-c9c49937d8c6:db30e44fbd3f58e5c5733c15d18c98ed14eae65a/Strøk-%20og%20hushistorie%20i%20Bergen.pdf.

17Bergen – lokalhistoriewiki.no, https://lokalhistoriewiki.no/wiki/Bergen, consulté le 1 mars 2023 ; Bergen kommune - Befolkning, https://www.bergen.kommune.no/omkommunen/fakta-om-bergen/befolkning/befolkning, consulté le 1 mars 2023.

18Nous avons établi cette carte à partir de Google Earth, décembre 2022. Libre de droits.

19Gunnar Staalesen, Les chiens enterrés ne mordent pas, traduit par Alex Fouillet, Montfort-en-Chalosse, Gaïa Editions, coll. « Gaïa Polar », 2009.

20Katrine Engberg, Vådeskud, Copenhague, People’s Press, 2019, p. 21 ; Le passé doit mourir, traduit par Catherine Renaud, Paris, Fleuve Éditions, coll. « Fleuve Noir », 2023, p. 15.

21Jo Nesbø, L’homme chauve-souris, traduit par Elisabeth Tangen et Alex Fouillet, Larbey, Gaïa Éditions, coll. « Gaïa Polar », 2003.

22Gunnar Staalesen, Pour le meilleur et pour le pire, traduit par Elisabeth Tangen et Alex Fouillet, Larbey, Gaïa Éditions, 2002, p.26

23Gunnar Staalesen, Hekseringen, Oslo, Gyldendal norsk forlag, 1985, p. 11, ma traduction.

24Gunnar Staalesen, Anges déchus, traduit par Elisabeth Tangen et Alex Fouillet, Larbey, Gaïa Éditions, 2005, p. 162.

25Gunnar Staalesen, Fleurs amères, traduit par Alex Fouillet, Larbey, Gaïa Éditions, 2008, p. 95.

26Gunnar Staalesen, Où les roses ne meurent jamais, traduit par Alex Fouillet, Montfort-en-Chalosse, Gaïa Éditions, 2018, p. 217.

27Kjartan Fløgstad, Gi lyd - tekstar 1968-2008, Oslo, Gyldendal norsk forlag, 2008.

28Martin A. Hansen, Le menteur, traduit par Eva Berg Gravensten et Vincent Fournier, Lausanne, Esprit Ouvert, 1999.

29Alors directeur des Études scandinaves à l’université Paris-IV.

30Martin A. Hansen, Le menteur, op. cit., p. 5‑10.

31Ibid., p. 13.

32Svig på Sandø - Mennesket, kærligheden og naturen i Løgneren | Litteratursiden, http://litteratursiden.dk/artikler/svig-pa-sando-mennesket-kaerligheden-og-naturen-i-logneren, consulté le 2 octobre 2020.

33Gunnar Staalesen, Le roman de Bergen : 1950 - Le zénith, traduit par Alex Fouillet, Larbey, Gaïa Éditions, 2007, vol. 1, p. 225.

34Gunnar Staalesen, Begravde hunder biter ikke, Oslo, Gyldendal norsk forlag, 1993, p. 21.

35Gunnar Staalesen, Les chiens enterrés ne mordent pas, op. cit., p. 21.

36Jakob Benediktsson (dir.), Landnámabók, Reykjavík, Hið íslenska fornritafélag, coll. « Íslenzk fornrit », 1986 (S 89), entre autres.

37Le livre de la colonisation de l’Islande (Landnámabók), Introduction, traduction, notes et commentaire de Régis Boyer, Paris-La Haye, Mouton, 1973, p. 28.

38Knut Are Tvedt (dir.), Oslo byleksikon, Oslo, Kunnskapsforlaget, 2000, p. 172.

39Gunnar Staalesen, Les chiens enterrés ne mordent pas, op. cit., p. 21

40Fridtjof Nansen, >En skis à travers le Groenland, traduit par Charles Rabot, Paris, Éditions Hoëbeke, coll. « Retour à la montagne », 1996 ; På ski over Grønland, Oslo, H. Aschehoug & Co., 1928.

41Gunnar Staalesen, Le roman de Bergen, op. cit., p. 147.

42Ibid., p. 223.

43Ibid., p. 252.

44André Vanoncini, Le roman policier, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », n˚ 1623, 1997, p. 8.

45J. Kingston Pierce, January interview - Ian Rankin: The accidental crime writer, https://www.januarymagazine.com/profiles/ianrankin.html, consulté le 15 juillet 2022.

46Barbara Godard, « L’Éthique du traduire : Antoine Berman et le “virage éthique” en traduction », TTR Traduction, terminologie, rédaction, vol. 14, no 2, 2001.

47Mireille Descombes, « Les revenants de Bergen », in Polars, Polis et Cie - Le blog de Mireille Descombes, 7 septembre 2013. URL : https://polarspolisetcie.com/les-revenants-de-bergen/, consulté le 15 juillet 2023.

48Voir par exemple Olav Eggesvik, På Harry-tur i Holes Oslo, http://www.aftenposten.no/article/ap-116905b.html, consulté le 23 décembre 2023 ; Mona Langset, På Harry (Hole)-tur i Oslo, http://www.vg.no/reise/artikkel.php?artid=10126658, consulté le 23 décembre 2023.

49Ce que Claude et Jean Demanuelli, dans le sillage de Jean-René Ladmiral et de ses théorèmes pour la traduction (cf. Traduire, Paris, Payot, 1979), appellent l’incrémentialisation (Jean Demanuelli et Claude Demanuelli, La traduction : mode d’emploi. Glossaire analytique, Paris, Masson, 1995, p. 91).

50Knut Hamsun, Romans, traduit par Régis Boyer, Paris, Le livre de poche, coll. « Classiques modernes », 1999, p. 50.

51Ibid., p. 64.

52Ibid., p. 45.

53Ibid., p. 48.

54Torkil Damhaug, La vengeance par le feu, traduit par Hélène Hervieux, Paris, Éd. du Seuil, 2014.

55Randi Fuglehaug, La fille de l’air, traduit par Marina et Françoise Heide, Paris, Albin Michel, 2022.

56Lars Saabye Christensen, Le demi-frère, traduit par Jean-Baptiste Coursaud, Paris, JC Lattès, 2004, p. 509.

57NAF Veibok 2004, Oslo, NAF, Norges Automobil-Forbund, 2004, p. 727.

58Bulletin officiel du ministère des Affaires étrangères, https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/no_106_janv-mars_2009_cle446315.pdf. Consulté le 23 décembre 2023.

59Gunnar Hagen Hartvedt et Norvall Skreien, Bergen byleksikon, Oslo, Kunnskapsforlaget, 2009, p. 13.

60Voir par exemple Michel Ballard, Le nom propre en traduction, op. cit., p. 108.

61Knut Hamsun, Romans, op. cit., p. 48.

62Ibid., p. 69.

63Ibid., p. 72.

64Ibid., p. 122.

65Ibid., p. 90.

66Björn Larsson, Les poètes morts n’écrivent pas de romans policiers, traduit par Philippe Bouquet, Paris, Grasset, 2012, p. 347.

67Caroline Albertine Minor, La carapace du homard, traduit par Terje Sinding, Paris, Bernard Grasset, 2023, p. 36.

68Katarina Mazetti, Le mec de la tombe d’à côté, traduit par Lena Grumbach et Catherine Marcus, Larbey, Gaïa Éditions, 2006, p. 67.

69Lars Saabye Christensen, Le demi-frère, op. cit., p. 327.

70Arnaldur Indriðason, Mýrin, Reykjavík, Vaka-Helgafell, 2000, p. 32.

71Arnaldur Indridason, La cité des jarres, traduit par Éric Boury, Paris, Métailié, coll. « Suites », 2006, p. 35.

72Arnaldur Indriðason, Mýrin, op. cit., p. 207.

73Arnaldur Indridason, La cité des jarres, op. cit., p. 213.

74Arnaldur Indriðason, Mýrin, op. cit., p. 42.

75Arnaldur Indridason, La cité des jarres, op. cit., p. 45. C’est moi qui souligne.

76Knut Hamsun, Romans, op. cit., p. 44.

77Jean-Paul Vinay et Jean Darbelnet, >Stylistique comparée du français et de l’anglais, Paris, Didier, [1958] 1977, p. 109.

Pour citer ce document

Alex Fouillet , « Voyager dans le paysage scandinave depuis la France : le traitement des noms propres lors de la traduction vers le français  », Histoire culturelle de l'Europe [En ligne], n° 5, « Les hommes, les espaces, la nature : enjeux traductologiques », 2023, URL : http://www.unicaen.fr/mrsh/hce/index.php_id_2447.html

Quelques mots à propos de : Alex Fouillet

Alex Fouillet est docteur en linguistique et traducteur littéraire depuis 2001 (norvégien, danois et suédois), pour des maisons d’éditions telles que (feue) Gaïa, Jean-Claude Lattès, Gallimard ou Plon, avec une soixantaine de traductions à son actif, notamment dans le domaine policier. Il est en outre enseignant contractuel au département d’Études nordiques de l’université de Caen Normandie, où il est membre associé du CRISCO (Centre de recherches inter-langues sur la signification en contexte), et en charge des cours de version norvégienne, de linguistique historique scandinave et d’introduction aux littératures scandinaves. Parmi ses publications, on compte « La traduction en français du roman policier nordique : état des lieux et caractéristiques », Deshima, 2023 ou encore « La traduction des propositions subordonnées conjonctives du norvégien en français – une étude exploratoire », Synergies, 2023.