Dix années pour marquer l’Histoire : présence de Jules César dans la BD et la série télévisée Rome (HBO)
Résumé
César est un personnage historique très présent dans la bande dessinée à sujet antique. Son histoire et son caractère sont déjà le ferment pour un bon scénario : ambition, liaisons, trahisons, assassinat. Il apparaît assez tôt dans la bande dessinée francophone, avec la série Alix, puis dans Astérix. Il n’est alors pas le personnage principal mais le référent historique majeur réel qui va croiser la route des héros fictionnels au cœur de la série. Avec la même démarche didactique que dans les histoires courtes des journaux Tintin ou Spirou, sont publiés ensuite des histoires centrées davantage sur César, adaptant parfois La Guerre des Gaules (de manière plus ou moins fidèle). La période retenue est alors centrée sur une dizaine d’années, de la victoire à Alésia à son assassinat spectaculaire aux Ides de mars. C’est l’empan chronologique de la saison 1 de la série Rome (HBO, 2005-2007), qui influence des BD parues après sa diffusion. La figure d’écrivain de César est peu exploitée mais parfois de manière judicieuse, avec la question de sa pseudo-objectivité historique.
Abstract
Caesar is a recurring historical character in comics about Antiquity. His biography and his personality alone guarantee a good story: ambition, affairs, betrayals, assassination. He appeared quite early in French and Francophone comics, with the Alix series, then in Astérix. At this point, he is not the main character but the main historical reference; the fictional heroes and protagonists of the series come across him. With the same didactic approach characteristic of the short stories in the Tintin or Spirou newspapers, we then have stories concentrating more on Caesar, sometimes adapting The Gallic Wars (more or less faithfully). The focus then becomes a time span of ten years, from the victory at Alésia to his spectacular assassination on the Ides of March. This is the chronological bracket of season 1 of the TV show Rome (HBO, 2005-2007), itself a great influence on comics published after its broadcast. Lip service is paid to Caesar as a writer, though this can be judicious at times, with the question of his historical pseudo-objectivity.
Table des matières
Texte intégral
Nombreuses sont les bandes dessinées historiques francophones tout public à mettre en scène Jules César, le plus célèbre des Romains, que ce soit comme personnage principal ou secondaire, dans des histoires courtes ou des albums de plus grande ampleur, pour raconter sérieusement l’Histoire ou au contraire pour faire rire. Pour le grand public francophone, César est surtout connu à travers l’image parodique véhiculée par la série Astérix1. De ses charges de questeur, d’édile, de grand pontife, de proconsul, de consul et de dictateur, on ne retient le plus souvent au mieux que les deux dernières. Mais son rôle de général en chef et sa mainmise sur Rome marquent tellement les esprits que beaucoup croient dur comme fer qu’il fut le premier empereur romain et cette information erronée apparaît régulièrement dans divers médias, parfois au second degré avec un anachronisme volontaire (comme dans Astérix) mais le plus souvent au prix d’une véritable erreur, la confusion étant accentuée par le fait que le mot « empereur » soit issu d’imperator et que le cognomen de Caesar ait ensuite été utilisé pour désigner la fonction suprême, à Rome.
En bande dessinée, une nouvelle tendance émerge dans certaines œuvres parues depuis un peu moins d’une vingtaine d’années, qui veulent donner une image un peu plus complexe de celui que fut réellement Caius Iulius Caesar, selon une tendance que l’on observe aussi à propos d’Auguste et de Néron. Comme nous le verrons dans notre première partie, ce sont ses exploits de militaire et d’homme politique qui suscitent généralement le plus d’intérêt dans les bandes dessinées historiques ; est à inclure dans cette période sa liaison avec Cléopâtre, qui éclipse ses autres femmes, maîtresses, ou éventuelles aventures homosexuelles. Le traitement spécifique de son assassinat aux Ides de Mars constituera notre deuxième partie car il est quantitativement le grand moment associé à César, après la défaite de Vercingétorix. Il est à noter que le contenu de la première saison de la série télévisée Rome d’HBO2 porte spécifiquement sur cette courte période, qui va de la fin de la guerre des Gaules à l’assassinat de César, et son influence est loin d’être négligeable sur la BD historique semi-réaliste, comme nous l’évoquerons par quelques rapprochements ponctuels entre BD et série TV. Notre dernière partie sera consacrée à la facette la moins exploitée dans les œuvres que nous avons analysées : celle d’un César écrivain, capable dans ses Commentarii, selon l’expression de Michel Rambaud sur laquelle nous reviendrons, d’un « art de la déformation historique ».
Jules César, militaire et homme politique
Dix années pour marquer l’Histoire ?
Prenons comme base la chronologie établie par Paul Marius Martin, qui va de la naissance de Pompée à l’avènement d’Auguste3.
De la naissance de César vers 101 au triumvirat de ‑60, deux épisodes sont principalement retenus dans le corpus de BD que nous avons analysé : le moment où il est capturé par des pirates en ‑75/74 et celui où il pleure devant la statue d’Alexandre le Grand à Gadès en ‑68. Ce n’est qu’à partir du triumvirat qu’un premier enchaînement d’événements retient généralement l’attention des scénaristes : l’attribution de la Gaule à César juste après son élection comme consul en ‑59, le mariage la même année de Pompée avec Julia (scellant l’alliance entre le beau-père et le gendre), la campagne victorieuse de César contre les Helvètes et le Suève Arioviste l’année suivante, le proconsulat en Gaule (de ‑58 à ‑49) et les campagnes en Belgique, Bretagne, Normandie et Aquitaine (en ‑57/56). Mais, pour le reste, ce ne sont le plus souvent que des événements mentionnés dans un dialogue entre des personnages ou par le biais d’un court flash-back, comme dans deux cases du premier tome de la série Alix Senator4, où l’augure rappelle en début d’aventure à Auguste le statut de pontifex maximus (grand pontife) que César avait obtenu en 63 (Fig. 1), puis, en fin d’album, l’échec de ce dernier au sacerdoce de flamen dialis (prêtre de Jupiter) dans sa jeunesse, sur intervention du dictateur Sylla, souhaitant gêner dans son ascension le neveu de son ennemi Marius (Fig. 2). Il est à noter toutefois aussi que, dans l’album Alesia, le lecteur assiste à l’euocatio accomplie par César à destination des dieux gaulois, une cérémonie peu représentée en BD « par laquelle les Romains invoquent les dieux ennemis à abandonner l’adversaire et à venir s’installer à Rome. […] En tant que grand pontife, le général a veillé à ce que le rituel soit scrupuleusement respecté » (p. 36).
Figures 1 et 2
Alix Senator t. 1. Les Aigles de sang de Valérie Mangin et Thierry Démarez
© Casterman, 2012, extraits des p. 8 et p. 44. D’après les personnages créés par Jacques Martin et avec l’aimable autorisation des auteurs et des éditions Casterman.
La période 54‑44 correspond exactement à la première saison de la série télévisée d’HBO, Rome (avec quelques licences scénaristiques : par exemple, la mort de Julia qui eut lieu en 54 est associée à l’année 52 et à la fin de la campagne gauloise, pour resserrer l’action vers les tensions naissantes entre Pompée et César). Les moments marquants, entre ces deux bornes, en sont le soulèvement de certaines tribus gauloises durant les neuf années de campagnes en Gaule, la mort de Crassus en ‑53, la victoire gauloise provisoire à Gergovie et la victoire romaine définitive à Alésia contre Vercingétorix en ‑52 ; puis la contestation du pouvoir de César par le sénat, suivie du franchissement du Rubicon en ‑49, entraînant les différentes étapes de la guerre civile contre Pompée et les Pompéiens (avec Thapsus et Munda mais surtout, avant ça, avec Pharsale en ‑48). On y trouve aussi la rencontre avec Cléopâtre à Alexandrie, toujours en ‑48 puis la naissance de Césarion, ainsi que les triomphes accordés à César, avant que la conjuration des Ides de mars de ‑44 ne mette fin à son ascension et ne provoque une nouvelle période de guerre civile, d’abord entre les héritiers de César et ses assassins, puis entre Antoine et Octave. On constate donc aisément que la période qui intéresse le plus les auteurs de BD qui veulent mettre en scène le personnage de César ne s’étale que sur à peine dix ans, de ‑54 à ‑44, mais qu’elle est tellement pleine de rebondissements qu’il est bien difficile de la faire tenir en un seul album. Les auteurs doivent donc inévitablement opérer des choix narratifs dans cette matière si riche, dont les sources littéraires principales sont, outre les œuvres de César lui-même, La Vie de César de Suétone et celle de Plutarque, et dans une moindre mesure des passages de Florus et de Dion Cassius5.
La jeunesse : prisonnier des pirates et dans l’ombre d’Alexandre le Grand
Il est un court passage de Suétone (Caes., 4.2-3) qui raconte comment César fut fait prisonnier des pirates dans sa jeunesse ; la version est nettement plus développée chez Plutarque (Caes., 1.7-2.7). Paul-Marius Martin donne la date de 75-74 pour l’incident, dont il précise qu’il aurait eu lieu lors d’un voyage de formation à Rhodes, alors que César naviguait près de l’île de Pharmacuse6. L’épisode, qui évoque quarante jours de captivité, le paiement d’une rançon et la vengeance de César, est brièvement évoqué dans quelques cases d’une histoire courte du Journal de Spirou intitulée « Un grand Romain : Jules César » (parue en 1955). Il apparaît également quarante ans plus tard sous la forme d’une seule illustration dans le volume des Voyages d’Alix consacré à La Marine antique : on y voit un jeune homme assis sur un rocher, dominant les pirates, auquel il semble donner des ordres avec son doigt pointé7. L’air joyeux des pirates permet de voir qu’ils se moquent bien de son arrogance. Dans l’album intitulé ‑44. L’Homme qui voulut venger César8, l’épisode est mentionné en même temps que l’épilepsie du dictateur, une maladie relevée brièvement par Suétone (Caes. 45.2) dans sa Vie de César mais sans lien avec cette période de vie.
C’est seulement dans deux histoires courtes du Journal de Spirou en 1961 puis dans le Journal de Tintin en 1967 que l’anecdote devient centrale9. Et elle est retenue précisément dans Tintin parce qu’elle est donnée, dès son sous-titre à la première case, comme « un épisode méconnu » des jeunes lecteurs. Le but de l’histoire courte est clairement hagiographique : César fait preuve d’un grand courage lorsqu’il est attaqué, il est fier et plus intelligent que ses ravisseurs, des hommes envers qui il n’a que mépris ; il a aussi la rancune tenace et met un point d’honneur à venger l’humiliation qu’a été sa captivité. Le dernier récitatif de l’histoire de Tintin ne fait pas dans la demi-mesure et insiste sur l’importance de César pour l’histoire mondiale : « Si le jeune citoyen romain, encore à demi-inconnu, avait péri dans cette aventure, l’histoire du monde en eût été complètement modifiée. » La mention de la rançon augmentée par César en personne, dans les trois histoires courtes, est donnée avec des variantes ; on reconnaît nettement la source du scénariste des « Histoires de l’Oncle Paul », Octave Joly ; il s’agit du texte de Plutarque, plus détaillé que celui de Suétone et contenant cette précision de l’augmentation du prix de sa rançon par César lui-même à 50 talents.
Nulle allusion, bien sûr, dans ces histoires courtes sur César et les pirates, publiées dans des journaux pour enfants, à l’éventuelle liaison homosexuelle entre Nicomède IV et César, au point que ce dernier était parfois surnommé, selon Suétone, « la reine de Bithynie » ou même « l’étable de Nicomède »10. L’album Tuer César est en revanche parfaitement clair sur ce sujet : le peuple crie sa colère lorsqu’il apprend sa liaison avec la reine étrangère Cléopâtre. Ainsi lit-on : « Tu as déjà fourré tout ce que Rome compte d’hommes et de femmes11. » Dans L’Espion de César t. 1, c’est lors de sa séquestration par les pirates que César fera la connaissance du fictionnel Marcus Coax, qu’il emploiera plus tard comme espion mais le scénariste, comme d’autres, ne suit que partiellement Plutarque12. Quant à l’anecdote racontée par Suétone (Caes., 7.1) d’un César désespéré en ‑68 parce qu’il n’a pas encore accompli, à l’âge où Alexandre le Grand est mort, des exploits dignes de marquer l’Histoire13, elle n’apparaît explicitement que dans L’Histoire de France pour les Nuls14, peut-être parce qu’elle montre un doute, une faiblesse de César. Dans César, le scénariste Mathieu Gabella montre les aspirations de César devant la statue d’Alexandre et le souvenir de cet épisode15.
Il faut signaler, pour finir, le traitement particulier de cette allusion à la destinée d’Alexandre à laquelle aspire César dans la BD Helvetius t. 1 Le Temps des menaces16 car elle est introduite juste après les trois planches de l’incipit qui racontent comment César rêva un jour qu’il violait sa mère : la scène de dispute et de viol est montrée et le lecteur est d’abord leurré par l’absence de code graphique spécifique indiquant un rêve donc choqué par le comportement violent du général. Et c’est lorsque César fait venir un devin pour interpréter ce songe déroutant qu’est amenée l’annonce de sa destinée supérieure à celle d’Alexandre puisque la mère représenterait symboliquement la terre qu’il va conquérir. De fait, chez Suétone, les deux anecdotes se suivaient immédiatement (Caes. 7.1 et 2). Nous n’avons trouvé aucune autre BD mettant en scène ce viol incestueux (ni même le mentionnant). Son utilisation n’est pas anodine dans une œuvre contemporaine qui cherche à rendre compte du point de vue des Helvètes dans la guerre de conquête de Rome : elle pose d’emblée l’image d’un César prêt à tout pour réussir. C’est une approche du personnage que l’on retrouve plus loin dans l’album, avec la présence visuelle inédite (sur deux cases) d’une union des corps de Nicomède et César, revendiquée peu après par ce dernier, face à un marin moqueur : « Je suis l’enfant de Vénus, déesse de la guerre et du plaisir. J’ai forgé mon corps pour ces deux superbes. Mon corps est une arme politique. Seule compte la victoire. » (p. 38). Mais, hormis ces quelques exceptions, César n’est quasiment jamais montré dans la BD comme usant sexuellement de son corps17.
La marche vers le pouvoir
La marche de César vers le pouvoir va fortement intéresser les scénaristes de bande dessinée, tout particulièrement la période de la guerre des Gaules (plus que la guerre civile) et la relation avec Cléopâtre.
La première étape importante est celle du triumvirat, avec l’alliance politique de César, Pompée et Crassus, et la répartition de l’empire romain en trois parties, comme l’a symbolisé Jacques Martin par les trois pièces portant le nom des trois hommes politiques, dans une case des Légions perdues18. Mais il suffit de l’espace intericonique avec la case suivante pour que soit réglé le sort de Crassus, « vaincu par le général parthe Suréna, qui lui fit couler de l’or dans la bouche pour le gaver de ce métal donc il était si avide » (ibid.)19. Le triumvirat prend donc fin, de fait, à la mort du général en Orient et le trio devenu duo se tourne au duel. La tripartition du pouvoir est d’ailleurs peu exploitée en BD, réduite généralement à des mentions textuelles ou iconiques. Est alors aussi rattachée à cette période l’alliance personnelle que nouent Pompée et César par le biais du mariage entre le premier et la fille du deuxième (Julia), puis l’effritement de ce lien à la mort de la jeune femme20. Ce qui intéresse les auteurs de BD, ce sont les luttes de pouvoir autour du triumvirat, mais surtout la campagne en Gaule, les francophones ayant un peu l’impression d’y lire l’histoire de leurs ancêtres.
Quelques bandes dessinées, La Guerre des Gaules. Livre I (p. 6-7), L’Histoire de France pour les Nuls (p. 18-19), L’Espion de César t. 1 (p. 42, p. 54), évoquent le prétexte utilisé par César (la migration des Helvètes par les terres des Héduens), sa manipulation et son pari politique pour justifier son intervention en Gaule et les quelques résistances qu’il va rencontrer au Sénat. Le traitement de l’événement dans le manga adaptant La Guerre des Gaules reproduit en revanche directement le point de vue de César, en évoquant un danger venu des Helvètes21. S’opposent alors clairement la réalité de la situation en Gaule (César intervient par ambition politique, tandis que les Helvètes et les Germains servent, volontairement ou de manière contrainte, ses intérêts contre les Gaulois pacifiques) et la situation présentée par César dans son œuvre22, à savoir que le Sénat et les Gaulois auraient demandé à César d’intervenir en Gaule, pour que la Gaule soit indépendante et en paix ; et César, aidé par les Gaulois pacifiques, aurait alors combattu pour cette raison les Helvètes et les Germains (c’est le point de vue du manga). Une case de L’Histoire de France pour les Nuls (p. 19) met en scène deux sénateurs qui récusent (mais entre eux, sans prendre officiellement la parole) cette vision biaisée de la situation, permettant ainsi aux lecteurs de ne pas être totalement dupe non plus du discours prêté à César prônant « l’action » face au « danger » de la migration helvète. La bataille de Bibracte de ‑58 est toutefois à la marge dans la production de BD liées à César23, même si un album récent est consacré à l’événement24.
Une autre campagne est aussi racontée dans le diptyque de Tarek et Pompetti25, celle contre les Germains et leur chef Arioviste en ‑58. Un affrontement entre sénateurs pro- et anti-césariens est mis en scène, Caton menant la fronde contre César, quand d’autres lui font remarquer que le peuple aime César et que c’est une donnée à ne pas négliger en politique (Fig. 3).
Figure 3
La Guerre des Gaules. Livre II. Vercingétorix de Tarek et Vincent Pompetti
© Tartamudo, 2013, p. 10. Avec l’aimable autorisation des auteurs.
C’est un discours virulent qui est mis dans la bouche de ses opposants, donnant à voir par ce biais une image de César qui n’est pas hagiographique comme dans « Les histoires de l’Oncle Paul » ou le manga collectif d’un studio adaptant La Guerre des Gaules, par exemple : à César sont associés notamment les mots « trahir », « acte exécrable », « massacrer », « abominable cruauté » et l’idée qu’il a brisé « les règles de la diplomatie » (Livre II, p. 10).
Même si quelques BD franco-belges évoquent les campagnes contre les Helvètes ou les Germains, c’est surtout la guerre des Gaules qui est présente en BD. La campagne gauloise est ainsi centrée sur deux batailles qui ont eu lieu en ‑52, Gergovie, où les Gaulois ont eu le dessus sur les Romains, et surtout Alésia, où ils ont été vaincus, après le siège de la ville qui a conduit à la reddition de Vercingétorix. Dans la série Astérix, et plus particulièrement dans Le Bouclier arverne, on voit que César et les Romains ont un aussi mauvais souvenir de Gergovie (p. 17, p. 46), qu’Abraracourcix et les Gaulois d’Alésia (p. 12, p. 19)26. Au point que Goscinny se moque (p. 19) des querelles entre spécialistes français sur la localisation d’Alésia, comme si les Français (plus que les Gaulois, bien sûr) avaient refoulé un souvenir de défaite dérangeant dans leur Histoire nationale… celle de 1870 peut-être mais surtout celle de 1940, puisqu’il ne faut pas oublier qu’une BD historique est aussi le reflet de sa période de création27. Le diptyque de La Guerre des Gaules de Tarek et Pompetti insiste à deux reprises28 sur un élément peu connu du grand public, le fait que Vercingétorix ait fait partie de l’armée romaine, qu’il en connaît donc bien les rouages, et qu’il aurait même servi, selon la fiction, sous César durant la campagne contre le Suève Arioviste.
Pour la plupart des œuvres qui s’intéressent à Vercingétorix, ce sont le siège d’Alésia et la reddition des Gaulois qui concentrent l’essentiel des représentations. Sont assez souvent bien expliqués les choix stratégiques des Gaulois (se regrouper sur un oppidum et construire autour une première palissade pour empêcher les Romains d’entrer) et ceux, en réaction, des Romains (piéger l’ennemi à l’intérieur en construisant une autre palissade et en ajoutant des fossés entourés de pieux acérés, pour les empêcher de sortir et les affamer). La vue en plongée à la case 3 de la p. 25 de L’Histoire de France pour les Nuls permet de comprendre l’organisation décidée pour le siège ; et l’angle retenu à la case suivante sert à visualiser la hauteur de l’oppidum depuis le camp des Romains (comme si le lecteur était placé derrière César). La planche suivante présente la décision de César de ne pas laisser passer les « bouches inutiles » sacrifiées par les Gaulois et de les condamner ainsi à mourir de faim et de soif entre les deux fortifications. Dans le tome 4 du Le Troisième Fils de Rome centré sur César et Vercingétorix, César présente sa stratégie à son état-major, qui résulte de sa capacité à ne pas reproduire à Alésia l’erreur de Gergovie29.
La reddition du chef gaulois reste toutefois le passage attendu. Beaucoup albums reprennent la mise en scène des tableaux du xixe siècle de Motte ou Royer, avec un Vercingétorix certes vaincu mais digne, fier, dont seul le cheval se courbe devant César et qui ne dépose ses armes dangereuses qu’une fois rendu à quelques mètres du général romain30. Ainsi Jacques Martin utilise-t-il une première fois la scène dans Le Sphinx d’or31, porté par sa vision très dix-neuvièmiste de Vercingétorix, des Gaulois et de César comme grand conquérant ; mais il la modifie presque 40 ans plus tard dans l’album Vercingétorix32. Si l’auteur d’Alix conserve l’imagerie traditionnelle dans le deuxième album, il s’est toutefois éloigné du tableau de Motte et évoque l’emprisonnement du chef gaulois à Rome, puis son utilisation lors du triomphe de César, à des fins de propagande, l’image du dictateur étant alors un peu écornée par ce discours, dont il est vrai qu’il est le fait de son adversaire, Pompée, que Martin apprécie peu. D’autres auteurs jouent avec cette imagerie conservatrice valorisante pour les Gaulois (donc pour les Français), en la parodiant : c’est évident dans la série Astérix, où toutes les occurrences de la scène mythique veulent faire comprendre au lecteur que la vérité historique n’est qu’une question de points de vue, et que celui de César, interne et transmis par la tradition parce qu’il est celui du vainqueur, diverge de celui du narrateur omniscient. On comparera ainsi le point de vue interne (de César), qui devient dans la fiction du Domaine des dieux (Fig. 4)33 le « mensonge historique » porté par une tradition littéraire34, au point de vue omniscient porteur de la « vérité historique », en ouverture d’Astérix le Gaulois 35et du Bouclier arverne (Fig. 5)36.
Figures 4 et 5
Le Domaine des dieux (p. 5) et Le Bouclier arverne (p. 5) d’Albert Uderzo et René Goscinny
© les Éditions Albert-René, 1968 et 1971.
D’autres encore choisissent de s’éloigner du mythe pour revenir à l’histoire, pour plus de vraisemblance : Tarek et Pompetti (Livre II, p. 51) attribuent ainsi une première case aux armes en gros plan qui sont jetées au bas des murs37 puis une deuxième à la représentation de Vercingétorix, sans cheval et les mains liées, escorté jusqu’à César. Vercingétorix, un album de la collection Ils ont fait l’Histoire38, offre un jeu sur les deux niveaux : si le dessin de la pl. 45 présente la scène dans sa version mythique, très proche de celle de Royer, le texte crée une distorsion car il est écrit que c’est ainsi qu’il « rêvai[t] de [se] présenter à [César] ». On comprend alors que la réalité fut autre, sans qu’elle nous soit donnée à voir. L’imagerie, valorisante pour les Français d’un Vercingétorix « pas tout à fait vaincu », est alors présentée comme celle voulue en vain par le Gaulois. Quand on compare les textes latins (César, Florus) et grecs (Plutarque, Dion Cassius) racontant l’épisode, il est frappant de constater à quel point, après César, la reddition fait l’objet d’enjolivements par l’ajout de détails dans le décor, l’attitude ou les sentiments des personnages, ou de discours directs ou indirects qui n’étaient pas dans le court texte dépouillé de La Guerre des Gaules. Et plus on s’éloigne dans le temps, plus le texte enfle ; c’est très net trois siècles après les faits chez Dion Cassius, qui en fait un récit presque cinq fois plus long que celui de César, ce dernier texte étant à considérer comme la matrice textuelle de la scène de reddition, dont est issue sa matrice iconographique, le tableau de Motte.
Il est alors intéressant de comparer ces données avec la manière dont la scène est traitée dans l’épisode-pilote de la série télévisée Rome39 : le plan en contre-plongée (avec une caméra basse, placée derrière Vercingétorix à genoux) permet d’accentuer le sentiment de grandeur associé à César, tandis que l’humiliation du chef gaulois est à son comble par le fait qu’il doit se présenter nu devant César et embrasser l’aigle (l’étendard) en signe de soumission ultime. On le voit également transporté dans une cage comme un animal en fin d’épisode. Vers la fin de la saison 1, il est exploité comme l’un des accessoires essentiels de la cérémonie de triomphe de l’imperator, devenant le trophée dont l’étranglement public se fait spectacle, avec une dégradation de son image proche de certains deniers commémoratifs40. Dans Le Troisième Fils de Rome (p. 47), les traits de César triomphateur et le visage partiellement recouvert de minium en case 2 plaident à nouveau pour une influence directe de la série Rome, tant le personnage dessiné ressemble à Ciarán Hinds.
En 50, le sénat remet en cause l’imperium de César. Être déclaré « traître à la patrie41 » ou « ennemi de Rome42 » va le pousser à prendre la décision radicale de franchir le Rubicon quelques mois plus tard. Dans La Dernière Conquête (p. 6, Fig. 6), Alix, lors d’une réunion secrète avec le général, mentionne les richesses acquises en Gaule, qui lui ouvrent la route vers Rome. César reconnaît qu’avec la mort de Crassus, son ambition n’est plus la même…
Figure 6
Alix t. 32. La Dernière Conquête de Marc Jailloux et Géraldine Ranouil, © Casterman, 2013, extrait de la p. 6.
D’après les personnages créés par Jacques Martin et avec l’aimable autorisation des auteurs et des éditions Casterman.
Par sa violence intrinsèque, la guerre civile entre César et Pompée est peu présente dans la bande dessinée tout public, soumise longtemps de manière stricte à la loi française du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, à la différence du traitement que l’on en a dans la série télévisée du câble Rome, par exemple, où l’on va vraiment voir à l’écran les deux factions s’entretuer lors des deux guerres civiles, celle entre César et Pompée dans la saison 1 et celle entre Marc Antoine et Octave dans la saison 2. Et cette violence sera visible aussi dans des bandes dessinées plus récentes. Le prologue de la série TV (Fig. 7)43 présente le conflit entre César et Pompée comme la ligne directrice de la saison 1 : la voix off, comme les images qui l’illustrent, insiste sur l’itinéraire de César, avec un moment de bascule à venir sous peu.
Figure 7
Ascension de César vers le pouvoir suprême dans le prologue de la série Rome (HBO, 1.1).
Montage personnel.
La rencontre entre Cléopâtre et César, leur liaison et la naissance de Césarion sont des éléments qui occupent une place importante en BD44. Dans la série récente Cléopâtre, la reine fatale, une partie de l’intrigue est centrée sur les rapports entre les amants mais César est au second plan puisque l’héroïne est donnée dès le titre comme la reine d’Égypte (le général est présent dans certaines séquences du tome 1 où il fait sa rencontre, dans le tome 2 où ils sont amants et jusqu’au tome 3 où il est assassiné)45. Son intérêt pour Cléopâtre est à la fois un calcul politique et une fascination pour son statut de reine : « Quand elle te perce de son regard de louve, tu deviens un dieu. » (t. 2, p. 9), tente-t-il d’expliquer à Marc Antoine. Dans le tome 4, Cléopâtre revient sur sa relation avec César et indique à Antoine qu’elle « n’était qu’un outil dans la construction de sa légende » (p. 11).
Il faut bien sûr aussi mentionner le couple formé par César et Cléopâtre dans la série Astérix (dans l’album Astérix et Cléopâtre puis dans Le Fils d’Astérix46). Elle est celle qui provoque César en duel (de constructions !) et qui va même le vaincre (puisqu’elle a l’intelligence de faire appel aux Gaulois pour construire un palais ou protéger Césarion), en se permettant en fin d’aventure du premier album de se moquer de lui et d’avoir le dernier mot. Elle apparaît même aux yeux des lecteurs dans la série comme la femme (légitime, unique) de César, au détriment de Calpurnia Pisonis, totalement inexistante (ni dessinée ni mentionnée dans aucun album d’Astérix, sauf erreur de notre part).
De sanglantes Ides de mars
Plus qu’à tout autre moment de sa vie, le nom de César reste associé à sa mort dramatique, une situation apte à susciter immédiatement pour toute BD un scénario passionnant, pathétique, aux images spectaculaires.
Les raisons de la colère
Parmi les différentes raisons qui expliqueraient le geste des conjurés, on lit chez Suétone que César « fit entrer au sénat des gens gratifiés du droit de cité et des Gaulois à demi barbares » (Caes., 76.5). Et dans l’épisode 12 de la série TV Rome, intitulé « Les Ides de Mars »47, cela se manifeste par l’intégration de Lucius Vorenus à la Curie. César mena en outre des réformes économiques qui auraient favorisé la plèbe au détriment des sénateurs, créant une grogne supplémentaire.
Mais c’est surtout la peur de voir la restauration de la royauté qui domine les intrigues, même si, comme Suétone le raconte (Caes., 79.4-80.1), César a failli obtenir légalement le titre de roi, avant de partir en campagne contre les Parthes, parce qu’un livre Sibyllin disait que seul un roi débarrasserait Rome de ces ennemis. Les albums ‑44 (p. 13, p. 33), Tuer César (p. 8) ou même le tome 3 d’Alix Senator (par le biais d’une remarque mise a posteriori dans la bouche d’Auguste, p. 43) mentionnent tous cette aspiration de César à la royauté comme cause première de l’assassinat48. Et la couronne provisoire du triomphateur, dont Suétone raconte que César avait obtenu le droit de la porter tout le temps pour cacher sa calvitie49, est régulièrement présentée, dans de nombreuses BD, parfois au premier degré, parfois au second degré tout particulièrement dans Astérix, comme un attribut dangereusement royal, une preuve de sa volonté de mettre fin à la République.
Du matin des ides aux funérailles
Pour montrer que César ne peut échapper à son destin, les scénaristes retiennent généralement, parmi les nombreux présages mentionnés par Suétone50, la phrase de l’haruspice Spurinna (Fig. 8) et le cauchemar de Calpurnia, la femme de César. Dans Tuer César (p. 40), Calpurnia fait part de son rêve prémonitoire (Fig. 9) et c’est elle qui énonce la réponse de Spurinna (Fig. 10). Dans l’album ‑44 (p. 3) est émise l’hypothèse que César se serait jeté sur le glaive de Brutus, profitant paradoxalement de la situation pour se suicider, ne supportant plus que ses capacités physiques et mentales exceptionnelles soient détériorées par des crises d’épilepsie fréquentes et violentes. C’est chez Plutarque (Caes. 66, 12-13) que l’on trouve la précision que César mourut au pied de la statue de son rival Pompée, « poussé par le hasard ou par ses meurtriers »51 ; et c’est la manipulation retenue dans l’intrigue de la BD ‑44 (p. 21, p. 61), et non l’ironie tragique du hasard.
Figure 8
L’Homme de l’année, volume 8 : ‑44. L’Homme qui voulut venger César de Sébastien Latour et Tommaso Bennato
© Delcourt, 2015, p. 3. Avec l’aimable autorisation des éditions Glénat.
Figures 9 et 10
Roma t. 3. Tuer César de Didier Convard, Pierre Boisserie, Gilles Chaillet et Annabel
© Glénat, 2016, p. 40. Avec l’aimable autorisation de Chantal Chaillet.
Outre la particularité de raconter à deux reprises l’assassinat de César (ce qui a été propagé par la rumeur publique et ce qui s’est réellement passé), les auteurs de l’album ‑44 choisissent de s’attarder durant plusieurs planches sur les funérailles de César (la préparation du corps mort p. 23-24, l’organisation de la cérémonie et son déroulement p. 40-52). On y découvre aussi (p. 35-37) la mention des décisions testamentaires de César conduisant à la spoliation d’Antoine et à l’attribution de l’essentiel de sa fortune à son fils adoptif Octave, hormis un legs important au peuple de Rome de 300 sesterces pour chaque citoyen, mentionné chez Suétone (Caes., 83. 4).
César et Brutus
On sait que Brutus, le fils de l’une des maîtresses de César, faisait partie des conjurés. L’album ‑44 (p. 37, p. 61) met en scène la rumeur publique sur l’éventuelle paternité de César, puis présente le choix original d’utiliser une traduction exacte de l’expression grecque καὶ σὺ τέκνον mentionnée par Suétone (Caes. 82.3), plutôt que la traduction commune du latin, puisqu’on y lit « Toi aussi, mon petit ! » (τέκνον signifiant en effet « l’enfant » ou « le petit [d’un animal] »). Lorsque le personnage de Brutus explique pourquoi il a participé au complot, il évoque la pression qu’a pu être pour lui la figure de son ancêtre, le Brutus tyrannicide de ‑509 qui a chassé les Tarquins de Rome et qui fut le premier consul de la République (p. 59). Une pression telle qu’il en aurait trahi un ami de longue date, qui lui avait aussi pardonné sa précédente allégeance à Pompée.
Dans la série Astérix, l’expression est régulièrement utilisée par César, en latin et en français, et cela devient même un running gag, lorsque les auteurs jouent sur la répétition paradoxale d’une phrase banale, pourtant célèbre pour son occurrence dans un contexte nécessairement semelfactif52. César l’emploie ainsi régulièrement, en s’adressant à Brutus, dans de nombreuses situations de la vie quotidienne, pour lui demander d’applaudir, de donner des idées, de passer à table, ou encore pour lui faire la morale53. Dans Le Devin, Goscinny se moque de la prétendue véracité des prédictions, puisque l’augure assure à César que, tant que Brutus sera à ses côtés, il n’aura « rien à craindre54 », alors même que ce dernier joue dangereusement avec un poignard, dont la ligne de force se dirige en outre tout droit vers César ! D’ailleurs, dans Obélix et compagnie, César commence à éprouver quelque inquiétude à son sujet, lorsqu’il dit que « même Brutus [le] regarde d’un sale œil55 ! »
César et Césarion
Outre Brutus, dont la filiation est douteuse, et Octave, qu’il a adopté, on connaît à César un autre fils, celui qu’il a eu avec Cléopâtre, Ptolémée XV Philopator Caesar, dit Césarion. Dans Le Fils d’Astérix, il est le bébé à l’identité gardée secrète jusqu’aux deux dernières planches, caché judicieusement chez les Gaulois parce que, comme l’explique Cléopâtre, Brutus voulait le tuer pour être le seul héritier de César (ce qu’Octave fera dans la réalité). Dans la série TV Rome, le téléspectateur sait qu’il est en réalité le fils du légionnaire Titus Pullo, avec qui Cléopâtre a eu une relation sexuelle pour doubler ses chances de tomber enceinte « de César ». Dans une planche de l’album ‑44, on surprend une conversation de taverne : la fama n’exclut pas que le véritable père de Césarion soit Antoine (p. 29). Dans Tuer César (p. 16-17), la reine assiste à une naumachie avec son nourrisson, en dépit de l’humiliation publique que cela peut causer à Calpurnia, la femme légitime de César ; ses amies se chargent alors de mettre en doute la paternité de César. Dans Alix Senator56, la scénariste Valérie Mangin va jusqu’à imaginer que le petit Césarion n’a pas été tué : il revient donc dans le tome 2 et cherche dans le tome 3 à prendre la place d’Auguste à la Curie (Fig. 11), lors d’une conjuration menée par Livie.
Figure 11
Alix Senator t. 3. La Conjuration des rapaces de Mangin et Démarez,
© Casterman, p. 43. D’après les personnages créés par Jacques Martin et avec l’aimable autorisation des auteurs et des éditions Casterman.
Mais il finit en digne héritier de son père, assassiné au Sénat par les autres sénateurs après le discours du princeps pour renverser la situation. Dans la série TV Rome, Césarion survit jusqu’à la toute fin du dernier épisode puisque Pullo va tout faire, à la mort de Cléopâtre et d’Antoine pour sauver celui qu’il sait être son fils et non l’héritier de César.
Jules César, écrivain : l’art de la déformation historique
Le choix des « commentaires »
César choisit de raconter la guerre des Gaules et la guerre civile par le biais de « commentaires », non d’annales ou d’histoires. Diverses cases d’Astérix font allusion au début du titre complet, « Commentaires » sur la guerre des Gaules, dans des bulles de parole du personnage lui-même57. Ce n’est pas vraiment un genre littéraire historique ; ce sont des notes prises au jour le jour sur un événement que l’on vit ou auquel on participe. Ce carnet de notes ou aide-mémoire n’a normalement aucune ambition littéraire et ne bénéficie théoriquement d’aucune recherche stylistique. Nous savons qu’il fut complété après chaque campagne par des rapports de César au Sénat, par sa correspondance officielle et privée, par les rapports de ses lieutenants, et qu’il contenait des renseignements non rendus publics avant la diffusion voulue par César dans son œuvre.
César est rarement mis en scène dans son statut d’écrivain ; il est surtout présenté comme le personnage qui vit des événements extraordinaires. On peut toutefois relever une case de La Guerre des Gaules livre I. Caius Julius Caesar (p. 45) où l’on voit César écrivant le titre De bello Gallico, et une autre de Roma ab Vrbe condita. Alésia58, où il donne des consignes à son secrétaire, pour qu’il ajoute « comme d’habitude » à la précédente rédaction une liste ainsi que l’information sur les quartiers d’hiver pris à Bibracte. Le premier tome de la série Cléopâtre fait allusion (p. 9) au futur ouvrage de La Guerre des Gaules et à la manière dont César pourrait raconter le passage du Rubicon : la planche le montre en train de plaisanter avec Marc Antoine sur ses futures « mémoires » (dont la lecture va irriter sans nul doute Pompée), et non en train de prononcer « Alea iacta est » avec solennité, comme dans le récit de Suétone. Dans le César scénarisé par Mathieu Gabella est mentionnée à plusieurs reprises la rédaction des Commentaires de César (p. 11, p. 16-17). Et l’imperator est mis en scène en train de réfléchir à l’utilité du texte comme outil de propagande : « Il me faudra… des textes, destinés à raconter tout ce qui est accompli ici, promouvoir ma candidature… et quelques phrases marquantes… » (p. 13). On le voit en fil rouge chercher la meilleure formulation possible pour ce qui deviendra Veni uidi uici et la BD met en scène ses divers tâtonnements à partir de ses équivalents en traduction (p. 13, p. 19, p. 36, p. 39). Et, pour introduire « que le dé soit jeté », le scénariste lui fait suivre (p. 33) la version de Plutarque (32.8 Ἀνερρίθφω κύϐος) et non celle de Suétone (32.3 Alea iacta est ou plutôt esto59) puisque c’est en grec non translittéré qu’il prononce sa citation, tout en observant le Rubicon qui traverse une vallée.
Pseudo-objectivité historique et « carabistouille »
Suétone rapporte le jugement très sévère d’Asinius Pollion sur la Guerre civile, alors même que Pollion était un partisan de César durant toute la période. Le dictateur aurait eu « trop peu de respect pour la vérité […] enregistr[ant] sur parole, sans contrôle, les actions des autres » (Caes., 56.4), avec une fâcheuse tendance à « présente[r] de façon inexacte » ses propres actions. César, par son style, donne toutefois une impression d’objectivité à ses lecteurs (notamment en utilisant la troisième personne pour se désigner lui-même), afin d’influencer l’opinion publique. Son œuvre littéraire sur la conquête de la Gaule devient alors un instrument de propagande, dans lequel il faut masquer la manipulation, comme le suggère le conseiller éditorial de César dans Le Papyrus de César (p. 5, Fig. 12).
Figure 12
Le Papyrus de César de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad
© Les Éditions Albert-René, 2015, p. 5.
Dans ce même album (p. 47), le chef gaulois Abraracourcix fait remarquer à César qu’il ferait bien d’insérer « un erratum » à son ouvrage, en tenant compte de la manière dont les Gaulois ont réécrit les passages les concernant, et Obélix de conclure l’aventure, entre deux bouchées de sanglier, en ajoutant comme dernier « commentaire » (p. 48) qu’« il ne faut pas croire tout ce qu’on écrit »… surtout si c’est César qui l’écrit ! Même Alix, à la fin de l’album Britannia60, n’est pas dupe du rapport orienté que César s’apprête à envoyer au Sénat : « il s’y dépeindra comme le vainqueur de Cassinos et le protecteur des Britons » (p. 46). Voilà pourquoi Goscinny a pu déclarer avec humour que « [s]a principale source de documentation est La Guerre des Gaules de Jules César [, que] ce dernier est merveilleux car il est encore plus menteur que [lui]61 ». Donc lorsque Abraracourcix entend dire, dans Astérix chez les Belges que « les Belges sont les plus braves62 », comme César l’écrit effectivement dans l’incipit de la Guerre des Gaules (I,1,3)63, le chef gaulois ne peut que se disputer avec le chef belge et se faire le porte-parole de son scénariste : « Jules César est le plus grand carabistouilleur du monde » (p. 22). Juste une autre manière de formuler ce que Michel Rambaud nomme un « escamotage historique64 ». L’idée est aussi exploitée dans le deuxième tome de L’Histoire dessinée de la France, L’Enquête gauloise : de Massilia à Jules César : l’historien Jean-Louis Brunaux explique au personnage de Nicoby (et aux lecteurs) : « César nous raconte une belle histoire. Mais elle n’est pas toujours crédible. Il escamote des trucs. […] Il était un magicien de l’écriture65. »
Tout étant écrit selon le point de vue de César, le lecteur est manipulé, comme dans l’exemplum de Pullo et Vorenus dans La Guerre des Gaules (5.44), où les soldats de César sont présentés comme rivalisant de courage, un passage qui sert de ferment au scénario de la série Rome de HBO. En insérant ce récit de uirtus littérairement très élaboré sous cette forme et à cet endroit du livre V, le but de César est de faire oublier une défaite romaine due à une erreur stratégique, en mettant l’accent sur la bravoure de deux centurions, soutenus par la déesse Fortuna. On retrouve une allusion au passage dans une case de la BD de Tarek et Pompetti et dans le manga adaptant La Guerre des Gaules : dans les deux cas, on voit César féliciter les légionnaires qui ont été les plus valeureux et les deux noms devenus célèbres sont cités. Pullo et Vorenus apparaissent presque en continu dans l’album Bibracte, durant leur jeunesse, la fin de l’album montrant Lucius qui s’engage dans l’armée auprès de Titus (p. 52), ce qui permet un lien avec le texte césarien et la série télévisée, où ils sont déjà dans l’armée de César. Avec la diffusion mondiale de la série d’HBO, lorsque Pullo et Vorenus, sont cités dans des BD, ils le sont d’abord comme un clin d’œil à la série de Bruno Heller où ils sont incarnés par Ray Stevenson et Kevin McKidd ; l’hypotexte césarien n’est que second dans ce processus d’intermédialité.
Conclusion
Un Astérix de « l’après Uderzo » déjà mentionné, Le Papyrus de César de Conrad et Ferri, interroge la valeur de la tradition « officielle » portée par César et y apporte une réponse narrative astucieuse, reposant sur « l’interférence de l’imaginaire et du réel66 ». Le conseiller éditorial de César lui avait en effet dit, en début d’aventure, de « couvrir d’un voile pudique » le chapitre racontant ses revers face aux Gaulois du village d’Astérix et d’Obélix (p. 5). Seule la « version expurgée » avait alors circulé, unanimement saluée par des médias obséquieux. Toutefois, le chapitre censuré, initialement écrit par César, avait été subtilisé et lu par nos héros ; et, pour le lecteur, d’après l’index intégré en vision subjective (p. 13) lorsqu’Abraracourcix le découvre, ce contenu censuré dans la fiction correspond à plusieurs albums antérieurs de la série dans sa propre réalité. Et la dernière planche de produire une pirouette finale dans le bien nommé « post-scriptum » : grâce à Panoramix, le véritable déroulement des événements, défavorables à César, s’est transmis oralement, de druide en druide, jusqu’à parvenir à « Bébert et René », les créateurs d’Astérix, attablés dans un café parisien du milieu du xxe siècle, qui en auraient tiré les albums montrés à la dernière case (Fig. 13).
Figure 13
Le Papyrus de César de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad
© Les Éditions Albert-René, 2015, p. 48.
Ainsi l’uchronie partielle de la série Astérix est-elle présentée comme la véritable histoire de la Gaule pour combattre des siècles de mensonges de César. Et la bande dessinée se retrouve porteuse, de manière humoristique, de la vérité historique qu’on lui reproche parfois de trahir.
Notes
1Paul-Marius Martin, « L’image de César dans Astérix, ou comment deux Français sur trois voient aujourd’hui César », dans R. Chevallier (éd.), Présence de César, Paris, Les Belles Lettres, 1985, p. 459‑481.
2La série d’HBO (2005-2007, 22 épisodes) a pour co-producteur exécutif Bruno Heller, principal scénariste avec William J. MacDonald et John Milius. C’est Ciarán Hinds qui interprète, durant les 12 épisodes de la saison 1, le rôle de César.
3Paul-Marius Martin, La Guerre des Gaules, La Guerre civile, César, Paris, Ellipses, 2000, p. 184‑187.
4Valérie Mangin et Thierry Démarez, Alix Senator t. 1 Les Aigles de sang, Paris, Casterman, 2012, p. 8 et p. 44.
5César, Guerres : Guerre des Gaules & Guerre civile, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Editio Minor », 2021. Édition dirigée par J.‑P. de Giorgio. 2e éd. revue et corrigée.Suétone, Vie de César, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1931. Traduction de H. Ailloud.Florus, Œuvres. Tome I : livre I. Tableau de l’histoire du peuple romaine, de Romulus à Auguste, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1967. Traduction de Paul Jal.Plutarque, Vies. César, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1975. Traduction de R. Flacelière et É. Chambry.Dion Cassius, Histoire romaine. Livres 40 & 41, Paris, Les Belles Lettres, coll. « La roue à livres », 1996. Traduction de M. Rosellini.
6Voir Léon Herrmann, « Deux épisodes de la vie de César », Revue belge de philologie et d’histoire 16, fasc. 3-4, 1937, p. 577‑589.
7Jacques Martin, Marc Henniquiau et Michel Éloy, Les Voyages d’Alix t. 7. La Marine antique t. 2, Paris, Casterman, 1999, p. 36.
8Sébastien Latour et Tommaso Bennato, L’Homme de l’année t. 8 : ‑44. L’Homme qui voulut venger César, Paris, Delcourt, 2015, p. 53. Le titre de cet album est désormais abrégé en ‑44 dans la suite de notre article.
9Octave Joly et dessinateurs inconnus, « Un grand Romain, Jules César », Spirou n° 914, 1955, p. 24-28 [https://bd-archives-ab.wixsite.com/spirou-albums-50/fascicule-914] ; « Jules César kidnappé », Spirou n° 1220, 1961, p. 29-32 [https://bd-archives-ab-6.wixsite.com/spirou-albums-60/f1220]. Consultés le 01/03/24.Yves Duval et Hermann, « Alerte aux pirates ! Un épisode méconnu de la vie de Jules César », Tintin, recueil n° 71, 1967.
10Suet., Caes., 49.2-8 (voir aussi 52.6). Pseudo-Aurelius Victor y fait allusion par deux mots en ouverture de sa notice (De Viris illustribus, 78 « Iulius Caesar ») : […] cum saepe ad Nicomedem, regem Bithyniae, commearet, impudicitiae infamatus est (« […] comme il fréquentait régulièrement Nicomède, le roi de Bithynie, il fut accusé de mauvaises mœurs. », traduction personnelle).
11Didier Convard, Pierre Boisserie, Gilles Chaillet, Éric Adam et Annabel, Roma t. 3. Tuer César, Grenoble, Glénat, 2016, p. 19.
12Chez Suétone, il y a seulement mention du prix de César à 50 talents. Chez Plutarque, on lit un marchandage avec 20 talents demandés par les pirates, que César passe à 50 ; c’est respecté dans Spirou 914 et Spirou 1220. Dans Tintin 71, 10 talents pour les pirates –> 15 talents pour César ; dans Jean-Pierre Pecau et Fafner, L’Espion de César t. 1 Memento Mori, Paris, Delcourt, 2020 (p. 15), 10 talents pour les pirates –> 50 talents pour César. Dans César, le scénariste M. Gabella convertit la monnaie, le pirate demandant 10 000 sesterces (p. 3). Les sources antiques ne sont donc parfois pas suivies même pour des détails étonnamment faciles à respecter. Le scénariste prête toutefois au pirate l’une des insultes rapportées par Suétone sur sa liaison supposée avec Nicomède (p. 4). Dans le t. 2 La Chienne d’Hadès (2021), un Romain se permet en outre de suggérer (p. 23) que si Publius Clodius Pulcher s’est déguisé en femme durant une cérémonie en l’honneur de la Bona Dea, c’était pour tenter de séduire César lui-même, et non sa femme.
13Sur la postérité de cette anecdote en peinture, voir Anna Eleanor Signorini, « Jules César et les sculptures dans les tableaux néoclassiques : ostentation d’une absence », in Claire Mercier et Fabien Bièvre-Perrin (dir.), Jules César, construction d’une image de l’Antiquité à nos jours. Actes du colloque ; Besançon 20 et 21 octobre 2022, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2024, p. 97-111 et plus particulièrement p. 98-100 sur la statue d’Alexandre. Nous en tirons cette citation : « Bien que César en connaisse déjà les exploits [= d’Alexandre], c’est l’expérience esthétique à Cadix, devant son simulacre et dans le temple de son alter ego mythologique, Héraclès (le plus important de tous les sanctuaires de l’Ouest), qui déclenche en lui un sentiment de honte, d’envie et agit comme un détonateur pour son ambition (de l’émulation jusqu’au dépassement du modèle rival). » (p. 98).
14Jean-Joseph Julaud, Laurent Queyssi et Gabriele Parma, L’Histoire de France pour les Nuls t. 1. Les Gaulois, Paris, First éditions, 2011, p. 18.
15Mathieu Gabella, Giusto Traina, Andrea Meloni, Ils ont fait l’Histoire t. 23. César, Grenoble/Paris, Glénat/Fayard, 2017, p. 5, p. 11 et p. 22.
16Dominique Ziegler, Félix Ruiz et Léa Chrétien, Helvetius tome 1. Le Temps des menaces, Veyrier, éditions Paquet, 2024. La BD est l’adaptation d’une pièce de théâtre de 2020 déjà écrite par le Suisse Ziegler lui-même.
17« Au final César semble réduit à un être très peu sexué. Les anecdotes issues de l’Antiquité sont soit éludées, soit ne sont rappelées que pour être déniées, exagérées voire sans précaution sollicitées pour alimenter certains débats propres à nos sociétés contemporaines. » (Julien Olivier, « Jules César. Virilité, sexualité, séduction ? », in Claire Mercier et Fabien Bièvre-Perrin (dir.), op. cit., p. 155).
18Jacques Martin, Alix t. 6 Les Légions perdues, Paris, Casterman, 1965, p. 35.
19La scène est reprise dans Jean-Pierre Pecau et Fafner, L’Espion de César t. 3, Le Rubicon, Paris, Delcourt, 2022, p. 15.
20Le manga de Natsumi Mukai (Les Grands Noms de l’Histoire en manga. Cléopâtre, Vanves, Pika, 2020, p. 33) la présente à tort comme la « petite sœur de César ».
21Teams Banmikas, Jules César. La Guerre des Gaules, Toulon, Soleil Manga, 2023.
22Voir René Martin et Jacques Gaillard, Les Genres littéraires à Rome, Paris, Nathan/Scodel, 1990, p. 117‑118.
23C’est la séquence p. 60-65 dans L’Espion de César t. 1.
24Silvio Luccisano et Ludovic Gobbo, Bibracte : le casus belli helvète, Melun, Gallia Vetus, 2022.
25Tarek et Vincent Pompetti, La Guerre des Gaules livre I. Caius Julius Caesar, Cachan, Tartamudo 2012 ; livre II. Vercingétorix, Cachan, Tartamudo, 2013 ; intégrale, Tartamudo, 2016 ; intégrale (sous le titre La Guerre des Gaules : la véritable histoire), Paris, Nouveau monde éditions, 2023.
26Albert Uderzo et René Goscinny, Astérix t. 11 Le Bouclier arverne, Paris, Dargaud, 1968.
27Voir notamment Nicolas Rouvière, Astérix ou la parodie des identités, Paris, Flammarion, 2008.
28Dans le Livre I, p. 17 et dans le Livre II, p. 34.
29Laurent Moënard, Manuel Garcia et Facio, Le Troisième Fils de Rome t. 4. César et Vercingétorix, Toulon, Soleil, 2018, p. 31-32.
30Vercingétorix se rendant à César de Henri-Paul Motte (1886) et Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César de Lionel Royer (1899), Musée Crozatier (Puy-en-Velay).
31Jacques Martin, Alix t. 1 Le Sphinx d’or, Paris, Casterman, 1956, p. 17.
32Jacques Martin, Alix t. 18 Vercingétorix, Paris, Casterman, 1985, p. 4.
33Albert Uderzo et René Goscinny, Astérix t. 17 Le Domaine des dieux, Paris, Dargaud, 1971, p. 5.
34Voir César (Gall., 7.89), Plutarque (Caes., 27.9-10), Florus (Epitomé, 1.45.26) et Dion Cassius (Histoire de Rome, 40.41).
35Albert Uderzo et René Goscinny, Astérix t. 1 Astérix le Gaulois, Paris, Dargaud, 1961, p. 5.
36Albert Uderzo et René Goscinny, Astérix t. 11 Le Bouclier arverne, Paris, Dargaud, 1968, p. 5. Conrad et Ferri reprennent à leur tour la scène initiale dans un de leurs albums, en la complétant par une case qui prolonge l’humiliation de César, car ce dernier se fait ensuite discrètement bander le pied sous la tente. Voir Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, Astérix t. 38, La Fille de Vercingétorix, Vanves, Les Éditions Albert-René, 2019, p. 7.
37Le scénariste Mathieu Gabella choisit dans son César une version très dépouillée de la reddition (p. 30).
38Éric Adam, Didier Convard et Fred Vignaux, Ils ont fait l’Histoire t. 2. Vercingétorix, Grenoble/Paris, Glénat/Fayard, 2014.
39La reddition ne fait l’objet que d’un traitement d’une minute dans Rome 1.1 (« The Stolen Eagle » VO / « Le vol de l’aigle » VF), de 00:05:14 à 00:06:21.
40Rome 1.10 (« Triumph » VO / « Le triomphe de César » VF), de 00:27:50 à 00:29:50.
41Pour l’expression, voir Octave Joly, « Un grand Romain, Jules César », p. 27.
42Pour l’expression, voir Tarek et Vincent Pompetti, La Guerre des Gaules livre II. Vercingétorix, Cachan, Tartamudo, p. 10 ; Marc Jailloux et Géraldine Ranouil, Alix t. 32 La Dernière Conquête, Paris, Casterman, 2013, p. 6.
43Rome 1.1, de 00:01:44 à 00:02:43.
44Voir Claire Mercier et Fabien Bièvre-Perrin (dir.), op. cit., p. 13 (introduction) : « Le personnage de César, en plus de sa notoriété auprès du grand public, à l’avantage de pouvoir fonctionner avec tous les autres thèmes romains faisant de lui l’incarnation de Rome. Il présente en outre un atout de charme incomparable que peuvent lui jalouser la quarantaine d’empereurs qui lui succédèrent : Cléopâtre. »
45Marie Gloris, Thierry Gloris et Joël Mouclier, Les Reines de sang. Cléopâtre, la reine fatale t. 1, Paris, Delcourt, 2017 ; t. 2, Paris, Delcourt, 2018.Thierry Gloris et Joël Mouclier, Les Reines de sang. Cléopâtre, la reine fatale t. 4, Paris, Delcourt, 2021.
46Albert Uderzo et René Goscinny, Astérix t. 6 Astérix et Cléopâtre, Paris, Dargaud, 1965. Albert Uderzo, Astérix t. 27 Le Fils d’Astérix, Paris, Les Éditions Albert-René, 1983.
47Du point de vue du découpage calendaire, il n’y a étonnamment pas adéquation entre le titre en VO (« Kalends of February ») et le titre en VF (« Les Ides de mars ») ; distorsion unique dans la série, le titre original se focalisait sur les derniers jours de César ; son adaptation insiste sur le jour même de l’assassinat.
48Cet intérêt quantitativement marqué pour cette explication est peut-être plus à chercher dans le lien des auteurs et des lecteurs avec l’Histoire de France (et 1789) qu’avec l’Histoire romaine (et ‑509).
49L’album ‑44 (p. 18) reprend l’argument de Suet. (Caes., 65.3-4), par le biais d’un racontar de taverne.
50Suet., Caes., 81.5-9. Phrase présente aussi chez Plutarque (Caes. 63.5-6) au style direct. La remarque est donc facilement transposable en bulle de dialogue dans les BD.
51Sur la postérité de cette autre anecdote en peinture, voir Anna Eleanor Signorini, art. cit. et plus particulièrement sur « César devant le corps statufié de Pompée », p. 100-104.
52Dans la BD humoristique Salade César (Karibou et Josselin Duparcmeur, Paris, Delcourt, 2020, p. 8), César se vante régulièrement auprès de Brutus de l’amant fougueux qu’il a été pour sa mère, en ajoutant : « Encore une fois, d’après mes calculs, neuf mois avant ta naissance, j’ai fait passionnément l’amour à ta mère pendant que son mari n’était pas là. »
53Voir Albert Uderzo et René Goscinny, Astérix t. 4 Astérix gladiateur, Paris, Dargaud, 1964, p. 38 ; t. 15 La Zizanie, Paris, Dargaud, 1970, p. 6 ; Le Fils d’Astérix, Paris, Dargaud, 1983, p. 47.
54Albert Uderzo et René Goscinny, Astérix t. 19 Le Devin, Paris, Dargaud, 1972, p. 9.
55Albert Uderzo et René Goscinny, Astérix t. 23 Obélix et Compagnie, Paris, Dargaud, 1976, p. 41.
56Valérie Mangin et Thierry Démarez, Alix Senator t. 2 Le Dernier Pharaon, Paris, Casterman, 2013 ; t. 3 La Conjuration des rapaces, Paris, Casterman, 2014.
57Voir Albert Uderzo et René Goscinny, Astérix t. 11 Le Bouclier arverne, Paris, Dargaud, 1968, p. 18 ; Astérix t. 17 Le Domaine des dieux, Paris, Dargaud, 1971, p. 5.Albert Uderzo, Astérix t. 30 La Galère d’Obélix, Paris, Les Éditions Albert-René, 1996, p. 6. Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, Astérix t. 36 Le Papyrus de César, Paris, Les Éditions Albert-René, 2015, p. 5.
58Silvio Luccisano, Christophe Ansar, Jean-Louis Rodriguez et Aurore Folny, Roma ab Vrbe condita. Alésia, Saint-Martin-du-Bec, Assor Hist & BD, 2011, p. 70.
59Selon la correction suggérée par Érasme, indiquée dans l’apparat critique du Budé ad loc. p. 23.
60Marc Jailloux et Mathieu Bréda, Alix t. 33 Britannia, Paris, Casterman, 2014, p. 46.
61Propos parus dans Le Soir illustré (1972).
62Albert Uderzo et René Goscinny, Astérix t. 24 Astérix chez les Belges, Paris, Dargaud, 1979, p. 30.
63Voir aussi L’Espion de César t. 3. Le Rubicon, p. 8.
64Michel Rambaud, L’Art de la déformation historique dans les Commentaires de César, Paris, Les Belles Lettres, 1952, p. 111.
65Jean-Louis Brunaux et Nicoby, L’Histoire dessinée de la France t. 2. L’Enquête gauloise : de Massilia à Jules César, Paris/Lyon, La Revue dessinée/La Découverte, 2017, p. 147.
66Selon l’expression employée par Jean-Yves Ferri lors d’un échange que nous avons eu (courriel du 02/03/24).
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Quelques mots à propos de : Julie Gallego
Julie Gallego est maîtresse de conférences de latin (UPPA, ALTER, équipe 2). Ses recherches portent sur la bande dessinée, les séries TV, l’animation et la littérature de jeunesse. Elle a dirigé l’ouvrage collectif La Bande dessinée historique. Premier cycle : l’Antiquité. Elle a aussi co-traduit en latin le t. 2 de Murena. Ses publications principales sur la BD portent notamment sur les séries Alix, Alix Senator, Murena, Médée, Astérix, Jhen, Les Schtroumpfs, Lucky Luke, Corto Maltese et Florida. « Pourvu qu’Octave ne se prenne pas désormais pour un phénomène ! » : Octave-Auguste, de l’adolescence à l’âge adulte dans les bandes dessinées Alix et Alix Senator », Augustus through the Ages. Receptions, Readings and Appropriations of the Historical Figure of the First Roman Emperor, M. Cavalieri et P. Assenmaker, M. Cavagna et D. Engels (éds.), Latomus vol. 366, 2022, p. 521-554.