Histoire culturelle de l'Europe

Annelie Jarl Ireman

Magnus Chase face à Loki : Rick Riordan en dialogue avec la mythologie nordique

Article

Résumé

L’article analyse la trilogie Magnus Chase et les dieux d’Asgard de Rick Riordan et son dialogue avec la mythologie nordique, transmise par la littérature norroise. L’autrice étudie la réinterprétation des mythes dans la trilogie sous différents angles, montrant d’abord comment Riordan les américanise, tout en portant un regard critique sur la société capitaliste actuelle et sur son manque de tolérance. Il modernise aussi les figures mythiques en leur donnant de nouvelles attributs et passions, les rendant compréhensibles au jeune lecteur d’aujourd’hui. En outre, Magnus Chase participe à la déconstruction des représentations genrées traditionnelles, notamment à travers Alex et Loki, les associant à des personnages transgenres. La figure de Loki est particulièrement intéressante chez Riordan qui insiste sur son côté tragique, à la fois malfaiteur et victime des dieux et de la prédestination. À travers Magnus, le héros einheri de la trilogie, l’auteur véhicule des valeurs actuelles comme la solidarité et l’ouverture d’esprit.

Abstract

This article analyses Rick Riordan's Magnus Chase and the Gods of Asgard trilogy and its dialogue with Norse mythology, transmitted through Norse literature. The author examines the reinterpretation of the myths from different angles, showing firstly how Riordan Americanises them, while taking a critical look at today's capitalist society and its lack of tolerance. He also modernises the mythical figures by giving them new attributes and passions, making them comprehensible to today's young readers. Furthermore, Magnus Chase contributes to the deconstruction of traditional gendered representations, notably through Alex and Loki, associating them with transgender characters. The figure of Loki is particularly interesting in Riordan's work, which emphasises his tragic side, both malefactor and victim of the gods and predestination. Through Magnus, the trilogy's einheri hero, the author conveys contemporary values such as solidarity and open-mindedness.

Texte intégral

Introduction

Imaginons que le Ragnarök n’ait pas encore eu lieu. Après tout, selon l’Edda poétique, cet événement est situé dans l’avenir, c’est une prophétie1. Imaginons que Loki soit toujours enfermé dans sa grotte, torturé, ruminant sa colère. Les dieux, grâce aux pommes d’Idun, sont toujours en vie, et les humains qui meurent courageusement vont encore à Fólkvang ou à Valhalla, de plus en plus rempli d’einherjar. Imaginons ensuite que le centre du monde se trouve aux États-Unis et que ce soit à un jeune Bostonien de sauver l’humanité en repoussant encore un peu la fin du monde. Rien de très étonnant, puisque les Américains sauvent le monde, en tout cas dans la culture populaire.

Magnus Chase et les dieux d’Asgard de Rick Riordan comporte trois tomes, publiés entre 2015 et 2017, traduits en français à partir de 2016 chez Albin Michel2. Après la série de 14 livres sur Percy Jackson et la mythologie gréco-romaine, ainsi qu’une œuvre inspirée de la mythologie égyptienne, l’auteur s’attaque ici à la mythologie nordique qu’il a découverte jeune en passant par Tolkien3. Si, dans les livres précédents, Riordan a eu un impact certain sur les connaissances des lecteurs et la popularité des mythes repris, il tire ici partie d’une tendance actuelle, puisque la mythologie nordique connaît une grande renaissance aujourd’hui dans la culture populaire4, mais sa série renforce cette tendance5. Fidèle à son habitude, l’auteur transpose ces anciens mythes au monde moderne. Le récit débute par la mort du personnage principal qui, après avoir été amené par une valkyrie à Valhalla, découvre qu’il est le fils de Freyr.

Ce récit d’aventure mythique pour jeunes lecteurs, terme emprunté à Åsfrid Svensen6, se déroule dans un cadre réaliste (Midgard) ainsi que dans les différents mondes fantastiques de la mythologie nordique, séparés du monde humain par des portails. On peut donc le définir comme appartenant au genre portal fantasy, mais il fait aussi partie de la catégorie d’intrusive fantasy, regroupant les récits dans lesquels les éléments surnaturels font irruption dans le monde réaliste, créant ainsi du chaos7. L’action se passe uniquement à l’époque contemporaine mais le livre se rapproche du genre de la fantasy historique (où il s’agit souvent d’un personnage contemporain qui fait un voyage temporel pour découvrir un univers à la fois historique et magique) dans la mesure où il y a une transmission de faits historiques et d’un savoir mythologique, dont la matière vient des sources anciennes. Il s’agit donc d’une forme hybride permettant la rencontre et la confrontation entre personnages mythiques, appartenant au passé vague et lointain, et jeunes personnages d’aujourd’hui. Brian Attebery décrit le mythe comme étant « un récit collectif qui comprend une vision du monde et permet la croyance »8. Réinterpréter les mythes n’est pas un phénomène limité à la littérature de fantasy, mais est considéré comme l’une des particularités de ce genre. Les auteurs construisent ainsi de nouvelles façons de comprendre les anciennes croyances et récits9. Riordan puise ses motifs de la mythologie nordique, inscrite dans le roman par un jeu intertextuel ; des clins d’œil aux lecteurs avertis sur le sujet et avec des explications pour ceux qui ne le connaissent pas. Un grand nombre de figures mythiques nordiques sont reprises, dans un dialogisme qui « permet d’envisager l’intertextualité comme un processus dans lequel un texte répond à une proposition de sens faite par un texte antérieur, en créant des effets de sens nouveaux et souvent radicalement différents »10.

Selon Véronique Léonard-Roques, « la figure mythique est un système relationnel qui ne se conçoit que dans la répétition, la récréation, l’écart, la variation »11. Il importe de ne pas confondre figure mythique et « personnage-source de cette figure (ou personnage inspirateur qui fait office d’hypothétique première occurrence repérable) »12. Nous pouvons retracer Thor, Odin, Loki, etc., jusqu’à la littérature norroise, principalement représentée par l’Edda poétique, l’Edda de Snorri et Heimskringla, écrites en Islande au XIIIe siècle13 mais fondées sur une tradition orale, considérées comme textes de référence de ces figures. Ce choix de sources est discutable puisque les Eddas ont été rédigées non seulement après la période concernée par ces croyances, mais aussi dans la périphérie d’une aire géographique très grande. Elles se sont pourtant imposées comme récits fondateurs. En outre, elles donnent parfois une image différente de ces personnages, mais on a pris l’habitude de les considérer ensemble. Dans tous les cas, il n’est pas pertinent, à notre sens, de chercher à savoir si la figure mythique reprise par un auteur actuel, comme Riordan, correspond ou non à son personnage-source, mais il est intéressant d’analyser sa transformation actuelle et les raisons de celle-ci. C’est donc en tant que point de comparaison que les textes anciens nous servent.

Après avoir démontré comment Riordan américanise et modernise les mythes nordiques, les rendant accessibles aux lecteurs internationaux d’aujourd’hui14, nous étudierons certaines de ces figures mythiques, notamment Freyr et Loki, avec comme objectif d’analyser la transmission de valeurs actuelles à travers leur transformation.

Un univers américano-nordique

L’auteur crée un univers nordique américanisé. Comme le constate Heather K. Cyr (en analysant Kanes Chronicles), il accentue dans son œuvre l’Amérique comme l’héritière des anciens mythes15. Les points de repères américains renforcent l’image des États-Unis comme la puissance de la civilisation occidentale. L’action de Magnus Chase débute en effet à Boston, la ville où habite l’auteur depuis 2013. Comme il l’a expliqué, ce lieu l’a inspiré par ses références vikings : la statue de Leif Erikson dans le centre commercial Commonwealth et le pont Longfellow Bridge qui est orné de proues de navires vikings, sculptées dans le granit, références au voyage possible de Leif Erikson jusqu’ici et aux poèmes de Longfellow16 sur les dieux nordiques17. Au début du livre, Magnus passe devant la statue de Leif et se moque de son armure minimaliste : « une jupette et une espèce de soutien-gorge en métal à la mode viking »18. L’auteur s’est aussi inspiré de la sculpture Make Way for Ducklings19 dans le Boston Public Garden. Dans l’imaginaire de Riordan, les canards, du nombre de neuf, symbolisent les neuf mondes de la mythologie nordique20. Il suffit d’activer un des canards pour qu’une ouverture vers les huit autres mondes apparaissent. Magnus empruntera ces entrées et remarquera que les différents quartiers de la ville ressemblent à tel ou tel monde, puisqu’il y a une influence mutuelle à cause des frontières peu marquées. Si le lecteur peut s’étonner d’apprendre que Boston est « le cœur de Midgard »21, Magnus, lui, le prend d’abord pour une blague, mais se laisse convaincre par les explications : les Vikings ont cherché le centre du monde à l’ouest, c’est pourquoi ils sont allés en Amérique du Nord où ils ont rencontré les « Skrælings »22 (Amérindiens), dont les légendes parlent du monde des esprits (en réalité Asgard). Ensuite les puritains et leur chef John Winthrop ont parlé d’une « ville radieuse »23, parce qu’ils ont entrevu la lumière d’Asgard. Salem a eu une concentration de sorcières, à cause d’une « contamination surnaturelle de Midgard »24. Enfin, Edgar Alan Poe, né à Boston, parle d’un corbeau (en réalité l’un des corbeaux d’Odin). À travers l’oncle de Magnus, un spécialiste de l’époque viking et des expéditions en Amérique du Nord, est en outre transmise la théorie d’Eben Horsford, selon lequel l’emplacement de Boston correspondrait à celui de Noremberg, une ancienne colonie nordique. Cette théorie n’a jamais été confirmée par les historiens, mais explique la présence de la statue de Leif. La première mission de Magnus sera de retrouver l’épée de son père Freyr, apportée par ces colonisateurs il y a un millénaire et cachée depuis au fond de la mer à Boston. L’idée d’un arbre monde offre en effet une ouverture vers des lieux non nordiques, rendant possible cette transposition à Boston que l’auteur justifie et rend crédible, aussi étonnante soit-elle.

Les pays nordiques sont également présents dans l’œuvre. Les protagonistes voyagent jusqu’en Norvège dans le troisième tome (font le trajet inverse de celui, supposé, de Leif Erikson). Magnus est nommé d’après un roi suédois car sa famille a des origines lointaines dans la royauté de ce pays. À Valhalla, il entend parler le suédois, il y a de la musique norvégienne dans l’ascenseur et les einherjar25 font leurs activités (toujours jusqu’à la mort) dans les salles Oslo, Stockholm et Copenhague. De tels détails, en plus des informations sur la mythologie, contribuent à mettre en valeur l’univers scandinave malgré le cadre américain. Le côté nordique est renforcé par la présence de Mi Homme, qui est parti en viking sous le commandement d’Ivar Le Désossé, avant de mourir à Jórvík (York) et devenir einheri il y a 1200 ans26. C’est un guerrier berserkr27, « vêtu d’une tunique en peau de bête et d’un pantalon en cuir déchiré. Sa barbe incroyablement broussailleuse, même pour un Viking, était festonnée de bribes d’omelette au fromage »28. Son apparence de barbare bon-vivant correspond plutôt au mythe viking29 d’hier, avant notamment la célèbre série Vikings30 qui a transmis l’image d’hommes soigneux et bien coiffés. En revanche, son torse musclé et tatoué de runes correspond à l’image actuelle.

Magnus est un garçon du monde moderne qui observe et remet en question ce qu’il voit et l’interprète avec ses références propres, qui viennent souvent de la culture populaire (notamment du cinéma et des jeux vidéo), essentiellement américaine. La transformation de Magnus quand il devient einheri est comparée à celle de Captain America, mais n’est pas « aussi spectaculaire »31. Il décrit la valkyrie Sam comme une « demoiselle d’honneur d’une mariée façon Mortal Kombat »32. Lors de sa première bataille d’entraînement à Valhalla, les guerriers « tuaient avec allégresse et mouraient sans montrer plus d’émotion que si on avait abattu leur avatar dans Call of Duty »33. De même la force physique des ennemis est expliquée par une mise en relation avec des héros de la culture populaire. Quand Magnus pêche Jormungand, de la même manière que Thor le fait dans « Hymiskvida »34, il a par exemple « l’impression de disputer une partie de bras de fer contre Terminator »35.

Par le tandem Hearth et Blitz, un elfe et un nain, un lien peut être fait au Seigneur des anneaux et son couple d’amis Legolas et Gimli. Ils communiquent comme eux par des défis et des insultes bienveillantes, mais la ressemblance s’arrête là, comme le constate Magnus : « Tous les films et les romans de fantasy que je dévorais au collège présentaient les elfes comme des créatures d’une beauté surnaturelle. [Hearth] évoquait plutôt un étudiant anémié qui n’aurait pas mangé depuis plusieurs jours »36. Il ne chante pas (ne parle même pas) et ne sait pas tirer à l’arc. Les autres elfes du livre sont encore plus éloignés de l’image tolkienienne. Le père de Hearth ressemble aux « extraterrestres qui enlèvent les vaches au bord de leurs soucoupes »37. Le nain Blitz n’est ni anormalement petit38, ni laid et grincheux, à la différence de Gimli chez Tolkien. Dans l’intrigue du 2e tome, il y a un anneau maudit, mais qui ne donne pas de « trip façon Le Seigneur des anneaux, des murmures angoissants, un tourbillon de brume »39. L’anneau transforme pourtant le père de Hearth en monstre, faisant sortir le pire en lui. On constate donc à la fois une continuité et une rupture avec la tradition de Tolkien, notamment pour ce qui est des elfes. Ce changement de l’archétype vient du rapprochement des sources nordiques de Riordan.

Un regard critique sur la société

L’américanisation de la mythologie nordique n’empêche pas l’auteur de porter en même temps un discours critique sur les problèmes sociaux de son pays et sur la culture capitaliste de l’ouest. La pauvreté, les différences de classes sociales et la discrimination des minorités sont mises en évidence pendant que le matérialisme et le mode de vie égocentrique sont critiqués. Au début du roman, Magnus vit dans la rue depuis la mort de sa mère deux ans auparavant. Riordan utilise sa propre expérience, d’avoir enseigné aux enfants sans domicile fixe, pour rendre crédible la vie dans la rue de son personnage, donnant ainsi un visage à un grand problème de la société américaine actuelle, notamment à Boston40. Magnus constate par exemple que s’il faut mourir de façon héroïque pour atteindre Valhalla, cet endroit « reste plus accessible que la plupart des immeubles du centre-ville »41, qui même en étant vide, sont interdits aux SDF. Magnus porte un regard critique sur ce qui se passe autour de lui et commente avec un franc-parler le comportement des gens. Quand Surt attaque, créant le chaos dans la ville, « un idiot filmait la scène avec son smartphone au lieu d’aider »42. Magnus sait par expérience que certaines personnes ont de la compassion mais que la plupart ne font rien. Il constate avec cynisme qu’« il n’est pas concevable qu’un ado dorme dehors en plein hiver, enroulé dans un duvet crasseux. Vous auriez pensé : ‘Il faudrait faire quelque chose pour ce gosse !’ Puis vous auriez poursuivi votre chemin sans plus vous soucier de moi »43. Il doit voler pour survivre, mais fidèle à son code moral et conscient des injustices sociales, il choisit des victimes qui sont riches ou qui commettent des actes répréhensibles, comme se garer sur une place handicapée. Les années dans la rue lui ont appris à se méfier aussi de l’autorité, que ce soit les services sociaux ou les policiers. Il sait que, dans un nouvel endroit, on doit d’abord comprendre « l’organisation, la hiérarchie, les interdits. La priorité, c’était de survivre »44. Cette expérience sera utile lors de ses missions dans les différents mondes.

Le réchauffement climatique est également mis en évidence dans le tome 3, puisque le navire Naglfar, bloqué dans la glace à Nifelheim, se libère parce que la glace fond, amenant plus vite la fin du monde. À travers le personnage de Sam et par une référence à une source arabe (intéressante parce qu’elle est plus ancienne que les nordiques), est critiqué le manque de tolérance religieuse aujourd’hui. Il s’agit du récit Le Voyage chez les Bulgares de la Volga d’Ibn Faḍlān, qui au début du Xe siècle fait partie d'une ambassade envoyée par le calife de Bagdad et assiste aux funérailles du chef varègue Igor de Kiev. Sam raconte cette histoire à Magnus pour expliquer que les relations entre les Nordiques et les Musulmans datent d’il y a longtemps, ce qui justifie le choix de laisser une Américaine musulmane être valkyrie, et prouve que même les anciens Scandinaves, aussi guerriers fussent-ils, savaient co-exister avec des peuples d’autres religions.

Les adjuvants de Magnus sont des marginaux, rejetés dans la société actuelle, à cause de leur identité genrée (Alex, fils/fille de Loki), leur religion (Sam, fille de Loki, représentante de la minorité musulmane aux États-Unis), leur handicap (Hearth, elfe sourd-muet), leur couleur de peau (T.J., fils de Tyr et une esclave noire), leurs passions hors normes (Blitz, fils de Freya et du nain Bili, créateur de mode). Le livre est en cela un appel à la tolérance. Cette variété de modèles donne la possibilité à un grand nombre de lecteurs de s’y identifier. Comme le souligne Julia Rizzotto, la série est représentative « de l’évolution de la littérature de jeunesse vers une représentation du monde qui n’exclut pas de ses histoires les marginaux »45. Si l’exclusion représente un frein dans le monde réel, elle n’empêche pas de devenir un héros dans le monde fantastique, qu’on peut voir « comme miroir du monde contemporain et les pouvoirs magiques des jeunes héros comme une façon de surmonter leur marginalité ou, au contraire, de la renforcer »46.

La mythologie nordique modernisée

Magnus Chase est rempli d’informations sur la mythologie nordique, venant notamment des Eddas, mais aussi d’autres sources comme les sagas islandaises. Tout en reprenant le contenu des sources, l’auteur adapte les mythes à la société actuelle. Valhalla, qui dans la mythologie est un paradis dans la mesure où on s’y bat, boit et mange, se change ici en un hôtel dans lequel les suites s’adaptent au client, devenant son « environnement idéal »47. Celle de Magnus est ouverte vers le ciel (il est claustrophobe) et contient par exemple un canapé en cuir, une grande télé et six consoles, ainsi qu’un jacuzzi. L’hôtel Walhalla48 a sa propre version d’une boutique de souvenirs : une grande galerie marchande où l’on peut acheter des bateaux, des vêtements de mode, des armes… et où il y a un magasin IKEA. La clientèle d’einherjar est diversifiée, ce que montrent leurs habitudes alimentaires. Særhrímnir est mangé chaque jour pour ensuite ressusciter, comme dans les sources, mais donne, selon les différents morceaux, du porc, du poulet ou du bœuf, et même du végétarien en forme de tofu. L’hydromel de Heidrun réveille les sens et donne confiance, mais pas la nausée, l’énervement et des battements de cœur. Les valkyries sont des humaines qui vivent une double-vie entre Valhalla et le monde ordinaire. Elles sont équipées de caméras, ce qui permet de visualiser la fin des futurs einherjar et juger si les valkyries ont fait le bon choix. Fólkvang, qui selon Snorri accueille l’autre moitié des guerriers mort, ressemble chez Riordan à une colonie de vacances où l’on pique-nique, discute et joue avec des instruments et des ballons plutôt qu’avec des armes.

L’auteur modernise également les personnages mythologiques en leur donnant de nouvelles passions et en modifiant leurs attributs. Les dieux ont déjà au moins mille ans et ont dû évoluer avec la société. Ainsi Heimdall est complètement obsédé par son smartphone et Instagram. Mjölnir sert toujours d’arme mais aussi d’écran, ce qui est pratique puisque Thor passe son temps à regarder des séries télé sur Netflix. Chez lui, il a une « salle IMAX, avec deux écrans géants et une rangée de moniteurs plasma juste au-dessous », lui permettant de regarder « deux films simultanément tout en suivant le déroulement d’une douzaine d’événements sportifs »49. Odin, lui, est un coach de vie qui donne des conférences et publie des livres. Ces modernisations semblent convaincantes parce que l’auteur se base sur des traits déjà existants dans les textes anciens. Odin y est décrit comme obsédé par le savoir, prêt à tous les sacrifices pour l’atteindre. Il a le rôle de guide, donnant des conseils aux hommes dans « Hávamál »50. Sa personnalité discrète et ses voyages secrets sont également repris par Riordan. Pendant que le personnel et les clients de l’hôtel Walhalla le croient parti en voyage depuis des années, il est en réalité présent, déguisé en einheri demi-troll portant le nom de X. Tel un agent infiltré, il peut ainsi savoir ce qui s’y passe. Une autre figure mythique joue un rôle important dans l’intrigue : Mimir, le patron de Hearth et Blitz. En référence à La saga des Ynglingar, qui décrit comment il se fait décapiter51, il n’y a que sa tête, mais il est « plus malin qu’Odin », et préfère comme ce dernier, « œuvrer dans l’ombre et rester anonyme »52.

Le rôle de Magnus sera de repousser la fin du monde en combattant les forces maléfiques. Avec le temps, les liens ligotant les méchants commencent à être usés. La corde de Gleipnir n’est plus aussi incassable, c’est pourquoi il faut la remplacer par une nouvelle, plus solide encore, sinon Surt va pouvoir libérer Fenrir et déclencher le Ragnarök. Loki, sur qui nous reviendrons, finira par se libérer dans le 3e tome. Comme le savoir nécessaire à Magnus vient de différents personnages et se présente sous différentes versions, il comprend qu’il doit juger par lui-même au lieu d’accepter ce qu’on lui dit comme seule et unique vérité. Il se rend compte que même ceux qui représentent le mal, eux aussi modernisés, ne sont pas forcément méchants. Les géants des montagnes sont ambigus, ce qui est aussi le cas dans les récits médiévaux. Ils savent manipuler les sens, ce qui dans Magnus Chase est appelé « glamour »53. Ils existent en différentes tailles, souvent petits comme les hommes (et certains vivent parmi eux), mais peuvent temporairement prendre d’autres formes et une taille plus grande. Comme Utgard-Loki l’explique à Magnus, les dieux et les géants sont proches et les frontières entre les deux clans sont flous, notamment à cause d’un grand nombre de mariages mixtes. Ce « roi des géants des montagnes »54, « roi de l’illusion »55 n’a rien à envier aux dieux, si ce n’est que les pommes d’Idun grâce auxquelles ces derniers restent jeunes (mais Magnus l’aide à en récupérer une). Il devient clair qu’Utgard-Loki n’apprécie ni Surt, ni Loki. Contrairement à eux, il n’a aucune envie de voir arriver la fin du monde. Il fait pourtant partie de leur camp car « c’est inévitable »56. Il ne choisit pas son destin. Riordan accentue ainsi l’ambiguïté entre le bien et le mal, déjà présente dans les textes-sources. Seuls deux personnages sont finalement clairement des représentants du mal car elles représentent le chaos et la destruction : le géant de feu Surt et Ratatosk. Ce dernier, qui dans la mythologie est un écureuil immense qui court le long du tronc pour transmettre des insultes entre l’aigle et Nidhögg, est « le fléau de l’arbre-monde. Quiconque s’aventure sur les branches d’Yggdrasil doit affronter ce monstre tôt ou tard »57. L’apparence de l’écureuil, avec ses incisives tranchantes et ses griffes en forme de sabre, n’est pas ce qu’il a de plus effrayant. Il envahit l’esprit de sa victime avec des reproches et des insultes, une arme psychologique anéantissant la victime. La mythologie ne donne pas d’explications concernant ce personnage. Riordan renforce de façon humoristique l’absurdité du récit, mais laisse aussi son personnage le remettre en question en voulant savoir pourquoi Ratatosk transmet les insultes et on apprend qu’il agit par « instinct de destruction »58. Riordan le transforme donc en un monstre qui comme Surt incarne le chaos et dont le comportement ne peut être compris.

Une mise à jour des représentations genrées

Les récits mythologiques sont remplis de relations père-fils et de figures masculines fortes incarnant un héroïsme viril. Riordan modernise aussi les représentations genrées, remettant ainsi en cause les représentations stéréotypées de l’ère viking. La société des nains est chez lui matriarcale : la mère définit la lignée et on se présente avec le nom de sa mère, ce qui plaît à Magnus qui avait une relation forte avec la sienne, tandis que son père est absent. Découvrir que ce dernier existe et que c’est un dieu Vanir ne semble pas le troubler et il ne cherche pas non plus à avoir une relation avec lui. Magnus reste le fils de sa mère, plutôt que le fils de Freyr.

Les einherjar à Valhalla peuvent aussi être des femmes, adaptation nécessaire pour permettre l’identification des lecteurs modernes. En revanche, il n’y a pas d’hommes parmi les valkyries, femmes guerrières serveuses à Valhalla. L’adaptation genrée se fait vers plus de fonctions pour les femmes, non l’inverse. Le personnage principal est bien un homme, mais une protagoniste femme joue également un rôle important : la valkyrie Sam, fille de Loki et d’une femme musulmane. Comme l’explique Maria Nilsson, la fille dans le genre fantasy traditionnel est là pour soutenir le héros et/ou être l’objet de son intérêt romantique. Beaucoup de livres récents défient ce « contrat genré »59 en donnant le rôle principal aux filles60 ou bien, comme c’est le cas ici, en complexifiant le personnage secondaire féminin. Ainsi, Sam est autonome, prend des initiatives et trouve des solutions aux problèmes. Au fur et à mesure que le récit avance, elle prend de plus en plus de place pour devenir, au dernier tome, ce qu’on peut appeler un personnage principal secondaire61.

Riordan donne aussi plus d’importance aux figures mythiques féminines. Si Magnus et T.J. sont respectivement le fils de Freyr et de Tyr, Blitz et Mallory sont eux, le fils et la fille de Freya et de Frigg. La littérature eddique parle peu des déesses, insistant surtout sur leur beauté et les associant au mariage et aux accouchements. Dans Magnus Chase, elles sont fortes, actives et complexes, avec des qualités comme des défauts. Frigg incarne à la fois des capacités traditionnellement féminines de tendresse et de soin, et des capacités masculines de combat : « Frigg, vêtue d’une robe vaporeuse et coiffée d’un casque guerrier, son sac de fournitures pour tricot coincé sous le bras, couvait [sa fille] d’un regard tendre ».62 C’est elle qui gouverne réellement à Asgard, en étant « le pouvoir dans l’ombre du trône »63 d’Odin, son époux. Elle sait aussi bien prédire l’avenir que son mari, mais comme lui, elle ne peut pas l’influencer. De la même manière, Sif n’est pas uniquement l’épouse de Thor. Son pouvoir vient de la nature, qui lui permet par exemple de « se déplacer d’arbre en arbre et entrer en communication télépathique avec la mousse »64. D’un fort caractère, elle agit en coulisse pour aider son mari. L’auteur reprend des éléments du récit de Snorri65 dans lequel Loki coupe les cheveux de Sif, avant d’être obligé de faire fabriquer par les nains des cheveux en or pour elle. Ils ont la particularité de pousser comme des cheveux ordinaires. Dans Magnus Chase, ses cheveux dorés « se tress[ent] d’[eux]-mêmes pour façonner un objet » comme « une imprimante 3D recrachant de l’or massif »66.

Freya est ambiguë dans la mythologie, en tant que déesse de l’amour mais aussi de la guerre, récupérant la moitié des guerriers morts67. Elle est réputée pour sa beauté et certains textes la décrivent comme généreuse en amour68. Dans Magnus Chase, son aspect nymphomane est développé car elle refuse d’aller à Nidavellir par peur de ne pas pouvoir résister à la tentation d’obtenir des bijoux en échange de son amour (comme lorsqu’elle a eu le collier des Brísingar). Riordan donne ainsi des explications sur la différence entre les nains et les elfes noirs, absentes des sources. Ces derniers sont les descendants de Freya (nombreux à cause de son faible pour les bijoux), en conséquence plus grands et plus beaux que les nains. Blitz n’est pas fier de cet héritage et se voit davantage comme un « ‘reçu’ »69 pour le travail de son père, qu’un demi-dieu. Or l’auteur insiste aussi sur l’autre aspect de l’amour de la déesse, présent dans les Eddas70. Freya est une femme amoureuse abandonnée par son mari Od qu’elle a cherché pendant un siècle et pleure toujours (ce qui permet d’avoir ses larmes en or).

Le personnage qui porte avant tout les intentions genrées de l’auteur71 est Alex, que Mi Homme désigne par le mot argr. Il explique que les « argr ne sont pas des guerriers »72, mais que ces personnes étaient acceptées à l’époque viking. Le mot ne représentait pas une insulte si l’argr s’assumait comme tel. Cela correspond à une interprétation moderne de l’ouverture d’esprits des Scandinaves de l’ère viking. Le nom ergi du vieux norrois (et son adjectif argr) renvoie en effet à la non-virilité et à la lâcheté73. Alex s’avère être un guerrier très courageux, avec une personnalité dominante et colérique, qui ne correspond donc pas à la définition ancienne du terme, ne servant chez Riordan qu’à marquer le genre fluide de son personnage. Alex est successivement fille et garçon, le changement de sexe pouvant arriver à n’importe quel moment mais s’impose à chaque fois comme une évidence, car le genre « ça ne se discute pas »74, comme il/elle le proclame.

L’attitude de Magnus par rapport à son ami(e) qui change de sexe devant ses yeux est importante également. Il est certes étonné mais ne se semble pas réfléchir sur sa propre orientation sexuelle. Quand il tombe amoureux d’Alex, son genre n’a aucune importance. Alex a donc la fonction d’être l’objet de l’intérêt romantique du personnage principal (selon le contrat genré des livres fantasy), mais Magnus devient tout autant l’objet de ses sentiments à lui/elle.

La fluidité de genre d’Alex est en partie expliquée par sa parenté avec Loki75, à qui il/elle ressemble aussi physiquement. Ce dernier n’est pas le père mais la mère d’Alex76. Loki de la mythologie n’est pas transgenre mais un métamorphe (comme Odin). En tant que tel, il peut prendre n’importe quelle forme (humain, animal ou créature). Il semble pouvoir en même temps choisir le sexe de sa forme temporaire, puisqu’il donne naissance à Sleipnir sous forme de jument. Alex est aussi métamorphe, ce qui se traduit dans sa forme de base par une fluidité de genre. Comme la capacité de se transformer est associée à Loki (personnage négatif), elle accentue au départ la marginalisation des personnages la possédant (Alex et Sam), mais devient une force une fois maîtrisée et assumée.

Une nouvelle forme d’héroïsme

Chez Riordan, les dieux masculins sont démythifiés. Si Thor est fort et courageux dans les récits médiévaux, il a aussi un côté comique. Il a besoin d’aide pour résoudre des problèmes, il agit sans réfléchir et il a peur du qu’en dira-t-on77. Il est difficile d’imaginer que les anciens Scandinaves, qui l’invoquaient avant une bataille, le trouvaient ridicule. Il a dû incarner un idéal héroïque guerrier. Riordan va plus loin que les Eddas dans cette image caricaturale. Son Thor n’est pas impressionnant du tout. Colérique et impulsif, l’assimilation d’information chez lui est « particulièrement lente »78. On peut toujours l’appeler le dieu du tonnerre mais le bruit vient de ses pets. Il ne pense qu’à manger, boire, dormir et regarder la télé. Il n’arrête pas d’égarer son arme « à moins qu’on ne lui colle ce fichu marteau sous le nez avec du ruban adhésif »79. Dans « Thrymskvida », c’est Loki qui l’aide à reprendre le marteau du géant Thrym80, ici c’est Magnus et ses amis. Quand ils ont finalement grandement besoin du dieu le plus fort pour empêcher le Ragnarök, il arrive en retard à la bataille. Odin est aujourd’hui généralement vu comme sournois, grincheux et égoïste, même si Snorri le décrit dans La saga des Ynglingar comme un noceur agréable et sympathique, sauf pour ses ennemis81. Il est cependant associé à la magie et ses intentions restent souvent cachées. Dans Magnus Chase, il ne semble pas servir à grand-chose, trop « imprévisible »82 pour être fiable. Il agit en périphérie, suit son propre agenda, occupé avant tout par la promotion de ses livres. Il n’aide pas nos héros à combattre le mal et ses objectifs restent flous dans le livre.

Les dieux ne semblent plus prendre au sérieux la menace de la fin du monde. Heimdall, qui dans la mythologie a principalement la fonction de surveiller les agissements des géants, utilise sa vision développée pour observer la vie sur terre pour son plaisir (téléréalité) et passe son temps à faire des selfies avec diverses célébrités, comme le président Obama et Beyonce. Mimir, lui, utilise son intelligence pour faire des affaires, impliqué dans des activités maffieuses : « prêts, protection, pachinko »83. Quand il aide par ses conseils, cela a toujours un prix84 : des années de servitude. Les dieux sont donc ambigus, trop passifs et agissant de façon égoïste, aidant seulement parce qu’ils veulent quelque chose en retour. C’est également le cas de Freya, ainsi que des elfes et des nains, tout aussi avides et prêts à tout pour des richesses. Comme les dieux ne veulent pas la fin du monde, Magnus les considère comme des alliés, mais pour lui, ils ne font pas clairement partie du camp du bien.

Notre personnage principal est fils de Freyr, ce dieu incarnerait donc un meilleur idéal héroïque que Thor et Odin qui n’ont pas d’héritiers dans notre bande de héros. À la différence des Ases, c’est un dieu bénéfique, de l’amour, de la lumière et de la fécondité. Si, dans les sources, ce dieu connaît aussi l’art du combat, Riordan insiste sur son côté non-guerrier, le présentant par exemple comme un grand couturier. Lui seul parmi les dieux peut résister au chaos, puisqu’il fait renaître la nature, ce pourquoi il est l’ennemi principal de Surt. Les anciennes sources parlent peu de Freyr, ce qui permet une interprétation libre. « Skírnisför »85 raconte comment il oblige Gerd à l’épouser, puis donne son épée à Skírnir en récompense de son aide, ce qui mène à sa mort par les mains de Surt lors du Ragnarök. Riordan développe ce récit en interprétant l’amour pour Gerd comme une malédiction. Freyr est devenu obsédé par la belle géante car par un acte de rébellion (selon Loki), il s’est installé sur le trône d’Odin. En conséquence, il a perdu son épée que Surt cherche depuis pour pouvoir accomplir la prophétie et tuer son ennemi naturel avec sa propre arme.

En tant que fils de Freyr, Magnus maîtrise l’« Alf seidr »86, qui dans le roman correspond à une capacité magique pour se défendre et guérir les blessures. Comme Freyr est le dieu des températures douces, il symbolise « le juste milieu »87 entre les extrêmes du monde de feu et du monde de glace, du chaud et du froid, ce qui explique pourquoi Magnus supporte bien les deux, mais aussi pourquoi il refuse de choisir un camp prédéfini. Il ne se contente pas des connaissances anciennes, mais choisit lui-même ses amis et alliés. Ouvert d’esprit, il se démarque à la fois par sa propre marginalité que par sa capacité d’accepter la différence des autres sans mettre en doute leur place dans la communauté88. Magnus est un digne héritier du dieu Vanir, qu’il surpasse avec des qualités comme l’écoute, la compassion, le sens de la justice et la tolérance. Comme son père, ce n’est pas un grand guerrier, mais il se bat comme lui quand c’est nécessaire pour aider ses amis ou des innocents. Il montre surtout que la non-violence est une force plus grande. On peut en effet être un guerrier sans armes et sans tuer. Au contraire, Magnus a le don de désarmement et de guérisseur, ainsi que d’inspirer les autres. Intelligent, il préfère négocier plutôt que se battre.

Vif d’esprit, il a de la repartie en toute circonstance, et ressemble en cela à Loki, ce qui est mis en avant de nombreuses fois dans la littérature eddique, notamment dans « Lokasenna »89. La tradition hospitalière de l’époque viking interdisait de faire du mal à quelqu’un avec qui on partageait un repas, ce qui permet à Loki dans ce texte d’offenser à tour de rôle les dieux et déesses. C’est pourquoi, dans le roman, Magnus doit finalement se mesurer à lui à travers un combat d’insultes. Il réalise cependant qu’il ne doit pas jouer le jeu de Loki mais adapter le duel verbal à ses propres qualités. Son don n’étant pas de « briser les gens mais de les réparer »90, il met en valeur ses amis ce qui diminue l’ennemi. Loki finit piégé, réalisant qu’il est seul, lui, et que l’amour rend fort.

Loki, figure tragique prisonnière de son destin

Deux des protagonistes sont des descendants de Loki, ses qualités semblent donc également plus valables pour notre monde moderne que celles d’Odin et de Thor. Il y a une prise de distance par rapport à ses mensonges et trahisons, mais son image est ambiguë. Si ses enfants ont conscience de leur héritage dangereux, ils finissent par maîtriser le côté négatif de Loki et le transformer en qualité, le surpassant ainsi. Loki est un personnage complexe dans la littérature eddique, ce qui le rend particulièrement intéressant à réinterpréter. Le jugement de Snorri est sévère ; rusé et fourbe, c’est l’incarnation du mal91. Il a pourtant également des traits positifs : intelligent et serviable. Dans la culture populaire américaine, cette figure évolue dès les comics Marvel vers un type d’anti-héros, pour ensuite devenir le héros des productions récentes comme la sérié Loki92. Riordan nuance davantage ce personnage, tout en lui conférant le rôle traditionnel d’antagoniste. Magnus apprend qu’il est dangereux parce qu’il est imprévisible (comme Odin donc) et « drôlement retors »93. Il trouve pourtant qu’il est charmant avec « le sens de l’humour »94, mais il se dit que c’est « peut-être un sociopathe »95. Il lui semble en tout cas plus impressionnant que Thor.

Magnus finit par voir Loki comme le grand méchant qu’il faut empêcher d’agir pour sauver le monde, mais son récit transmet de la compassion pour lui. Comme Loki le lui dit, il n’a jamais choisi de combattre les dieux lors du Ragnarök. Il a commis un acte abominable en faisant tuer Baldr. Or la mort de ce dernier était prévue, c’est pourquoi sa mère Frigg a tenté de le sauver en le rendant immortel. Elle constate elle-même dans le roman que c’était arrogant de sa part de penser pouvoir déjouer le destin. La destinée est un élément essentiel de la mythologie nordique. Odin, plus que quiconque, sait que rien ne peut être fait pour empêcher le Ragnarök, il est seulement possible de retarder l’inévitable. Loki ne fait qu’accomplir son destin en tuant Baldr. Pour cela, il aurait pu être exécuté, mais comme il a toujours son rôle à jouer, il est attaché avec les intestins de ses enfants (innocents et massacrés), dans une caverne avec un serpent venimeux au-dessus de la tête. Comme le constate Magnus en l’apprenant, « la justice des Asgardiens ignore la miséricorde »96. Plus tard dans le récit, Magnus découvre de ses propres yeux la prison de Loki où l’air « empestait la pourriture et la chair brûlée »97. La description traduit l’horreur du narrateur : « son corps émacié était vêtu d’un pagne en lambeau. L’atmosphère toxique avait desséché et décoloré ses longs cheveux brun-roux. Quant à son visage… Imaginez un masque de cire en partie fondu. »98. En effet, sa femme Sigun, restée à ses côtés, doit régulièrement vider la coupe remplie, le venin coule alors sur le visage de Loki, causant une souffrance inimaginable. S’il est capable de quitter mentalement sa prison, la douleur le poursuit partout. Avec son ironie habituelle, Magnus constate que les dieux avaient créé une caverne « à l’épreuve des tremblements de terre, […] des liens indestructibles, un serpent avec une réserve inépuisable de venin et une coupe trop petite »99

Fou de rage contre les dieux et obsédé par la vengeance, ce n’est pourtant pas la torture qui rend Loki le plus amer, mais le fait d’avoir été rejeté par eux, banni, après toutes les fois où il les a sauvés. Quand il se libère à la fin de la série, il devient évident qu’il ne peut pas se libérer de son destin et trouver son libre arbitre. Supposé faire le mal et sans personne qui croit en lui, il est incapable de changer. Il finit donc par être emprisonné de nouveau, de la même façon, un choix qui semble cruel, à nos yeux modernes. Mais comme l’explique Odin, le châtiment de Loki doit être rétabli pour « respecter l’enchaînement des événements qui, le moment venu, conduiront au Ragnarök »100. « On ne change pas le destin »101.

Le roman suggère donc que le destin de Loki aurait pu être différent si on lui avait donné une deuxième chance au lieu de le punir par une torture pendant un millénaire. Cela semble à la fois injuste et une question d’interprétation. C’est Loki qui a le dernier mot dans le livre puisque Magnus se souvient de ce qu’il lui a appris : « Si on ne peut pas changer les grandes lignes du destin, on peut toujours modifier les détails de manière à en garder le contrôle »102. « C’est le seul moyen que nous ayons de nous révolter contre notre sort. »103 Loki inspire en effet à Magnus de ne pas tout accepter passivement mais de se révolter et faire ses propres choix, une liberté que Loki lui-même n’a jamais eue.

Conclusion 

Riordan transmet le contenu des récits fondateurs de la mythologie nordique, mais le transpose au monde moderne et le recontextualise dans un cadre géographique américanisé. Il réécrit avec humour ces mythes, tout en critiquant la société et incitant à une réflexion plus large concernant l’égalité, la solidarité et l’héroïsme. Comme d’autres personnages mythiques, ceux des Eddas « traversent le temps », « se détachent des œuvres qui les ont fait naître » et « se reconnaissent, se écrivent, se incarnent »104, selon la définition de Nathalie Prince. Riordan réinterprète ces figures mythiques de façon à ce qu’elles puissent parler à un large public international d’aujourd’hui, mais en cohérence avec les sources, ce qui rend la transformation crédible. Mais comment créer une intrigue passionnante quand la fin est déjà connue et inévitable, comme c’est le cas avec la mythologie nordique se terminant par le Ragnarök ? L’auteur américain fait le choix de garder le cadre mythique, tout en donnant aux personnages la possibilité de modifier les détails (sagesse de Loki) et remettre à plus tard la fin du monde.

Malgré la modernisation, les anciens dieux semblent dépassés et ne correspondent pas à nos valeurs actuelles. Laurent Di Filippo constate que certains éléments de la mythologie nordique sont généralement repris dans la culture populaire d’aujourd’hui, à savoir la présence d’Odin et de Thor comme figures dominantes du panthéon, ainsi que de Loki malicieux et traître105. Les trois se trouvent en effet dans Magnus Chase mais les défauts des deux premiers sont accentués, ce qui leur confère un côté ridicule et les démythifie, tandis que d’autres dieux et déesses comme Freyr et Freya sont davantage développés, aussi avec des traits négatifs. Le dualisme du récit d’aventure mythique traditionnel est ici complexifié : le mal et le bien ne sont pas clairement opposés. Riordan transmet cet héritage culturel tout en prenant ses distances, en créant une nouvelle génération de héros, dignes héritiers de ces figures mythiques mais qui les dépassent et les remplacent. Par ses jeunes protagonistes, l’œuvre ouvre de nouvelles voies, hors des rôles masculins et féminins traditionnels. Le récit d’aventure mythique peut ainsi sans cesse se renouveler par la réinterprétation des mythes.

L’association de Loki à un personnage transgenre (à travers sa capacité à se métamorphoser) ne va pas de soi, et ne correspond pas aux textes sources. Or, son ambivalence peut aujourd’hui ouvrir vers une réflexion sur le genre. Ayant simultanément le rôle de malfaiteur et de victime, Loki a principalement la fonction de pousser Magnus à faire ses propres choix, car la prédestination, omniprésente dans les textes médiévaux, n’est pas une notion possible aujourd’hui. La principale qualité de Magnus est son autonomie. Possédant les caractéristiques héroïques typiques du récit d’aventure mythique (courage, force, endurance…), il incarne également l’ouverture d’esprit puisqu’il s’intéresse aux personnes sans penser à leur genre, niveau social, physique, etc. Il est fidèle et défend ses amis coûte que coûte. Gentil, généreux et solidaire, il ouvre un foyer pour jeunes SDF à la fin de la trilogie. Il est capable de compassion aussi envers ceux qui agissent mal, comme Loki. Quand c’est possible, il choisit de résoudre les problèmes en parlant, incarnant la non-violence et l’intelligence. Malgré sa transformation en guerrier nordique au début du livre, il n’est pas un super-héros. Tout en ayant un protagoniste einheri, l’œuvre s’éloigne donc des stéréotypes guerriers et dénonce la force brute et la vengeance, en faveur de la tolérance et la solidarité, mais garde les valeurs toujours de mise de l’ère viking : la fidélité, la droiture et le courage.

Notes

1« Völuspá », in L’Edda poétique, trad. Régis Boyer, Paris, Fayard, 1992, p. 532-549.

2Rick Riordan, Magnus Chase et les dieux d’Asgard : L’épée de l’été, traduction par Nathalie Serval, Librairie Générale Française, 2017 ; Le marteau de Thor, trad. Nathalie Serval, Librairie Générale Française, 2018 ; Le Vaisseau des damnés, traduction par Nathalie Serval, Librairie Générale Française, 2019. Nous ferons référence à ces trois livres par le n° de tome et le n° de page.

3« I had a great English teacher in eighth grade who found out I liked Lord of the Rings and showed me how all the archetypes in Tolkien came from Norse mythology. » Interview avec Ric Riordan par Jennifer Robinson, « Jen Robinson's Book Page », 2009. Consultable sur : https://jkrbooks.typepad.com/blog/2007/11/wbbt-rick-riord.html.

4Voir à ce sujet : Laurent Di Filippo, « Mythes », Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics, 2020. Consultable sur : https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/mythes/.

5Magnus Chase a été publié aux États-Unis et en Grande-Bretagne, puis traduit dans un grand nombre de langues : finnois, russe, turque, chinois…

6Åsfrid Svensen, « Folketradisjon og fantastik i barne- og ungdomslitteratur”, in Å bygge en verden av ord: lyst og læring i barne- og ungdomslitteratur, Bergen, Fagforlaget, 2001, p. 71. Ce terme correspond à celui d’heroic fantasy dans la tradition anglophone.

7Anne-Stefi Teigland, « Fantasy », in Svein Slettan (dir.), Ungdomslitteratur: ei innføring, Oslo, Cappelen Damm Akademisk, 2020, p. 114-115. L’auteure se base sur la division établie par la chercheuse britannique Farah Mendlesohn.

8« collective story that encapsulates a world view and authorizes belief » (notre traduction) Brian Attebery, Stories about stories : Fantasy and the remaking of myth, Oxford University Press, 2014, p. 2.

9Ibid., p. 2-3.

10Ute Heidmann, « Le dialogisme intertextuel des contes des Grimm », Fééries, n° 9, 2012, p. 10.

11Véronique Léonard-Roques, « Avant-propos », in Véronique Léonard-Roques (dir.), Figures mythiques : Fabrique et métamorphoses, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2008, p. 15.

12Véronique Léonard-Roques, « Figures mythiques, mythes, personnages : Quelques éléments de démarcation », ibid., p. 25-26.

13L’Edda poétique, trad. Régis Boyer, Paris, Fayard, 1992 ; Snorri Sturluson, L’Edda : Récits de mythologie nordique, trad. François-Xavier Dillmann, Paris, Gallimard, 1991 ; Snorri Sturluson, Histoire des rois de Norvège (Heimskringla), traduction par François-Xavier Dillmann, Gallimard, Paris, 2000.

14En revanche, la transmission d’un savoir mythologique et l’adaptation aux jeunes lecteurs ne pourront pas être développées dans le cadre de cette recherche, mais seront le sujet d’un article ultérieur.

15Heather K. Cyr, « Pyramids in America : Rewriting the ‘Egypt of the West’ in Rick Riordan’s The Kane Chronicles series », Mythlore, vol. 38, n° 1, p. 132.

16Voir une sélection des Norse Ballads de Henry Wadsworth Longfellow disponible sur https://sites.pitt.edu/~dash/longfellow.html#challenge et l’ouvrage Longfellow and Scandinavia: A Study of the Poet's Relationship with the Northern Languages and Literature de Andrew Hilen (Archon books, 1970).

17Sue Corbett, « Rick Riordan: Storyteller of the Gods », Publishers Weekly, 25/9/2015. Consultable sur : https://www.publishersweekly.com/pw/by-topic/childrens/childrens-authors/article/68185-rick-riordan-storyteller-of-the-gods.html.
Voir une sélection des Norse Ballads de Henry Wadsworth Longfellow disponibles sur https://sites.pitt.edu/~dash/longfellow.html#challenge et l’ouvrage Longfellow and Scandinavia: A Study of the Poet's Relationship with the Northern Languages and Literature de Andrew Hilen (Hamden, Archon books, 1970).

18T1, p. 21.

19Make Way for Ducklings, un livre pour enfants sur une famille de canards, est écrit par Robert McCloskey en 1941. La statue est de Nancy Schön. 

20Sue Corbett, art. cit.

21T1, p. 129.

22T1, p. 130.

23Ibid.

24Ibid.

25Les einherjar (singulier einheri) sont les guerriers morts à Valhalla, qui s’entraînent pour le Ragnarök.

26Pendant ces années, il a fait un doctorat, a appris un grand nombre de langues, ainsi que par exemple le tricot. Être berserkr n’empêche pas d’avoir de la culture.

27Un Berserkr désignait un guerrier particulièrement doué et en état de frénésie furieuse, le rendant insensible à la douleur. Snorri explique que ces hommes étaient en lien avec Odin. Snorri Sturluson, Histoire des rois de Norvège, op. cit., p. 60.

28T1, p. 123.

29Au sujet du mythe viking d’hier et aujourd’hui, voir Dragons et drakkars : Le mythe viking de la Scandinavie à la Normandie XVIIIe-XXe siècles, Musée de Normandie, Caen, 1996 ; Annelie Jarl Ireman, « Quand la littérature de jeunesse scandinave se met à l'heure viking : La reconstruction d’un mythe », Nordiques, n° 39, 2020.

30Vikings, série télévisée canado-irlandaise de Michael Hirst, 2013-2020.

31T1, p. 120.

32T1, p. 80.

33T1, p. 136.

34« Hymiskvida », in L’Edda poétique, op. cit., p. 427-436.

35T1, p. 245.

36T1, p. 184.

37T2, p. 180.

38En réalité, il fait partie des svartálfar (elfes noirs) qui sont peu décrits dans les textes mythologiques, mais sont proches des nains. Blitz peut pourtant passer pour un humain avec ses 1,60m (mais il mesure à peine 1,40 m dans la version française).

39T2, p. 221.

40Interview avec Ric Riordan par Christian Holub, « Entertainement », 2015. Consultable sur : https://ew.com/article/2015/10/14/rick-riordan-magnus-chase-interview/.

41T2, p. 36.

42T1, p. 43.

43T1, p. 10.

44T1, p. 82.

45Julia Rizotto, « Être différent en littérature de jeunesse : La représentation de la marginalité et de la diversité dans les trilogies L’Autre (2006-2007) de Pierre Bottero et Magnus Chase (2015-2017) de Rick Riordan », Mémoire de master, Dumas, 2022, p. 14.

46Ibid.

47T1, p. 73.

48Dans la traduction française de Magnus Chase, le Valhalla est écrit avec W.

49T2, p. 367.

50« Hávamál », in L’Edda poétique, op. cit., p. 169-202.

51Snorri Sturluson, Histoire des rois de Norvège, op. cit., p. 57-58.

52T1, p. 178.

53T1, p. 180. « Glamour » est une traduction directe du mot anglais dans son sens original d’enchantement.

54T1, p. 267.

55T1, p. 270.

56T1, p. 267.

57T1, p. 176.

58T1, p. 288.

59« genuskontrakt » Maria Nilsson, « Feministisk fantasy », in Maria Nilsson, et al. (dir.), Feministisk fantastik, Lund, BTJ förlag, 2018, p. 22.

60Donnons comme exemple Le Cercle des jeunes élus de Mats Strandberg et Sara Bergmark Elfgren publié en 2011-2013.

61Cf. Hermione dans Harry Potter.

62T3, p. 397.

63T3, p. 287.

64T2, p. 361.

65Snorri Sturluson, L’Edda : Récits de mythologie nordique, op. cit., p. 117-119.

66T2, p. 361.

67Selon « Grímnismál », in L’Edda poétique, op. cit., p. 635-647.

68Ce mythe vient principalement du Dit de Sörli.

69T1, p. 309.

70Snorri Sturluson, L’Edda : Récits de mythologie nordique, op. cit., p. 65.

71Voir aussi Hanna Linderholt, « Magnus Chase och Alex Fierro, brottet mot heteronormen : Hur Rick Riordan transformerar den fornnordiska religionen i Magnus Chase and the Gods og Asgard », Mémoire sous la direction de Peter Forsgren, Linnéuniversitetet Kalmar Växsjö, 2018.

72T2, p. 86.

73Voir Jonas Liliequist, « Talet om den hotade maskuliniteten i ett historiskt perspektiv - Från niding till sprätt. En studie i det svenska omanlighetsbegreppets historia från vikingatid till sent 1700-tal », in Anne Marie Berggren (dir.), Manligt och omanligt i ett historiskt perspektiv, Stockholm, FRN, 1999.

74T3, p. 15.

75Le genre non-binaire de Loki est suggéré dès 2014 dans les comics Marvel, voir « Loki Agent of Asgard » et Original Sin : Thor & Loki : the tenth realm.

76Idée présente aussi dans la série norvégienne Ragnarök d’Adam Price, 2020-2021.

77On voit notamment qu’il a peur de perdre sa virilité en se déguisant en femme pour récupérer son marteau dans « Thrymskvida » in L’Edda poétique, op. cit., p. 438-445.

78T2, p. 369.

79T2, p. 50.

80Il s’agit en réalité d’un descendant de Thrym, qui, lui, a été tué par Thor il y a longtemps. Les antagonistes forment eux aussi une nouvelle génération de méchants.

81Snorri Sturluson, Histoire des rois de Norvège, op. cit., p. 60.

82T2, p. 31.

83T1, p. 208.

84Cette idée est présente dans les sources puisque Odin doit donner son œil pour boire dans l’eau de la connaissance.

85« Skírnisför », in L’Edda poétique, op. cit., p. 125-136.

86T1, p. 140. Le seidr est une capacité magique permettant de prévoir l’avenir par exemple. Ce don est associé aux dieux Vanir et aux elfes, et plus généralement aux femmes. Odin l’apprend grâce à Freya.

87T1, p. 151.

88Julia Rizotto, art. cit., p. 61.

89« Lokasenna », in L’Edda poétique, op. cit. p. 472-489.

90T3, p. 378.

91Snorri Sturluson, L’Edda : Récits de mythologie nordique, op. cit., p. 61.

92Loki, série télévisée créée par Michael Waldron en 2021.

93T2, p. 85.

94T1, p. 398.

95Ibid.

96T2, p. 30.

97T2, p. 407.

98Ibid.

99T2, p. 408.

100T3, p. 402.

101T3, p. 401.

102T3, p. 418.

103T1, p. 144.

104Nathalie Prince, « Préambule », in Nathalie Prince, Sylvie SERVOISE (dir.), Les personnages mythiques dans la littérature de jeunesse, Presses Universitaires de Rennes, 2015, p. 8.

105Laurent Di Filippo, « Le retour des dieux », in Laurent Di Filippo (dir.), Vikings !, Bordeaux, Les moutons électriques, 2022, p. 95.

Pour citer ce document

Annelie Jarl Ireman , « Magnus Chase face à Loki : Rick Riordan en dialogue avec la mythologie nordique  », Histoire culturelle de l'Europe [En ligne], n° 6, « Figures mythiques dans les cultures contemporaines : récits du passé et réinterprétations », 2024, URL : https://mrsh.unicaen.fr/hce/index.php_id_2502.html

Quelques mots à propos de : Annelie Jarl Ireman

D’origine suédoise, Annelie Jarl Ireman est maître de conférences au département d’études nordiques à l’Université de Caen Normandie et membre de l’équipe ERLIS, où elle est co-directrice de la thématique structurante « Représentations et modèles culturels : circulations, échanges et traductions » et co-responsable du programme « Figures emblématiques, mythiques et légendaires dans les cultures contemporaines : récits du passé et réinterprétations ». Ses publications traitent de la littérature et de la culture scandinaves des XIXe, XXe et XXIe siècles. Elle s’intéresse notamment au discours narratif et aux questions d’identité dans la littérature de jeunesse, ainsi qu’à la mythologie nordique, au folklore et à la réutilisation de figures mythiques nordiques dans la littérature et la culture populaire actuelles.