Histoire culturelle de l'Europe

Irène Semenoff-Tian-Chansky-Baïdine1

Le culte de Piotr et Févronia de Mourom (XIIIe siècle) sous Ivan le Terrible et sous Poutine

Article

Résumé

Officiellement, Piotr et Févronia, princes de Mourom, sont morts en 1228, mais leur vie n’a été écrite qu’à la fin des années 1540, sous Ivan le Terrible. Il s’agit du premier couple canonisé en Russie. Leur vie, écrite par le hiéromoine Ermolaï-Erasme, est un chef-d’œuvre de la littérature du XVIe siècle. Elle contient des éléments folkloriques et des éléments politiques, en même temps qu’elle magnifie l’amour conjugal et le mariage, réaffirmant l’indissolubilité de celui-ci, mise à mal par le père d’Ivan le Terrible, Basile III.
À l’époque soviétique, le culte de Piotr et Févronia est interdit. À partir de 1992, il reprend à Mourom et la vie des deux saints est popularisée. En 2008, le jour prend le nom de « Jour de la famille, de l’amour et de la fidélité », patronné par Svetlana Medvedev, la femme du président Medvedev. Il s’accompagne d’une véritable propagande, notamment destinée à lutter contre le déclin démographique. Le 22 juin 2022, en pleine guerre contre l’Ukraine, Vladimir Poutine en fait formellement une fête nationale. L’image des saints époux, véhiculée par les médias et la sculpture connaît diverses transformations.

Abstract

Officially, Peter and Fevronia were Prince and Princess of Murom and they died in 1228. However, their lives were not written down until the late 1540s under Ivan the Terrible. They were the first couple to be canonized in Russia. The tale of their lives by Hieromonk Hermolaus-Erasmus, is a masterpiece of 16th-century literature. This telling, full of folkloric and political elements, magnifies conjugal love and marriage and reaffirms their indissolubility.
The relics of Saints Peter and Fevronia were seized by the Soviets. In 1992, they were enshrined in the Monastery of the Holy Trinity in the city of Murom, where they are once again venerated. The lives of the two saints have been popularized. In 2008, their feast day was renamed "Day of Family, Love and Faithfulness", under the auspices of Svetlana Medvedeva, wife of President Medvedev. This feast is accompanied by a veritable propaganda campaign, aimed in particular at combating demographic decline. On June 22, 2022, in the midst of the war with Ukraine, Vladimir Putin officially declared it a national holiday. The image of the Holy Spouses, conveyed by the media and visual arts, undergoes various transformations.

Texte intégral

Les saints Piotr (ou Pierre) et Févronia font partie des nombreux saints dont la vie a été rédigée bien après leur mort, à partir de presque rien et à grand renfort d’imagination, ce qui leur donne une dimension quelque peu légendaire. En l’occurrence, nos héros personnifient l’amour plus fort que les normes sociales et même l’amour plus fort que la mort. Leur histoire a été écrite sous Ivan le Terrible et elle resurgit de multiples manières dans la Russie poutinienne, phénomène encouragé par une forte volonté de propagande en faveur de la famille traditionnelle, venant à la fois des milieux orthodoxes et du pouvoir.

Piotr et Févronia sont réputés avoir été princes de Mourom, principauté à l’est de Moscou. Cependant, les chroniques n’en disent rien. Cela ne signifie pas qu’ils n’aient pas réellement existé. En s’appuyant sur d’assez maigres arguments, l’Église orthodoxe et une partie des historiens identifient Piotr à David Iourevitch de Mourom (mort en 1228) et Févronia à son épouse, David étant le nom monastique de Piotr. Ainsi, les deux saints, Piotr et Févronia, seraient morts en 1228. Ils n’ont été reconnus comme saints locaux qu’en 1547 et canonisés en tant que saints de toute l’Église russe en 1553, sans doute en reconnaissance de l’aide apportée par ces saints à la prise de Kazan en 1552 : Mourom était sur la route de Kazan et Ivan IV s’y était arrêté pour vénérer les reliques de ses lointains « parents2 ». C’était la première fois dans l’Église russe que les deux membres d’un couple étaient canonisés3.

Plus de trois cents ans se sont donc écoulés entre leur mort et la première écriture de leur vie : Le Récit de Piotr et Févronia de Mourom (Povest‘ o Petre i Fevronii) attribué à Ermolaï-Erasme4. Ce chef-d’œuvre littéraire popularisa les deux saints et garda une certaine notoriété à travers les siècles grâce à sa grande richesse poétique. Au début du XXe siècle, il est très librement utilisé par Nikolaï Rimski-Korsakov dans son opéra La légende de la ville invisible de Kitège et de la jeune fille Févronia dont la première eut lieu en 1907 au théâtre Marie à Saint-Pétersbourg.

Nous montrerons d’abord comment le récit d’Ermolaï-Erasme s’inscrit dans le contexte du règne d’Ivan le Terrible et quelle image du couple il dessine. Puis nous verrons comment ce récit est repris en Russie dans les années 2000, s’adaptant à une demande politique et sociale nouvelle, ainsi qu’à de nouveaux supports de communication.

Une hagiographie complexe inscrite dans le contexte du règne d’Ivan le Terrible

L’auteur, Ermolaï-Erasme : un prêtre théologien et humaniste

Ermolaï-Erasme est un écrivain original et talentueux que l’on pourrait qualifier d’humaniste, si l’on pouvait employer ce mot dans le contexte de la Russie médiévale. D’abord prêtre à Pskov sous le nom d’Ermolaï, il devient archiprêtre de l’église du palais du Sauveur-dans-le-Bois (Spas-na-Boru) au Kremlin de Moscou, ce qui signifie qu’il était assez proche de la Cour et du métropolite Macaire. Il compose le récit qui nous intéresse vers 1547, à l’époque des Conciles de Macaire qui ont canonisé les princes de Mourom. La même année, Ivan se fait couronner tsar et épouse Anastasia Romanovna Zakharina-Iourievna qui, par sa bonté et sa bonne influence sur son mari, ressemble quelque peu à Févronia. Un peu plus tard, Ermolaï-Erasme rédige à l’intention du tsar, qui se présentait alors comme un tsar réformateur, une Instruction de gouvernement (Pravitel’nica, 1549). Se donnant notamment pour but d’alléger le sort des paysans, ce texte est qualifié d’« utopie de l’harmonie sociale5 » par l’historien soviétique Alexandre Klibanov, cité par Michel Niqueux. Dans les années 1560, Ermolaï est tonsuré moine sous le nom d’Erasme, d’où ce double nom sous lequel nous le connaissons.

Ermolaï-Erasme a peut-être repris une tradition orale qui s’était développée depuis la mort de ses héros et dont les thèmes se retrouvent dans divers contes et bylines, à moins qu’il ne se soit directement inspiré de ceux-ci. En résulte une œuvre exceptionnelle dans la littérature de l’époque, habituellement très monosémique et exempte de toute ambiguïté. Ici, au contraire, le récit combine en quelques pages des genres différents. Il est riche en sous-entendus que l’on peut décrypter suivant différents niveaux d’interprétation. Il ne correspond nullement aux canons de la littérature hagiographique de l’époque. Le personnage de la « vierge sage » Févronia n’est ni une martyre, ni une ascète exceptionnelle, et porte davantage les caractères des figures féminines du folklore. Du reste, le récit fut jugé inacceptable par Macaire et ne fut pas inclus dans la rédaction définitive du Grand Ménologe. Il fut donc diffusé en tant que récit non canonique, ce qui n’empêcha pas son succès puisqu’on en connaît au moins 150 copies6.

Les différentes parties du récit

On peut diviser le récit en plusieurs parties d’inspiration diverses, mais qui forment un tout cohérent. Le texte comprend d’abord une longue introduction théologique de l’auteur qui fait référence à l’amour de la Trinité, puis aux saints, et permet d’orienter l’interprétation du lecteur. O. V. Gladkova résume ainsi les principales idées de cette introduction : « Premièrement, le caractère trinitaire de la Divinité se reflète dans le monde et dans l’homme. Deuxièmement, chaque chrétien tend vers le salut […]. Troisièmement, l’homme est libre puisqu’il n’appartient qu’à Dieu7 ».

Puis commence la première partie de l’intrigue. Elle serait inspirée du conte populaire sur Kocheï l’immortel (monstre osseux ou décharné au pouvoir surnaturel, dont le secret de la mort est caché et qui souvent enlève une femme) que l’on rencontre dans le folklore de nombreux peuples8. En même temps, on peut aussi voir dans cette première partie une référence au récit de la Genèse et à la force vivifiante de la Croix. Un serpent volant, version russe du démon tentateur (ressemblant aussi à Kocheï l’immortel), s’introduit chez la femme du prince Pavel de Mourom et la séduit, tout en prenant l’aspect de son mari. Une nuit, sur le conseil du prince Pavel, son épouse tourmentée réussit à soutirer au serpent un renseignement de première importance : il peut recevoir la mort « de la main de Pierre, de l’épée d’Agrik ». Pierre, le frère du prince Paul, obtient miraculeusement l’épée d’Agrik et tue le serpent. Agrik ou Agrikova est un héros de l'épopée byzantine, deux de ses frères apparaissent dans la byline Il’ja de Mourom. L’épée est trouvée par Pierre dans l’église de l’Exaltation de la Croix, dans une fente du mur du sanctuaire, ce qui permet au lecteur averti de l’identifier à la Croix du Christ.

La deuxième partie du récit est inspirée de contes sur le thème de la « vierge sage », et sans doute de la Légende de Févronia du village de Laskovo qui s’est développée au XVe siècle dans la principauté de Riazan9. À cause du sang du serpent qui s’est répandu sur lui, Piotr est couvert de plaies et d’ulcères. On envoie chercher un médecin dans la principauté de Riazan, principauté voisine de celle de Mourom. L’un de ces envoyés découvre dans le village de Laskovo (dérivé de laska, caresse) une simple jeune fille, Févronia, qui pose et résout des énigmes qui dénotent une sagesse extraordinaire. Celle-ci soigne le prince Piotr à la condition que celui-ci l’épouse. Piotr promet, mais une fois guéri, lui fait seulement envoyer des cadeaux. Févronia impressionne alors le lecteur par sa clairvoyance : anticipant la lâcheté du prince, elle s’était assurée qu’un ulcère soit laissé sans onguent. De ce fait le jeune homme tombe une seconde fois malade et revient vers elle. Cette fois, il doit lui promettre fermement de l’épouser. Piotr et Févronia se marient et vivent pieusement à Mourom, « sans enfreindre en quoi que ce soit les commandements de Dieu ».

Dès lors, commence la troisième partie du récit qui est plus politique. Après la mort de son frère Pavel, Piotr règne sur la principauté « en autocrate » (samoderžec), terme qui fait référence à la réalité politique moscovite depuis Ivan III plus qu’au contexte de la principauté de Mourom au XIIIe siècle. Les boyards, influencés par leurs femmes, n’acceptent pas la princesse-paysanne. Un serviteur l’accuse de ramasser les miettes de pain de la table après les repas, comme une pauvresse. Le prince prête attention à cette critique et invite sa femme à déjeuner à sa table pour l’observer. L’ayant vu ramasser des miettes, il veut la confondre en lui ouvrant la main, mais à la place des miettes, il trouve « de l’encens qui embaume et du benjoin ». Finalement, les boyards exigent du prince qu’il se sépare de Févronia. Celle-ci acquiesce au désir des boyards, mais exige en retour qu’ils lui rendent son mari. Finalement, Pierre laisse sa principauté et le couple part en bateau sur la rivière Oka. Ils s’arrêtent plus loin sur une rive où se produit un nouveau miracle : en une nuit, à la prière de Févronia, de grands arbres feuillus ont poussé là où il n’y avait que des morceaux de bois. Pendant ce temps, les notables ambitieux de Mourom s’entretuent pour régner, le désordre s’installe, et les habitants de la cité rappellent leur prince. Piotr et Févronia règnent alors en montrant un amour égal à tous. Ils ne cherchent pas à amasser des richesses, et n’aiment pas la cruauté. Ermolaï-Erasme écrit :

Ils étaient pour leur ville de véritables pasteurs et non des mercenaires. Et ils gouvernaient leur ville avec justice et douceur et non avec colère. Ils recevaient les voyageurs, nourrissaient les affamés, habillaient les nus, et sauvaient les pauvres du malheur.

Cette partie correspond aux tendances politiques de l’époque où le jeune Ivan IV venait d’être sacré tsar (1547). Il était alors le premier tsar à être sacré et le pouvoir autocratique, qui venait de triompher de celui des boyards, était magnifié par le métropolite Macaire. Le comportement du prince de Mourom vis-à-vis de son peuple semble être un encouragement à Ivan IV qui manifestait alors sa volonté de réformer le pays. La narration reflète aussi la détestation d’Ivan le Terrible pour les boyards qui lui avaient gâché son enfance, et avaient probablement empoisonné sa mère, Hélèna Glinskaïa.

La quatrième et dernière partie du récit est la plus hagiographique. Ayant vieilli, les deux époux prennent l’habit monastique, se retirent chacun dans un monastère et prient Dieu pour mourir le même jour. Ils préparent même une tombe commune dans la cathédrale de Mourom. Févronia passe ses derniers jours à broder un voile dans l’église de la Mère de Dieu. Le prince Pierre lui fait dire : « Sœur Euphrosyne (son nom de moniale), je veux quitter mon corps, mais j’attends pour partir avec toi ». Elle répond : « Attends, Seigneur, que j’aie terminé de broder le voile de l’église ». Elle termine sa broderie, puis fait prévenir le prince, et tous deux meurent le 25 juin. Leur amour connaît une ultime épreuve : contrairement à leur dernière volonté, les époux sont enterrés séparément dans deux églises différentes. Mais le lendemain matin, les corps des deux époux sont retrouvés réunis dans le tombeau commun qu’ils s’étaient préparé.

Ermolaï-Erasme conclut en louant Piotr et Févronia pour leur comportement et revient sur plusieurs épisodes de leur vie, leur donnant un sens chrétien. Enfin, il leur adresse une prière, comme le veut le canon hagiographique.

Que dire du couple décrit dans ce récit ?

Indéniablement, le personnage fort du couple est la femme. Le mari semble assez effacé, passif, conformiste, influencé par les normes sociales, tout du moins au début. Il fait cependant montre de piété : « il avait l’habitude d’aller prier seul à l’église ». Armé de l’épée d’Agrik, il tue le serpent avec détermination et courage. Mais le plus souvent, c’est Févronia qui prend l’initiative et le dépasse en intelligence.

Févronia est une jeune fille issue du peuple, fille d’apiculteurs, toute simple, mais en même temps dotée de talents exceptionnels, et rusée – trait féminin que l’on retrouve dans maintes hagiographies de la Russie ancienne et « qui déjoue habilement le présupposé de la faiblesse dont sont chargées les femmes10 ». Elle est également sage et guérisseuse. Elle parle par énigmes et guérit le prince. Dès le début, elle lui impose de grandir spirituellement comme il ressort de sa réponse à l’envoyé du prince : « Emmène ton prince ici. S’il se montre pur de cœur et humble dans ses paroles, alors il sera guéri ! ». C’est par son intelligence qu’elle devient l’égale d’une princesse et qu’elle peut prétendre épouser le prince. Comme l’écrit Lise Gruel-Apert, elle correspond au type de la « fille avisée, épouse magique, aide et conseillère de son mari11 » que l’on retrouve dans le conte russe, notamment dans le conte de Vassilissa la Sage. Il n’est pas fait mention de la beauté de la jeune fille. C’est bien sa capacité à guérir le prince qui la rend digne de devenir sa femme.

Elle ne fait pas attention à l’arrogance des boyards, ni aux normes du monde, elle est centrée sur le monde spirituel comme le suggèrent le miracle des miettes de pain que l’on peut comparer à celui de l’eucharistie, et celui des arbres, que l’on peut interpréter comme un signe du paradis promis à ceux qui obéissent à Dieu. Elle affermit ainsi le prince dans la vérité. Elle apparaît aussi comme une mère spirituelle à l’égard des autres personnages, comme le montre le récit digne des anciens apophtegmes où elle donne une leçon à un homme qui la regarde avec concupiscence alors qu’ils naviguent sur l’Oka. Elle ordonne à cet homme de prendre de l’eau d’un côté de la barque pour la boire, puis de faire de même de l’autre côté. Puis elle lui demande s’il a discerné une différence de goût. L’homme répond par la négative. Lui ayant ainsi fait comprendre que la nature féminine était une, Févronia lui reproche de penser à une femme qui n’est pas la sienne. L’homme, frappé par son don de clairvoyance, s’incline. Dans la conclusion de son récit, Ermolaï-Erasme loue la sagesse de son héroïne, sagesse qui égale celle des hommes : « Réjouis-toi Févronia, car ta tête de femme contient la sagesse des hommes saints ».

Le mariage d’amour est proposé comme modèle qui doit dépasser les préjugés sociaux. Lorsque les boyards exigent le départ de Févronia de la cité, à la demande de celle-ci Piotr préfère quitter le pouvoir, plutôt que de quitter sa femme. Ermolaï-Erasme commente : « En effet le bienheureux prince Piotr n’a pas voulu violer les commandements de Dieu pour un royaume dans cette vie […]. Il est dit que celui qui chasse sa femme alors qu’elle n’est pas coupable d’adultère et en épouse une autre, commet un adultère ».

Finalement, dans ce récit, les exigences du mariage l’emportent même sur l’exigence monastique d’enterrer les époux séparément. Comme le souligne Natalia Malkova, auteur d’une thèse sur l’Idéal religieux et moral féminin dans la culture de la Rus’ ancienne, cette hagiographie réaffirme avec force l’indissolubilité du mariage mise à mal par le père d’Ivan le Terrible, Vassili III qui avait divorcé de sa femme, Salomée Sabourova, pour cause d’infertilité, malgré l’opposition de l’Église12. Notons d’ailleurs que dans le Récit de Piotr et Févronia il n’est pas fait mention d’enfants, ceux-ci n’apparaissent donc pas comme le but principal du mariage.

Ce récit répond également à ceux qui reprochaient à Ivan le Terrible d’avoir épousé Anastasia Romanovna. Celle-ci n’était certes pas une paysanne comme Févronia, mais elle était issue d’une famille noble sans être princière, ce qui, à une époque où le mestnitchestvo (système de préséance) régissait toute la vie de la cour, était perçu comme un mépris des familles les plus hautes dans la hiérarchie nobiliaire. En revanche, comme Févronia, Anastasia était réputée pour ses qualités morales.

Voyons maintenant comment la même histoire est utilisée aujourd’hui dans un contexte historique différent.

II. Le culte de Piotr et Févronia repris et réinventé à l’époque de Poutine

L’évolution depuis le XVIe siècle

L’Église orthodoxe russe a adopté une Vie de Piotr et Févronia beaucoup plus banale que celle d’Ermolaï-Erasme. Ainsi à la fin du XVIIe siècle, la Vie (« Mémoire des saints pieux princes Piotr et princesse Févronia, dans le monachisme David et Euphrosyne, faiseurs de miracles de Mourom ») attribuée à Dimitri de Rostov gomme tous les côtés folkloriques du récit du XVIe siècle, devenant une hagiographie classique qui ne laisse place à aucune interprétation. Ainsi, dans ce texte, le pieux prince Pierre épouse « la pieuse princesse Févronia, qui descendait aussi d’une lignée pieuse13 ». Les époux sont enterrés dans une tombe commune par les habitants de la ville de Mourom, sans qu’il ne soit besoin d’aucun miracle. L’intrigue merveilleuse du récit du XVIe siècle a disparu et les deux saints n’ont plus aucuns traits originaux. Le culte de Piotr et Févronia ne semble pas se distinguer de celui de nombreux autres saints. Cependant, le récit d’Ermolaï-Erazme a continué à être lu au moins dans les milieux cultivés, puisque, comme nous l’avons vu, il inspira un opéra.

À Mourom, les reliques des deux saints étaient très vénérées par les princes de Moscou dès le XVe siècle, et elles continuèrent à être vénérés par les tsars et tsarines, empereurs et impératrices, d’Ivan le Terrible à Nicolas Ier, en passant par Pierre le Grand et Catherine II. On les priait aussi bien pour obtenir la victoire sur les Tatars que pour obtenir la naissance d’une enfant ou la santé.

Le peuple, quant à lui, avait sans doute sa propre vision de la fête dans la mesure où celle-ci tombait le 25 juin/8 juillet (suivant le calendrier grégorien), le lendemain de la fête de la naissance de Jean-Baptiste, célébrée par le peuple suivant les coutumes païennes d’Ivan Koupala correspondant au solstice d’été. De ce fait, on estimait qu’à partir de ce moment, il n’était plus dangereux de se baigner, les roussalki s’étant éloignées. On commençait également les moissons. Suivant un dicton s’il faisait chaud ce jour-là, ce temps durerait encore pendant quarante jours14. À Mourom, la fête des saints était l’occasion d’une grande foire municipale qui durait dix jours15.

Après la révolution de 1917, le pouvoir bolchévik s’attaqua au culte des saints, comme à la religion en général. Le tombeau du saint couple dans la cathédrale de la Naissance-de-la-Mère-de-Dieu, élevée en leur honneur sur l’ordre d’Ivan le Terrible à Mourom, est profané en 1919 et les quelques os qui s’y trouvaient sont exposés dans le musée local en tant qu’objets de propagande contre la religion. La cathédrale, elle-même, est détruite en 1939. Cependant, le récit d’Ermolaï-Erasme est encore publié en tant que chef d’œuvre littéraire (sans son introduction et sa conclusion trop religieuses), par exemple dans le manuel de littérature ancienne de N.K. Goudzi16.

Après la disparition de l’Union soviétique, l’œuvre d’Ermolaï-Erasme suscite un regain d’intérêt et les spécialistes l’analysent en prenant en compte sa dimension religieuse. Le 19 septembre 1992, les reliques transférées au monastère de la Trinité à Mourom sont à nouveau ouvertes à la vénération des croyants. Elles attirent les pèlerins qui viennent implorer les saints pour trouver un époux, donner naissance à un enfant ou raffermir leur couple. En juillet 2019, ces reliques sont transportées à Moscou à la cathédrale du Christ-Sauveur et y restent pendant une semaine. Plus de 75 000 pèlerins viennent les vénérer17.

Aujourd’hui, de nombreux pèlerins se rendent également à Laskovo, le village de Févronia. Certains d’entre eux accrochent des rubans à un arbre, mêlant ainsi foi chrétienne et coutume d’origine animiste dans l’espoir de trouver l’amour, ce qui est assez typique du manque de culture religieuse de l’époque post-soviétique et d’une recomposition de la foi par les individus en dehors d’une pratique religieuse régulière au sein de l’Église orthodoxe.

Le « Jour de la famille, de l’amour et de la fidélité »

Dès 2001, la fête religieuse des saints Piotr et Févronia fixée au 8 juillet du calendrier grégorien redevient une fête municipale à Mourom18. C’est le début d’une laïcisation de la commémoration du couple. À côté des processions, de la vénération des reliques au monastère et des offices religieux, foire et concerts sont organisés. En 2006, les autorités de Mourom collectent 20 000 signatures pour que la commémoration de Piotr et Févronia devienne une fête nationale. L’initiative est soutenue au sein de la Douma, du Conseil de la Fédération et de l’Église orthodoxe russe. En 2008, décrété « année de la famille », le culte prend une nouvelle dimension et le 8 juillet devient une fête qui dépasse les limites de l’Église et prend le nom de « Jour de la famille, de l’amour et de la fidélité ». La fête est organisée par la Fondation d’initiatives socio-culturelles dirigée par Svetlana Medvedeva, l’épouse du Président Dimitri Medvedev (2008-2012). Désormais, elle se rendra à Mourom pour cette occasion, généralement accompagnée de son mari. Dès lors la vénération des reliques n’est plus seulement le fait de paroissiens informés, mais aussi de personnes non pratiquantes. Les personnalités politiques locales, régionales et fédérales participent à la vénération religieuse19. En 2012, l’événement était fêté non seulement en Russie, mais dans une quarantaine de pays20. Depuis, il semble que l’internationalisation de la fête soit restée modeste. Il faut dire que, depuis 2022, ceux qui célèbrent cette fête à l’étranger s’exposent aux questions des journalistes sur les familles détruites par la guerre en Ukraine, comme cela a été le cas à Washington en 202321.

Cependant, c’est justement en pleine guerre contre l’Ukraine, le 22 juin 2022, que Vladimir Poutine fait formellement du Jour de la famille, de l’amour et de la fidélité, une fête nationale, « [d]ans le but de préserver les valeurs traditionnelles de la famille et l’éducation morale et spirituelle des enfants et de la jeunesse »22. Cette défense des valeurs traditionnelles contre l’Occident est l’un des principaux éléments de la narration officielle justifiant « l’opération spéciale » en Ukraine. Remarquons que la référence à Piotr et Févronia n’existe pas dans l’oukase présidentiel et que peu à peu la référence aux deux saints se fait plus discrète, voire s’efface complètement permettant à la fête de gagner en universalité.

En quoi consiste cette nouvelle fête nationale ? Il s’agit essentiellement de rassemblements avec diverses attractions et animations, des concerts où chanteurs de variété ou amateurs chantent l’amour et la patrie, deux termes généralement associés23. L’impression générale est celle d’une fête de plus parmi les innombrables fêtes post-soviétiques qui ponctuent le calendrier russe et contribuent à créer l’impression d’une société constamment en fête et un peu infantilisée. Diverses actions sur lesquelles nous nous arrêterons plus loin sont également organisées.

La multiplication des sculptures représentant Piotr et Févronia

En 2008, un programme de construction de monuments aux saints est adopté. Il s’agit essentiellement d’instaurer une nouvelle tradition parmi les jeunes consistant à se rendre le jour de leur mariage auprès du monument aux saints de Mourom afin de recevoir leur bénédiction. Il s’agit aussi de diffuser l’exemple de leur vie24. Ce programme de construction de monuments est inclus dans un projet plus vaste, nommé « Dans le cercle familial », lancé en 2004 avec la bénédiction du patriarche Alexis II. Ce projet est dirigé par des entrepreneurs, des membres du clergé et des artistes. Il est financé par des administrations et des entreprises. Il est co-présidé par le Président de l’entreprise d’État Rosteс (en russe : Rostex), Sergueï Tchemezov, ancien agent du KGB en RDA où il avait bien connu Poutine25, et par le métropolite de Kalouga Clément. Le programme lie famille et patriotisme, il s’agit d’encourager « la renaissance de la famille » ; « une image positive de la famille nombreuse, des relations chastes et fidèles », « l’éducation des enfants dans un esprit patriotique ». L’utilisation de l’image de Piotr et Févronia est censée contrer l’influence de la culture de masse qui donne de mauvais exemples de conduite.

Avec ou sans l’aide de ce programme, des monuments à Piotr et Févronia ont été érigés dans de nombreuses villes, généralement près du ZAGS (l’Organe d’enregistrement des actes d’état civil) ou d’une église. Leur piédestal est bas pour permettre aux mariés de se faire photographier devant le monument. La plupart d’entre eux ont été réalisés en bronze dans un style réaliste, plusieurs d’entre eux par le sculpteur Konstantin Tcherniavski, artiste émérite de la Fédération de Russie, spécialisé dans les monuments aux héros de la Russie. Les deux saints sont représentés en vêtements princiers du XVIe siècle, très rarement en habit monacal. Leur pose est digne. Ils sont amoureux et se tiennent parfois par la main, mais conservent un visage grave. Souvent ils portent une ou deux colombes, parfois une icône. Il s’agit plus ou moins de la transcription sculptée de leurs icônes (icônes également récentes). Il existe cependant des exceptions, comme le monument réalisé par Viktor Mossielev (Mosielev), inauguré le 8 juillet 2017 pour le village de Tchastoozerie (oblast de Kourgane, au Sud-Est de l’Oural), où les deux saints se font face dans une sorte de danse ou de jeu et semblent voler au-dessus des spectateurs26. À Nijni Taguil, ville industrielle de l’Oural, le monument, offert par un entrepreneur, réalisé par trois sculpteurs et inauguré le 8 juillet 2010, frappe par un style qui se veut plus moderne : les deux saints, tels des colonnes de métal, se font face, surmontés par des auréoles, simples cercles de métal, leurs vêtements sont grossièrement stylisés, à leurs pieds figurent des branches, symboles du paradis. Dans cette ville industrielle à l’architecture essentiellement de type soviétique, le monument est devenu un lieu incontournable lors des cérémonies de mariage. Une niche permet d’y allumer un cierge. La vie des saints ainsi qu’une prière figurent sur le piédestal, incitant les visiteurs à prier les saints pour la réussite de leur mariage27.

En 2022, il existait déjà près de 90 monuments à Piotr et Févronia. Cela les place parmi les saints les plus représentés en sculptures dans les lieux publics en Russie, arrivant bien avant Nicolas II, Vladimir de Kiev « égal aux apôtres » et Serge de Radonège. Seul Alexandre Nevski leur fait concurrence depuis la célébration du 800e anniversaire de sa naissance en 2021. Remarquons que la multiplication des sculptures de saints est un phénomène propre à l’époque post-soviétique, l’Église orthodoxe représentant traditionnellement ses saints par des icônes et non par des sculptures. Constatons également que la thématique orthodoxe des monuments publics n’a pas supplanté la thématique communiste : il resterait encore 1085 statues de Lénine selon les chiffres du ministère de la Culture de Russie28.

Renforcer la famille afin de lutter contre le déclin démographique

L’un des buts de cette fête est de renforcer la famille, traditionnelle cela va sans dire, qui est dans un état assez catastrophique : 73 % des mariages se terminent par un divorce en 202029, les violences domestiques valent la vie chaque année à des centaines de femmes et d’enfants, plus de 500 000 avortements par an sont réalisés. Implicitement, il s’agit de lutter contre le déclin démographique, déclin enrayé en 2014 en raison de l’annexion de la Crimée et de mesures natalistes, mais à nouveau bien réel puisque la population de la Fédération de Russie a baissé en 2021 par rapport à ce qu’elle était en 2018. Depuis 2022, la guerre a encore dangereusement aggravé la situation. La fête est donc un élément de la politique nataliste lancée par Poutine dans son discours du 10 mai 2006, dans lequel il annonçait la création d’un « capital pour les mères ». Sur ce point, il y a une convergence idéologique presque parfaite entre l’Église et le gouvernement30.

Le choix des saints Piotr et Févronia pour remplir cette fonction ne manque pas d’étonner, même s’il s’est sans doute imposé un peu par hasard à partir d’une initiative locale. Comme le dit Diana Doukhanova : « Il existe un écart entre la description hagiographique des saints du XVIe siècle honorés ce jour-là et les idéaux matrimoniaux et de genre, qui sont appelés à être manifestés dans le contexte de la Journée de la famille, de l’amour et de la fidélité31 ». Févronia a, en effet, pratiquement forcé Piotr à l’épouser, c’est elle qui a pris l’initiative, et Piotr lui obéit à plusieurs reprises, ce qui ne correspond guère au modèle de la famille patriarcale qu’un courant bien représenté dans les milieux cléricaux et monastiques veut imposer. Prêtres et moines ou moniales de ce courant répètent que la femme doit obéir à son mari, voire le craindre, faisant porter à la femme l’essentiel de la responsabilité des échecs conjugaux32. Ce modèle correspond à l’idéal du Domostroï, texte de la même époque que Le récit de Piotr et Févronia, mais qui prône des relations familiales patriarcales très hiérarchisées.

Autre raison de s’étonner, que ce soit dans leur hagiographie ou le récit d’Ermolaï-Erasme, il n’est pas mentionné que le couple ait eu des enfants, et, à la fin de leur vie les deux époux, quittent la vie familiale pour adopter la vie monastique. Enfin, la fête a lieu pendant le carême de Pierre et Paul pendant lequel l’Église orthodoxe ne célèbre aucun mariage.

Malgré tout, Piotr et Févronia apparaissaient comme le meilleur choix parmi un très petit nombre d’autres choix possibles. Il ne pouvait être question, comme dans l’Église catholique de proposer comme modèle familial Joseph, Marie et le Christ (la Sainte famille). Ce modèle n’a jamais été accepté par l’Église orthodoxe, car il est très éloigné de sa tradition et diminue fortement le caractère divin du Christ, de plus la virginité de Marie n’aurait guère été une bonne incitation démographique. Les autres exemples évangéliques, tels que Joachim et Anne ou Zacharie et Elisabeth sont trop spirituels et le récit de leur vie trop laconique. Le choix d’un modèle russe permettait une identification nationale beaucoup plus sûre. Parmi les modèles russes possibles, il y avait trois autres couples de saints russes qui existent maintenant grâce à des canonisations récentes. Kirill et Maria de Radonège (canonisés en 1992), les parents de saint Serge de Radonège, sur lesquels on sait fort peu de choses, et qui, comme Piotr et Févronia, terminèrent leur vie dans la vie monastique, n’auraient sans doute fait rêver personne33. Dimitri Donskoï (canonisé en 1988) et son épouse Eudoxie ont le mérite d’avoir eu une douzaine d’enfants. Mais le rappel de la victoire de Koulikovo, remportée par le prince Dimitri, aurait ravivé la rancœur des Tatars à l’égard des Russes. Enfin l’empereur Nicolas II et sa femme Alexandra, canonisés en 2000, étaient des figures beaucoup trop marquées politiquement pour faire l’unanimité. De plus, comme on le sait, pour Poutine Nicolas II n’est pas une bonne référence puisqu’il a laissé l’Empire russe s’écrouler sous les coups des révolutions de 1917. Le caractère merveilleux de l’histoire de Piotr et Févronia l’a largement emporté.

Finalement, il se trouva des historiens pour expliquer que les princes de Mourom avaient eu des enfants, mais que ce n’était pas l’usage d’en parler dans une hagiographie34. On se mit même à produire des monuments avec un ou plusieurs enfants. Pour remédier au problème causé par le carême des saints Pierre et Paul, en 2012 le Saint-Synode établit une deuxième fête dans le calendrier liturgique, le 19 septembre (fête de la translation de leurs reliques en 1992), mais qui ne sera pas retenue par les autorités civiles. En fin de compte, le paradoxe pour une fête d’origine religieuse est que les nombreux mariages célébrés le 8 juillet le sont au ZAGS et non à l’église.

À l’occasion du Jour de la famille, de l’amour et de la fidélité, des mesures concrètes sont prises pour encourager les familles nombreuses. On a ainsi créé une médaille de « l’Amour et de la fidélité » avec les portraits de Piotr et Févronia sur une face et une marguerite sur l’autre. Reçoivent cette médaille des couples qui ont 25 ans de mariage et ont bien élevé leurs enfants pour en faire de « dignes membres de la société35 ». En Tchouvachie, comme ailleurs, est organisé un concours de « la famille qui a le mieux réussi » qui récompense une famille nombreuse. Ces familles sont sélectionnées après plusieurs épreuves, elles démontrent notamment sur scène leurs talents créatifs. Un commentateur du concours fait la louange de la famille nombreuse, ce qui pour lui va de pair avec l’amour de la patrie36. Le Jour de la famille, de l’amour et de la fidélité promeut également des actions visant à persuader des femmes enceintes de renoncer à avorter en leur proposant une aide concrète.

Les enfants, parents de demain, sont le grand espoir de la politique nataliste des autorités. Le Jour de la famille, de l’amour et de la fidélité est célébré dans les écoles.

Une version adaptée du Récit de Piotr et Févronia est incluse dans le programme scolaire des petites classes. L’enseignant a pour tâche de faire « comprendre au lecteur toute la profondeur des mots et la beauté de la spiritualité de nos ancêtres37 ». Il doit notamment donner des explications lexicales. Alors la lecture portera ses fruits :

La familiarisation avec le texte provoquera de nombreuses difficultés liées au contenu, à la forme et à la langue de ce monument littéraire ancien, mais la pratique montre qu’un travail bien organisé (des commentaires méthodologiques, linguistiques et historiques) permettent à l’enfant d’intégrer cette œuvre dans sa conscience et dans sa vie et de faire des héros du récit des exemples à imiter38.

Renforcer la civilisation russe

En promouvant la fête des saints Piotr et Févronia, il s’agissait aussi de contrer la Saint-Valentin qui, à partir des années 1990, est devenue de plus en plus populaire en Russie. Dans les milieux patriotiques, on s’en est ému, car il ne s’agissait pas d’une fête russe, de « notre fête ». Ce motif est présent à Mourom dès août 2002 où les représentants de plusieurs villes anciennes décidèrent d’interdire la Saint-Valentin39. En 2011, le gouverneur de l’oblast de Belgorod interdit la fête. Le document qu’il envoie aux fonctionnaires est présenté comme une « mesure pour préserver la sécurité spirituelle » et est béni par l’évêque de Belgorod40. Autre fête exportée, Halloween « qui cultive la mort, l’horreur, le sang41 » est, bien sûr, encore plus mal considérée que la Saint-Valentin. Certains prêtres ou parlementaires se sont prononcés pour son interdiction.

Au lieu de cela, il s’agit de construire un monde qui soit « nôtre », une image de la « Sainte Russie » qui défende les valeurs traditionnelles face à l’Occident collectif diabolisé. Parmi ces valeurs, l’hétéronormativité sexuelle est essentielle. Voici le commentaire typique d’une enseignante de la Faculté de culturologie de l’Université de Viatka :

Les monuments visités par les jeunes mariés ne font pas que rappeler les valeurs familiales, faisant ainsi obstacle aux tendances mortifères de la culture d’Europe occidentale, mais ils contribuent également à l’introduction de nouvelles traditions festives dans la Russie contemporaine42.

Le commentaire d’une autre enseignante est également typique de la croyance actuelle en la supériorité de la culture russe : « l’immense amour de Piotr et Févronia est un miracle que n’a jamais vu ni l’Occident romantique, ni l’Orient sensuel43 ».

Les sculptures de Piotr et Févronia, du prince Vladimir, d’Alexandre Nevski, rendent ce monde russe visible, ils marquent l’espace, même dans les régions ethniquement non russes. Ainsi le 4 novembre 2018, Jour de l’Unité nationale, un monument à Piotr et Févronia est inauguré à Kazan, au Tatarstan, et béni par le métropolite de Kazan et du Tatarstan. Roustam Minnikhanov, Président du Tatarstan, félicite les participants et remercie l’Association culturelle et nationale russe à l’initiative du monument :

 Ici est apparu un symbole de la famille et de la dignité. Je vous remercie sincèrement pour cette idée. Je considère que les valeurs familiales sont pour nous tous l’essentiel. Nous considérons que la famille est le fondement de n’importe quel État, et une famille forte, c’est un pays fort44.

Chaque détail doit être « nôtre ». Ainsi, pourquoi avoir choisi la marguerite comme symbole de la fête ? Quelqu’un explique que cette fleur liée aux devinettes sur l’amour est une fleur russe, « notre fleur ».

L’évolution de l’image du couple Piotr et Févronia à travers la production cinématographique

Indéniablement, Piotr et Févronia connaissent un certain succès : 74 700 résultats sur Google en russe en 2022, 1 810 000 en 2023, croissance qui semble traduire le soutien officiel accordé par Poutine. Les films, documentaires, reportages, clips ou films d’animation sur Piotr et Févronia sont innombrables, ce qui montre l’énorme potentiel du récit d’Ermolaï-Erasme, comme source d’inspiration. L’interprétation cinématographique est variée à la fois sur le plan stylistique et sur celui du contenu. Analysons comment le récit, né au XVIe siècle, a aujourd’hui évolué.

Un court film d’animation de Natalia Mikhaïlova a été produit par le GIK, l’Institut national de cinématographie (grande école de cinéma), en 2014. Il a pris le parti de dessins naïfs, dans le style des illustrations de livres pour enfants, et d’une musique de style populaire russe, avec flûte à bec et balalaïka45. Très raccourci, le récit est lu par un enfant et l’intrigue, quelque peu transformée, rend la symbolique chrétienne du récit d’Ermolaï-Erasme parfaitement explicite. Par exemple, le serpent qui prend l’allure de Pavel dupe la femme de celui-ci en lui présentant une pomme, tandis qu’un ange présente à Piotr une croix qui se transforme en épée magique. Si dans le récit d’Ermolaï-Erasme, le lièvre n’apparaît qu’une seule fois, amenant son lot de poésie et son symbolisme (dans la Russie ancienne le lièvre est « un symbole de fertilité, de richesse spirituelle, de justice46 » et peut également par ses grandes oreilles symboliser « la capacité du chrétien à entendre une voix des cieux47 »), il est ici très présent et fait le lien entre les deux époux lorsqu’ils sont chacun dans un monastère, permettant de rendre la fin plus légère et de capter l’attention des enfants. Bref, le film, conçu dans un milieu pratiquant, présente un conte russe chrétien adapté à l’attention d’un public d’enfants.

Arrêtons-nous maintenant sur la plus grosse production qui est d’une esthétique et d’une conception très classiques, et est donc décevant quand on connaît l’originalité artistique de bon nombre de dessins animés russes. Il s’agit du long métrage Le conte de Piotr et Févronia (Skaz o Petre i Fevronii) de Iouri Koulakov et Iouri Riazanov, sorti en en 2017,48 avec le soutien financier de l’État et un budget de 5 millions de dollars.

Le scénario comprend de nombreuses modifications par rapport au texte du XVIe siècle, l’intrigue est largement développée, adaptée aux enfants, des personnages supplémentaires sont inventés. Le lièvre, comme dans le film précédent, a un rôle actif ; il observe tout et aide les héros. On lui a adjoint un écureuil. De nombreux rebondissements ont été ajoutés pour en faire une histoire à la Walt Disney, mais avec une coloration russe. Le serpent est devenu un dragon qui joue un rôle central. Il apparaît dès le début du film, et Piotr le tue une première fois, mais il réapparaît sous la forme d’un sorcier. Dans le texte d’Ermolaï-Erasme, la tentation de la femme du prince Pavel perpétrée par le serpent ailé qui prend l’aspect du mari est clairement une tentation d’ordre sexuel. Le film, qui s’adresse aux enfants à partir de six ans, ne peut reprendre ce thème, mais le transforme. Le démon tentateur vise d’abord une autre passion : l’envie. La princesse qui, sous la pression de son mari, a dû refuser un magnifique collier, regrette de ne pas l’avoir obtenu. Prenant les traits du prince Pavel, le démon-sorcier le lui offre, la tenant désormais en son pouvoir. Au terme d’un duel, Piotr le tue pour la deuxième fois, grâce à l’épée d’Agrik, mais celui-ci renaît encore de ses cendres sous la forme du sorcier et tue Pavel un peu plus tard. Il a des auxiliaires parmi les proches du prince. Févronia, qui règne avec Piotr après l’avoir guéri, prépare un repas pour des ambassadeurs, mais à l’instigation d’une méchante dame, dévouée au démon, ceux-ci sont empoisonnés. La population accuse alors Févronia qui s’éloigne de Mourom avec Piotr. Pendant ce temps le démon-sorcier prend le pouvoir, soumet la population à une terrible dictature après lui avoir fait miroiter richesses et plaisirs. Il érige une idole et ferme les églises. Rappelés par le peuple, Piotr et Févronia doivent affronter le démon. Après maintes aventures, Févronia réussit à récupérer l’épée d’Agrik, seule capable de le tuer, et la transmet à Piotr. Mais l’odieux sorcier envoie un feu qui encercle Févronia et oblige Piotr à laisser tomber l’épée pour sauver son épouse. Après avoir risqué sa vie, l’amour et la foi étant plus forts que tout, Piotr triomphe du sorcier. À la fin du film les héros n’entrent pas au monastère, ne meurent pas, mais vivent éternellement, ce qui place l’histoire dans le domaine du conte et non de l’hagiographie.

Dès sa première rencontre avec le prince, Févronia apparaît comme une jeune fille mystérieuse, enjouée, supérieurement intelligente, qui répond par des dictons autres que les devinettes du récit d’Ermolaï-Erasme. Piotr est plus commun, il est montré comme un prince amoureux, mais aussi comme un héros chevalier.

Les symboles religieux de l’histoire originelle sont souvent omis au profit d’un récit banalisé, susceptible d’atteindre un public plus large. Par exemple, dans le film le prince Pierre trouve l’épée d’Agrik, non pas dans une église, mais devant une mystérieuse isba, grâce à un écureuil qu’il poursuit, puis gracie. Le film souffre d’un manque de profondeur si on le compare au texte qui l’a inspiré. Piotr et Févronia sont avant tout les héros d’une histoire d’amour qui luttent contre maints obstacles. L’amour spirituel et platonique du récit d’Ermolaï-Erasme se transforme ici en un amour de conte de fée, ce qui est accentué par la musique et les chansons mièvres qui accompagnent le film dans les séquences d’amour. La religion est bien présente, mais de façon assez conventionnelle.

D’autres films, à cheval entre le documentaire et le reportage, racontent la vie de Piotr et Févronia tout en intercalant des scènes de la vie contemporaine, soit des couples, soit des scènes de la vie au monastère où se trouvent les reliques. L’un d’eux conclue typiquement : « aujourd’hui l’histoire de l’amour éternel de Piotr et Févronia nous enseigne la sagesse. Il apparaît que dans l’agitation de la vie, il n’y a rien de plus cher que la paix et la chaleur de la famille, des enfants en bonne santé et heureux, un être proche à ses côtés49 ». Ce qui nuit certainement à la crédibilité de l’ensemble de cette production est la volonté de concilier aspects légendaires et aspects historiques au sein d’un même discours. Une telle production ne peut atteindre qu’un public peu cultivé.

Une évolution caractéristique

L’exemple de Piotr et Févronia est caractéristique de la culture poutinienne qui aime à réutiliser des symboles forts de l’histoire : victoire contre Napoléon célébrée avec faste pour le bicentenaire en 2012, victoire contre l’Allemagne nazie de 1945 omniprésente, mais aussi réappropriation de personnages emblématiques parmi lesquels les saints occupent une place de choix induisant une sacralisation de l’histoire de la patrie. Dans le cas de Piotr et Févronia, nous avons vu qu’à l’origine de ce processus on a d’abord le retour d’un culte lié à la renaissance religieuse du début des années 1990, puis la récupération de ce culte à des fins de propagande. Les saints s’en sont trouvés laïcisés et échappent en partie à l’Église, pour participer à ce que Kathy Rousselet nomme la « fabrique de la tradition »50. L’image complexe produite par la culture élitiste du XVIe siècle est remplacée par une image plus simpliste, propre à la culture de masse et à la propagande. Le Jour de la famille, l’amour et la fidélité créé artificiellement sur le terrain de la fête de Piotr et Févronia ne peut concerner toutes les couches de la population. Les élites cultivées ou les jeunes tournés vers l’Occident restent probablement à l’écart de cette célébration. Elle permet cependant de développer une rhétorique dont l’emprise sur la réalité reste à démontrer, mais qui participe à toute une idéologie étatique.

Notes

1L’auteur remercie Kathy Rousselet et Caroline Bérenger pour leur relecture attentive et leurs remarques.

2M. O. Skripil’, « Povest’ o Petre i Fevronii Muromskix v ee otnošenii k russkoj skazke », Trudy Otdela drevne-russkoj Literatury Instituta Russkoj Literatury, VII, Moscou, Leningrad, 1949, p. 132-133.

3Des modèles existaient cependant dans la littérature classique, comme la Vie des saints Xénophon, Marie et leurs fils Arcadius et Jean datant du VIe siècle.

4Cette attribution a été contestée par certains auteurs, entre autres Mikhaïl Skripil qui cite lui-même d’autres auteurs : M. O. Skripil’, art. cit., p. 132. Aujourd’hui cette attribution ne semble plus remise en cause. Le récit est accessible dans une version bilingue russe du XVIe siècle/russe moderne sur le site de l’Institut de Littérature russe (Maison Pouchkine) de l’Académie de sciences : Povest’ o Petre i Fevronii, in Sočinenija Ermolaja Erazma, BLDR, t. 9, http://lib.pushkinskijdom.ru/Default.aspx?tabid=5116. Le manuscrit est visible sur le site de la Bibliothèque nationale de Russie : https://expositions.nlr.ru/literature/drevrus/show_Manuscripts.php?i=34B0334C-8C91-4B28-8FC5-6C7DFD403A46&v=&l=19. Le récit n’a été traduit en français que partiellement par N. Stangé-Zhirova dans : Patrimoine littéraire européen, vol. 7 : Établissement des genres et retour du tragique 1515-1616, Jean-Claude Polet (ed.), De Boeck-Université, Bruxelles, 1995, p. 263-268. Les citations que nous faisons proviennent soit de la traduction en français, soit sont faites à partir du texte russe dans la référence ci-dessus.

5Pamjatniki literatury Drevnej Rusi, t. 6, konec XV-pervaja polovina XVI veka, Xud. Lit., 1984, Moscou, p. 652-663. Cité par Léonid Heller, Niqueux Michel, Histoire de l’utopie en Russie, Paris, Puf, écriture, 1995, p. 26.

6N.K. Gudzij, Xrestomatija po drevnej russkoj literature, Moscou, Prosveščenie, 8e édition, 1973, p. 240.

7O.V. Gladkova, « K voprosu ob istočnikax i simvoličeskom podtekste « Povesti ot žitija Petra i Fevroni » Ermolaja-Erazma », Germenevtika drevnerusskoj literatury, vol. XIII, ed. D.S. Mendeleev, Moscou, Znak, 2008, p. 542.

8G.P. Fedotov, Svjatye Drevnej Rusi, New York, izd. Russkogo pravoslavnogo bogoslovskogo Fonda, 1960, p. 227.

9Sur les ressemblances entre le récit sur Févronia et ses prototypes dans les contes et le folklore, voir : M.O. Skripil’, art. cit., p. 143-160.

10Mélanie Kedroff, Le commun des mortelles à la périphérie de la sainteté : les figures féminines de second plan dans l’hagiographie vieux-russe, Mémoire de Master II, Sorbonne Université, manuscrit dactylographié, 2023, p. 121.

11Lise Gruel-Apert, De la paysanne à la tsarine : la Russie traditionnelle côté femmes, Paris, IMAGO, 2007, p. 159.

12Natal’ja Alekseevna Malkova, Ženskij religiozno-nravstvennyj ideal v kul’ture drevnej Rusi, Saint-Petersbourg, thèse dactyl., 2010, p. 111.

13Žitija svjatyx na russkom jazyke, izložennye po rukovodstvu Čet’ix-Minej sv. Dimitrija Rostovskogo (reprint), Kiev, Svjato-Uspenskaja Kievo-Pečerskaja Lavra, 2004, t. X, mesjac ijun’, p. 564. En ligne : https://ru.wikisource.org/wiki/Жития_святх_по_изложению_свт._Димитрия_Ростовского/Июнь/25, consulté le 28 octobre 2023.

14https://www.gazeta.ru/lifestyle/style/2019/07/a_12486283.shtml?updated, consulté le 31 octobre 2023.

15https://azbyka.ru/days/p-istoricheskie-svedenija-i-tradicii-pochitanija-svjatyh-petra-i-fevronii-v-murome, consulté le 26 juin 2024.

16N.K. Gudzij, Xrestomatija… op.cit., p. 240-247.

17https://rg.ru/2019/07/21/moshcham-petra-i-fevronii-poklonilos-bolee-75-tysiach-chelovek.html, consulté le 28 octobre 2023.

18M.P. Solnicyna, « Skul’pturnye pamjatniki Petru i Fevronii kak faktory kul’tury sovremennoj Rossii », Aktual’nye voprosy sovremennoj nauki i obrazovanija, vyp. 15, t. 1, Kirov, MFJU.A, 2016, p. 241.

19Tobias Köllner, Religion and Politics in Contemporary Russia : Beyond the Binary of Power and Authority, London-New York, Routledge, 2021, p. 165.

20https://ria.ru/20130708/947666519.html, consulté le 1er novembre 2023.

21https://www.youtube.com/watch?v=IK3E-i-VqAg, consulté le 1er novembre 2023.

22Oukase du Président de la Fédération de Russie du 28 juin 2022.

23Voir par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=LYvILNTensU, consulté le 1er novembre 2023.

24http://www.vkrugu7i.ru/project/skulpturi, consulté le 4 décembre 2022.

25http://kremlin.ru/events/president/news/54464, consulté le 31 octobre 2023.

26http://www.dubrovin-art.ru/saratovskaya-oblast/20-projects/159-id006, consulté le 1er novembre 2023.

27http://historyntagil.ru/culture/10_p_009.htm, consulté le 1er novembre 2023.

28https://journal.tinkoff.ru/stat-monuments/, consulté le 14 novembre 2023.

29https://www.planeta-zakona.ru/blog/razvod-v-tsifrakh-statistika-razvodov-v-rossii.html/, consulté le 7 décembre 2022.

30On peut toutefois noter une différence concernant l’appréciation de la GPA. Celle-ci est complètement rejetée par l’Église orthodoxe, alors qu’elle est autorisée par l’État et considérée comme une solution par certains hommes politiques.

31Diana Duxanova, « Petr i Fevronija v Den’ sem’i, ljubvi i vernosti : pronatalism i nestabil’nyj gendernyj porjadok v sovremennoj Rossii », Gosudarstvo, religija, cerkov’ v Rossii i za rubežom, 2018, n° 2, p. 196. En ligne : https://religion.ranepa.ru/upload/iblock/cf4/GRC_2-2018_Final-195-221.pdf, consulté le 13 novembre 2023.

32Voir par exemple le commentaire de l’higoumène Tavifa, supérieure du monastère où sont conservées les reliques des saints : Petr i Fevronija. Istorija Večnoj Ljubvi, https://www.pravmir.ru/zhitie-petra-i-fevronii-muromskix/ ou ces conseils typiques du père Sergueï Filimonov, https://azbyka.ru/semya/roli-muzha-i-zheny-v-pravoslavnoj-seme/ Consultés le 13 novembre 2023.

33Notons cependant l’existence d’un monument à Serguiev Possad très proche de ceux dédiés à Piotr et Févronia. Il représente Kirill et Maria, ainsi que leurs trois enfants, dont un, très jeune, dans les bras de son père.

34https://www.youtube.com/watch?v=lF3urhLNC8k.

35https://ru.wikipedia.org/wiki/День_семьи,_любви_и_верности, consulté le 16 octobre 2019.

36« V Čeboksarax startoval final konkursa “Uspešnaja sem’ja 2023 », https://www.youtube.com/watch?v=vm-1EcQbklg, consulté le 13 novembre 2023.

37Julija Al’bertovna Kisileva, Ljudmila Viktorovna Staryx, « Obrazy svjatyx Petra i Fevronii Muromskix v formirovanii nravstvennyx cennostej u podrastajuščego pokolenija », Obrazovanie i nauka v sovremennyx uslovijax, 2016, en ligne : https://interactive-plus.ru/e-articles/207/Action207-17709.pdf , p. 4

38Ibid.

39Diana Duxanova, art. cit., p. 198.

40https://www.rbc.ru/society/03/02/2011/5703e30d9a79473c0df19e76, consulté le 3 décembre 2022.

41https://m.business-gazeta.ru/news/569401, consulté le 27 novembre 2022.

42M.P. Solnicyna, art. cit., p. 245.

43Julija Al’bertovna Kisileva, Ljudmila Viktorovna Staryx, art. cit., p. 7.

44http://www.patriarchia.ru/db/text/5297279.html, consulté le 3 décembre 2022.

45https://foma.ru/skazanie-o-petre-i-fevronii.html, consulté le 13 novembre 2023.

46M.O. Skripil’, art. cit., p. 159.

47A.N. Užankov cité par O.V. Gladkova, art. cit., p. 546.

48Visible avec des sous-titres en français sur : https://www.kinoglaz.fr/index.php?page=fiche_film&num=9678&lang=fr, consulté le 13 novembre 2023.

49https://www.pravmir.ru/zhitie-petra-i-fevronii-muromskix/, consulté le 3 décembre 2022.

50Kathy Rousselet, La Sainte Russie contre l’Occident, Paris, Salvator, 2022, p. 56.

Pour citer ce document

Irène Semenoff-Tian-Chansky-Baïdine1 , « Le culte de Piotr et Févronia de Mourom (XIIIe siècle) sous Ivan le Terrible et sous Poutine », Histoire culturelle de l'Europe [En ligne], n° 6, « Figures mythiques dans les cultures contemporaines : récits du passé et réinterprétations », 2024, URL : https://mrsh.unicaen.fr/hce/index.php_id_2492.html

Quelques mots à propos de : Irène Semenoff-Tian-Chansky-Baïdine

Docteur de l’Institut d’Études Politiques de Paris, Irène Semenoff-Tian-Chansky-Baïdine a publié sa thèse sous le titre Le pinceau, la faucille et le marteau (Institut d’Études Slaves, 1993). Elle s’est ensuite intéressée aux problèmes religieux en Russie : Témoins de la Lumière (Le Cerf, 1999), Printemps de la foi en Russie (Saint-Paul, 2000). Elle a dirigé le recueil L’Orthodoxie russe : une tradition à l’épreuve de la modernité (Nouveaux Cahiers du CETh, n°5, juillet 2008). Elle a organisé plusieurs journées d’études consacrées aux « Figures de saints réactualisées dans les figures contemporaines ». Ses publications abordent également l’histoire et la société russes.