Traduire les animaux en arabe et en français : quelques réflexions à partir d’un ouvrage médiéval du Xe siècle
Résumé
Le présent article explore les difficultés à traduire en différentes langues un ouvrage médiéval du Xe siècle, particulièrement en ce qui concerne les noms d’animaux. L’auteur de l’article, également traducteur d’une partie du corpus étudié, relève incohérences et erreurs de copistes quant aux traductions d’animaux. À l’époque médiévale, le mouvement de traduction, initié sous les Omeyyades et développé sous les Abbassides, visait à diffuser les savoirs et les œuvres d’autres cultures. Les traducteurs, souvent mal formés, ont parfois utilisé une troisième langue intermédiaire, comme le syriaque, introduisant des distorsions dans le texte original. Le chapitre du Kitāb al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa d’Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī (m. en 1023 ?), inspiré par Aristote, est notamment étudié pour illustrer ces difficultés. L’auteur de l’article, ayant lui-même traduit ce chapitre en français, souligne les problèmes terminologiques et philologiques qu’il a rencontrés, notamment les tensions traductologiques liées à la variabilité des manuscrits et à la confusion graphique des lettres. Est ensuite abordé l’exemple d’Ibn al-Biṭrīq (m. en 815), traducteur de l’Histoire des Animaux d’Aristote vers l’arabe. La terminologie animale et l’identification des espèces représentent des défis majeurs pour le traducteur, et nécessitent souvent l’intervention de spécialistes dans une logique multidisciplinaire. L’article met en relief la dimension de la traduction comme partage historique de connaissances et dialogue entre les cultures. Il propose un aperçu des approches de la traduction à l’époque médiévale, le rôle des traducteurs, leur compétence à traduire fidèlement et le point de vue des hommes de lettres, comme al-Ǧāḥiẓ, sur ces traducteurs. »
Abstract
This article examines the difficulties of translating a tenth-century medieval work into different languages, with particular emphasis on the translation of animal names. The author of the article, who is also a French translator of some of the material studied, notes inconsistencies and copyist errors in the translations of animals. In medieval times, the translation movement, initiated under the Umayyads and developed under the Abbasids, aimed to disseminate knowledge and works from other cultures. The translators, often poorly trained, sometimes used a third intermediate language, such as Syriac, introducing distortions into the original text. The chapter of the Kitāb al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa by Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī (d. in 1023?), inspired by Aristotle, is notably studied to exemplify these challenges. As the author of the article himself translated this chapter into French, he highlights the terminological and philological problems he encountered, in particular the traductological tensions linked to the variability of manuscripts and the graphic confusion of letters. The example of Ibn al-Biṭrīq (d. 815), translator of Aristotle’s History of Animals into Arabic, is then discussed. Animal terminology and species identification represent major technical challenges for the translator, and often require the intervention of specialists as part of a multidisciplinary approach. This article highlights the dimension of translation as a historical sharing of knowledge and a dialogue between cultures. It offers an overview of approaches to translation in medieval times, the role of translators, their skill in translating faithfully and the views of scholars, such as al-Ǧāḥiẓ, on these translators. »
Table des matières
Texte intégral
À l’époque médiévale, les mécènes, penseurs et intellectuels arabes ont éprouvé le besoin d’entrer en contact avec d’autres cultures, de connaître leurs savoirs et de traduire leurs œuvres. De là est né le mouvement de la traduction à la fin de l’époque des Omeyyades (661-750)1 qui a progressé et qui s’est étendu pendant l’époque des Abbassides (750-1258)2. La « Maison de la Sagesse3 » est alors devenue un centre actif de la traduction et de la recherche scientifique. De plus, les traducteurs et copistes jouissaient d’un rang assez élevé auprès des califes et vizirs. Pourtant les traducteurs de la première génération n’étaient ni préparés à cette tâche scientifique, ni qualifiés pour l’exercer puisqu’ils ne maîtrisaient pas suffisamment l’arabe ou le grec. C’est la raison pour laquelle on a fait appel à une troisième langue, intermédiaire, celle du syriaque. Le processus de traduction se faisait alors en deux étapes : du grec vers le syriaque et du syriaque vers l’arabe. En effet les traducteurs syriaques en Irak étaient déjà en contact avec le savoir grec et maîtrisaient bien cette langue. Ils traduisaient donc du syriaque vers l’arabe4.
Cependant ce processus en plusieurs étapes, donc indirect, a pu modifier certains éléments du texte de départ, désagréger parfois son unité et le rendre ambigu dans le texte d’arrivée. L’auteur classique du Xe siècle, Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī (m. en 1023), rapporte l’avis de son maître Abū Sulaymān al-Siǧistānī (m. en 1000) sur la traduction indirecte : « La traduction du grec vers l’hébreu, de l’hébreu vers le syriaque, du syriaque vers l’arabe, a déformé d’une façon que personne ne pourrait manquer de remarquer, la nature particulière des significations et l’essence des vérités5 ». Nous remarquons ici dans cette citation que la traduction pouvait aussi passer par l’hébreu comme par le syriaque, ce qui multipliait bien évidemment les processus de traduction, affaiblissant l’œuvre d’origine. Face à cette constatation, plusieurs problèmes peuvent surgir pour le chercheur : à quelles sources se fier, quelle véracité accorder à tel ou tel texte, comment interpréter les ajouts, les lacunes, les falsifications inévitables à toute traduction ?
Dans cet article, nous verrons comment l’auteur du IXe siècle al-Ǧāḥiẓ (m. 868), dans son Kitāb al-ḥayawān6 (« Le livre des animaux »), reprochait déjà aux traducteurs leur incompétence et, en tant qu’homme de lettres, évoquait la difficulté qu’il rencontrait face aux traductions. Mais notre travail s’appuiera surtout sur le 10e chapitre du Kitāb al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa7 « Le livre du plaisir [intellectuel] et l’art de tenir compagnie » d’Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, auteur du Xe siècle cité plus haut, qui a abordé le sujet des animaux. Nous constaterons que ce dernier a emprunté de nombreux passages à l’Histoire des animaux d’Aristote, ouvrage traduit du grec vers le français par Pierre Louis8.
Si nous nous intéressons ici à ces auteurs et au sujet de la faune dans une perspective traductologique, c’est parce que, en 2019, nous avons publié une étude sur le Kitāb al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa d’Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī en y proposant une traduction de deux nuits (ou chapitres), la 9e et la 10e, consacrées aux traits de caractère de l’homme et de l’animal9. En entreprenant cette traduction, en particulier celle qui concerne l’animal, la 10e, nous avons pu utiliser plusieurs dictionnaires, mais surtout Lisān al-ʿArab10 (unilingue) et Le Kazimirski11 (bilingue arabe-français). Dans cette première traduction, nous n’avons pas pris en compte certains détails. Notre objectif était de rendre le texte accessible et compréhensible au plus grand nombre. Nous étions alors dans le cadre d’une vulgarisation. Nous avons pu consulter également la traduction en anglais de cette 10e nuit accomplie par Lothar Kopf12.
Mais, après avoir participé à plusieurs manifestations scientifiques sur des thématiques liées à nos centres d’intérêts (sources, influences, traduction, etc.), la présente étude nous a permis de revenir sur notre expérience de traduction de manière beaucoup plus précise et approfondie, en focalisant nos réflexions sur les problèmes traductologiques relatifs aux espèces animales. Notre auteur Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī a emprunté sa matière sur ce sujet à Aristote, à Timothée de Gaza et à al-Ǧāḥiẓ, et la question de la traduction a exigé de notre part de revoir, de retravailler même dernièrement certains termes, en portant une attention particulière au domaine de la zoologie13. Pour nous faciliter la tâche et rester au plus proche du texte arabe, nous nous sommes appuyés aussi sur la traduction d’Ibn al-Biṭrīq (m. en 815) du grec vers l’arabe, intitulée Ṭibāʿ al-ḥayawān14 « Les Caractère des animaux ». Nous n’avons pas consulté directement les anciens manuscrits de toutes ces traductions : c’est plutôt un travail d’analyse comparée des éditions éditées qui a guidé notre démarche de retraduction de l’arabe vers le français.
Après avoir présenté le contexte historique et culturel de production de ces traductions vers l’arabe, notre objectif dans cette étude sera de mettre en avant la difficulté d’identification des animaux, de montrer les démarches suivies pour essayer d’y arriver, notamment grâce à notre travail d’analyse comparée des éditions consultées, et pour finir de relever les incohérences, les confusions de lettres et les coquilles qui peuvent nuire parfois au sens et à la traduction.
Réception critique des traductions anciennes d’Aristote en arabe
Le traducteur Ibn al-Biṭrīq15 (m. en 815) éprouvait ainsi de nombreuses difficultés à traduire les termes ou les significations de mots et de concepts, à rendre avec précision en traduisant les idées du texte source, puisqu’il ne connaissait pas bien la langue arabe. Il transmettait aussi les noms scientifiques grecs tels quels, phonétiquement, en lettres arabes. En effet Ibn al-Biṭrīq donne des noms d’animaux en grec, transcrits en lettres arabes, en précisant que « tel animal se nomme en grec16 […] ». Par exemple, dans le présent travail, nous relevons quelques termes comme uriqṣ (أُرقص)17 pour « oryx », tāġrīs (تاغريس)18 pour « tigre », ou encore lānǧūst (لانجوست)19 pour « langouste20 ».
ʿAlī Ibn Yūsuf al-Qifṭī (m. en 1248), dans l’ouvrage Iḫbār al-ʿulamā’ bi-aḫbār al-ḥukamā’21, précise qu’Ibn al-Biṭrīq « interprétait correctement le sens, s’exprimait en arabe avec difficulté ; [que] ses connaissances étaient plus grandes en philosophie qu’en médecine. Il s’était chargé en particulier de la traduction des ouvrages d’Aristote22 ». C’est au IXe siècle qu’Ibn al-Biṭrīq a entrepris la traduction en arabe de l’ouvrage d’Aristote Histoire des animaux, sous le titre de Ṭibāʿ al-Ḥayawān, édité en 1977 par ʿAbd al-Raḥmān Badawī23. Ibn al-Nadīm, dans son Fihrist nous précise que cet ouvrage d’Aristote
est composé de dix-neuf traités et traduit par Ibn al-Biṭrīq. Il se peut qu’une version ancienne du syriaque existe, meilleure que celle en arabe, avec résumés anciens. [En tout cas] c’est ce que j’ai lu de la main de Yaḥya Ibn ʿAdī [m. 975] dans le catalogue de ses ouvrages. Nicolas de Damas a un résumé de cet ouvrage, d’après Yaḥyā Ibn ʿAdī. D’ailleurs Abū ʿAlī Ibn Zurʿa [m. 1008] a commencé à le traduire en arabe et à le corriger24.
Le célèbre auteur al-Ǧāḥiẓ (m. en 868) a été le premier à signaler les défauts de traduction et l’incompétence des traducteurs vers l’arabe, lorsqu’il s’est référé à l’ouvrage d’Aristote traduit par ce même Ibn al-Biṭrīq, pour composer son fameux ouvrage al-Ḥayawān « Le livre des animaux ». Du reste l’Histoire des animaux, et en particulier les dix premiers livres d’Aristote, était l’une des sources les plus importantes pour al-Ǧāḥiẓ. Étant donné que ce dernier savait qu’Aristote était un savant de grande renommée, il lui est souvent arrivé de lui trouver des excuses sur des propos douteux, tout en attribuant l’erreur aux mauvaises traductions, à la transmission et à la manipulation des copistes : omissions, falsifications et oublis. Il accusait les traducteurs de mensonges, d’ajouts, d’altérations, d’imprécisions et de maladresses d’expression. Mais il se rendait parfaitement compte de la difficulté à traduire dans les différents domaines scientifiques, les noms d’animaux et de plantes, et de la nécessité pour les traducteurs d’atteindre un niveau très élevé de maîtrise de la langue arabe afin de pouvoir égaler celui de l’auteur original. À ce propos, il précise même :
Le traducteur ne peut jamais exprimer (adéquatement) ce que dit le philosophe, selon ses sens propres, les vérités de sa doctrine, les subtilités de ses concisions, les secrets de ses définitions, il ne peut pas remplir ses droits, y être fidèle, faire ce que doit faire un procureur selon sa procuration. Comment pourrait-il les exprimer, rendre leur sens, les rapporter selon leur vérité, sans qu’il soit comme leur auteur en la connaissance de leurs sens, l’emploi de mots, l’interprétation de leurs portées ?! Et alors, comment donc un Ibn al-Biṭrīq, un Ibn Nāʿima, un Abū Qurrah, un Ibn Fihr, un Ibn Wahīlī et un Ibn al-Muqaffaʿ – Que Dieu le Très-Haut ait pitié d’eux ! – étaient-ils comme Aristote ? Et comment un Khālid [Ibn Yazīd Ibn Muʿāwiya] était-il comme Platon25 ?
C’est pourquoi, al-Ǧāḥiẓ a tenté de proposer des critères, des règles à suivre et des conditions optimales que le traducteur devait remplir afin de bien maîtriser son art26. Il a donc cherché à traiter la traduction comme un art appliqué exigeant des compétences de haut niveau linguistique, stylistique et scientifique. De plus le traducteur devait être aussi un scientifique pour bien connaître la matière à traduire et ne pas y introduire des erreurs d’interprétation ou de terminologie. Puis il souligne un point très important à ses yeux : si la traduction des sciences profanes est déficiente, « qu’en sera-t-il s’il s’agit de religion ou de théologie27 […] ? ». Il poursuit ce discours sur la religion et la théologie, en précisant :
Si le traducteur ne possède pas de connaissances en cela, il se trompera dans l’interprétation des sujets religieux. D’ailleurs, il est plus dommageable de se tromper en religion qu’en mathématiques, en art, en philosophie, en chimie et en d’autres domaines. Si le traducteur qui entreprend de traduire ne réunit pas toutes ces connaissances, il se trompera à la mesure de son degré de déficience. Que sait le traducteur en matière de démonstrations ou de semblant de démonstrations ? Que sait-il en matière de faits astronomiques, de définitions mystérieuses, de correction de fautes en langue et des erreurs de copistes ? […] Ibn al-Biṭrīq et Ibn Qurra ne peuvent saisir cela […] puisqu’ils ne l’ont appris ni d’un bon maître ni d’un habile savant28.
Al-Ǧāḥiẓ a toujours tenu à ce que la langue arabe soit capable d’exprimer et d’absorber des termes nouveaux et scientifiques. Nous le voyons souvent dans ses ouvrages, en particulier dans celui sur les animaux, Kitāb al-ḥayawān, retravailler les styles proposés par les traducteurs afin de rendre l’expression parfaite et claire en arabe tout en lui ôtant toutes ambiguïtés et confusions sémantiques.
Rappelons que Ḥunayn Ibn Isḥāq (m. en 873), chef des traducteurs à la susmentionnée Maison de la sagesse, après la mort de son maître Yūḥannā Ibn Māsawayh (m. en 857), recevait, de la part des califes, nous disent les sources29, une quantité d’or correspondant au poids des livres qu’il traduisait. Malgré l’exagération caractérisant cette information, cela montre l’importance et le rôle de la traduction à l’époque des Abbassides. On attribue à Ḥunayn Ibn Isḥāq cent livres traduits vers le syriaque et quarante environ vers l’arabe. Compte tenu de son expérience et du savoir qu’il a pu acquérir dans ce domaine, il a pu fonder une école de traduction. Sa démarche consistait à transmettre le sens et la visée des propos, donc il s’agissait d’une conception interprétative de la traduction, ce qui différait du grand courant de son époque, celui de la traduction littérale. Cette dernière démarche, en revanche, était adoptée par Yūḥannā Ibn al-Biṭrīq. Celui-ci évaluait, par exemple, le sens de chaque mot en grec, afin de trouver son équivalent en arabe en conservant l’ordre des mots, et adoptait tout au long du texte la même démarche de traduction. Nous sommes donc face à deux courants de traduction complètement opposés, l’un soutenant le respect prioritaire du fond (al-maʿnā), l’expression du sens, et l’autre la forme (al-lafẓ), le mot à mot, le littéralisme30. Sur cette question des deux approches de traduction, Ṣalāḥ al-Dīn al-Ṣafadī (m. en 1363) nous précise :
Yūḥannā b. al-Biṭrīq, Ibn Nāʿima al-Ḥimṣī et d’autres examinent chaque mot grec et ce qu’il signifie. Ils cherchent un terme équivalent, quant au sens, en arabe, et l’écrivent. Ils prennent ensuite le mot suivant et avancent ainsi, successivement. Cette méthode est mauvaise pour deux raisons : 1. parce que l’arabe n’a pas d’équivalent pour tous les mots grecs (c’est pourquoi, dans des traductions, il y a des mots qui sont simplement transcrits) ; 2. parce que la syntaxe et la structure des phrases ne correspondent pas toujours dans l’une et l’autre langue. Ajoutons de nombreuses confusions par suite de l’emploi de métaphores, qui sont nombreuses dans les deux langues. La seconde méthode est celle de Ḥunayn b. Isḥāq, d’al-Jawharī et d’autres. Elle consiste à lire la phrase et à la comprendre. Puis on la transpose, que les mots pris individuellement soient équivalents ou non. Cette méthode est la meilleure31.
Myriam Salama-Carr explique cette conception interprétative de la traduction, que privilégie al-Ṣafadī, dans les termes suivants :
Al-Ṣafadī oppose ici une traduction où le traducteur saisit d’abord le contenu du discours ou de la partie du discours de l’unité de sens, avant de le restituer dans un autre code qui est celui de la langue d’arrivée et qui ne correspond pas nécessairement de manière quantitative ou littérale au code de départ32.
Déjà Cicéron (106-43 avant J.-C.) lançait le débat en écrivant dans De Finibus (III, 4) : « Pour moi, quand il s’agit de traduire, si je ne puis rendre avec la même brièveté ce qui ne demande aux Grecs qu’une seule expression, je l’exprime en plusieurs termes. Parfois encore, j’emploie le mot grec quand notre langue me refuse un juste équivalent33 ».
Comme nous venons de le voir concernant ces deux méthodes, la traduction littérale était courante parmi les traducteurs syriaques lorsqu’ils traduisaient du grec, ainsi que parmi les traducteurs juifs et chrétiens à Tolède, après la chute de cette ville, lorsqu’ils traduisaient de l’arabe vers l’hébreu et vers le latin. Mais au IXe siècle, à l’époque de Ḥunayn Ibn Isḥāq, la mission à la fois théorique et pratique du traducteur était caractérisée par la transmission du sens ou de l’idée, correcte et précise.
Ce débat sur la forme (lafẓ) et le fond (maʿnā) est très ancien, mais aussi sans fin. Al-Ǧāḥiẓ disait déjà : « Les idées courent les rues, elles sont connues de l’Arabe comme du Persan, et du paysan comme du bédouin. L’important, c’est le respect du rythme, le choix de l’expression34 ». De nos jours, ces deux approches sont toujours d’actualité. Antoine Berman établit même, dans l’approche interprétative, « une distinction entre les traductions “ethnocentriques”, qui mettent en avant le point de vue de la cible (langue d’arrivée), et les traductions “hypertextuelles”, qui privilégient les liens implicites entre les textes des différentes cultures35 ».
Traduire un texte du Xe siècle de l’arabe vers le français : aspects méthodologiques
Comme nous l’avons déjà annoncé dans notre introduction, Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī consacre au monde animalier le 10e chapitre (ou la 10e nuit) de son Kitāb al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, et il emprunte, en l’écrivant, de nombreux passages à l’Histoire des animaux d’Aristote. Or, ayant nous-même traduit ce 10e chapitre d’Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī de l’arabe vers le français, nous allons nous pencher sur les problèmes rencontrés dans notre expérience traductive en ce qui concerne la terminologie relative à la faune.
Vu que les deux langues, l’arabe et le français, n’ont pas la même structure, car l’une est sémitique et l’autre romane, nous avons commencé par entreprendre une traduction littérale, en suivant mot à mot le texte source. Ensuite nous avons tenté de traiter du point de vue linguistique le texte traduit afin qu’il soit lu et compris par un francophone. N’oublions pas que nous sommes devant un texte grec traduit vers l’arabe au Xe siècle et resté dans son état de manuscrit jusqu’à ce qu’un chercheur connaissant le grec, ʿAbd al-Raḥmān Badawī, l’édite dans les années 1970. De nombreux siècles se sont donc écoulés entre la traduction et son édition imprimée et, pendant cette longue période, il faut prendre en compte aussi le rôle joué par les copistes qui ont pu recopier des exemplaires de cette traduction avant qu’elle ne nous parvienne sous sa forme actuelle.
Il est normal, par conséquent, que l’éditeur de ce texte soit obligé d’accomplir un travail colossal de recherche de manuscrits et de documentation, en les soumettant à des vérifications et à des corrections. Parmi les difficultés rencontrées, on peut mentionner l’état du manuscrit, bon ou mauvais, et l’écriture utilisée, soignée ou non, précise ou imprécise, etc. De plus, dans certains manuscrits, les points diacritiques sont souvent absents, ce qui rend la tâche encore plus complexe. L’éditeur est souvent amené à proposer une lecture correcte si le texte est défaillant, déficient et surtout à reconstruire. C’est d’ailleurs le cas de ʿAbd al-Raḥmān Badawī, puisque des parties du texte arabe dans son état manuscrit manquaient par rapport au texte grec ou s’écartaient de ce dernier36.
Malgré les avancées de la recherche, le travail du chercheur qui souhaite étudier et traduire ce genre d’ouvrage reste malaisé. Parmi les difficultés que nous rencontrons, l’utilisation ou non de termes scientifiques désignant certains animaux, surtout si nous ne sommes pas des spécialistes en zoologie. Il est préférable dans ce cas peut-être de mettre le nom scientifique en note de bas de page et de garder le terme commun dans le corps du texte. Par exemple, le mot ḍabb (ضبّ), qui se traduit par « lézard », et dont le nom scientifique est Uromastyx, ou encore le mot ḥirḏawn (حرذون), désignant là aussi un lézard, traduit par « stellion », et faisant partie de la famille des agamidés37.
Nous allons maintenant présenter les principales difficultés rencontrées en essayant d’expliquer ce qui est ressorti de nos analyses comparées des traductions existantes, anciennes et modernes, et les choix de traduction que nous avons pris à la lumière de ces enquêtes terminologiques ponctuelles concernant la faune.
Traduire les noms des animaux : terminologie et identification
Des difficultés peuvent être rencontrées en ce qui concerne l’espèce de l’animal en tant que terme générique ou spécifique, comme le mot baqar (بقر) cité à plusieurs reprises chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī38 et correspondant tantôt à « bovin », tantôt à « bœuf ». L’arabe utilise baqar pour désigner les deux termes, mais lorsqu’il s’agit du féminin singulier baqara (بقرة), ce mot est traduit par « vache ». Notons que le terme baqar désigne une espèce appartenant à la famille des bovins englobant la vache, le taureau et le buffle. Il existe deux sortes de baqar : les domestiques qui sont utilisés pour leur chair, leur lait et pour labourer la terre ; et les sauvages, al-baqar al-waḥšī (البقر الوحشي) qui désignent l’oryx, l’antilope et le cerf.
Cette question du nom de l’espèce pose aussi problème avec d’autres termes, comme ġanam (غنم) qui est le nom générique regroupant les ovins (moutons, brebis et béliers) et les caprins (chèvres). Le mot ḥašarāt (حشرات) peut également poser quelques difficultés. S’agit-il de la vermine ? Ce terme désigne les insectes rampants, ou tous les animaux rampants ou une partie de ces animaux (les rampants, sauf les serpents et les scorpions). Al-Ǧāḥiẓ l’utilise assez peu et parle plutôt de aḥnāš al-arḍ (أحناش الأرض) ou de ḥašarāt pour désigner les animaux rampants (insectes rampants, reptiles, petits mammifères, rongeurs, mustélidés, etc.). Aujourd’hui, ce mot désigne tout simplement des insectes.
Dans les textes de nos auteurs, deux termes figurent par rapport à la copulation des animaux : nazw (نزو) et sifād (سِفاد), avec leurs dérivations : nazā, yanzū ; safida, yasfidu, tasfidu, des mots signifiant « la saillie », « l’accouplement », « le fait de couvrir une femelle, de la monter, de copuler, de s’accoupler, d’être en rut ». En revanche, dans un passage concernant les chameaux, Pierre Louis a rendu le terme par « faire l’amour39 ».
Ces termes, que ce soit en arabe ou en français, ne sont utilisés que pour les animaux. Pour l’arabe, on utilise nazw lorsque le mâle monte sur la femelle et qu’il s’agit d’animaux ongulés ḏawāt al-ḥāfir, avec des sabots (comme les chevaux), d’artiodactyles ou de paridigités ḏawāt al-ẓilf ou al-ḫuff munis de cornes et aux pieds fendus (comme ceux de l’espèce bovine, des moutons, des gazelles, des chameaux etc. et ceux des bêtes carnivores ou féroces, avec serres ou griffes).
Dans le cas des poissons, un terme est utilisé pour en décrire une catégorie, désignée chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī et Ibn al-Biṭrīq par mustaṭīl al-ǧuṯṯa (مستطيل الجثة). Le mot mustaṭīl signifie « allongé, effilé, rectangulaire », alors que Pierre Louis le rend par « gros40 ». Si nous tenons compte de ce qu’a proposé ce dernier, Ibn al-Biṭrīq aurait dû le traduire par « kabīr » ou ḍaḫm « grand » ou « gros ». Ainsi, nous avons proposé pour mustaṭīl al-ǧuṯṯa (مستطيل الجثة), la traduction « au corps filiforme41 » afin de désigner un poisson à la fois mince et allongé. Dans un autre passage concernant les œufs, ce mot mustaṭīl apparait chez Ibn al-Biṭrīq42 et la traduction proposée par Pierre Louis du texte d’Aristote43 est bien « allongé » ; quant à nous, nous l’avons rendu par « forme oblongue44 ».
Concernant le rhinocéros, Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī évoque plutôt le ḥimār al-waḥšī (الحمار الوحشي), « l’âne sauvage45 », alors qu’Ibn al-Biṭrīq46 et al-Ǧāḥiẓ47 parlent du ḥimār al-hindī (الحمار الهندي) « l’âne indien », tout comme Pierre Louis qui le traduit par « l’âne de l’Inde »48. Notons également que, dans un autre passage, al-Ǧāḥiẓ49 utilise un autre terme pour désigner le rhinocéros, le karkadann. Comment et pourquoi donc Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, seul, évoque-t-il le ḥimār al-waḥšī (الحمار الوحشي), « l’âne sauvage » ? Notons que, sous cette dénomination, on désigne plutôt le « zèbre » que le « rhinocéros ». Outre le mot karkadann, on utilise aujourd’hui en arabe moderne le mot waḥīd al-qarn « unicorne » pour renvoyer au même animal. Un peu plus loin, notre auteur parle aussi de ḥimār al-waḥš50, l’âne sauvage, mais cette fois-ci, il s’agit très probablement de l’onagre.
Entre le ṭayr (الطّير) et leʿuṣfūr (العصفور), on peut rencontrer une difficulté dans le choix de traduction, puisque les deux peuvent se traduire par « oiseau ». Le premier terme ṭayr, désigne tout ce qui vole, alors que le second,ʿuṣfūr, renvoie à une catégorie de ṭayr et est souvent rendu par « moineau » ou « passereau ».
De même pour le bāšiq ou bāšaq (باشق)51, qui est un rapace appartenant à la famille des accipitridés, et que l’on peut traduire par « buse » ou « épervier », ou encore le ʿuqāb (عُقاب)52 rendu, en principe, par « aigle ». Lothar Kopf, dans sa traduction anglaise du 10e chapitre du Kitāb al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, rend le mot bāšiq par « faucon53 ». Or, le faucon, en arabe, serait plutôt ṣaqr (صقر) qui appartient à la famille des falconidés, même si certains le rendent par « aigle » également. Dans notre traduction, nous proposons « épervier » afin de garder une certaine harmonie dans le texte54.
Quant au terme ḫinzīr (خنزير)55, il est utilisé tantôt pour désigner le « porc », tantôt le « cochon », ce qui pose une difficulté dans la traduction parce que le français dispose de deux mots différents pour nommer cet animal. Si l’on veut parler du porc, en tant que chair ou viande, on dira alors en arabe laḥm ḫinzīr. Quant au sanglier, il est rendu en arabe par ḫinzīr barrī (خنزير برّيّ) « cochon sauvage ».
Lorsque l’on rencontre le mot ḥarīš (حريش)56, cela perturbe le lecteur puisque cet animal peut se traduire selon le contexte en français par « licorne », « rhinocéros », « insecte » ou « serpent ». Pierre Louis nous donne une précision intéressante sur l’oryx en soulignant que « le mot désigne sans doute ici un animal fabuleux, qui a donné naissance à la légende des licornes (Hérodote, III, 192). On appelle aujourd’hui oryx une espèce d’antilope qui a deux longues cornes recourbées57 ». Notons qu’Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī parle de « ḥimār waḥšī » (âne sauvage), alors qu’Aristote (Ibn al-Biṭrīq) et Ǧāḥiẓ utilisent le mot « ḥimār hindī » (âne indien). Il faut souligner que Ǧāḥiẓ ajoute à ce sujet un autre terme dans le second passage, le « karkadann ». Selon Kopf, on devrait plutôt lire « ḥimār hindī » au lieu de « ḥimār waḥšī58 ». D’après nous, le choix de traduction plus cohérent avec le contexte, est celui de « rhinocéros59 ».
Les mots faras (فرس), ḥiṣān (حصان), ǧawād (جواد) et ḫayl (خيل) posent également des difficultés de traduction, parce qu’ils renvoient tous au cheval, à l’étalon et à la jument, donc à la famille des équidés. Cependant, il existe une nuance entre eux. Le faras est un cheval (mâle ou femelle), quant au ḥiṣān, c’est un beau cheval de race, tout comme le ǧawād, qui est aussi un cheval excellent et rapide à la course. Le ḫayl désigne le nom générique et collectif « chevaux » ou même « cavalerie » dont le pluriel est ḫuyūl (خيول).
Pour connaître l’étymologie en arabe, nous devons nous référer à la racine des mots pour mieux en saisir le sens. Ainsi, le mot faras est issu du verbe trilitère60 fa-ru-sa dont l’une des significations est « s’y connaître en chevaux ». De là, nous avons le mot fāris (فارس) « cavalier », participe actif en arabe, et le nom d’action furūsiyya (فروسيّة) (« chevalerie, culture chevaleresque, hippique, art de l’équitation et art d’élever et de dresser les chevaux »). Le faras peut s’utiliser lors de combats et de guerres. Pour le mot ḥiṣān, le verbe trilitère est ḥa-ṣa-na, qui renvoie au fait d’être fort, fortifié, mais aussi, pour un cheval, à la possibilité de devenir un étalon, c’est-à-dire de grandir et d’être propre à couvrir les juments61. Le « ḥiṣān » serait donc le mâle de l’espèce du cheval. Quant au ǧawād, il vient du verbe trilitère ǧ-ā-da qui renvoie au fait d’être bon, excellent, de première qualité ; mais aussi d’être rapide à la course ; d’être généreux, etc.
Notons enfin que la langue arabe est riche en racines62 et que des ouvrages anciens ont été consacrés aux noms des chevaux et à leur description. D’autres termes figurent dans les textes de notre corpus pour désigner le cheval, comme ramak ou ramaka (رمك، رمكة)63, qui désigne la « jument qui n’est pas de race, mais que l’on emploie pour élever des poulains de race », ou une « grande chamelle64 ». Nous nous arrêterons ici en ce qui concerne le cheval, car il s’agit d’un sujet qui, à lui seul, pourrait constituer une étude à part entière.
Un passage très intéressant sur le hérisson et sur ses propriétés nous interpelle. Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī nous dit que « les bêtes les plus sauvages de cette espèce copulent dans une position verticale [pour le mâle], le dos de la femelle étant accolé au dos du mâle65 ». Cette information est également présente dans la version d’Ibn al-Biṭrīq : « Quant aux hérissons sauvages, ils s’accouplent debout, le dos du mâle contre celui de la femelle66 ». En revanche, nous remarquons que dans le passage d’Aristote traduit par Pierre Louis les hérissons copulent « ventre contre ventre67 ». Pourquoi les deux auteurs arabes parlent-ils du dos, alors que chez Aristote, il est question du ventre ? Entre les mots ẓahr (ظهر) (dos) et baṭn (بطن) (ventre), nous avons peu de ressemblances orthographiques pour qu’il y ait une confusion possible. Mais, étant donné qu’il s’agit chez Ibn al-Biṭrīq d’une traduction indirecte de l’ouvrage d’Aristote et chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī d’un emprunt de certains passages de celui-ci, il est plus judicieux de suivre Pierre Louis dans sa traduction d’Aristote, accomplie directement du grec en français.
Sur les œufs et la gestation des oiseaux, nous rencontrons une expression en arabe qui n’est pas commune : bayḍ al-rīḥ (بيض الريح), employée chez Ibn al-Biṭrīq68 et al-Ǧāḥiẓ69, signifiant mot à mot : « les œufs du vent ». Cette expression arabe est une étrange traduction du grec « τὰ ὑπηνέμια » (littéralement : « qui ne contient que du vent »). De plus, lorsque nous cherchons dans le dictionnaire, nous ne trouvons ni l’expression arabe, ni sa traduction. L’équivalent en français sera « les œufs clairs70 ». Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī quant à lui tourne la phrase autrement et affirme : « Il existe des oiseaux qui sont fécondés par la seule force du vent. Ils n’ont besoin ni de compagnon ni de copulation71 ». Nous comprenons alors que les œufs pondus que l’on mange ont été produits sous l’effet du vent et non suite à une copulation entre mâle et femelle.
Entre al-waṭwāṭ (الوطواط)72 et al-ḫuffāš (الخُفّاش)73, il peut y avoir une difficulté de traduction, car les deux mots désignent une chauve-souris. Il en va de même pour al-qabǧ (القبج)74 et al-ḥaǧal (الحجل)75 qui désignent la perdrix76. Il s’agit ici d’animaux qui se traduisent par un seul mot en français et qui font partie de la même espèce. C’est aussi le cas pour la famille des pigeons, où les mots fāḫita (الفاختة) et warašān (الورشان) peuvent poser quelques problèmes. En effet le traducteur, s’il n’est pas connaisseur du domaine de la zoologie, risque de se perdre face aux différents termes de ramier, palombe, colombe et tourterelle77. Quant au ḥamām (حمام)78 qui se traduit généralement par « pigeons », il peut désigner un référent individuel ou collectif. Il peut renvoyer donc dans ce dernier cas au nom générique, équivalent aux « colombidés » actuels. Toujours au sujet des oiseaux, et pour désigner la grue, Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī écrit karākī (كراكي)79, alors qu’Ibn al-Biṭrīq évoque les ġarānīq (غرانيق)80. Nous avons également la chouette et le hibou qui sont généralement traduits en arabe par al-būma (البومة)81, nom commun et vernaculaire.
Termes liés à la confusion de lettres : questions philologiques
Un défi supplémentaire réside dans l’attention à porter aux mots que les copistes ont tracés dans les manuscrits. Les éditeurs effectuent généralement un travail colossal de vérification et de correction. Voici par exemple l’éditeur Aḥmad Amīn qui nous donne des informations précieuses, dans son introduction au Kitāb al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa :
[Il n’y a] que deux exemplaires dans toutes les bibliothèques du monde. Le premier exemplaire est complet et est constitué de cinq parties. […] La graphie du deuxième tome (constitué de trois parties) ne correspond pas à celle du premier (constitué de deux parties), même si les deux graphies sont proches. Le premier tome n’est pas vocalisé82, alors que le deuxième l’est entièrement. Les deux tomes sont remplis de graves erreurs, d’ajouts, de défauts et de falsifications. Il semblerait que les deux copistes aient été des calligraphes qui maîtrisaient le calame et non la compréhension. Le copiste du deuxième tome, probablement d’origine turque, ne maîtrisait pas la langue arabe puisqu’il écrit tammat al-kitāb (le livre s’est achevée [sic]) et non tamma l-kitāb (le livre s’est achevé). Il écrit aussi fī sanat ḫamsata ʿašra wa ṯamānumi’a (en l’an 815) au lieu de ḫamsa ʿašrata83.
De nombreux mots peuvent donc avoir fréquemment corrompu le texte classique et en avoir modifié le sens. Cela est davantage visible en arabe, parce que cette langue comporte une ligne consonantique et des signes vocaliques, diacritiques et orthoépiques. Comme certaines lettres sont des homographes, si nous en modifions les points, cela peut donner un autre mot et donc un sens différent. De fait, comme le précise al-Ǧāḥiẓ :
Il arrive parfois que, lorsque l’auteur souhaite corriger une erreur ou une faute, il trouve que rédiger une dizaine de pages, composées d’expressions de son choix et de nobles sens, est plus aisé que de combler un manque […]. Comment donc ce collationneur rémunéré peut-il être capable de cela, alors que le philosophe lui-même ne l’est pas dans ce domaine ? Ce qui est encore plus étrange, c’est que ce collationneur entreprend deux tâches : il corrige ce qui est faux et il rend l’élément correct plus correct encore. Ensuite, ce livre [ainsi obtenu] sera une copie dans la main de quelqu’un d’autre. Le deuxième copiste fera ce qu’a déjà fait le premier. De même, le livre passera de mains en mains coupables et par des conditions nuisibles, [son contenu] deviendra une pure erreur, un solide mensonge. Que diriez-vous alors d’un livre qui passe de traducteurs en traducteurs qui le corrompent et entre les mains de plusieurs copistes-calligraphes qui le détériorent davantage84 ?
En effet, nous avons nous-mêmes relevé de nombreuses confusions liées à l’orthographe en arabe. Ces confusions, commises très certainement par des copistes qui ne maîtrisaient pas souvent cette langue, causent également un problème majeur avec le nom de certains animaux. En voici quelques exemples.
Le mot fahd (فهد) pose une véritable difficulté. D’ailleurs, aujourd’hui encore, fahd (فهد) peut désigner la « panthère », le « léopard » ou encore le « guépard ». Dans les passages que nous avons chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, deux animaux sont cités : le fahd et le namir (نمر). Pierre Louis traduit à juste titre le terme grec, correspondant au fahd des traductions en arabe, par « panthère85 ». L’ennui est que les mots « panthère » ou « léopard », souvent cités par Aristote, correspondent en arabe au namir et non au fahd. Or, dans les passages qui nous intéressent et qui sont en commun avec Aristote, Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī et Ibn al-Biṭrīq parlent du fahd (guépard86). Si c’est le cas, le mot fahd dans le texte arabe est erroné. Il s’agirait alors du namir. Là aussi, il semble que les traducteurs ou copistes aient confondu les termes (فهد) et (نمر) et aient tout mélangé87.
Nous savons que ces deux espèces fahd et namir se trouvaient en Arabie au Moyen Âge. Les Arabes du désert ne les confondaient certainement pas, mais les traducteurs étaient des gens des villes et n’avaient souvent pas de connaissances directes de la faune sauvage. Dans le livre De la Chasse de Ibn Mangli88 figure un long chapitre sur les guépards, en particulier sur la façon de les apprivoiser et de les dresser à la chasse, car le guépard a longtemps été utilisé pour la chasse à courre. Dans la version arabe d’Aristote faite par Ibn al-Biṭrīq, on peut constater un ajout par rapport à la version française : « wa rubbamā ṣāra al-fahd anīsan » (c’est-à-dire : il se peut que le fahd « guépard » soit apprivoisé) (وربما صار الفهد أنيسًا)89. Cet ajout est très intéressant, et il indique donc bien la confusion entre les deux espèces, puisque Aristote ne parle pas d’apprivoisement, de domestication, le léopard ou la panthère ne s’y prêtant pas. Donc, l’on savait dans l’entourage du traducteur que le fahd (فهد) était un animal que l’on pouvait utiliser pour la chasse, contrairement au namir (نمر). Voici ce que dit Ibn al-Biṭrīq dans sa traduction d’Aristote à propos du guépard : « Quant aux animaux toujours sauvages il y a le fahd et le loup. Il se peut que le fahd soit apprivoisé. Parmi ceux qui sont sauvages et qui s’apprivoisent rapidement, on compte l’éléphant90 ». Toutefois, Aristote affirme ceci : « D’autre part, les animaux […] sont toujours apprivoisés, la panthère et le loup toujours sauvages ; d’autres peuvent être rapidement domestiqués, comme l’éléphant91 ».
Autre exemple plutôt parlant : dans un passage sur les maladies des chiens, al-Tawḥīdī, Ibn al-Biṭrīq et Aristote précisent que la rage touche ou atteint également les chameaux al-ǧimāl (الجمال)92. En revanche, al-Ǧāḥiẓ nous dit que la rage atteint l’âne al-ḥimār (الحمار)93. Nous comprenons donc que seul ce dernier auteur évoque un animal différent par rapport aux autres. Ce qui est intéressant ici, c’est qu’al-Ǧāḥiẓ attribue les propos à Aristote, puisqu’il commence son passage en précisant : « il [Aristote] a dit […] ». Or, Aristote évoque les chameaux et non l’âne. Dans ce cas-là, la possibilité d’une confusion de lettres est très probable. Revoyons ensemble la graphie des deux mots : al-ǧimāl (الجمال) et al-ḥimār (الحمار). À première vue, et même pour une personne qui ne lit pas l’arabe, la ressemblance est frappante. Nous avons l’impression que le ǧīm (جـ) a été transformé en ḥā’ (حـ) par omission du signe diacritique ; et le lām (ل) en rā’ (ر) : (الجمال / الحمار) al-ǧimāl (les chameaux) / al-ḥimār (l’âne94) ». Voilà comment passer des chameaux à un âne…
Dans un passage commun sur la louve, al-Tawḥīdī95 et al-Ǧāḥiẓ96 parlent de al-ḏi’ba (الذئبة) (louve), alors qu’Ibn al-Biṭrīq évoque plutôt les al-dibaba (الدببة) (ours97). De nouveau, nous constatons une erreur de copiste qui modifie la traduction et la description. Tout comme nous, le copiste n’était certainement pas en mesure de voir ici une erreur, son rôle se limitant à recopier, à reproduire sans vision critique de vérification.
Dans le mot al-dibaba (الدببة), des lettres ont été remplacées par d’autres pour donner al-ḏi’ba (الذئبة) : le dāl (د) a été transformé en ḏāl (ذ), et le bā’ (بـ) en hamza (ئـ) : ( الــذئــبة الــدبــبة /). Là aussi, nous passons des ours98 à une louve99. Si nous admettons qu’al-Tawḥīdī et al-Ǧāḥiẓ ont emprunté le passage en question à Ibn al-Biṭrīq, cette erreur est bien visible chez ce dernier et il s’agit plutôt d’un « ours » et non d’une « louve », comme nous le confirme la version grecque traduite par Pierre Louis100.
Entre les mots ġurāb (غراب) « corbeau » et ġudāf (غُداف) « corneille » persiste un doute dans le texte arabe. En effet, dans un passage commun concernant l’amitié entre les animaux, Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī parle de ġudāf « corneille101 », alors qu’Ibn al-Biṭrīq et al-Ǧāḥiẓ évoquent plutôt le ġurāb (غراب) « corbeau ». Il se peut qu’une confusion de lettres ait eu lieu entre ces deux mots et que l’un des copistes du texte d’Abū Ḥayyān ait inversé les lettres dāl (د) et rā’ (ر), fā’ (ف) et bā’ (ب). Certes les deux oiseaux appartiennent à la même famille, les corvidés, mais ils sont différents. Nous avons remarqué, pour le ġurāb et le ġudāf, que Pierre Louis traduit tantôt par « corbeau », tantôt par « corneille » et que les versions arabes de nos trois auteurs (Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, Ibn al-Biṭrīq et al-Ǧāḥiẓ) les mentionnent également de manière incohérente102.
Voici un autre exemple encore plus frappant en ce qui concerne la description de l’aigle et ses caractéristiques. Toujours dans des passages communs, Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī précise : « S’il reste donc à l’aigle quelques surplus de nourriture, il les met dans son nid car ses petits firāḫihi (فراخه) pourraient en avoir besoin103 », alors que dans le passage d’Ibn al-Biṭrīq, on lit : « S’il reste quelque chose de la nourriture de l’aigle, ce dernier le met de côté dans son nid parce que son tempérament [ou caractère] mizāǧihi (مزاجه) pourrait en avoir besoin. Il entreprend cela parce qu’il peut ne pas trouver de proie chaque jour104 ».
Nous remarquons ici dans les deux passages deux mots arabes dont les graphies suscitent l’interrogation puisqu’elles en modifient complètement le sens. Il s’agit des mots que nous avons écrits en transcription entre guillemets et en arabe entre parenthèses. En nous référant à la traduction de Pierre Louis, nous lisons ceci : « Il [l’aigle] met de côté pour ses petits le surplus de nourriture : car, comme il n’a pas la faculté de s’en procurer chaque jour, il lui arrive parfois de ne rien avoir à apporter du dehors105 ». Nous comprenons alors ici que « ses petits » correspond plutôt à firāḫihi (فراخه) (ses petits) et non à mizāǧihi (مزاجه) (son tempérament). Le texte d’Ibn al-Biṭrīq a très certainement été altéré. Nous voyons ici clairement l’inversement des lettres entre mizāǧihi (مزاجه) et firāḫihi (فراخه) : le mīm (مـ) et le fā’ (فـ) ; le zāy (ز) et le rā’ (ر) ; et le ǧīm (جـ) et le ḫā’ (خـ)106.
Dans un passage emprunté à Aristote, sur le dauphin, une nouvelle confusion de lettres est particulièrement frappante. Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī parle d’« excréments » (ḫurʾihi) (خرئه)107, alors qu’Aristote évoque les « progénitures » (ǧirāʾihi) (جرائه)108.
Pour la traduction des références relatives aux serpents ḥayyāt et à leur nourriture, nous avons relevé le terme šarāb (شراب), cité chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī109 et chez Ibn al-Biṭrīq110, que l’on peut traduire par « boisson » ou « vin ». Pierre Louis111 l’a rendu par « vin », ce qui correspond tout à fait au contexte, puisque selon les dires d’Aristote « les serpents ont un faible pour le vin112 ». Par contre, nous avons constaté qu’al-Ǧāḥiẓ utilise dans ce cas le mot saḏāb (سذاب) « rue113 », là où il est question d’une plante utilisée pour ses vertus aromatiques et médicinales. Cette modification du référent, qui n’a aucun sens dans le contexte susmentionné, est due à une erreur de copiste : en effet les deux mots šarāb (شراب) et saḏāb (سذاب) ne divergent au plan orthographique que par deux lettres. Ce type d’erreur est significatif puisqu’al-Ǧāḥiẓ, ayant l’habitude d’observer et de mener des expériences pour vérifier la véracité de ce qu’il décrit, nous dit qu’il a expérimenté les effets de cette plante sur les serpents afin de comprendre les propos d’Aristote, et qu’il n’a rien trouvé qui puisse en revanche motiver la présence dans ce passage du mot « rue ». Ce problème est très certainement dû à la présence de plusieurs exemplaires de la traduction d’Ibn al-Biṭrīq et au fait que, dans celui auquel al-Ǧāḥiẓ a emprunté son passage, le copiste aurait rendu le mot šarāb « boisson, vin » par saḏāb « rue ». Il s’agit donc à nouveau d’une altération et d’une confusion de lettres dans les manuscrits. D’ailleurs, le même al-Ǧāḥiẓ évoque à nouveau l’action du vin sur les serpents lorsqu’il parle de la vipère (afʿā) dans un autre tome de l’ouvrage114. Il emploie cette fois-ci le terme ḫamr « vin », plus approprié que le substantif šarāb « boisson », en ajoutant cette remarque :
Ce qui est étonnant, c’est que la vipère ne se rend pas à l’eau et ne la cherche pas. Pourtant, si elle trouve du vin (ḫamr), elle en boit jusqu’à l’ivresse. Il se pourrait que cela soit une des causes de sa mort. La vipère déteste d’ailleurs l’odeur de la rue saḏāb et de l’absinthe […]. Quant à moi [al-Ǧāḥiẓ], j’ai versé sur sa tête et son nez de la rue jusqu’à la recouvrir, mais je n’ai rien vu de ce qu’on avait pu prétendre115.
Conclusion
Nous avons pu constater que les activités liées à la traduction chez les Arabes remontent bien à plusieurs siècles et qu’elles sont passées par plusieurs phases et méthodes, notamment littérale et interprétative.
La traduction représente finalement un transcodage et une transmission d’une culture vers une autre. C’est d’ailleurs grâce à la « Maison de la Sagesse », à la multiplicité des centres de traduction par la suite, à la fabrication du papier, à l’encouragement des souverains, aux efforts des traducteurs et au besoin de connaître le patrimoine de l’autre, que le mouvement de la traduction a pu se développer et atteindre son âge d’or. Ce mouvement représente un véritable pont entre les Arabes et les autres civilisations ‒ syriaque, grecque, persane et indienne. Ainsi, la civilisation arabo-musulmane a le mérite d’avoir traduit, transmis et conservé des œuvres de différents peuples et de de typologies très variées, pour les retransmettre à d’autres civilisations. Si la traduction fut l’un des moyens qui ont permis aux Arabes de connaître les savoirs et sciences des autres civilisations, elle a aussi été le moyen par lequel les Occidentaux ont découvert ce que les Arabes avaient pu réaliser lors de leur essor scientifique et intellectuel116.
Traduire d’une langue vers une autre ne fait qu’ajouter au volume des connaissances disponibles dans le monde et contribue à la découverte partagée de savoirs et de sciences entre les nations. L’acte de transmission permet finalement de rapprocher les peuples et de créer un dialogue entre les civilisations. À cela s’ajoute un
« Transfert » aux deux sens indissolublement liés : le sens de « trajet » des savoirs qui se déplacent, se transmettent, vers le monde chrétien, mais aussi qui passent d’une rive de la Méditerranée à l’autre, du monde grec au monde arabe avant de revenir vers l’Occident et l’Europe. Et le sens de « traduction », qui mène d’une langue à l’autre, du grec au latin, mais aussi, via le perse et le syriaque, du grec à l’arabe, et de l’arabe au latin117.
Enfin, le travail de traduction dans un tel domaine exige parfois la consultation de plusieurs spécialistes (biologistes, zoologistes, linguistes…) afin de rendre un texte globalement satisfaisant.
Notes
1Du nom d’un ancêtre de cette famille, Umayya Ibn ʿAbd Šams de la tribu de Qurayš, tribu du Prophète Muḥammad. La dynastie des Omeyyades (ou Umayyad) correspond au deuxième califat de l’Islam, avec comme capitale Damas en Syrie.
2Il s’agit de la dynastie qui a succédé aux Omeyyades et qui a pris Bagdad pour capitale. Le nom des Abbassides est issu de l’un des oncles du Prophète Muḥammad, al-ʿAbbās Ibn ʿAbd al-Muṭṭalib.
3Fondée à Bagdad en Iraq en 830 par le calife al-Ma’mūn (m. en 833). La Maison de la Sagesse, bayt al-ḥikma en arabe, était une véritable institution, considérée à la fois comme une bibliothèque et un centre de recherches et de traduction, réunissant de nombreux savants.
4Voir par exemple le dictionnaire bibliographique de Ibn Al-NadĪm, Fihrist, Beyrouth, dār al-maʿrifa, s.d., p. 350-352.
5Abū Ḥayyān Al-TawḥĪdĪ, al-Muqābasāt, éd. Ḥasan al-Sandūbī, Le Caire, al-maṭbaʿa al-raḥmāniyya, 1929, p. 258.
6al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, éd. ʿAbd al-Salām Hārūn, Le Caire, maṭbaʿat Muṣṭafā al-Bābī al-Ḥalabī, 1965.
7Abū Ḥayyān al-TawḥĪdĪ, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, éd. Aḥmad Amīn et Aḥmad al-Zayn, Le Caire, maṭbaʿat laǧnat al-ta’līf wa-l-tarǧama wa-l-našr, tome I, 1953.
8Aristote, Histoire des animaux, texte établi et traduit du grec en français par Pierre Louis, édition bilingue, Paris, Les Belles Lettres, 1968.
9Faisal Kenanah, Les traits de caractère des hommes et des animaux chez Tawḥīdī, Paris, L’Harmattan, 2019, p. 78-98 (trad. 9e nuit), p. 99-143 (trad. 10e nuit).
10Ibn ManẓŪr, Lisān al-ʿarab, Le Caire, dār al-maʿārif, s.d., 6 vol.
11A. De Biberstein Kazimirski, Le Kazimirski, dictionnaire arabe-français, Beyrouth, 2 tomes, 2004.
12Lothar Kopf, « The Zoological Chapter of the Kitāb al-Imtāʿ wa l-Muʾānasa of Abū Ḥayyān al-Tauḥīdī (10th Century) », Osiris, n°12, 1956, p. 390-466.
13Cf. Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī : classement, influences des transmissions (Aristote - Ibn al-Biṭrīq – Ğāḥiẓ), Bruxelles, Safran, coll. CELO, 2023.
14Abū Zakariyyā Yaḥyā Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, éd. ʿAbd al-Raḥmān Badawī, Koweït, wakālat al-maṭbūʿāt, 1977.
15Abū Zakariyyā Yaḥyā Ibn al-BiṭrĪq, chrétien syriaque et converti à l’islam, était l’un des clients du calife al-Ma’mūn. Il faisait partie des premiers traducteurs de la Maison de la Sagesse. Sa traduction la plus importante concerne l’ouvrage d’Aristote Sur les Animaux. Il a dû apprendre la langue arabe pour pouvoir traduire, mais sans pour autant arriver à la maîtriser comme un natif.
16Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 9, 10, 11, 13, 20, 21, etc. Cette formulation est quasi omniprésente dans l’œuvre.
17Ibid., p. 59.
18Ibid., p. 366.
19Ibid., p. 331, 345.
20Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 24.
21ʿAlī Ibn Yūsuf al-QifṭĪ, Iḫbār al-ʿulamā’ bi-aḫbār al-ḥukamā’, Le Caire, maktabat al-mutanabbī, s.d.
22Ibid., p. 248.
23Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit.
24Muḥammad Ibn Isḥāq Ibn al-NadĪm, al-Fihrist, op. cit., p. 352.
25Ibid., tome I, p. 75-79, tome II, p. 52, et tome VI, p. 19. Passage traduit par ʿAbd al-Raḥmān BadawĪ, La transmission de la philosophie grecque au monde arabe, Paris, Vrin, 1968, p. 21-22.
26al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome I, p. 75-78.
27Juan Vernet, Ce que la culture doit aux Arabes d’Espagne, Arles, Sindbad Acte sud, 1976, p. 98.
28al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome I, p. 78. Notre traduction.
29Cf. par exemple Ibn AbĪ Uṣaybiʿa, ʿUyūn al-anbā’fī ṭabaqāt al-aṭibbā’, éd. Riḍā Nizār, Beyrouth, s.d., p. 271.
30Cf. Mathieu GuidÈre, Introduction à la traductologie. Penser la traduction : hier, aujourd’hui, demain, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, 2016. L’auteur y propose une présentation synthétique de la traductologie, mettant l’accent sur les différentes approches théoriques et pratiques. Cf. aussi Mathieu GuidÈre, La traductologie arabe : théorie, pratique, enseignement, Paris, L’Harmattan, 2017, p. 15-24. Cf. également Djamel Kouloughli, « À propos de lafẓ et maʿnā », in Histoire Épistémologie Langage, tome 36, fasc. 2, 2014, p. 15-42.
31Ṣalāḥ al-Dīn al-ṢafadĪ, al-Ġayṯ al-musaǧam fī šarḥ lāmiyyat al-ʿaǧam, Le Caire, al-maṭbaʿa al-azhariyya, 1888, p. 46. Extrait cité en traduction française par Juan Vernet, op. cit., p. 107-108. Cf. Myriam Salama-Carr, La traduction à l’époque abbasside, Paris, Didier érudition, coll. « Traductologie », n° 6, 1990, p. 59-60. Pour approfondir aussi cette question, voir Gutas Dimitri, Pensée grecque, culture arabe. Le mouvement de traduction gréco-arabe à Bagdad et la société abbasside primitive (IIe-IVe/VIIIe-Xe siècles), traduit de l’anglais par Abdesselam Cheddadi, Paris, Aubier, 2005 ; et Ḥasan Hamza, « al-Tarǧama ilā al-ʿarabiyya wa muḥāwalat ta’sīs muṣṭalaḥāt ʿilm li-l-tarǧama », in al-Abḥāṯ, Journal of the faculty of arts and sciences, Beyrouth, American University of Beirut, vol. 67, 2019, p. 96-122.
32Myriam Salama-Carr, op. cit., p. 60.
33Cité dans Paul Horguelin, Anthologie de la manière de traduire. Domaine français, Montréal, Linguatech, 1981, p. 19.
34al-Ǧāḥīẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome III, p. 131 (« والمعاني مطروحة في الطریق یعرفها العجمي والعربي والقروي والبدوي، وإنما الشأن إقامة الوزن، وتخيّر اللفظ »), traduction en français par Djamel Kouloughli, op. cit..
35Cité par Mathieu GuidÈre, Introduction à la traductologie, op. cit., p. 52.
36Cf. Lourus S. Filius, The Arabic Version of Aristotle’s Historia Animalium, Book I-X of the Kitāb al-ḥayawān, Leiden-Boston, Brill, 2018, p. 6-7.
37Cf. Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 52.
38Voir par exemple, Abū Ḥayyān al-TawḥĪdĪ, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 164, 165, 166, 169, 170, 173 ; tome II, p. 30.
39Aristote, Histoire des animaux, op. cit., tome II, [540a], p. 5.
40Ibid.
41Cf. Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 44.
42Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 244.
43al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome II, [559a], p. 64.
44Cf. Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 124.
45Abū Ḥayyān al-TawḥĪdĪ, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 174.
46Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 58.
47al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome VII, p. 123.
48Aristote, Histoire des animaux, op. cit., tome I, [499b], p. 40.
49al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome VII, p. 128.
50Abū Ḥayyān al-TawḥĪdĪ, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 184.
51Ibid., tome I, p. 177.
52Ibid., tome I, p. 165, 168, 177 ; Ibn al-BiṭrĪq, op. cit., p. 255-256, 375, 414, 416 ; et al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome II, p. 50 et 159, tome III, p. 180, tome VI, p. 338.
53Lothar Kopf, « The Zoological Chapter of the Kitāb al-Imtāʿ wa l-Muʾānasa of Abū Ḥayyān al-Tauḥīdī (10th Century) », op. cit., p. 429.
54Cf. Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 61, 62, 128, 192.
55Cf. Abū Ḥayyān al-TawḥĪdĪ, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 161, 165 ; Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 225, 363 ; et al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome IV, p. 56.
56Cf. Abū Ḥayyān al-TawḥĪdĪ, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 176, 184, et al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome VI, p. 27-28.
57Aristote, Histoire des animaux, op. cit., tome I, p. 40.
58Lothar Kopf, « The Zoological Chapter of the Kitāb al-Imtāʿ wa l-Muʾānasa of Abū Ḥayyān al-Tauḥīdī (10th Century) », op. cit., p. 426.
59Cf. Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 54. Voir aussi ibid., p. 73-74.
60La plupart des racines en arabes sont composées de trois lettres.
61A. De Biberstein Kazimirski, Le Kazimirski, op. cit., tome I, p. 443-444.
62En arabe, on parle plutôt de racine que d’infinitif. Dans un mot, on retrouve toujours la racine, généralement de trois lettres. C’est à partir d’une racine que l’on forme des mots. Par exemple, de la racine K-T-B (écrire), on obtient KaTaBa (il a écrit), KiTāB (livre), KāTiB (écrivain), MaKTūB (chose écrite), MaKTaB (bureau), etc.
63Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 288.
64A. De Biberstein Kazimirski, Le Kazimirski, op. cit., tome I, p. 928.
65Abū Ḥayyān al-TawḥĪdĪ, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 161.
66Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 204.
67Aristote, Histoire des animaux, op. cit., tome II, [540a], p. 4.
68Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 244-247.
69al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome III, p. 171.
70Aristote, Histoire des animaux, op. cit., tome II, [559b], p. 66.
71Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 190.
72Ibid., p. 160 ; Ibn al-Biṭrīq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 14 ; et al-Ǧāḥiẓ, op. cit., tome I, p. 30.
73Al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome I, p. 30 et tome V, p. 402.
74Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 161, 167-168 ; Ibn al-Biṭrīq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 248 ; al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome III, p. 184-185.
75Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 162 ; Ibn al-Biṭrīq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 254, 259, 392 ; al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome III, p. 182-183, tome VII, p. 244-245.
76Cf. Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 126-127, 140-143, 147, 190.
77Ibid., p. 146-147, 174, 203.
78Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., p. 162 ; Ibn al-Biṭrīq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 248, 252-253 ; al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome III, p. 176, 179.
79Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 187-188.
80Ibn al-Biṭrīq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 395.
81Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., p. 160, 166, 174, 177, 188 ; Ibn al-Biṭrīq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 14, 375 ; al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome II, p. 50, tome II, 530, tome V, p. 402.
82Les mots dans la langue arabe portent des voyelles courtes, notées par des signes semblables à des accents, au-dessus ou en-dessous des consonnes. L’absence de ces signes et donc de voyelles peut rendre la compréhension difficile.
83Aḥmad Amīn, « Introduction », in Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. « r ». Notre traduction.
84al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, tome I, op. cit., p. 79. Notre traduction.
85Aristote, Histoire des animaux, op. cit., tome I, [488a], p. 6-7 ; tome III, [612a], p. 75, 76 ; tome III, [608a-608b], p. 64.
86Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., p. 167, 170, 173 ; Ibn al-Biṭrīq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 14-15, 386, 387.
87Cf. aussi Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 77.
88Ibn Manglī, De la Chasse : Commerce des Grands de ce Monde avec les bêtes sauvages des Déserts sans onde, traduction en français François Viré, Paris, Sindbad, 1984.
89Cf. Ibn al-Biṭrīq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 15.
90Traduction par l’auteur de cet article.
91Aristote, Histoire des animaux, op. cit., tome I, [488a], p. 6-7.
92Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., p. 165, Ibn al-Biṭrīq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 355-356 et Aristote, Histoire des animaux, op. cit., tome III, [604a], p. 50.
93al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome II, p. 223.
94Cf. aussi Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 113-114.
95Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 165.
96al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome II, p. 231.
97Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 372-373.
98Le singulier de (الدببة) est (الدب).
99Le pluriel de (الذئبة) est (الذئاب).
100Cf. Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 161.
101Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 166.
102Cf. Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 97, 133, 149.
103Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 168.
104Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 414.
105Aristote, Histoire des animaux, op. cit., tome III, [619a], p. 99.
106Cf. Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 130-131.
107Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., p. 163.
108Aristote, Histoire des animaux, op. cit., tome III, [566b], p. 86-87. Cf. aussi Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 269. Cf. Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, op. cit., p. 46-47.
109Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, op. cit., tome I, p. 164.
110Ibn al-BiṭrĪq, Ṭibāʿ al-ḥayawān, op. cit., p. 332.
111Aristote, Histoire des animaux, op. cit., tome III, [594a], p. 19.
112Ibid.
113al-Ǧāḥiẓ, Kitāb al-ḥayawān, op. cit., tome IV, p. 223.
114Ibid., tome VI, p. 399.
115Ibid. Notre traduction. Pour cette remarque sur šarāb (شراب) et saḏāb (سذاب), voir aussi Faisal Kenanah, Les animaux chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī , op. cit., p. 55-57.
116Cf. Juan Verner, op. cit. ; Sigrid Hunke, Le soleil d’Allah brille sur l’Occident, Paris, Albin Michel, coll. Espaces libres, 1963 ; Gutas Dimitri, op. cit.
117Barbara Cassin, Danièle Wozny, Les Maisons de la sagesse–traduire, Paris, Bayard, 2021, p. 225.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Faisal Kenanah
Faisal Kenanah est maître de conférences en arabe à l’université de Caen Normandie. Son doctorat portait sur un ouvrage d’arabe classique du Xe siècle. Il a publié en 2019 un ouvrage intitulé Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī : les traits de caractères des hommes et des animaux dans le Kitāb al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, aux éditions L’Harmattan. Son dernier ouvrage publié en 2023 aux éditions Safran, s’intitule Les animaux chez : Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī : classement et influences des transmissions : (Aristote – Ibn al-Biṭrīq - Ǧāḥiẓ). Il a publié plusieurs articles dans ce domaine, dont le récent « La faune marine chez Abū Ḥayyān al-Tawḥīdī : classification et transmission des savoirs », dans la revue Médiévale. Il s’intéresse également à la didactique de l’enseignement de l’arabe. Il a enseigné dans le secondaire en tant que professeur certifié et a publié plusieurs ouvrages pédagogiques en français/arabe dont Progresser en arabe, méthode de renforcement à l’écriture et à la lecture, en 2019 aux éditions Ophrys.