Les images d'un prince et saint russe de légende : Alexandre Nevski dans le film éponyme de Sergueï Eisenstein (1938)
Résumé
Alors que les bolchéviks ont interdit toute référence au prince Alexandre Nevski au
lendemain de la Révolution d’Octobre, les autorités soviétiques décident de réhabiliter
le personnage historique en 1936-1937 dans le but de servir non seulement la propagande
antifasciste, mais aussi le culte de la personnalité de Staline. C’est ainsi que l’État
soviétique charge le cinéaste Sergueï Eisenstein de réaliser un film en ce sens, qui
sortira en 1938 sous le titre d’Alexandre Nevski.
L’étude du changement de regard du régime soviétique sur Alexandre Nevski et l’analyse
de l’image du prince de Novgorod dans le long-métrage permettront de noter certaines
contradictions en matière de religion et de souligner la transformation d’Alexandre Nevski en icône et idole, toujours d’actualité de nos jours.
Abstract
Whereas the Bolsheviks conceal any references to Prince Alexander Nevsky after the
Russian Revolution, the Soviet authorities decided to re-establish this historical
figure in 1936-1937 in order to serve not only the antifascist propaganda, but also
Stalin’s cult. So the Soviet Union commissioned the film director Sergei Eisenstein
to realize a film, which the spectators were able to see in 1938 under the name of
Alexander Nevsky.
The study on the change of the Soviet regime’s position opinion about Alexander Nevsky
and the analysis of the perception of the Prince of Novgorod in the film will reveal
several contradictions in the field of religion and emphasize Alexander Nevsky’s transformation
into an icon and idol, which is still relevant today.
Table des matières
Texte intégral
Né au XIIIe siècle1 à Pereslavl-Zalesski et mort le 14 novembre 1263 à Gorodets, le prince de Novgorod Alexandre Iaroslavitch Nevski est considéré comme le « prince idéal »2 en raison de sa clairvoyance politique vis-à-vis de l’invasion mongole et de ses nombreux exploits militaires. Parmi ses grandes victoires figurent celle sur les Suédois lors de la bataille de la Neva le 15 juillet 1240 et celle contre les Chevaliers teutoniques pendant la bataille du lac Peïpous le 5 avril 1242 à propos de laquelle le cinéaste Sergueï Eisenstein tournera un film en 1938.
Devenu grand prince de la Russie en 1252, Nevski se soumet aux Mongols afin de préserver la principauté de Novgorod ainsi que plusieurs autres territoires russes. Cette abnégation lui vaut d’être canonisé par l’Église orthodoxe le 26 février 1547 et de devenir ainsi « l’une des icônes les plus populaires »3 de Russie jusqu’à la Révolution d’Octobre.
Les communistes et Alexandre Nevski
Comme le souligne le professeur Frithjof Benjamin Schenk dans son ouvrage consacré à l’évolution de la figure d’Alexandre Nevski à travers les siècles, celui-ci se voit condamné pour trois raisons dès la prise de pouvoir par les bolchéviks en 1917 :
De son vivant, Alexandre fut un prince et un seigneur et, par conséquent, un oppresseur et un exploiteur de la “classe ouvrière et paysanne” […]. Après sa mort, il fut canonisé par le clergé orthodoxe et était, par conséquent, l’objet du culte sévèrement condamné des Saints et des reliques de l’Église orthodoxe. Enfin, il fut soupçonné d’avoir servi le chauvinisme impérial de la Grande Russie en tant que figure héroïque nationale russe et que symbole. Le combat des bolchéviks contre Alexandre Nevski fut donc mené de trois côtés : sur le “front historique” de la lutte des classes, dans le cadre de la propagande anticléricale et antireligieuse et dans le contexte des persécutions envers le nationalisme grand-russe4.
Nombre de mesures sont alors prises à l’encontre de Nevski qui symbolise « l’ancien ordre5 ». C’est ainsi que la première victime des persécutions bolchéviques fut la tombe du Saint, contenant ses reliques et se trouvant à la laure de la Sainte-Trinité-Alexandre-Nevski à Saint-Pétersbourg : « [Les soviets] voulaient ouvrir le cercueil d’Alexandre et montrer au public qu’aucune “relique” n’existait et que l’Église avait trompé le peuple des siècles durant avec une châsse vide6 ».
Malgré leurs multiples tentatives, les bolchéviks se heurtent à la résistance des religieux du monastère et parviennent à leurs fins seulement le 12 mai 1922 après avoir modifié leur stratégie, consistant non plus à dénigrer directement le Saint, mais à insister sur la nécessité de confisquer ses trésors à l’Église orthodoxe afin d’accéder à de nouveaux moyens de financement pour lutter contre la grande famine consécutive à la guerre civile. L’ouverture de la châsse d’Alexandre Iaroslavitch, constituée d’argent pur, est décrite comme suit :
Dans la petite châsse en bois fermée par un couvercle en verre se trouvaient, à côté de sept vieux os colorés d’une teinte sombre d’un squelette humain, un habit monacal noir, une enveloppe contenant des fragments d’os et un document signé par le métropolite, attestant que la châsse avait été ouverte pour la dernière fois le 24 juillet 1917 dans le cadre des préparatifs destinés à l’évacuation de Petrograd face aux Allemands7.
Bien que les reliques soient ridiculisées par les journaux de l’époque, le culte de Nevski ne s’arrête pas pour autant. Par exemple, les icônes à son effigie restent dans les lieux de prière, même si ceux-ci sont condamnés par le régime soviétique ; une messe en son souvenir est prononcée les jours de sa fête, que sont les 30 août et 23 novembre ; les parents continuent de prénommer leurs enfants Alexandre8. Dans le même ordre d’idées, l’écrivain et historien russe Nikolaï Klepinine, alors en exil à Paris, publie un travail sur Alexandre Nevski en 1927, intitulé Svjatoj i blagovernyj velikij knjaz’ Aleksandr Nevskij9 (Le saint et noble grand prince Alexandre Nevski) pendant que « le groupe [émigré] des Eurasiens […] fêtaient le Saint en tant qu’homme providentiel de l’histoire russe en raison de sa sage politique vis-à-vis des Mongols10 ».
Néanmoins, les autorités soviétiques changent de discours à partir de 1934 en plaçant « l’État, l’individu et le peuple (russe)11 » au centre de leurs nouveaux propos : « Une histoire patriotique pleine de faits, d’événements et de personnes à écrire de façon nouvelle devait à présent prendre une place permanente dans l’idéologie du “patriotisme soviétique” et accroître l’amour de la patrie et du commandement politique dans la population12 ». Nevski peut alors réapparaître en tant que « figure héroïque militaire13 » après avoir été officiellement réhabilité en 1936-1937 à la suite de la prise de pouvoir par le parti national-socialiste en Allemagne, que le pouvoir soviétique a la ferme intention de contrer par le biais d’une forte propagande antifasciste14.
C’est dans ce contexte que l’État soviétique charge le cinéaste Sergueï Eisenstein de concevoir un film en ce sens, « mais dans des conditions telles que sa marge de liberté personnelle se trouve réduite au minimum. On lui impose [en effet] le sujet, un sujet historique et patriotique en rapport avec la montée du péril hitlérien : la défaite infligée au XIIIe siècle par le prince Alexandre Nevski et le peuple russe aux chevaliers teutons15 ». Il est important de noter ici que le long-métrage servira aussi à réhabiliter le réalisateur lui-même16, qui a connu bien des déboires à la sortie du film Le Pré de Béjine (Bežin lug) (1937) lorsque Boris Choumiatski, alors à la tête du Soyouzkino (l’administration centrale dédiée au contrôle de l’industrie cinématographique), lui reproche de recourir à de trop nombreuses images bibliques au détriment des représentations socialistes17. Ce blâme se révèle d’autant plus sévère qu’Eisenstein « dans ses précédents travaux a souvent montré une relation plutôt négative envers les affaires chrétiennes, la religion et la spiritualité18 ».
Après avoir été missionné par l’État, Eisenstein, qui « s’astreint […] à une autonomie vigilante19 », entreprend des recherches historiques sur le prince de Novgorod que « tous connaissaient […] dans les manuels scolaires, […] au sujet duquel beaucoup avaient lu ou regardaient des émissions de vulgarisation scientifique et dont l’hagiographie avait été lue ou écoutée par de nombreux chrétiens orthodoxes20 ». Après avoir remanié la trame des scènes du film avec son coscénariste Piotr Pavlenko, « dont le professionnalisme et l’idéologie avérée de son œuvre ne faisait aucun doute21 », Eisenstein choisit le titre définitif d’Alexandre Nevski pour son long-métrage qui devait s’appeler initialement Sa Seigneurie Novgorod-la-Grande ou encore Rous22, en référence à la naissance de la Russie. La musique, dont la partition de 1938 a été adaptée en une cantate en sept parties en 1939, est composée par Sergueï Prokofiev et les chants le sont par Vladimir Lougovski23. Nikolaï Tcherkassov, « membre du Soviet suprême de l’U.R.S.S., connu pour ses compositions dans de nombreux films à caractère de propagande24 », et qui interprétera plus tard le rôle d’Ivan le Terrible, joue le rôle principal.
Bien qu’Eisenstein explique que « le personnage central du film devait représenter une figure épique, quelque peu commune et privée de son “caractère humain expressif”25 », il n’en concentre pas moins son attention sur deux grandes représentations d’Alexandre Nevski – celle du patriarche guerrier et celle du saint père –, qui transforment le personnage en véritable icône salvatrice alors même que l’Union soviétique prônait une politique athée et anticléricale et qu’Eisenstein déclarait : « Je veux retirer à Alexandre son “visage saint” que les historiens bourgeois lui ont tout le temps attribué en le dépeignant comme un martyr26 ».
Le chef militaire
L’image du chef de guerre intervient dès le premier épisode du film, intitulé « Le lac de Plechtcheevo » (« Pleščeevo ozero »). Bien que le spectateur ne voie pas aussitôt le prince Alexandre Iaroslavitch, il entend le premier chant de la cantate, le Chant sur Alexandre Nevski (Pesn’ ob Aleksandre Nevskom), qui évoque la victoire sur la Suède et permet de mentionner indirectement les exploits militaires du personnage historique :
Et cela s’est passé sur le fleuve Neva,
Sur le fleuve Neva, sur la grande eau,
Nous y avons abattu de vilaines armées,
De vilaines armées, des troupes suédoises.
Ah, comme nous nous sommes battus, comme nous les avons abattus !
Ah, nous avons abattu leurs navires pour en faire de petites planches.
Nous n’avons pas regretté de verser notre sang
Pour notre grande terre russe27.
Le triomphe d’Alexandre Iaroslavitch sur la Neva est confirmé dans les réponses du « seigneur de ces lieux, le prince Alexandre »28 au chef mongol qui lui pose les deux questions suivantes : 1. « Ton surnom est bien Nevski ? »29 ; 2. « C’est toi qui as battu les Suédois ?30 ». Ce bref dialogue s’achève sur la reprise du Chant sur Alexandre Nevski :
Nous ne céderons pas notre terre russe.
Celui qui viendra en Russie, sera battu à mort !
Lève-toi, Russie, сontre l’ennemi ;
Monte au combat, glorieuse Novgorod !31
Les paroles de la cantate sont accompagnées des mots significatifs de Nevski à propos du danger allemand, incarné par les Chevaliers teutoniques : « Il existe un ennemi plus dangereux que le Tatar. Plus proche, plus méchant. Tu ne peux pas l’acheter. L’Allemand !32 ». Lors de ces différents moments, Alexandre Iaroslavitch se tient le plus souvent les bras croisés ou les mains sur les hanches, ce qui souligne sa détermination de guerrier prêt à lutter.
La construction de ce portrait de combattant intègre se poursuit dans le deuxième épisode, nommé « Sa Seigneurie Novgorod-la-Grande » (« Gospodin Veliki’ Novgorod »). Même si Nevski n’est pas physiquement présent dans les cadres de montage, il n’en est pas moins plébiscité par la majeure partie des habitants de Novgorod lorsqu’Ignat, le maître armurier, propose d’appeler Alexandre Iaroslavitch après que la ville de Pskov est tombée dans les mains de l’ennemi allemand. Se trouvant dans la nécessité de défendre leur ville, Domache, un boyard de Novgorod, soutient cette idée en déclarant que le peuple a besoin d’« une main plus forte et une tête plus claire. Et d’une réputation connue de tout le monde, et connue aussi de l’ennemi33 ». Il ajoute : « Il faut un chef […]. Le prince Alexandre Iaroslavitch !34 ». Le boyard Gavrilo Olexitch, l’un des protagonistes de la bataille de la Neva, se rallie à cette idée. Ce premier appel à Nevski trouve un écho dans le troisième épisode, titré « Pskov » et la supplication de Pavcha, le voïvode de Pskov, qui, avant de mourir sur le bûcher dressé par les Chevaliers teutoniques, demande à ce que l’on envoie chercher Nevski : « Allez à Péréiaslavl. Appelez Alexandre ! La ville morte de Pskov t’appelle, Alexandre !35 ».
À la suite de ces deux prières, il n’est pas surprenant que le quatrième épisode, désigné par le nom de « Péréiaslavl », soit consacré à la transformation effective de Nevski en chef de guerre, constituée de deux étapes. La première montre le seul personnage d’Alexandre Iaroslavitch en proie à la tourmente et perdu dans ses réflexions ainsi que son indécision à venir au secours de Novgorod – qui l’a rejeté à Péréiaslavl où il est né –, ce qui transparaît dans ses mouvements continus et son passage d’un endroit à l’autre de sa maison. Son calme apparent cède ensuite la place à une grande colère, symbolisée par le filet de pêche qu’il déchire et qui illustre son changement de statut : après avoir défendu ses activités de construction, de pêche et de commerce auprès du chef mongol en tant que prince, il (re)devient un chef de guerre. Cette métamorphose permet d’introduire la seconde partie de l’épisode, dédiée à la visite des messagers de Novgorod, incluant Gavrilo Olexitch, lesquels rapportent les derniers mots de Pavcha à Nevski. Une fois que les représentants lui ont annoncé la prise de Pskov et demandé d’épouser la cause de Novgorod, Alexandre Iaroslavitch répond : « C’est contre l’outrage fait à la terre russe que je me dresse36 ». Il souligne ainsi son patriotisme, de même que ses qualités de belligérant en ajoutant : « Défendre ? Je ne sais pas me défendre. C’est nous-mêmes qui les battrons. Nous n’en épargnerons aucun37 ».
C’est dans cet esprit empreint de fermeté que Nevski arrive à Novgorod dans le cinquième épisode, intitulé « Novgorod ». Acclamé par la foule, il fait fi de l’hostilité des marchands et des traîtres, figurés par Anani, un moine, et Tverdilo, en se présentant comme un « chef militaire38 ». Vêtu d’un costume et d’une coiffe, évoquant la fresque Svjatoj Blagovernyj knjaz’ Aleksandr Nevskij39 (Le saint et noble prince Alexandre Nevski), réalisée par Simon Ouchakov entre 1652 et 1666 au sein de la cathédrale de l’Archange-Saint-Michel, il prononce le discours suivant :
Le Mongol est tapi dans la Rous de la Volga à Novgorod. Les Allemands avancent de l’Ouest. La Rous est prise entre deux feux. Tu es restée seule, Novgorod. Lève-toi pour ta patrie, lève-toi pour ta mère ! Lève-toi pour les villes russes, pour Kiev, Vladimir, Riazan ! Pour les champs, forêts et rivières natals, pour notre grand peuple40 !
Ses paroles vantent l’histoire et les symboles de la Russie dans le but de réunir le peuple. Subséquemment, Alexandre Iaroslavitch conduit son armée au combat. Contrairement aux événements historiques réels, il est intéressant de noter ici qu’Eisenstein et Pavlenko omettent la campagne de 1241, qui permet à Nevski de reprendre Pskov et Koporie, et passent directement à la bataille de Peïpous (lac des Tchoudes) et à la préparation de cette dernière au printemps 124241. Ce procédé accentue la facilité avec laquelle les Russes battent les Chevaliers teutoniques, de même que les qualités de stratège de Nevski. Pour mettre au point sa tactique, celui-ci s’inspire de la plaisanterie grivoise d’Ignat qui raconte la manière dont une renarde se retrouve prise au piège entre deux bouleaux par un lièvre qui souhaite la déflorer, donc la violer42. Cela donne l’idée à Alexandre Iaroslavitch d’« effectuer une manœuvre d’enveloppement avec une partie de ses troupes, et de tomber sur le flanc de l’ennemi43 ». La décision de Nevski ne supporte ni les craintes ni les hésitations de ses seconds, Gavrilo Olexitch et Vassili Bouslaï, dont le personnage a été emprunté au héros d’une byline de Novgorod.
C’est cette stratégie que Nevski met en œuvre dans les sixième et septième épisodes, appelés « Lac des Tchoudes » (« Čudskoe ozero ») et « 5 avril 1242 » (« 5 aprelja 1242 »), dont l’objectif ultime semble être la volonté de vaincre l’ennemi allemand sur le territoire russe, comme il le promet solennellement à Domache, tué par les Chevaliers teutoniques : « Je ne laisserai pas ces chiens entrer sur la terre russe44 ». Lors de la bataille de Peïpous, Nevski apparaît au premier plan, ce qui souligne sa qualité de chef militaire et signale que son armée attaquera les Chevaliers teutoniques de front tandis que les deux armées latérales seront conduites par Gavrilo Olexitch, présenté au deuxième plan, et Vassili Bouslaï, à l’arrière-plan. Afin de lancer l’assaut, Alexandre Iaroslavitch, entouré de ses soldats, crie deux fois : « Pour la Rous !45 ». Ce faisant, il place son épée vers l’avant, adoptant la même position que sur la miniature du XVIe siècle Svjatoj Aleksandr Nevskij v bitve na Čudskom ozere46 (Saint Alexandre Nevski lors de la bataille du lac Peïpous), présente dans le recueil d’annales Chronique illustrée d'Ivan le Terrible, où l’on voit également les troupes autour de leur chef. À l’issue de nombreux combats, Nevski défie le grand maître de l’Ordre teutonique qu’il défie, après avoir prononcé « Le grand maître est pour moi47 », et vainc en le faisant choir de son cheval. À la suite de sa victoire, il ordonne aux soldats de poursuivre les Allemands en vue de les noyer dans le lac gelé après que ce dernier s’est fissuré sous le poids des armures teutoniques. Il réapparaît alors de profil en gros plan, range son épée et relève son casque avant de rendre hommage aux morts pour la Russie, honorés dans le sixième chant de la cantate, intitulé Le champ des morts (Pole mërtvyx).
La représentation de Nevski en chef de guerre s’achève sur le final de la cantate L’entrée d’Alexandre Nevski dans Pskov (V’’ezd Aleksandra vo Pskov) par l’intermédiaire de laquelle la foule salue Alexandre Iaroslavitch qui ôte son casque et se tient droit sur son cheval. Cette dernière posture parfait le portrait d’un « chef charismatique48 » idéalisé49, résolu à sauver sa patrie et en qui l’on peut reconnaître Staline, lequel, en utilisant le film à des fins belliqueuses, « allait […] parachever sa ressemblance avec Alexandre Nevski en ressu[s]citant l’Ordre de ce nom, ordre religieux aboli en 1917, devenu en 1942 un Ordre militaire destiné à récompenser les officiers héroïques50 ».
Le père prêcheur
Cependant, et bien que cette image reste fondamentale du fait de la bataille et de la libération de la terre russe, Nevski ne se distingue pas seulement par ses qualités de chef militaire, mais revêt également les traits de père de la nation51, ce qui rappelle l’un des surnoms de Staline : « père des peuples52 », mais pas seulement puisqu’il se réfère aussi à la « communion sacrée53 » à la tête de laquelle se trouve la Trinité. Cette image correspond d’ailleurs au tout premier contact du spectateur avec Alexandre Iaroslavitch, « prince pacifique qui règne sur un peuple de pêcheurs54 », qui, gêné par le bruit causé par une altercation entre les Russes et les Mongols, s’exclame depuis le lac Plechtcheïevo : « Pourquoi criez-vous ? Vous allez faire fuir le poisson !55 ». Puis il ordonne aux représentants des deux camps d’arrêter de se disputer, ce qui provoque le silence immédiat des Mongols et des Russe que Nevski gronde, tel un père de famille : « Cessez de vous batailler !56 ». Nevski adopte cette même attitude paternelle envers ses deux jeunes compagnons, Savka et Mikhalka, qui déclarent leur volonté de se battre contre les Chevaliers teutoniques pendant qu’ils fabriquent un filet de pêcheur. Alexandre, qui se repose au même moment chez lui sur sa couche, leur commande de se taire et se mettre au lit. Les deux jeunes gens obéissent aussitôt.
Ces deux exemples de père autoritaire cèdent la place à un modèle de père attentif au bien et au bonheur de ses enfants à la fin du film lorsqu’il prend les enfants dans ses bras57 et lorsqu’Olga, qui hésite entre Gavrilo Olexitch et Vassili Bouslaï dès le début du film et promet de choisir le plus valeureux, demande à Alexandre Iaroslavitch de l’aider dans sa décision au retour de la bataille de Peïpous. Même s’il se contente de sourire et de laisser la parole à Vassili en faveur de Gavrilo, Nevski donne sa bénédiction à Olga et Gavrilo, tel le Christ : « Ainsi soit-il !58 ».
En sa qualité de père, Nevski assume également le rôle de défenseur de la morale, et plus particulièrement de l’idéal patriotique, consistant ici à rester fidèle à la Russie. Cette position se manifeste au commencement du film lorsqu’Alexandre Iaroslavitch décline l’offre du chef Mongol, qui encourage Nevski à lutter aux côtés de la Horde d’Or : « Il vaut mieux mourir que quitter la terre natale59 ». Sa pensée moralisatrice atteint son paroxysme à la fin du long-métrage lors d’un premier discours portant sur le prestige de la lutte :
Tous crient et crient. Mais pas une seule pensée sur la mission, Messieurs de Pskov et de Novgorod ! Oh, je vous aurais battus, je vous aurais roué de coups si vous aviez failli pendant le massacre de glace. La Rous ne vous aurait pas pardonné et ne nous aurait pas non plus pardonné notre manque de virilité. Souvenez-vous-en ! Expliquez-le à vos enfants et petits-enfants ! Si vous l’oubliez, vous deviendrez des seconds judas, des judas de la terre russe. Je tiendrai parole. En cas de malheur, je soulèverai toute la Rous. Si vous restez à l’écart, vous serez battus sans pitié. Je serai vivant. C’est moi-même qui vous battrai, et si je meurs, je l’inculquerai à mes enfants60.
La violence des mots d’un père sévère, voire impitoyable vis-à-vis des hommes qui ne respecteraient pas ses idées, annonce le jugement des ennemis de la Russie. Tandis que les soldats allemands, qui ont été enrôlés de force dans le combat, sont laissés en liberté, les Chevaliers teutoniques, dont le grand maître, sont échangés contre du savon. Quant aux traîtres russes, Tverdilo et le moine Anani, ils se font lyncher par la foule qui ne leur accorde aucun pardon, ce qui préfigure le traitement réservé par Staline aux « traîtres » dans la Grande guerre patriotique.
Bien que la fête succède au châtiment, Nevski interrompt les réjouissances pour prononcer un discours final sur la loi de la terre russe : « Allez et dites à tous dans les contrées étrangères que la Russie est vivante ! Qu’ils viennent nous voir sans peur ! Mais celui qui viendra chez nous avec une épée périra par l’épée. Telle est et sera la loi de la terre russe !61 ». Ces paroles ultimes rappellent en partie les paroles de l’évangéliste Matthieu, lesquelles, selon Schenk, se rapprochent fortement des mots d’Alexandre Iaroslavitch62:
Ainsi, allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Alors, Jésus lui dit : Remets ton épée en son lieu ; car tous ceux qui auront pris l’épée, périront par l’épée (Matthieu, 26-52)63.
Ce dernier procédé permet de parachever la transformation d’Alexandre Nevski en Sauveur et, par là même, en successeur du Christ, préfiguré par une suite de cadres, dont ceux où Alexandre Iaroslavitch bénit les enfants, ou boit au calice comme Jésus ou bien encore, et surtout, se substitue, dans le dernier épisode, aux icônes et aux popes de l’église de Pskov pour répandre la sainte parole. Lors de cette commutation, Nevski ressemble au Saint représenté sur l’icône Svjatoj Blagovernyj knjaz’ Aleksandr Nevskij s dejanijami64 (Le saint et noble prince Alexandre Nevski et ses actes), peinte au début du XVIIe siècle dans l’actuelle cathédrale Basile-le-Bienheureux. Néanmoins, bien que le mouvement adopté par le vainqueur de la bataille du lac Peïpous soit identique à celui de l’icône, il semblerait qu’Eisenstein dépasse la comparaison du saint à Jésus-Christ en créant une nouvelle icône à la tête nue, c’est-à-dire sans casque ni autre couvre-chef. Celle-ci, de notre point de vue, pourrait être entendue comme une nouvelle icône de la Trinité qui, contrairement à l’icône de Novgorod de la fin du XIVe siècle, nommée Otečestvo s izbrannymi svjatymi65 (La Patrie et ses saints élus) et figurant Dieu, le Christ et le Saint-Esprit sous leur forme réelle, est représentée par une seule et même figure sainte : celle d’Alexandre Nevski, à la fois chef, père et dévot.
Ainsi, bien qu’Eisenstein ne soit pas autorisé à recourir à des éléments bibliques, il ne semble pas moins recourir à une partie de l’iconographie dédiée à saint Alexandre Nevski66 pour son film qui a pu tromper la censure en confondant le personnage de Nevski avec celui de Staline. Pourtant, l’analyse de la dimension iconique d’Alexandre Iaroslavitch nous amène à penser que le cinéaste inscrit son œuvre dans la tradition russe de la peinture d’icônes qui, comme le souligne Nikodim Kondakov, revêtent une « signification spirituelle67 ».
Qui plus est, nous pouvons penser qu’Eisenstein utilise également un autre usage russe, consistant à mettre en avant le caractère protecteur – voire belliqueux – des figures saintes, dont la plus utilisée est celle de la Vierge Marie, en temps de guerre dans le but de remonter le moral des troupes et des peuples68 et de montrer la supériorité de la Russie sur le reste du monde. Saint Alexandre Nevski ne déroge pas à la règle, ce qui apparaît non seulement dans des écrits, dont, par exemple, son hagiographie incluant les miracles qu’il a produits69 où le discours tenu aux soldats à son sujet70, mais aussi le long-métrage d’Eisenstein, lequel réinvente la légende d’Alexandre Iaroslavitch en le transformant non pas en saint, mais en Dieu qui domine les hommes.
L’utilité actuelle du film
Pour finir, nous nous intéresserons à l’actualité du film Alexandre Nevski d’Eisenstein qui, au regard des publications du XXIe siècle, éveille toujours autant l’attention des chercheurs, lesquels continuent de lui consacrer, soit des ouvrages entiers ou partiels71, soit des articles72. Face à cet intérêt indéfectible, il ne paraît pas surprenant que les Russes continuent de célébrer l’anniversaire de la sortie du long-métrage mis à l’honneur en 2018, pour ses 80 ans73, et en 2023, pour ses 85 ans, à l’occasion desquels, le 5 avril 2023, l’Institut national de la cinématographie (VGIK) a organisé une table ronde sur le film dans le contexte de l’art, de la politique et de la connaissance historique74. En outre, en mai 2023, la médiathèque cinématographique de Crimée a proposé une rétrospective, incluant un cours sur la création du film à l’intention des élèves du cycle secondaire75.
Par ailleurs, sur le plan étatique, la popularité de la figure d’Alexandre Iaroslavitch Nevski et du film d’Eisenstein sert encore la politique de propagande actuelle menée en Russie. L’illustre réplique du film « Celui qui viendra chez nous avec une épée périra par l’épée76 » fait ainsi partie intégrante du discours politique de Vladimir Poutine qui l’a prononcée lors d’une interview en mars 2020 à l’occasion du 75e anniversaire de la victoire des Soviétiques pendant la Grande Guerre patriotique et de l’éventualité d’une nouvelle guerre mondiale77. De même, le 21 septembre 2022, le président russe a assisté à la commémoration de la naissance de Novgorod, dont Nevski était le prince et où les habitants peuvent voir ou revoir le film d’Eisenstein et écouter Le Chant sur Alexandre Nevski de Sergueï Prokofiev78. D’autre part, le 15 juin 2023, au moment de l’ouverture du forum économique international à Saint-Pétersbourg, l’actuel gouverneur de Saint-Pétersbourg, Alexandre Beglov, après avoir vanté les mérites du président russe, qui poursuit l’œuvre de Pierre le Grand, a recouru lui aussi à l’une des paroles énoncées par Alexandre Nevski dans le film : « Allez et dites à tous dans les contrées étrangères que la Russie est vivante !79 ». Enfin, sans citer directement le long-métrage, le 3 novembre 2023, Poutine a comparé l’Occident à la Horde d’Or, c’est-à-dire au joug des Mongols sur les Russes aux XIIIe et XIVe siècles :
Alexandre Nevski est allé voir la Horde, s’est incliné devant les khans de la Horde, a reçu le titre privilégié de prince… Notamment, et surtout, pour s’opposer efficacement à l’invasion occidentale. Pourquoi ? Parce que les membres de la Horde avaient un comportement effronté et cruel, mais ne portaient pas atteinte à l’essentiel : notre langue, nos traditions, notre culture que revendiquent les envahisseurs occidentaux80.
Par ces paroles, le président russe assimile certes le monde occidental au nouvel ennemi à abattre, mais le perçoit surtout comme un ennemi pire que les Mongols, étant donné que celui-ci, selon Poutine, vise à occidentaliser les Russes. Ces mots se veulent d’autant plus retentissants que le chef d’État, sous le couvert de la lutte contre le fascisme, également contenue dans le film d’Eisenstein, cherche, lui, à russifier un certain nombre de pays, dont l’Ukraine.
Notes
1La date de naissance de Nevski varie selon les sources historiographiques (30 mai 1219, 30 mai 1220, 13 mai 1221).
2Mari isoaho, The Image of Aleksandr Nevskiy in Medieval Russia. Warrior and Saint, Leiden, Boston, Brill, 2006, p. 11. « ideal prince »
3Ibid., p. 11. « one of the most popular icons »
4Frithjof Benjamin schenk, Aleksandr Nevskij : Heiliger, Fürst, Nationalheld. Eine Erinnerungsfigur im russischen kulturellen Gedächtnis, Köln, Bölhau, 2004, p. 226.« Aleksandr war zu Lebzeiten ein Fürst und Feudalherr und somit ein Unterdrücker und Ausbeuter der "Arbeiter- und Bauernklasse" […]. Er wurde nach seinem Tod von der orthodoxen Geistlichkeit kanonisiert und war somit Objekt des scharf verurteilten Heiligen- und Reliquienkultes der rechtgläubigen Kirche. Schließlich stand er im Verdacht, als russische, nationale Heldenfigur dem imperialen, großrussischen Chauvinismus als Symbol gedient zu haben. Der Kampf der Bol’ševiki gegen Aleksandr Nevskij wurde somit von drei Seiten geführt: An der "historischen Front" des Klassenkampfes, im Rahmen der antikirchlichen und antireligiösen Propaganda und im Kontext der Verfolgung des großrussischen Nationalismus. »Nous avons traduit nous-même les citations en langue allemande et en langue russe.
5Ibid., p. 226.« der alten Ordnung »
6Ibid., p. 240. « wollten den Sarg Aleksandrs öffnen und der Öffentlichkeit zeigen, daß keine “Reliquien” existierten und daβ die Kirche das Volk Jahrhunderte lang mit einem leeren Schrein betrogen hatte »
7Ibid., p. 224-225. « In dem kleinen, mit einem Glasdeckel verschlossenen Holzkasten befanden sich neben sieben dunkel gefärbten, alten Knochen eines menschlichen Skeletts, eine schwarze Mönchskutte, ein Umschlag mit Knochensplittern und eine Urkunde mit der Unterschrift des Metropoliten, die davon Zeugnis gab, daß der Schrein das letzte Mal am 24. Juli 1917 im Zuge der Vorbereitungen zur Evakuierung Petrograds von den Deutschen geöffnet worden war. »
8Ibid., p. 248.
9Iouri krivošeev, Roman sokolov, « Aleksandr Nevskij » : sozdanie kinošedevra, Sankt-Peterburg, Liki Rossii, 2012, p. 24.
10Frithjof Benjamin schenk, op. cit., p. 227. « fand Alesandr Nevskij im Schrifttum des russischen Exils Zuflucht. Insbesondere die Gruppe der Eurasier feierten den Heiligen wegen seiner weisen Mongolenpolitik als Lichtgestalt der russischen Geschichte und gewährten dem Verfolgten in ihrer Weltanschauung politisches Asyl ».
11Ibid., p. 266. « den Staat, das Individuum und das (russische) Volk »
12Ibid., p. 266. « Eine neu zu schreibende patriotische Geschichte voller Fakten, Ereignisse und Personen sollte nun einen festen Platz in der Ideologie des “Sowjetpatriotismus” einnehmen und bei der Bevölkerung die Liebe zum Vaterland und der politischen Führung steigern. »
13Ibid., p. 278. « kriegerische[ ] Heldenfigur »
14ibid., p. 271.
15Dominique fernandez, Eisenstein, Paris, Grasset, 2003, p. 211. Plus largement, le film, d’une durée d’environ 103 minutes, raconte les événements historiques du XIIIe siècle, notamment les conflits entre la Rous et les Mongols (Horde d’Or), entre la Rous et la Suède et entre la Rous et les Chevaliers teutoniques. L’action se déroule en 1242, après la bataille contre les Suédois sur la Neva en 1240 dont la victoire revient à Alexandre Nevski. Le long-métrage se compose de huit épisodes, délimités par les lieux de l’action, à l’exception de l’épisode 7, caractérisé par une indication de temps, le 5 avril 1242, qui immortalise la victoire d’Alexandre Iaroslavitch contre l’Ordre des Chevaliers teutoniques.
16Cette seconde chance sera cependant de courte durée puisque le cinéaste se verra de nouveau mis au ban du régime soviétique lors du tournage de la seconde partie du film Ivan le Terrible (Ivan Groznyj) en 1945-1946, perçue comme une critique de Staline et de son despotisme.
17Jusqu’à ce blâme, Eisenstein avait été considéré comme le défenseur des valeurs communistes, mises en avant dans des films tels que Le Cuirassé Potemkine (Bronenosec « Potëmkin ») (1925) ou Octobre (Oktjabr’) (1927).
18Iouri krivošeev, Roman sokolov, op. cit., p. 70. « в предыдущих работах зачастую демонстрировал достаточно негативное отношение к христианским святыням, религии и духовенству »
19Dominique fernandez, op. cit., p. 211.
20Andrej P. bodganov, Aleksandr Nevskij, Moskva, « Veče », 2009, p. 3. « Все узнавали […] в школьных учебниках, […] многие читали о нём или смотрели научно-популярные передачи, немало православных прочло или слышало в церкви его житие. »
21Iouri krivošeev, Roman sokolov, op. cit., p. 53. « в профессионализме и идеологической выверенности творчества которого не было никаких сомнений »
22Frithjof Benjamin schenk, op. cit., p. 313.Deux autres titres proposés respectivement par Eisenstein et Pavlenko étaient Le Lac Peïpous et Rous.
231. La Russie sous le joug mongol (ut mineur) (Rous pod igom mongol’skim), 2. Le Chant sur Alexandre Nevski (si bémol) (Pesn’ ob Aleksandre Nevskom), 3. Les croisés dans Pskov (ut dièse mineur) (Krestonoscy po Pskove), 4. Debout, peuple russe ! (mi bémol) (Vstavajte, ljudi russkie !), 5. La bataille sur la glace (Ledovoe poboišče), 6. Le chant des morts (ut mineur, mezzo-soprano) (Pole mërtvyx), 7. L’entrée d’Alexandre Nevski dans Pskov (si bémol) (V’’ezd Aleksandra vo Pskov).
24Dominique fernandez, op. cit., p. 211.
25Iouri krivošeev, Roman sokolov, « Aleksandr…, op. cit., p. 151. « центральный персонаж картины должен был представлять собой эпический, несколько обобщенный образ, лишенный “выразительной человеческой характерности” »
26Ibid., p. 153. « Я хочу снять с Александра “святой лик”, который все время приписывали ему буржуазные историки, изображавшие его страдальцем. »
27Toutes les citations sans référence bibliographique sont extraites du film.« А и было дело на Неве-реке,На Неве-реке, на большой воде.Там рубили мы злое воинство,Злое воинство, войско шведское.Ух, как бились мы, как рубились мы.Ух, рубили корабли на досточкам.Нашу кровь-руду не жалели мыЗа великую землю русскую »
28« Князь здешний, Александр »
29« Невский твое прозвище ? »
30« Ты бил шведов ? »
31« Не уступим мы землю русскую.Кто придёт на Русь, будет насмерть бит.Поднялася Русь супротив врага ;Поднимись на бой, славный Новгород ! »
32« Опасней татарина враг есть. Ближе, злее. От него данью не откупишься. Немец ! »
33« и рука крепче, и голова посветлее. И слава чтоб была по всей земле, и врагу чтобы ведом был »
34« Вождь нужен […]. Князь Александр Ярославич ! »
35« Идите в Переяславль ! Зовите Александра ! Мёртвый Псков зовёт тебя, Ярославич ! »
36« За обиду русской земли встану. »
37« На защиту? Защищаться не умею. Сами бить будем. Без меры бить будем. »
38« воевода »
39Une représentation de cette miniature est reproduite dans l’ouvrage collectif dirigé par Elena Smirnova et intitulé Ne v sile bog, no v pravde. Svjatoj blagovernyj knjaz’ Aleksandr Nevskij (2007).
40« Монгол залёг на Руси от Волги до Новгорода. Немцы идут с запада. Русь между двух огней. Ты один остался, носподин Великий Новгород. Встань за отчизну, за родную мать ! Встань за русские города, за Киев, Владимир, Рязань ! За родные поля, леса, реки, за великий наш народ ! »
41Même s’il s’agit d’un film à caractère historique, ses auteurs ne s’en tiennent pas toujours à la véracité des événements.
42Cette histoire est tirée du conte populaire russe La Renarde et le lièvre (Lisa i zajac).
43Nicholas V. riasanovsky, Histoire de la Russie des origines à 1996, Paris, Robert Laffont, 1996, p. 92.
44« Не пущу псов на русскую землю. »
45« За Русь ! »
46Pour voir la reproduction, nous renvoyons à l’ouvrage Ne v sile bog, no v pravde. Svjatoj blagovernyj knjaz’ Aleksandr Nevskij.
47« Мне магистра »
48Frithjof Benjamin schenk, op. cit., p. 311. « charismatischer Führer »
49Hélène puiseux, « Le détournement d’Alexandre Nevski au service de Staline », Film et histoire, 1, 1985, p. 19.
50Ibid., p. 20.
51Alexandre Nevski est pourtant seulement âgé de 22 ans à l’époque. Son jeune âge est moins visible dans le film où l’acteur principal, Tcherkassov, a 35 ans.
52« отец народов »
53Frithjof Benjamin schenk, op. cit., p. 352. « Sakralgemeinschaft »
54Jean mitry, S. M. Eisenstein, Paris, J.-P. Delarge, 1978, p. 151.
55« Чего орёте ? Рыбу распугаете ! »
56« Брось в драку лезть ! »
57Cette image contraste fortement avec la cruauté de l’ennemi allemand, qui jette les enfants dans les flammes au début du film.
58« Так тому и быть ! »
59« С родной земли – умри, да не сходи. »
60« Всё крик да крик. А о деле и думы нет, господа псковичи да новогородцы ! Ох, и бил бы я вас, хлестал нещадно, коли проболтали б вы ледовую сечу. Не простила б Русь ни вам, ни нам маломужества. Так о том и помните ! Детям и внукам накажите ! А забудете – вторыми иудами станете, иудами земли русской. Слово моё твёрдо. Найдёт беда – всю Русь подыму. А отвалитесь на сторону – быть вам биту нещадно. Жив буду. Сам побью, а помру – сынам накажу. »
61« Идите и скажите всем в чужих краях, что Русь жива ! Пусть без страха жалуют к нам в гости ! Но если кто мечом к нам войдёт, от меча и погибнет. На том стоит и стоять будет Русская земля ! »
62Frithjof Benjamin schenk, op. cit., p. 330.
63« Итак идите, научите все народы, крестя их во имя Отца и Сына и Святаго Духа.Тогда говорит ему Иисус: возврати меч твой в кто место, ибо всё, взявшие меч, мечом погибнут. »
64Pour voir la reproduction, nous renvoyons à l’ouvrage Ne v sile bog, no v pravde. Svjatoj blagovernyj knjaz’ Aleksandr Nevskij.
65Pour voir la reproduction, nous renvoyons à l’ouvrage Ne v sile bog, no v pravde. Svjatoj blagovernyj knjaz’ Aleksandr Nevskij.
66Il convient de noter à ce sujet que les premières icônes de saint Alexandre Nevski datent de 1381 (Jurij K. begunov, « Ikonografija svjatogo blagovernogo velikogo knjazja Aleksandra Nevskogo » [L’iconographie du fidèle grand prince Alexandre Nevski] in Elena A. smirnova (dir.), Ne v sile bog, no v pravde. Svjatoj blagovernyj knjaz’ Aleksandr Nevskij, Moskva, Izdaltel’stvo « Sibirskaja Blagozvonnica », 2007, p. 315).
67Nikodim P. kondakov, Icons, New York, Parkstone International, 2012, p. 47.
68Voir, par exemple, l’ouvrage à ce sujet d’Andrej Farberov, intitulé Zastupničestvo Bogorodicy za russkix voinov v Velikuju vojnu 1914 goda. Avgustovskaja ikona Božiej Materi (2007).
69« Žitie i podvigi Blagovernogo Knjazja Aleksandra Nevskogo, čudotvorca, i povestvovanie o žudesax ego » [Hagiographie et exploits du fidèle grand prince Alexandre Nevski, du thaumaturge, et récit de ses miracles] in Elena A. smirnova (dir.), Ne v sile bog, no v pravde. Svjatoj blagovernyj knjaz’ Aleksandr Nevskij, Moskva, Izdaltel’stvo « Sibirskaja Blagozvonnica », 2007, p. 44-127).
70Pëtr beljustin, « Slovo voinam o svjatom Aleksandre Nevskom » [Discours aux soldats sur Alexandre Nevski] in Elena A. smirnova (dir.), Ne v sile bog, no v pravde. Svjatoj blagovernyj knjaz’ Aleksandr Nevskij, Moskva, Izdaltel’stvo « Sibirskaja Blagozvonnica », 2007, p. 149-158).
71Voir, par exemple, Aleksandr Nevskij : Heiliger, Fürst, Nationalheld. Eine Erinnerungsfigur im russischen kulturellen Gedächtnis (1263-2000) (2004) de Frithjof Benjamin Schenk et « Aleksandr Nevskij » : sozdanie kinošedevra (2012) de Iouri Krivošeev et Roman Sokolov,
72Voir, par exemple, « Aleksandr Nevskij : istoričeskij prototip i èkrannyj obraz » (2004) de Sergueï Byčkov et « Xudožestvennyj fil’m “Aleksandr Nevskij” na èkranax Pskova » (2021) d’Anatolij Filimonov.
73Konstantin kudrjašov, «Niŝaja Rus’, ogloblja i dranaja ovčina. Fil’mu “Aleksandr Nevskij” 80 let » [La Rous miséreuse, la queue de charrue et le mouton écorché. Le film “Alexandre Nevski” a 80 ans]. Consultable sur : https://aif.ru/culture/movie/nishchaya_rus_ogloblya_i_dranaya_ovchina_filmu_aleksandr_nevskiy_80_let.
74« Kruglyj stol “Aleksandr Nevskij” Sergeja Èjzenštejna. Fil’m v kontekste isskustva, politiki, istoričeskogo znanija. K 85-letiju vyxoda na èkran » [Table ronde “Alexandre Nevski” de Serge Eisenstein. Le film dans le contexte de l’art, de la politique, du savoir historique. Pour les 85 ans de sa sortie à l’écran »]. Consultable sur : https://vgik.info/today/creativelife/detail.php?ID=11835&sphrase_id=1499040.
75« K 85-letiju fil’ma-šedevra mirovoj kinematografii “Aleksandr Nevskij” sotrudniki Krymskogo kinomediacentra proveli meroprijatija » [Pour les 85 ans du film-chef-d’œuvre du cinéma mondial “Alexandre Nevski”, le personnel de la médiathèque cinématographique de Crimée ont organisé des activités]. Consultable sur : https://crimea-news.com/culture/2023/05/02/1067039.html.
76« Кто мечом к нам войдёт, от меча и погибнет. »
77Rafaèl' Faxrutdinov, « “My povtorim” : Putin napomnil o Vtoroj mirovoj vojne » [“Nous le répéterons”, Poutine s’est remémoré la Seconde Guerre mondiale]. Consultable sur : https://www.gazeta.ru/army/2020/03/09/12997117.shtml?updated.
78« Vladimir Putin pribyl v Velikij Novgorod » [Vladimir Poutine est arrivé à Novgorod]. Consultable sur : https://www.vesti.ru/article/2952217.
79« Beglov poprivetstvoval gostej PMÈF frazoj iz fil’ma “Aleksandr Nevskij” » [Beglov a salué les invités du Forum économique international de Saint-Pétersbourg par une phrase du film “Alexandre Nevski” ». Consultable sur : https://www.zaks.ru/new/archive/view/240330.« Идите и скажите всем в чужих краях, что Русь жива ! »
80Evgenij Žuravlèv, « Zato ne Zapad : Putin poxvalil Aleksandra Nevskogo za to, čto kljajalsja pered Ordoj » [Mais ce n’est pas l’Occident : Poutine a fait l’éloge d’Alexandre Nevski pour s’être incliné devant la Horde d’Or]. Consultable sur : https://www.dsnews.ua/world/zate-ne-zahid-putin-pohvaliv-oleksandra-nevskogo-za-te-shcho-toy-klanyavsya-pered-ordoyu-video-03112023-490044 « Александр Невский ездил в Орду, кланялся ордынским ханам, получал ярлык на княжение... В том числе и, прежде всего, для того, чтобы эффективно противостоять нашествино Запада. Почему ? А потому что ордынцы вели себя жестоко, но они не затрагивали главного – нашего языка, традиций, культуры, на что претендовали западные завоеватели. »
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Quelques mots à propos de : Alexia Gassin
Alexia Gassin est Docteure en Études slaves (Université Paris-Sorbonne), Docteure en Linguistique (Sorbonne Université), professeure agrégée d’allemand, formatrice académique à l’INSPE de Caen et chargée d’enseignement à Sciences Po Rennes. Elle est l’auteur de la monographie L’œuvre de Vladimir Nabokov au regard de la culture et de l’art allemands. Survivances de l’expressionnisme (Peter Lang, 2016) et la codirectrice de l’ouvrage L’effacement selon Nabokov. Lolita versus The Original of Laura (PUFR, 2014). Ses recherches et publications reposent sur une approche multidisciplinaire et comparatiste de la littérature et des arts, sur l’étude des transferts russo-allemands et sur la didactique des langues.