Histoire culturelle de l'Europe

Laurent Di Filippo

Les trolls de Dungeons & Dragons : inspirations et évolutions d’une figure d’altérité

Article

Résumé

Les trolls sont des créatures présentes dans différents récits médiévaux scandinaves comme les eddas et les sagas, ainsi que des ennemis que les joueurs peuvent rencontrer dans le jeu de rôle Dungeons & Dragons depuis ses origines. Pour créer cette figure monstrueuse, les concepteurs se sont inspirés de leur réécriture dans le roman de fantasy de Poul Anderson Three Hearts and Three Lions,dans lequel le troll possède une capacité de régénération. Ce pouvoir est devenu le marqueur principal du monstre dans D&D. Toutefois, loin d'être une figure totalement figée, les trolls changent légèrement avec des éditions du jeu, selon que l'accent soit mis sur l'aspect narratif ou technique du jeu. Ainsi, les joueurs trouvent parfois un large panel de trolls avec des descriptions amples, tandis que les éditions les plus récentes se focalisent sur les règles.

Abstract

Trolls are creatures that are found in various scandinavian medieval sources, such as the Eddas and the sagas, as well as foes that players can encounter in the role playing game Dungeons and Dragons since its origins. In order to create this monstrous figure, designers were inspired by their rewriting in Poul Anderson's fantasy novel Three Hearts and Three Lions, in which the troll has a the capability to regenerate. This power became the monster's hallmark in D&D. However, far from being a fully fixed figure, the trolls evole with the game's various editions, depending on the focus that the designers take, either on the narrative side of the game or the technical one. Thus, players sometimes find a wide range of trolls with thick descriptions, while the most recent editions put the focus on the game's rules.

Texte intégral

Dans le monde des Royaumes Oubliés, un univers fictionnel pour le jeu Dungeons & Dragons (D&D), se trouve une forêt appelée « Trollbark » et des collines connues sous le nom de « Trollclaws ». Ces régions tirent leurs noms des nombreuses créatures qui les habitent : les trolls ! Dans D&D, ces créatures sont des ennemis récurrents des joueurs, présents dans toutes les éditions du jeu depuis sa création. Grands, forts, mauvais, ils se distinguent notamment par leur pouvoir principal qui consiste à se régénérer de presque n’importe quelle blessure. Le terme « troll » désigne en vieux norrois des créatures dont la nature n’est pas toujours bien définie, proches des géants et associées à des pouvoirs magiques1, que l’on retrouve dans les récits médiévaux scandinaves tels que les Eddas et les sagas2. Ce mot s’est transmis jusqu’à nos jours pour se retrouver dans différentes productions des industries culturelles et créatives, par exemple des films (Troll, 2022), des séries télévisées (Trolls: The Beat Goes On!, 2018), des jeux (Among The Trolls, à venir), des dessins animés (David le gnome, 1985-1986), et bien d’autres supports3.

Dans ce chapitre, je vais m’intéresser aux trolls de Dungeons & Dragons, afin de comprendre les rapports qu’ils entretiennent avec les créatures des récits médiévaux scandinaves, qu’ils soient directs, indirects ou construits par des abstractions liées à leurs caractéristiques. Les ouvrages de synthèse sur les trolls comme ceux de John Lindow4 ou Rudolf Simek5 laissent totalement de côté les jeux. Simek survole simplement le sujet des trolls sur internet, c’est-à-dire les gens qui créent et nourrissent volontairement des polémiques sur les réseaux sociaux. En France, plusieurs auteurs se sont intéressés à cette figure importante pour le folklore scandinave6, où ils occupent majoritairement le rôle d’antagoniste, mauvais ou faible d’esprit7, avant de devenir des figures plus positives avec les « Mumintroll »8. Elena Blazamo suggère ainsi qu’il s’agit de créatures « limitrophes ». Plus récemment, du côté de la littérature, Annelie Jarl Ireman s’est penchée sur les représentations des trolls dans les littératures de jeunesse9, tandis que Maria Hansson s’est intéressée aux romans du genre Nordic Noir ou assimilé, ainsi qu’aux séries télévisées pour montrer l’usage des trolls comme figure d’altérité10 ou comme symbole de la nature, qui est une force à respecter, face à la civilisation11. Les jeux restent cependant les grands absents des études nordiques. Ce chapitre vise donc à combler un manque concernant les recherches sur la réception contemporaine et plus spécifiquement celles concernant la présence de créatures nordiques dans les jeux actuels. Étudier la réception de ce type de figure nécessite, premièrement, de s’intéresser aux inspirations qui ont nourri le jeu, afin de mieux comprendre les étapes dans la transmission d’éléments entre les sources médiévales et les jeux contemporains et, deuxièmement, de prendre en compte l’évolution du jeu de rôle à travers les différentes éditions qui s’étalent sur cinq décennies. En effet, l’histoire de la réception des trolls dans D&D ne s’arrête pas à la première édition du jeu, mais montre des dynamiques dans ses multiples versions.

D’un point de vue méthodologique, j’utiliserai l’analyse de contenu des publications de Dungeons & Dragons et l’histoire de l’édition de ce jeu. Je n’étudierai donc pas les pratiques des joueurs qui constitueraient un autre sujet d’étude complémentaire. Plus spécifiquement, j’ai constitué un « corpus de travail »12 à partir des bestiaires monstrueux des cinq éditions du jeu. De ce corpus, j’ai extrait les présentations des trolls. Il s’agit donc d’établir un « corpus de sélection »13, que j’ai analysé de façon thématique pour voir comment les trolls y sont décrits et présentés et quelles sont leurs caractéristiques. J’y adjoins des éléments issus de magazines officiels qui évoquent les trolls lorsque cela est nécessaire. Pour suivre Brian Atterbery, il ne s’agit pas simplement de trouver des mythes dans les œuvres de fantasy, ici ludiques, mais de comprendre comment ces productions contemporaines offrent de nouveaux cadres aux éléments mythiques et construisent de nouvelles manières de les envisager14.

Je présenterai les résultats de façon diachronique, pour montrer qu’il ne faut pas penser les cinquante ans de D&D comme un grand ensemble où tout serait homogène. La première partie reviendra sur les trolls de la première édition de D&D, qui permettent de comprendre l’origine du monstre et de son pouvoir principal, la régénération. La deuxième partie sera consacrée à la seconde édition de Advanced Dungeons & Dragons (AD&D) et montrera comment les auteurs ont diversifié les trolls du jeu et leur ont offert des cadres d’habitat en décrivant leurs écologies et leurs sociétés. La troisième partie montrera comment la diversité s’est réduite dans la troisième édition du jeu et les suivantes et comment les trolls ont été associés aux géants à ce moment-là alors que ce n’était pas le cas auparavant. Enfin, avant de conclure, une dernière partie évoquera les influences de D&D sur quelques productions des cultures populaires contemporaines, à la fois dans les pouvoirs des trolls que dans leur aspect visuel.

Le Troll de D&D : origine d’un monstre de la première heure et de son pouvoir

Dungeons & Dragons est le premier jeu de rôle ayant connu un succès commercial. Il propose de vivre des aventures dans un univers médiéval fantastique qui relève du « médiévalisme »15. Il a été créé par Gary Gygax et Dave Arneson et publié par l’entreprise TSR en 197416. Durant une partie de jeu de rôle, les joueurs incarnent les personnages principaux d’une histoire dirigée par un maître de jeu, qui fournit un cadre pour l’aventure17. Les joueurs sont assis autour d’une table et les interactions sont orales en grande majorité. Quelques années après son lancement, deux branches du jeu vont coexister : D&D d’un côté et AD&D de l’autre, pour les joueurs plus expérimentés. Cette séparation dure jusqu’à la fin des années 90. En 2000, après que la marque fut rachetée par les créateurs du jeu de cartes Magic, le jeu revient à une franchise unique avec la troisième édition. Aujourd’hui, nous en sommes à la 5e édition, lancée en 2014.

Le combat est une partie importante du jeu et les joueurs rencontrent une grande variété de monstres. Un des trois livres dits « de base » s’appelle d’ailleurs le Monster Manual. Plusieurs monstres sont inspirés par les récits médiévaux scandinaves, tels que : les berserkers, les trolls, les worgs, des loups géants inspirés par les wargs de Tolkien, les duergar ou « nains gris », qui sont une version sombre des nains18, les dragons, ou encore les nécrophages, en anglais wights, des créatures mortes-vivantes inspirées par les sagas islandaises19. Étudier ces exemples permet de suivre les emprunts d’éléments culturels depuis les sources médiévales jusqu’aux jeux contemporains.

Le troll dans la première édition de D&D

La toute première édition de Dungeons & Dragons présente les caractéristiques techniques et chiffrées du troll, suivies d’un paragraphe complémentaire :

Minces caoutchouteux, détestables, les trolls sont capables de régénérer, de manière à ce qu’au début du troisième round de mêlée après un coup, il va commencer à s’auto-réparer. La régénération a une vitesse de 3 points par tour. Même totalement détruits, les trolls se régénéreront finalement, si bien qu’à moins qu’ils ne soient brûlés ou plongés dans l’acide, ils vont reprendre le combat lorsqu’ils auront récupéré 6 points de vie ou plus20.

Suite à cette description, nous apprenons également que, lors d’une rencontre avec les trolls, il y en a de deux à douze (le maître de jeu lance deux dés à six faces pour en déterminer le nombre), qu’ils sont d’alignements « chaotique » et d’autres informations techniques qui ne sont pas utiles ici. Il est également mentionné qu’ils sont forts comme des ogres et attaquent avec leurs mains ou leurs pieds griffus. La caractéristique centrale des trolls est qu’ils régénèrent de leurs blessures rapidement, même s’ils sont totalement détruits, à moins que les blessures ne soient causées par du feu ou de l’acide. Cette capacité sera vraiment le marqueur identitaire de ce monstre dans toutes les éditions. La question qui se pose est de savoir d’où vient l’inspiration du pouvoir de cette créature, pouvoir qui n’apparaît pas dans les sources médiévales. Trois pistes concordent. La première se trouve dans le jeu Chainmail, qui est, pour le dire rapidement, un jeu préliminaire à D&D conçu par Gary Gygax lui-même, et auquel le premier jeu de rôle va reprendre des éléments. L’auteur y cite le roman de Poul Anderson21, Three Hearts & Three Lions, publié en 1961, qui a directement inspiré les « vrais trolls [True trolls] », des créatures qui ne peuvent être tuées que de façon spécifique. Les autres trolls sont l’équivalent des ogres. La seconde piste se trouve dans le manuel des joueurs de AD&D, paru en 1978, et, plus précisément, dans l’appendice N qui liste les œuvres littéraires qui ont inspiré le créateur Gary Gygax. Là aussi nous retrouvons le roman d’Anderson. Enfin, dans un article du magazine officiel de D&D The Dragon datant de 1985, dont l’objectif est de montrer que tous les emprunts du jeu à la littérature de fantasy ne viennent pas de l’œuvre de J. R. R. Tolkien22, Gygax confirme que les trolls de D&D viendraient des mythes et de l’auteur Poul Anderson. Son roman met en scène le héros danois, Holger Carsen, vivant durant la Seconde Guerre Mondiale, qui fait partie de la résistance face aux nazis et qui va être envoyé dans le passé médiéval après un tir ennemi. Là, il s’avère qu’il est en réalité un des paladins de Charlemagne, Ogier le Danois. Il vit des aventures avec plusieurs compagnons dont des êtres féeriques et leur dernier combat les oppose à un troll, une créature vivant dans une caverne, qui guérit rapidement de toutes ses blessures, sauf celles infligées par le feu. Nous tenons donc bien ici la source des trolls de D&D. Dans son texte, le troll est ainsi décrit :

Le troll s’approcha en traînant le pas. Il faisait environ huit pieds de haut, peut-être plus. Sa position courbée en avant, les bras se balançant jusqu’au sol devant d’épaisses jambes terminant par des pieds crochus, rendait l’estimation difficile. Sa peau verte et imberbe bougeait sur son corps. Sa tête était composée d’une bouche semblable à une déchirure, un nez de presque un mètre de long et deux yeux qui étaient des puits de noirceur sans pupilles et sans blanc, des yeux qui avalaient la faible lumière des torches sans jamais en rendre le moindre reflet23.

Durant leur combat, les héros vont avoir du mal à tuer le monstre, précisément à cause de sa capacité de régénération, jusqu’à ce qu’ils réalisent qu’il ne guérissait pas des blessures causées par le feu. Plus tôt dans l’aventure, les héros avaient affronté un géant. Anderson fait donc bien la distinction entre les deux types de monstres.

Nous pouvons analyser ces reprises sous l’angle de l’« intermédialité »24, qui poursuit les travaux sur l’intertextualité, mais intégrant différents médias considérés comme des « textes » au sens large, afin de penser des réseaux de relations entre médias. Selon Jürgen E. Müller, « il y a beaucoup de rapports entre les notions d’intertextualité et d’intermédialité, mais la première servit presque exclusivement à décrire des textes écrits. Le concept d’intermédialité est donc nécessaire et complémentaire dans la mesure où il prend en charge les processus de production du sens liés à des interactions médiatiques »25. L’auteur ajoute que « si nous entendons par intermédialité qu’il y a des relations médiatiques variables entre les médias et que leur fonction naît, entre autres, de l’évolution historique de ces relations ; si nous entendons par intermédialité le fait qu’un média recèle en soi des structures et des possibilités qui ne lui appartiennent pas exclusivement, cela implique que la conception des médias en tant que “monades”, de “sortes isolées” de médias est inappropriée »26. Le jeu de rôle emprunte effectivement à diverses œuvres littéraires, principalement de fantasy ou d’horreur pour rendre ces références ludiques. Il n’est pas une adaptation de texte, mais bien une production pour laquelle les créateurs s’inspirent de multiples sources. Régulièrement, ils indiquent d’ailleurs d’où viennent leurs influences. Il devient ainsi possible pour les chercheurs de reconstituer ces réseaux de relations. Dans ce cadre, étudier les trolls de Dungeons & Dragons doit se faire à l’aune des liens qu’ils entretiennent avec ceux des autres œuvres, qui éclairent les différences et les similitudes entre les supports. La réception des figures mythiques nordiques n’est donc pas qu’une réception littéraire, mais plus largement une réception médiatique. L’œuvre de Poul Anderson constitue une rupture dans cette histoire de la réception, car c’est par l’influence de son livre que la capacité de régénération des trolls s’installe et est reprise ensuite. Son roman marque donc un moment particulier de la réception de ces créatures, au même titre que l’esthétique des costumes de l’opéra de Richard Wagner marque les représentations des dieux nordiques et des valkyries.

Une certaine stabilité dans les premières éditions

Après la première édition de D&D, à partir de 1977, paraîtront différentes boîtes d’initiation, telle que la fameuse boîte « Basic set » également appelée boîte rouge, publiée en 198327, et ses compléments pour les aventures de niveaux supérieurs suivant différents paliers, jusqu’au livre Rules Cyclopedia qui reprend et systématise l’ensemble des règles des quatre premières boîtes28. Dans cette version, le troll apparaît dans la boîte expert29. Il s’agit donc d’un ennemi pour des personnages-joueurs d’un niveau déjà avancé, pas d’un ennemi pour les premiers niveaux. Dans sa description, nous retrouvons sa grande taille, sa force, sa peau caoutchouteuse verte. La taille des trolls est aussi une des caractéristiques principales de ces créatures dans les contes norvégiens, qui sert à marquer le danger qu’il représente et son aspect redoutable30. La description du jeu précise qu’il mange de la chair humaine ou humanoïde (les elfes ou les nains conviennent donc également) et qu’il habite des ruines abandonnées. Enfin, là encore il se régénère et c’est cette capacité qui prend le plus de place dans sa présentation. Celle du Rules Cyclopedia est la même, mais ajoute simplement qu’ils sont « quelque peu intelligents [Somewhat intelligent] ». Ils ont un score de six dans cette caractéristique, soit à peine au-dessus de l’animal. Ce trait renvoie à la représentation des trolls comme des êtres dotés de peu d’esprit dans le folklore scandinave31. Entre la boite de base de 1983 et 1991, les règles de la branche basic de D&D ont peu évolué. Il est aussi possible d’avoir des trolls lanceurs de sort, mais ce n’est pas spécifique à ce monstre.

En même temps que sont publiées les boîtes de D&D basic, les Règles avancées de Dungeons & Dragons (AD&D) commencent à voir le jour en 1977 / 197832. Dans cette version, les trolls vivent sous tous les climats, ils sont très forts, ne connaissent pas la peur et leur alignement est « chaotique mauvais »33. La description est à la fin du texte, nous y retrouvons la peau vert mousse, voire grise, des excroissances servant de cheveux et des yeux du noir le plus terne qu’il soit, en référence au roman d’Anderson. Au milieu du texte se trouve un très long paragraphe sur la régénération. Le troll de la première édition de AD&D est donc très proche de ce que l’on trouve dans D&D. S’ajoute aussi une illustration qui montre sa posture penchée et surtout ses yeux entièrement noirs.

Hybridations et réceptions intermédiaires d’une figure d’altérité

Les premières références aux trolls, qui se poursuivent de la première édition du jeu jusqu’en 1991, ainsi que la première version de AD&D, sont assez similaires. Nous avons affaire à une créature surnaturelle, grande, forte, répugnante, qui guérit presque instantanément de ses blessures. Il représente une forme d’« excès » caractéristique des monstres34, notamment dans sa taille ou sa puissance. En cela, ils se rapprochent des trolls du folklore scandinave dont un des traits principaux est sa taille35. Il se défie des normes. Les études sur les trolls des sources norroises posent aussi la question du surnaturel concernant les trolls36. Dans les Eddas, le terme renvoie à des êtres « hostiles, intrinsèquement démoniaques, et en premier lieu magiques »37. Ceux des premières éditions du jeu de rôle ne lancent pas de sortilèges contrairement aux femmes trolls des mythes et ce que peuvent dire les études sur ces créatures dans les sources médiévales mythiques38. Selon une interprétation classique des monstres, il s’agit bien d’une figure d’altérité qui s’oppose à un certain ordre, notamment biologique. Quand des humains sont blessés, ils ne guérissent pas instantanément et peuvent mourir. Le troll ne meurt que dans des conditions bien spécifiques, contrairement aux humanoïdes du jeu. Il contrevient donc à l’ordre naturel et au cycle de la vie normale. De plus, les trolls sont des êtres anthropophages, ce qui les renvoie vers les catégories anthropologiques de l’interdit et du « tabou »39. Ce comportement est en effet exclu des sociétés occidentales. Enfin, dans le système des alignements de D&D, les trolls sont classifiés comme étant « chaotiques » voire « chaotiques mauvais ». Ils s’opposent donc au bien et à la loi, et sont un parangon de l’association entre la monstruosité et le mal.

Comme nous l’avons dit précédemment, l’influence vient du roman de Poul Anderson, Three hearts & Three Lions, qui peut être rattaché au « médiévalisme »40, une réécriture du Moyen Âge, ici durant la période d’après-guerre. Le roman paraît d’ailleurs à la même période que le Seigneur des anneaux de Tolkien, mais restera moins connu. Il faut donc tenir compte des réceptions intermédiaires. Autre point important : il est possible d’y voir une influence de l’hydre de Lerne41, une créature des mythes grecs combattue par Heraclès. Elle possède de multiples têtes et lorsque l’une est tranchée, deux autres repoussent à sa place. Ce n’est qu’en brûlant les têtes qui repoussaient que le processus de régénération pouvait cesser, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une tête immortelle42. De plus, les yeux noirs dont la lumière ne peut s’échapper font également référence à la mort et son opposition avec la vie. De la même façon, les trolls des contes scandinaves sont parfois des créatures nocturnes, ou alors la lumière du jour et le soleil les met en danger. Structurellement, ils ont donc une affinité avec la nuit et l’obscurité et s’opposent à la lumière43. Le troll d’Anderson est donc une figure issue d’« hybridations culturelles »44 de diverses sources mythologiques, folkloriques et également chrétiennes.

AD&D 2 et la diversification des trolls

Nous allons à présent nous intéresser aux évolutions des trolls dans les différentes versions du jeu pour comprendre les changements subits dans le temps. La deuxième édition d’Advanced Dungeons and Dragons va apporter quelques modifications substantielles, mais sans remettre en question la base du monstre, contrairement aux zombies, qui changent beaucoup avec les éditions45. Tout d’abord, il n’y a plus une seule sorte de troll, mais quatre :

  • le « troll » qui constitue le monstre de base,
  • le « troll à deux têtes », qui est un croisement avec un autre monstre appelé Etin, qui ressemble à
  • un ogre à 2 têtes,
  • les « trolls d’eau douce » vivant sous les ponts,
  • les « trolls d’eau salée », vivant près de la mer.

Une règle spécifique s’ajoute à cette créature à partir de cette édition : ils peuvent facilement avoir un membre tranché quand un joueur fait un bon jet de dés, appelé un « coup critique ». Cette faiblesse va de pair avec leur capacité à se régénérer et ajoute à l’horreur de la rencontre. Même perdre des membres n’est guère un problème pour ces créatures.

De longs paragraphes décrivent l’habitat, la société et l’écologie des trolls, c’est ce qu’on appelle du « fluff » en jeu de rôle, c’est-à-dire des informations qui nourrissent l’univers de fiction pour lui donner de la crédibilité et le densifier. Ces textes apprennent notamment au lecteur que les trolls sont sexués et qu’il existe des femelles, qui sont plus grandes que les mâles. Elles sont souvent les cheffes de tribus et sont des chamanes qui utilisent la magie en suivant les règles des personnages prêtres et non des magiciens. Les sociétés des trolls sont donc présentées comme des sociétés matriarcales, ce qui vient renforcer la construction d’une figure d’altérité face aux sociétés occidentales patriarcales dans lesquelles les jeux de rôle sont joués. L’idée de société matriarcale renvoie aussi à des formes plus primitives. De même, leurs croyances de type chamaniques sont en opposition avec des religions plus structurées et en lien avec la nature. Elles constituent une forme d’altérité primitive opposée aux dogmes des personnages prêtres de D&D, qui sont, pour leur part, inspirés par le christianisme et plus spécifiquement les ordres de chevaliers chrétiens médiévaux. Rappelons que les trolls du folklore scandinave sont aussi souvent des figures anti-chrétiennes46. Comme le souligne Ann-Sofie Lönngren, les trolls sont l’expression de dichotomies comme l’opposition entre la civilisation et le primitif, la lumière et l’obscurité, le christianisme et le paganisme47. De plus, les femmes sont présentées comme des sorcières dangereuses, à la manière des femmes trolls dans les sources eddiques48, dans lesquelles elles possèdent des pouvoirs magiques, assez proches des sorcières, voire des succubes. Nous avons donc affaire ici à une altérité structurale qui menace l’ordre social même. Avec les nouvelles éditions du jeu et le développement des descriptions fictionnelles, de nouvelles formes d’altérité peuvent donc s’ajouter aux précédentes.

D’un point de vue linguistique, les trolls parlent un langage propre à leur tribu, qui mélange la langue commune, gobelin, géant, orque et hobgobelin et, d’une tribu de trolls à l’autre, ils n’ont que vingt-cinq pour cent de chance de se comprendre. Cette précision permet de montrer que l’association avec les géants, que l’on trouve parfois dans les sources médiévales et que reprennent des chercheurs, comme Rudolf Simek49, n’est pas évidente. Cette indication s’ajoute au fait que, dans D&D, trolls et géants sont des genres de créatures distincts dans les modes de catalogage des bestiaires. L’argot des trolls ne les rattache donc pas spécifiquement aux géants, mais cela va changer à partir de la troisième édition de Dungeons & Dragons, comme nous le verrons plus bas.

Dans la version rééditée appelée parfois « 2.5 », qui est une mise à jour de la seconde édition de AD&D, les trolls sont décrits avec les mêmes attributs. Seuls quelques nouveaux types apparaissent :

  • Le « troll du désert », sensible à l’eau et pas au feu, ou seulement au feu magique.
  • Le « troll spectral », qui est en fait un mort-vivant et qui disparaît le jour comme un spectre.
  • Le « troll géant », plus grand et plus fort qu’un troll classique.
  • Le « troll des glaces », qui vit dans les contrées glacées.
  • Le « troll fantôme », encore plus dangereux que le spectral car il est invisible !

Certaines de ces créatures avaient été proposées dans le magazine officiel Dragon magazine avant d’être ajoutées dans les manuels de jeu. C’est un processus éditorial classique de D&D. Des ajouts de règles sont fournis dans un support diffusé plus rapidement avant d’intégrer le set de règles officielles. Cette manière de procéder permet de tester ces règles et de faire des ajustements avant une version finale.

Pour poursuivre la réflexion sur les rapports entre médias, la variété des trolls renvoie à d’autres sources, comme le troll d’eau douce vivant sous les ponts, qui s’inspire notamment du conte norvégien Les Trois Boucs bourrus (en norvégien : De tre bukkene Bruse). Il est impossible de dire si l’auteur du jeu connaissait ce conte ou d’autres plus tardifs reprenant ce motif, ou s’il s’appuie sur un imaginaire partagé du troll dans les cultures populaires. Les liens d’intermédialité, évoqués précédemment, changent et sont reconfigurés dans le temps. Il peut y avoir des ajouts tout comme il peut y avoir des retraits, comme nous allons le voir maintenant.

D&D 3 à 5, vers une diminution de la variété et association aux géants

En 2000, Wizards of the coast rachète T.S.R et publie la troisième édition de D&D, qui correspond en réalité à une suite de AD&D, mais qui permet à l’éditeur de revenir à une franchise unique et non à deux branches séparées. Cette version met beaucoup plus l’accent sur l’aspect technique du jeu et des règles et moins sur l’aspect fictionnel. Dans cette édition, les trolls font partie du type de créature « géants », même s’ils sont différents des géants à proprement parler ou des ogres dans ce catalogue qu’est le Monster Manual50. Ils sont une sorte de race cousine éloignée des nombreuses races de géants que l’on trouve dans D&D. En termes de construction d’un imaginaire, les auteurs reviennent donc aux interprétations des sources médiévales nordiques, qui associent les trolls aux géants51. Dans les sources médiévales, les trolls sont parfois considérés comme une sous-catégorie des Jötunn52. Toutefois, à la simple lecture du jeu, il est impossible de savoir si des sources spécifiques ont influencé ce choix. En troisième édition, il n’y a plus que deux sortes de trolls, les trolls classiques et les chasseurs trolls, plus dangereux que les premiers. La différence de taille entre les femelles et les mâles est toujours évoquée, mais les premières n’utilisent plus la magie contrairement à l’édition précédente. Le rapprochement avec les trollesses jeteuses de sorts des mythes nordiques n’est donc plus pertinente à ce moment-là. Le jeu propose également des règles pour créer des personnages trolls, ce qui est spécifique à cette version. Toutefois, c’est le cas de nombreuses créatures du bestiaire. Dans AD&D 2, il existait certes un guide pour incarner des humanoïdes, mais les trolls n’étaient pas présents dans la liste. Ils étaient toujours considérés comme des ennemis.

Dans D&D 4, le jeu propose trois sortes de trolls, ceux de base, les « trolls de guerre » en armure et qui portent des armes, souvent des mercenaires, et, enfin, les « trolls goinfres », des monstres bien plus grands et incroyablement plus puissants que les trolls de base53. La part dédiée au background est encore plus congrue. Petite nouveauté, les trolls sont nomades, se déplacent en meute et, quand ils s’installent dans une région, ils dévorent tout jusqu’à ce qu’il ne reste rien et puis ils partent. À contrario, dans AD&D, ils s’installaient à la marge de communautés humaines ou humanoïdes pour en profiter, mais n’étaient pas des ravageurs à ce point, car ils profitaient de leur situation géographique. Dans les illustrations du manuel des monstres, les trolls semblent plus bourrus qu’auparavant. Ils ne sont pas minces et ne perdent plus leurs membres facilement.

Enfin, dans D&D 5, on pourrait presque dire qu’il s’agit d’un retour aux origines. Il n’y a plus qu’une sorte de troll54. C’en est donc fini de la variété de cette créature. Ils peuvent parfois être des mercenaires, mais n’écoutent pas toujours les ordres. Le texte précise quand même qu’ils peuvent subir des mutations quand certains de leurs membres sont tranchés. Par exemple, un troll qui a perdu sa tête peut en avoir deux qui repoussent, de même pour un bras. Cela permet au maître de jeu d’être créatif. Les règles spéciales sur les membres tranchés reviennent et, dans cette édition, ces membres peuvent agir indépendamment du troll, ce qui constitue une nouvelle capacité du monstre.

Comme nous le voyons, les éditions récentes ont moins développé les parties descriptives fictionnelles dans les règles de base du jeu. L’aspect technique y est privilégié et les descriptions de l’écologie ou des sociétés des monstres et de jeu perdent grandement en richesse fictionnelle par rapport à AD&D 2. Selon l’édition de D&D étudiée, nous pourrions tirer des interprétations différentes concernant les liens entre les mythes nordiques et les jeux. D’où l’importance d’une méthodologie qui prend en compte l’évolution diachronique des différentes éditions, comme je l’avais également montré à propos de Loki dans D&D55. En termes de réception des mythes, nous pouvons voir que les éditions de D&D diffèrent et, avec elles, les représentations des trolls. Dans ces processus de transmissions culturelles, la part de changement et de permanence est donc variable.

Les trolls de D&D comme influence dans les cultures populaires

En introduction, j’évoquais le fait qu’une créature peut donner son nom à des zones géographiques. Dans la région de la Côte des épées, une partie du cadre de campagne appelé les Royaumes Oubliés56, il existe une forêt appelée « Trollbark Forest » et des collines appelées les « Trollsclaws ». Leur nom vient du fait qu’on trouve beaucoup de trolls dans ces régions. En termes de réception donc, une créature du jeu, inspirée par les récits médiévaux scandinaves à travers la littérature de fantasy, donne son nom aux toponymes fictionnels.

Les trolls de D&D ont inspiré d’autres jeux comme les jeux de stratégie ou wargames57, notamment le plus connu, Warhammer, dans lequel on trouve également des trolls qui régénèrent et sont sensibles au feu et, dans la première version, à l’acide, l’influence viendrait de D&D et pas de Poul Anderson directement. De même, dans le fameux jeu de rôle en ligne massivement multi-joueur (MMORPG) World of Warcraft, édité par Blizzard en 2004, les trolls sont une race jouable et ils ont une capacité de régénération supérieure aux autres personnages. Leur physique est toutefois plus proche des humanoïdes. Enfin, dans le jeu parodique sur mobile Knights of Pen and Paper II, les personnages rencontrent un troll des glaces [Ice troll] qui vit sous un pont et qui possède la capacité « régénération de troll [troll regeneration] ». À travers ces exemples, nous voyons donc à quel point ce pouvoir est devenu un marqueur identitaire lié à cette créature dans les jeux de fantasy. Enfin, l’esthétique des trolls de D&D a aussi inspiré d’autres illustrations, comme le troll dessiné par Toni Diterlizzi pour un livre de monde d’un univers pour enfants, Arthur Spiderwick’s Field Guide to the Fantastical World Around You. Cet illustrateur était dessinateur chez T.S.R. et il est connu surtout pour le fantastique travail qu’il a fait sur la gamme Planescape. Il a justement été l’illustrateur de plusieurs dessins de trolls pour AD&D 2.5. En termes sociologiques et en suivant Howard S. Becker, les personnels des « mondes de l’art » se déplacent ainsi d’un monde à l’autre58. Ce faisant, ils emmènent avec eux leur bagage culturel, leur imaginaire et leurs compétences.

À travers ces exemples, il est possible de réfléchir plus largement à ce qui constitue un imaginaire qui dépasserait les supports individuels, c’est-à-dire une construction mentale abstraite autour d’une créature, à partir de différents supports.

Conclusion

Le troll est un monstre historique de D&D, présent depuis les premières éditions et qui ne l’a jamais quitté. Il est toujours là en tant qu’ennemi, sauf dans D&D 3 où des règles proposaient d’en faire un personnage-joueur, principalement dans une perspective technique, mais non spécifique, puisqu’un très grand nombre de monstres offraient cette possibilité dans cette édition. Le troll correspond bien à ce que dit William Blanc de la position classique des monstres dans la fantasy « ennemis que le héros doit affronter »59 et n’appelle pas à des interprétations de renversement de perspectives, comme les œuvres qui présentent des monstres sous une facette plus gentille60 ou certains contes scandinaves qui présentent le troll positivement61. Sa caractéristique principale est sa régénération. Il s’agit là du véritable marqueur identitaire de cette créature, qui est dû à l’auteur Poul Anderson. Ce dernier est sans doute lui-même allé puiser dans d’autres mythologies, plus spécifiquement la mythologie grecque et l’Hydre de Lerne, car, avant lui, les trolls n’avaient pas de tels pouvoirs de régénération.

Le troll représente une figure d’altérité forte, premièrement par ses capacités, car il ne peut guère être blessé, sauf par le feu ou l’acide ; deuxièmement, dans des aspects sociaux, puisque sa vie en communauté correspond à une organisation primitive et matriarcale, deux traits opposés aux sociétés modernes et patriarcales. De plus, il dévore volontiers des humanoïdes et est donc considéré comme anthropophage, ce qui est un interdit ou un tabou. Il correspond à un ennemi sauvage, or tous les monstres de D&D ne sont pas présentés ainsi. Suivant plusieurs théories du jeu, le jeu de rôle permet de se confronter à cette altérité sans réelle mise en danger62.

Dans les Monster Manuals, les créatures sont bien catégorisées et bien séparées. Ces ouvrages sont littéralement des catalogues de monstres. Il s’agit là d’une différence importante avec les sources médiévales nordiques où les termes désignant des créatures surnaturelles se confondent parfois entre Jötunn, Thurs, Risi, ou Troll63. Historiquement, les sciences de la nature sont marquées par la catégorisation des espèces vivantes, principalement suite aux travaux de Carl von Linné et de ses continuateurs. Une tendance à la distinction s’est donc installée dans les classements catégoriels du vivant, qu’on ne trouve pas de façon évidente dans les sources des mythes nordiques. Dans les jeux de rôle, les associations entre différentes créatures peuvent varier suivant les versions. De même, les trolls ne sont pas des créatures jeteuses de sorts, même si, dans certaines éditions, les trolls femelles sont des chamans.

Comme il est difficile de voir s’il y a des liens intermédiaux directs entre les sources médiévales et différentes versions du jeu concernant le troll. Il faut alors aborder autrement la question d’un point de vue aussi bien méthodologique que théorique. C’est ici que la notion d’imaginaire peut nous aider. Il faut tenter de comprendre, selon les éditions, quelles sont les caractéristiques qui constituent un imaginaire du troll qui serait commun aux sources et aux jeux et quelles sont les différences, afin de tenter d’en tirer des interprétations. Ce faisant, les études sur un objet peuvent aider à penser les autres. Par exemple, les représentations des sociétés matriarcales des trolls de D&D soulevée par les questions de genre relevées par Martin Arnold64 aident à mettre en lumière des oppositions structurales présentes dans le jeu entre des formes d’altérité monstrueuses, primitives, à dominante féminine et des formes d’identité civilisées, modernes et à dominante masculine.

En termes de processus culturels, le troll est le fruit de réceptions intermédiaires par la littérature de fantasy. On ne peut donc pas simplement comparer sa représentation dans les jeux avec les sources médiévales pour comprendre comment il a été construit par les concepteurs du jeu. Certains travaux de recherche ne prennent pas en compte le fait que les créateurs, très souvent, ne s’appuient pas directement sur les sources médiévales. Pour comprendre la réception et les processus de transmission culturelle, il faut toujours penser les étapes intermédiaires et les multiples références, comme je l’avais montré dans ma thèse65 et des travaux ultérieurs. Ces transformations peuvent être le résultat de traductions, comme dans l’exemple du wight, ou d’adaptations. Ce processus d’évolution continue qui implique continuité et changement est appelé le « travail sur le mythe [Arbeit am Mythos] » par Hans Blumenberg66.

Ce que permet de faire l’étude de Dungeons & Dragons et qu’une étude sur un livre ne permet pas, c’est de voir une œuvre évoluer et changer durant cinquante ans et les variations que cette histoire apporte lorsque l’on suit un monstre en particulier. La figure a quelques traits permanents, mais elle varie aussi sensiblement. À un moment précis, elle donnait même lieu à tout un panel de variations dont l’origine reste à explorer. L’étude des zombies dans D&D poussait d’ailleurs encore plus loin les changements. En retour, cela pourrait nous fait réfléchir aux variations des trolls dans des sources nordiques parfois éloignées de bien plus de 50 ans !

Notes

1Rudolf Simek, Dictionnary of Northern Mythology, Cambridge, D. S. Brewer, 1996, p. 335.

2Ármann Jakobsson, « Horror in the Medieval North: The Troll » in Kevin Corstorphine, Laura R. Kremmel (eds.), The Palgrave Handbook to Horror Literature, Basingstoke, Palgrave Macmillan Cham, 2018, p. 33.

3Nicolas Meylan, « Les ennemis », dans Laurent Di Filippo (dir.), Vikings!, Bordeaux, Les Moutons électriques, 2022, p. 97-114.

4John Lindow, Trolls. An Unnatural History, Londres, Reaktion Books, 2014.

5Rudolf Simek, Trolle: Ihre Geschichte Von Der Nordischen Mythologie Bis Zum Internet, ‎Vandenhoeck & Ruprecht Gmbh & Co, 2018.

6Voir notamment Virginie Amilien, Le troll et autres créatures surnaturelles, Paris, Berg International, 1996.

7Virginie Amilien, « Du Texte à l’image : évolution du troll », Merveilles & contes, vol. 3, n° 2, 1989, p. 197.

8Elena Balzamo, « Génétique de l’imaginaire : du « troll » à « moumine-troll » », Germanica, n° 3, 1998, [En ligne].

9Annelie Jarl Ireman, « L’image des trolls et des lutins du folklore scandinave dans quelques classiques et livres pour enfants contemporains », La revue des livres pour enfants, n° 257, 2011, p. 89-96.

10Maria Hansson, « L’autre et l’ailleurs : les trolls dans le « Nord du Nord » », dans Annie Bourguignon, Konrad Harrer (dirs), Writing the North of the North/L’Écriture du Nord du Nord/Den Norden des Nordens (be-)schreiben, Berlin, Frank & Timme, 2019, p. 159-170.

11Maria Hansson, « Monde naturel ou surnaturel : l’imaginaire écologique de Jordskott », dans Allessandra Ballotti, Claire McKeown, Frédérique Toudoire-Surlapierre, De la nordicité au boréalisme, Reims, Éditions et presses universitaires de Reims, 2018, p. 295-310.

12Gérard Derèze, Méthodes empiriques de recherche en communication, Bruxelles, De Boeck, 2009.

13Ibid.

14Brian Atterbery, Stories about Stories. Fantasy & the Remaking of Myth, Oxford/New York, Oxford University Press, 2014, p. 3.

15Laurent Di Filippo, « Jeux de rôle », in Anne Besson, William Blanc, Vincent Ferré (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge imaginaire. Le Médiévalisme, hier et aujourd’hui, Vendémiaire, Paris, 2022, p. 255-258.

16Shannon Appelcline, Designers & Dragons. A History of the Roleplaying Game Industry. The 70’s, Evil Hat Production, Silver Spring, 2014.

17Olivier Caïra, Jeu de rôle : Les forges de la fiction, Parisn, CNRS éditions, 2007 ; Coralie David, Le Jeu de rôle sur table : l’interactivité de la fiction littéraire, thèse de doctorat en Littérature générale et comparée, Université de Paris 13, 2015.

18Ils étaient aussi une race de monstres qui sont devenus une race de personnage optionnelle pour les joueurs en 1985.

19Laurent Di Filippo, 2020, « Le zombie de Donjons et Dragons : hybridations et évolutions », in Audrey Tuaillon-Demésy, Sidney Grosprêtre (dir.), Le Zombie : mythe ou réalité ?, Chambéry, ActuSF. 2020, p. 73-82.

20« Thin and rubbery, loathsome Trolls are able to regenerate, so that beginning the third melee round after one is hit it will begin to repair itself. Regeneration is at the rate of 3 hit points per turn. Even totally sundered Trolls will regenerate eventually, so that unless they are burned or immersed in acid they will resume combat when they have regenerated to 6 or more hit points ». Gary Gygax Dave Arneson, Dungeons & Dragons, Lake Geneva, T.S.R. Inc., 1974.

21Poul Anderson est un auteur americano-danois, né en 1926 et mort en 2001. Son roman Three hearts and Three Lions, paru en 1961, est la reprise d’une de ses nouvelles de 1953 et il est la source de nombreux éléments repris dans D&D notamment le système d’alignement (opposition loi/chaos) et les personnages paladins. Anderson est assez peu connu en France, mais son travail peut intéresser les chercheurs scandinavistes puisqu’il a écrit de nombreuses œuvres inspirées par le moyen âge scandinave et les mythes nordiques, comme une réécriture de la Saga de Hrolf Kraki et un roman médiévaliste inspiré des sagas appelé L’Épée brisée.

22Gary Gygax, « The influence of J. R. R. Tolkien on the D&D® and AD&D® games Why Middle Earth is not part of the game world », The Dragon, 95, 1985, p. 12-13.

23« The troll shambled closer. He was perhaps eight feet tall, perhaps more. His forward stoop, with arms dangling past thick claw-footed legs to the ground, made it hard to tell. The hairless green skin moved upon his body. His head was a gash of a mouth, a yard-long nose, and two eyes which were black pools, without pupil or white, eyes which drank the feeble torchlight and never gave back a gleam ». Poul Anderson, 1961, Three hearts and Three Lions, New York, Doubleday.

24Jürgen E. Müller, Intermedialität. Formen moderner kultureller Kommunikation, Munster, Nodus, 1996.

25Jürgen E. Müller, « L’intermédialité, une nouvelle approche interdisciplinaire : perspectives théoriques et pratiques à l’exemple de la vision de la télévision », Cinémas : revue d’études cinématographiques / Cinémas : Journal of Film Studies, n° 2-3, vol. 10, 2000, p. 106.

26Ibid., p. 112-113.

27Gary Gygax Dave Arneson, Franck Mentzer, Dungeons & Dragons. Set 1. Basic Rules, Lake Geneva, T.S.R. Inc., 1983.

28Aaron Allston, Rules Cyclopedia, Lake Geneva, T.S.R. Inc., 1991.

29Gary Gygax Dave Arneson, Franck Mentzer, Dungeons & Dragons. Set 2. Expert Rules, Lake Geneva, T.S.R. Inc., 1983, p. 60.

30Virginie Amilien, op. cit., p. 46.

31Elena Balzamo, art. cit.

32Gary Gygax lance AD&D Notamment pour des questions de droit d’auteur envers Dave Arneson.

33Dans ce jeu, l’alignement passe à une classification sur deux axes : bien/mal et loi/chaos.

34Stéphane Audeguy, Les Monstres. Si loin et si proches, Paris, Gallimard, 2007.

35Maria Hansson, « L’autre et l’ailleurs : les trolls dans le « Nord du Nord » », art. cit.

36Daniel Sävborg, « Are the trolls supernatural? Some Remarks on the Terminology for Strange Beings in Old Norse Literature », Annali. Sezione Germanica, vol. 26, n° 1-2, 2016, p  119-130.

37« trolls are particularly hostile, inherently demonic, and primordially magical », ma traduction. Martin Arnold, « Hvat er Tröll nema Þat ? : The Cultural History of the Troll », in Tom Shippey (ed.), The Shadow-Walkers : Jacob Grimm’s Mythology of the Monstrous, Tempe, Center for Medieval and Renaissance Studies/Brepols, 2005, p. 116.

38Martin Arnold, « Hvat er Tröll nema Þat ?: The Cultural History of the Troll », in Tom Shippey (ed.), The Shadow-Walkers : Jacob Grimm’s Mythology of the Monstrous, Tempe, Center for Medieval and Renaissance Studies/Brepols, 2005, p. 111-155.

39Serge Tcherkézoff, « Tabou », in Régine Azria et Danièle Hervieu-léger (dir.), Dictionnaire des faits religieux, Paris, presses universitaires de France, 2010, p. 1203.

40Anne Besson, William Blanc, Vincent Ferré, « Le médiévalisme au cœur de notre imaginaire », in Anne Besson, William Blanc, Vincent Ferré (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge imaginaire. Le Médiévalisme, hier et aujourd’hui, Paris, Vendémiaire, p. 5-11.

41Je remercie ici Alban Gautier pour avoir indiqué ce rapprochement et ainsi d’avoir ouvert le questionnement aux emprunts à des monstres d’autres traditions culturelles.

42Timothy Gantz, Mythes de la Grèce archaïque, Paris, Belin, 2004, p. 679.

43Virginie Amilien, op. cit., p. 91.

44Peter Burke, Cultural Hybridity, Polity Press, Cambridge/Malden, 2009.

45Laurent Di Filippo, 2020, « Le zombie de Donjons et Dragons : hybridations et évolutions », in Audrey Tuaillon-Demésy, Sidney Grosprêtre (dir.), Le Zombie : mythe ou réalité ?, Chambéry, ActuSF. 2020, p. 73-82.

46Elena Balzamo, art. cit.

47Ann-Sofie Lönngren, 2015, « Tolls !! Folklore, Literature and « Othering » in the Nordic Countries », in Ann-Sofie Lönngren, Heidi Grönstrand, Dag Heede, Anne Heith (eds), Rethinking National literatures and The Literary Canon in Scandinavia, Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, 2015, p. 209.

48Martin Arnold, art. cit.

49Rudolf Simek, Dictionnary of Northern Mythology, op. cit., p. 335.

50Collectif, 2000, Dungeons & Dragons Third edition. Monster Manual, Renton, Wizards of the Coast.

51Rudolf Simek, Dictionnary of Northern Mythology, op. cit., p. 335.

52Ármann Jakobsson, « The Trollish Acts of Þorgrímr the Witch: The Meanings of Troll and Ergi in Medieval Iceland », Saga-Book, n° 32, 2008, p. 40.

53Collectif, 2008, Dungeons & Dragons Fourth edition. Monster Manual, Renton. Wizards of the Coast.

54Collectif, 2014, Dungeons & Dragons fifth edition. Monster Manual, Renton. Wizards of the Coast.

55Laurent Di Filippo, « Fantasy et panthéon nordique dans Donjons et Dragons », Fantasy Art and Studies, no 6, 2019, p. 67-76.

56Les Royaumes oubliés sont sans doute l’univers le plus populaire de D&D aujourd’hui. Il a donné lieu à de nombreuses adaptations en jeux vidéo et il sert de cadre au film Dungeons & Dragons L’honneur des voleurs sorti en salles en 2023.

57Antoine Bourguilleau, Jouer la guerre. Histoire du wargame, Paris, Passés composés / Humensis / Ministère des Armées, 2020.

58Howard S. Becker, Les Mondes de l’art, Paris, Flammarion, 1988, p. 60.

59William Blanc, « Monstres » in Anne Besson (dir.), Dictionnaire de la fantasy, Paris, Vendémiaire, 2018, p. 254.

60Pensons par exemple au film Monstres et Cie (2001).

61Virginie Amilien, art. cit., p. 200.

62Erving Goffman, Les Rites d’interaction, Paris, Éditions de minuit, 1974, p. 218.

63À titre personnel, je me demande si les chercheurs qui rapprochent ces créatures n’ont pas tendance à trop rapidement associer des sources éparses.

64Martin Arnold, art. cit., p. 119.

65Laurent Di Filippo, Du Mythe au jeu. Approche anthropo-communicationnelle du Nord : des récits médiévaux scandinaves au MMORPG Age of Conan : Hyborian Adventures, Thèse en études scandinaves et en sciences de l’information et de la communication, Université de Lorraine/Université de Bâle.

66Hans Blumenberg, Arbeit am Mythos, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1979, rééd. 2001.

Pour citer ce document

Laurent Di Filippo , « Les trolls de Dungeons & Dragons : inspirations et évolutions d’une figure d’altérité », Histoire culturelle de l'Europe [En ligne], n° 6, « Figures mythiques dans les cultures contemporaines : récits du passé et réinterprétations », 2024, URL : https://mrsh.unicaen.fr/hce/index.php_id_2510.html

Quelques mots à propos de : Laurent Di Filippo

Laurent Di Filippo Maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université de Lorraine après un doctorat en SIC et en études scandinaves. Ses travaux portent sur la réception des mythes nordiques dans les médias contemporains. Il s’intéresse également au transmédia et aux rapports entre jeux et faits religieux. Il a notamment publié : Di Filippo L. (dir.) (2022). Vikings !. Bordeaux : Les Moutons Électriques ; Di Filippo, L. (2021). Les multiples dimensions des rapports entre jeux et faits religieux, Sciences du jeu, 15, [En ligne] ; Di Filippo, L. (2020). Retrouver le Nord dans le multivers : des récits médiévaux scandinaves à la cosmologie de Dungeons and Dragons. Deshima. Revue d’histoire globale des Pays du Nord, 14, p. 57-73 ; Di Filippo, L. (2020). La mythologie nordique dans Donjons & Dragons : entre réception et stéréotypes. In : N. Budin , Les clichés dans l’Histoire. Actes du colloque Fest’Ain d’Histoire 2018 (p. 83-98). Chambéry : Didaskalie ; Di Filippo, L. (2019). Fantasy et panthéon nordique dans Donjons et Dragons. Fantasy Arts and Studies, n° 6, [En ligne].