Histoire culturelle de l'Europe

Claire Donnat-Aracil

Images et fonctions de la petite enfance dans quelques contes de la Vie des Pères (XIIIsiècle)

Article

Résumé

Cet article analyse la place dévolue à la petite enfance dans la deuxième et la troisième Vie des Pères, recueils de contes pieux du XIIIe siècle, en étudiant trois récits dont les protagonistes appartiennent à l’âge de la seconde infantia. Partant du constat de la rareté d’une telle configuration actantielle au Moyen Âge, je m’interroge sur les causes et la portée de ce choix. Pour cela j’analyse dans un premier temps les représentations de la petite enfance dans le corpus et montre que l’enfant, tantôt saint, tantôt diabolique, se définit dans l’imitation et reproduit l’attitude religieuse de ses parents. Cette conclusion appelle un examen détaillé du rapport de l’enfant à sa mère, de manière à démontrer que la Vie des Pères revalorise le rôle maternel dans l’éducation à la foi, et voit dans la relation mère-enfant un reflet de la relation de confiance que chaque chrétien doit établir avec la Vierge. Se demandant alors si cette analogie appelle à voir dans l’enfance un modèle que le chrétien serait invité à suivre, l’article démontre, à travers l’étude du langage de l’enfant dans les contes, que la sanctification du héros se confond avec une sortie symbolique de l’infantia et une entrée dans la pueritia. L’enfant n’est donc pas en lui-même un modèle de sainteté, il demeure, spirituellement, un être en devenir.

Abstract

This article is about the role of early childhood in the second and the third Vie des Pères, which are Thirteenth-Century collections of pious tales. It focuses on three tales whose protagonists are in the second infantia, which is a very original pattern in medieval literature. Based on this observation, this study considers the reasons and the consequences of this choice. It shall first analyse the representations of early childhood in the corpus, and demonstrate that the child, who can be either saint or diabolical, is characterised by imitating the religious behaviour of his parents. It shall then consider with precision the relationship between the child and his mother ; the aim is to demonstrate that the Vie des Pères enhances the role of the mother in the religious education, the relationship between the mother and the child being a reflection of the trustful one every christian must establish with the Virgin. The study of the child’s language in the tales will then help us to establish whether the child is an example for a christian to follow. It will finally demonstrate that, when he sanctifies himself, the protagonist leaves symbolically infantia, and enters pueritia. Therefore the child is not a model of holiness in himself, and remains spiritually a being in progress.

Texte intégral

1La littérature vernaculaire des XIIe et XIIIe siècles fait rarement d’un petit enfant le protagoniste du récit1. Si les recueils de miracles abondent en personnages de moins de sept ans2, ceux-ci sont généralement présentés comme subissant l’action, et leur évocation est subordonnée à celle d’un adulte incarnant le véritable héros de l’histoire3. Un tel fonctionnement narratif n’est pas surprenant dans le cadre de la mentalité du Moyen Âge, qui, aux yeux des traités de religion et d’éducation, appréhende avant tout le petit enfant comme un être dépendant : quelle que soit l’hésitation médiévale entre l’image d’une enfance sacrée sur le modèle des Saint Innocents – généralement la première infantia4 –, et l’idée contraire d’un enfant marqué par le péché originel et incapable de s’en affranchir par l’exercice de la raison – principalement l’enfant de la seconde infantia5 –, ces deux systèmes de pensée6 s’accordent dans la représentation d’un enfant passif, « cire molle » prête à imprimer la forme que lui confèrent les adultes7, n’étant pas libre ni responsable de ses actions, n’ayant donc pas vocation à jouer le rôle d’un personnage actif dans le domaine littéraire.

2Ce fonctionnement général n’est pas toutefois sans présenter certaines exceptions. Je vais analyser quelques-uns de ces rares cas de figure en prenant l’exemple de la deuxième et de la troisième Vie des Pères, recueils de contes religieux rédigés entre 1241 et 1252, et se présentant comme la continuation d’une première Vie datant des alentours de 12308. Bien que le premier recueil qui sert de modèle aux deux autres ne montre jamais de héros appartenant à l’âge de la petite enfance9, on dénombre dans ses continuations une poignée de contes ayant pour protagoniste un enfant âgé de deux à sept ans : le récit intitulé Pain dans l’édition de Félix Lecoy10, dans lequel le Christ conduit un jeune enfant au paradis pour le récompenser d’avoir voulu partager avec lui un morceau de pain ; Enfant jureur dans lequel un garçon de cinq ans est emporté par le diable en Enfer en raison de ses trop nombreux blasphèmes ; Enfant sauvé, qui met en scène un jeune garçon préservé d’un raz-de-marée par la récitation d’un Ave Maria. En faisant du jeune enfant le héros de l’histoire, ces récits ont en commun de le présenter comme maître de son destin et responsable de son salut ou de sa mort.

3L’originalité de cette structure actantielle – tant au sein des recueils eux-mêmes qu’au regard du paysage littéraire dans lequel ils s’insèrent11 – invite à se demander à quelle fin et dans quels cadres ponctuels le conteur choisit de présenter un héros si jeune. Cette étude tentera donc de déterminer la fonction de la figure du petit enfant au sein de ce recueil à visée édifiante que constitue la Vie des Pères, fonction que permettront d’éclairer trois angles d’analyse : il faudra d’abord mettre en lumière les ambiguïtés attachées aux représentations de la petite enfance au sein de ce corpus, avant de se livrer à l’observation du petit enfant dans son rapport à la mère, puis dans son rapport au langage.

Ambiguïtés des représentations de la petite enfance

4Le seul résumé des trois contes étudiés permet de révéler l’hésitation dont témoigne notre corpus, entre une infantia considérée comme sainte sur le modèle de l’enfant Jésus12, et une enfance essentiellement peccamineuse : si le héros de Pain accède au paradis grâce à sa générosité, si celui d’Enfant sauvé se caractérise par sa piété, le protagoniste d’Enfant jureur n’a que cinq ans lorsqu’il est précipité en Enfer pour avoir blasphémé13. Or, l’analyse des récits montre que cette ambivalence s’articule autour des deux traits de caractère que les traités médiévaux considèrent propres à l’âge de la seconde infantia : l’intérêt pour le jeu et pour les plaisirs corporels, en particulier la nourriture14.

5Hormis dans le récit Enfant Jureur qui présente explicitement un enfant âgé « d’environ cinq ans15 », c’est en effet par les seuls goûts et activités de l’enfant que l’âge du héros est suggéré. Le conte Pain met ainsi en scène un tout petit garçon16, pris en charge par une paroisse en raison de la pauvreté de ses parents. L’appartenance du héros à l’âge de l’infantia est assurée par le fait qu’il sait « miex alaitier / que le service du moustier » (v. 24518-19) – qu’il sait mieux têter le sein que servir la liturgie. L’attitude du personnage lors de son apparition dans le récit conduit à préciser cet âge ; tandis que se déroule le service liturgique, l’enfant se promène dans le choeur en mangeant des gâteaux : « par mi le cuer aloit joant / gastel et fouace mengant » (v. 24560-61). L’association de l’enfant aux jeux et à la nourriture, jointe à la mention précédente de l’allaitement, permet de supposer que le héros se situe au début de la seconde infantia17, que les médecins et les pédagogues arrêtent entre deux et sept ans et définissent par la recherche des amusements et de la satisfaction des besoins nutritifs18. La complémentarité entre ces activités, que signale la rime entre « joant » et « mengant », est encore suggérée par la suite du récit ; au hasard de ses errances dans l’église, l’enfant trouve une statue d’une Vierge à l’Enfant, et s’adresse à la statue de Jésus qu’il prend pour un enfant bien vivant :

Et cil qui peu de sens avoit
A l’enfant conmence a parler
Et lui semonrre de joer :
« Menguë, dist il, de mon pain. »

(v. 24569-72)

Et lui, qui avait peu de raison,
Commence à parler à l’enfant
Et à l’inviter à jouer, en lui disant :
« Mange de mon pain. »

6L’invitation à jouer se traduit donc, dans les paroles du jeune héros, par un appel à partager la nourriture, de sorte que le jeu et la nutrition apparaissent bien comme étroitement liés dans l’esprit de l’enfant, qui encourage un peu plus loin Jésus à manger en lui affirmant que « c’est boine fouache pure » (v. 24592) – que c’est « de la vraie bonne fougace ». Jeu et nourriture se rejoignent donc autour de la recherche du plaisir qui gouverne l’infans19, ici au profit du jeune protagoniste : car l’enfant Jésus, tout en se refusant à toucher à la nourriture, se montre reconnaissant envers le jeune garçon et lui promet qu’il accèdera dans trois jours au paradis20.

7Toutefois, la primauté accordée au plaisir est aussi ce qui peut conduire l’enfant à sa perte. Le conte Enfant jureur donne ainsi à voir le personnage d’un père qui, au lieu de corriger son fils de cinq ans lorsqu’il blasphémait, l’encourageait en riant, de sorte que l’enfant prit l’habitude de jurer21 « por ce qu’il li plesoit a fere » (v. 27071), « parce que cela lui plaisait ». L’enfant qui jure se laisse ici guider par ses désirs, que son père ne tente pas de réorienter vers le bien, provoquant la venue du diable, qui emporte l’enfant en Enfer22. L’absence de volonté, de la part du père, de redresser les désirs par lesquels son fils se laisse entraîner est donc à l’origine de la chute irrémédiable de ce dernier23.

8Dans le conte Enfant sauvé, c’est aussi le goût pour le plaisir et le jeu qui cause la mort d’une « tropee d’enfançons » (v. 29747), d’un « groupe de jeunes enfants », sans toutefois les conduire, comme le héros précédent, à la mort éternelle. Ce récit met en scène, jouant sur la plage, de petits enfants dont l’appartenance à l’âge de la seconde infantia est signalée à la fois par l’usage du terme « enfançons », qui assure de la jeunesse des personnages24, et par le type d’activité auquel ils se livrent au bord de la mer, où ils s’amusent à ramasser des coquillages25. La mention du jeu invite à rattacher les personnages aux enfants de la seconde infantia, puisque d’après Didier Lett, « dans les récits de miracles, ce sont eux qui jouent le plus26 ». Or c’est dans ce cadre de jeu que se décide la mort des jeunes personnages qui, tout à leur activité ludique, ne voient pas qu’un raz-de-marée est sur le point de les submerger27. Présentés donc comme la cause de la mort infantile, l’attrait pour les activités ludiques et la recherche du plaisir propres à la seconde infantia se définissent comme une caractéristique ambivalente : ils peuvent être à l’origine de la mort du personnage (dans Enfant jureur et Enfant sauvé) aussi bien que de sa rencontre avec le Christ (dans Pain)28.

9Le soupçon qui pèse alors sur le jeu et le plaisir est d’autant plus fort qu’à côté de ce modèle de l’enfant joueur, les récits Pain et Enfant sauvé développent, conformément à la tradition des récits hagiographiques, une figure du petit saint qui se distingue des enfants de son âge par son refus du jeu et des plaisirs immédiats29. Dans Pain, la figure du jeune héros est ainsi confrontée à celle de l’enfant Jésus qui ne répond pas à son appel au jeu et à la nourriture, à la grande déception du protagoniste qui lui reproche son silence30. Jésus s’engage néanmoins à récompenser le jeune garçon de sa générosité en lui accordant le paradis, qu’il décrit en réinvestissant le vocabulaire alimentaire qu’avait utilisé le protagoniste ; reprenant le langage du héros qui s’adressait à Jésus en lui disant « Papés, biax fiex, de cest papa31 » (v. 24582), l’Enfant Dieu s’exprime en effet en ces termes :

Biele mere, dedenz tierc jour
sera aveuc moi a sejour
li enfes, et si papera,
en paradis coronne ara.
Pieça si bon papin ne fist.

(v. 24612-16)

Chère mère, d’ici trois jours
L’enfant séjournera auprès de moi,
Et il goûtera
À la couronne du paradis.
Il y a longtemps qu’il n’a fait un si bon goûter !

10Le vocabulaire enfantin de la nourriture est utilisé par le Christ pour désigner, non plus l’alimentation terrestre, mais le paradis ; il fonctionne comme un levier qui transfère le débat des plaisirs corporels aux joies spirituelles. Le Saint Enfant se caractérise donc par son désintérêt des satisfactions terrestres et par son attrait pour les choses divines, attrait qui, d’après Didier Lett, ne naît traditionnellement qu’avec l’âge de raison32. La sainteté dessine dès lors le portrait d’un enfant plus mûr que les autres.

11Si cette maturité peut être considérée comme évidente dans le cas de l’Enfant Jésus du fait de sa divinité, elle se retrouve cependant chez le protagoniste du récit Enfant sauvé, qui se distingue également de ses camarades par son refus du jeu et des plaisirs immédiats au profit de la prière. Élevé par une mère pieuse qui porte une dévotion particulière à Notre Dame, le jeune héros apprend très tôt à prier Marie, et préfère délaisser les jeux lorsqu’il est sur la plage entouré des autres enfants :

Illec ensemble se jouoient
Et les coquilles conqueilloient,
Et li enfes si estoit la
Qui disoit Ave Maria.

(v. 29750-53)

A cet endroit, ils jouaient ensemble
À ramasser des coquillages,
Et l’enfant se trouvait là
À réciter des
Ave Maria.

12C’est ce désintérêt du jeu en faveur de la prière qui assure le salut du héros, puisque tous les enfants sont emportés par le raz-de-marée, sauf celui qui prie Notre Dame33. Le jeune saint se caractérise donc, dans Pain comme dans Enfant sauvé, par une maturité qui le pousse à se détourner des plaisirs propres aux enfants de son âge, au profit d’une recherche spirituelle.

13Cette recherche précoce de Dieu est d’autant plus remarquable que, d’après la représentation puérile véhiculée par le conte Pain, le commun des enfants de la seconde infantia – ceux qui ne se démarquent pas par leur sainteté – se définit par une absence de conscience du sacré. Lors du récit de la découverte de la statue de la Vierge à l’Enfant par le jeune héros, le conteur narre en effet la scène en focalisation interne, de manière à imiter le point de vue de l’enfant ignorant qui cette statue représente :

Tant ala tournoiant entour
Qu’il est venus en cel destour
U estoit cele viés ymage  […].
A l’enfant conmence a parler
Et lui semonrre de joer.
(v. 24562-64 ; 24570-71)

À force d’aller et venir en tous sens,
Il est arrivé dans le recoin
Où se trouve cette vieille statue […].
Il se met à parler à l’enfant
Et à l’inviter à jouer avec lui.

14La mention des noms de Marie et de Jésus est remplacée dans ces deux extraits par des désignations génériques et impersonnelles, « cele viés ymage » et « l’enfant », qui indiquent que le jeune héros ne reconnaît ni la Mère de Dieu ni son Fils. Ce phénomène perdure d’ailleurs pendant l’intégralité du récit ; alors même que la statue de la Vierge s’anime miraculeusement pour promettre au héros qu’il accèdera dans trois jours au paradis, l’enfant ne se montre pas plus capable d’identifier ses interlocuteurs lorsqu’il rapporte la scène à sa mère puis à des clercs :

L’ymage le m’a conmandé
qui assés a a moi parlé,
et li enfes que ele tient.  […]
Je serroi rois, je n’en dout rien ;
li valetonz le me dist bien,
qui est fix a la grant ymage.
Je desir mout en mon coraige
que je soie aveuc cel enfant.
(v. 24632-34 ; 24670-74)

C’est ce que m’ont ordonné la statue,
Qui m’a beaucoup parlé,
Et l’enfant qu’elle tient dans ses bras. […]
Je serai roi, je n’en ai pas de doute ;
C’est ce que m’a bien dit le jeune garçon
Qui est le fils de la grande statue.
Je désire vivement en mon cœur
Être auprès de cet enfant.

15« Li enfes », « li valetonz », « fix a la grant ymage », « cel enfant » : l’imprécision et le caractère générique des formules désignant le Christ signalent bien que, même au seuil du paradis, le petit protagoniste reste incapable de nommer celui qui lui a promis la joie éternelle.

16Cette ignorance du nom de Jésus peut d’autant plus s’interpréter comme un défaut de conscience du sacré que, lors de la scène où le jeune héros s’adresse à l’enfant Jésus, il se comporte à l’égard de la statue du Christ sans témoigner le moindre sentiment de révérence. Il l’invite en effet à jouer (« et lui semonrre de joer » v. 24571), s’étonne de son silence par une apostrophe peu amène (« Hé ! fait il, tu ne sés parler ? » v. 24576), insiste en lui présentant son pain avec une obstination quelque peu maladroite (« Sour la bouce li a mis droit / le pain » v. 24585-86), puis conclut en lui reprochant de ne pas lui prêter attention (« Je vois bien que tu n’en as cure, / ce poise moi, se Diex m’aït » v. 24593-94). Alors que les héros des contes Enfant sauvé et Enfant jureur prennent clairement position pour ou contre Dieu, le protagoniste de Pain a ainsi la particularité de témoigner d’une situation intermédiaire, celle d’une inconscience du domaine du sacré, qui permet avant tout de mettre en récit le comportement d’un enfant face à un autre lui-même.

17Comment donner dès lors sens à ces ambivalences dans les représentations de la petite enfance ? De l’enfant diabolique d’Enfant jureur à la sainteté d’Enfant sauvé, en passant par la maladresse généreuse du jeune héros de Pain, le comportement du jeune enfant se présente toujours comme la reproduction de l’attitude religieuse de ses parents. Le jeune garçon du récit Enfant jureur est par exemple présenté dans le prolongement de son père, premier personnage introduit dans le récit :

Saint Gringoires, el Dyalogue,
Nos raconte q’uns hons estoit,
Fenme et enfanz, ce cuit avoit ;
Malvesement les enseigna.
Un filz ot qui s’acostuma
A jurer Dieu mout laidement
Par defaute d’enseignement
(v. 27019-24)

Saint Grégoire, dans ses Dialogues,
Nous raconte l’histoire d’un homme
Qui avait, je crois, femme et enfants.
Il leur donna une mauvaise éducation.
Il avait un fils qui s’acoutuma
À jurer affreusement sur le nom de Dieu,
Et ce par manque d’instruction.

18Le vice de l’enfant est ainsi présenté comme la prolongation et la conséquence de celui du père, qui fait preuve de « defaute d’enseignement ». À l’inverse, la dévotion du héros du conte Enfant sauvé apparaît comme la conséquence de la piété mariale de sa mère qui, elle aussi, est le premier personnage présenté dans le récit :

En la vile ot une borgoise
Qui molt estoit sage et cortoise […]
Que de sa bouche n’issist mie
III paroles, se anvis non,
Qu’elle ne disist le douz non
De Nostre Dmae qu’elle ama,
Et disoit Ave Maria.
Un enfant ot que molt amoit
Et le salu li aprenoit,
Et li enfes si le retint
Qu’adés son cuer a cel mot tint ;
Nis en dormant l’en sovenoit,
A dire molt li avenoit.
(vv. 29728-29 ; 35-45).

Il y avait dans cette ville une bourgeoise
Qui était très sage et courtoise […]
Au point qu’il ne sortait jamais de sa bouche
Trois mots, sinon malgré elle,
Sans qu’elle ne prononce le doux nom
De Notre Dame, qu’elle aimait,
Et qu’elle ne dise un
Ave Maria.
Elle avait un enfant qu’elle aimait beaucoup
Et elle lui apprenait le salut à la Vierge.
L’enfant le retint si bien
Qu’il attacha son coeur à cette parole ;
Même lorsqu’il dormait il y pensait,
Et il lui arrivait très souvent de la réciter.

19Le goût de l’enfant pour la prière mariale est donc à lire dans le prolongement de l’amour que sa mère porte à Marie. Ainsi l’ambivalence de la représentation puérile trouve-t-elle son sens : dénué de raison, le petit enfant se définit par la seule imitation ; dans Enfant jureur comme dans Enfant sauvé, le rapport du héros à Dieu se calque sur la religiosité parentale. L’enfant de la seconde infantia est celui qui reproduit et porte en lui le péché ou la sainteté de ses parents.

20Cette définition du comportement religieux infantile comme imitation parentale peut permettre d’expliquer l’absence de conscience du sacré dont témoignait le héros de Pain. Le jeune garçon est en effet le seul, parmi les protagonistes de nos trois récits, à ne pas être présenté sous l’égide de son père ou de sa mère. Le héros n’est certes pas orphelin puisque la Vierge lui commande de retourner auprès de sa mère (« Di ta mere que tost morras », v. 24624) ; mais il est élevé en dehors du cadre familial, car l’évêque, qui est de sa famille, l’a fait chanoine pour l’arracher à sa pauvreté34. C’est donc seul dans l’église, et investi d’une charge ecclésiale qu’il est incapable de remplir (« Illuec avra povre service », v. 24529), qu’entre en scène le petit protagoniste, libre de toute surveillance pendant l’office, puisqu’il joue dans le chœur et va et vient à sa guise : « Par mi le cuer aloit joant, […] / Tant ala tournoiant entour » (v. 24560 ; 62). Le personnage est donc d’abord présenté dégagé de toute filiation, et c’est à cette absence parentale – et en particulier maternelle – que semble bien répondre l’absence de conscience du sacré35. Lorsque la Vierge veut préparer le jeune garçon à entrer au Ciel, elle le renvoie d’abord vers le foyer familial36, travaillant ainsi à replacer l’enfant dans une filiation humaine avant de l’introduire dans l’espace sacré du paradis. Le retour de l’enfant au foyer entraîne en effet une restitution, aux personnages des parents et à celui de la mère en particulier, des fonctions qui leur sont propres dans les récits de miracles : la mère est celle qui va propager la nouvelle du miracle dont a bénéficié son fils37 (« La mere court toute esperdue / au moustier », v. 24645-46) et les parents veillent sur l’enfant jusqu’à sa mort conformément aux traditions véhiculées par les récits de résurrection38 (« et li parent gaitier le firent / et il morut droit au tierc jour », v. 24679-80).

21La religiosité du petit enfant se dessine ainsi dans l’imitation du comportement religieux des parents, dont la présence s’avère déterminante pour l’orientation eschatologique du récit. La mention toute particulière de la mère dans les deux contes où l’enfant est saint ou devient digne du Ciel – Pain et Enfant sauvé – confère à l’enseignement maternel un rôle central dans l’apprentissage de la foi, et invite à explorer plus précisément le lien entre la mère et l’enfant.

L’enfant dans son rapport à la mère

22Le rapport de l’enfant à la mère pourrait bien constituer en effet la condition de la sainteté du petit héros. Le seul des récits de notre corpus dont le héros finit damné, Enfant jureur, est d’ailleurs justement le seul à présenter le protagoniste sous l’angle de l’éducation que lui confère son père39 :

Saint Gringoires, el Dyalogue,
Nos raconte q’uns hons estoit,
Fenme et enfanz, ce cuit avoit ;
Malvesement les enseigna.
v. 27019-22)

Saint Grégoire, dans ses Dialogues,
Nous raconte l’histoire d’un homme
Qui avait, je crois, femme et enfants.
Il leur donna une mauvaise éducation.

23L’introduction du personnage du père est immédiatement suivie de la mention de son incapacité à éduquer correctement son enfant, ce qui se concrétise dans le fait que « sovent se rioit / de ce que li enfes juroit » (v. 27025-26) – il riait souvent en l’entendant jurer. Or le conteur transforme aussitôt cette remarque en énoncé à valeur générale, en faisant du goût pour le blasphème un vice fréquent chez les pères de son temps40 :

Si est li siecles atornez,
Mout en i a des bestornez.
Bestorné de leur savoir sont
Tuit li pere qui joie font
de ce que leurs enfanz Dieu jurent,
mentent leur foiz et se parjurent
et sont bien apert en malices,
en malvés fez, en malvés vices
(v. 27030-38).

Ainsi va ce monde,
Qu’on y rencontre beaucoup d’esprits dérangés.
Ils ont l’intelligence dérangée,
Tous les pères qui se réjouissent
De voir leurs enfants jurer sur le nom de Dieu,
Renier leur foi et se parjurer,
Et se livrer ouvertement aux malices,
Aux mauvaises actions, aux vices.

24L’éducation donnée par le père se montre ainsi comme un berstornement, c’est-à-dire un renversement, un miroir déformé de l’éducation religieuse, conférée par la mère. Alors que la mère d’Enfant sauvé enseigne en effet à son fils la prière (« et li salu li aprenoit » v. 29741), et offre, au terme du miracle, son enfant à la Vierge (« La mere seur l’autel l’offri / Nostre Dame sainte Marie », v. 29806-07), le père d’Enfant jureur encourage son fils au blasphème parce qu’il y voit une annonce de la bravoure dont le fils fera preuve une fois adulte, et de l’appui militaire qu’un tel fils pourra représenter quand il sera vieux : « Icist sera preudom, s’il vit. / Cil defendra moi et ma terre / quant nus me vodra fere guerre » (v. 27039-41). A l’éducation à Dieu et pour Dieu dont témoigne la mère d’Enfant sauvé, s’oppose, chez le père d’Enfant jureur, un enseignement tourné vers des considérations terrestres et belliqueuses, et surtout orienté en fonction des intérêts paternels : tandis que la mère d’Enfant sauvé fait à Dieu un don total de son fils, dans un complet oubli de soi, le père d’Enfant jureur voit avant tout dans le blasphème de son fils le gage du secours qu’il pourra lui porter dans la vieillesse. Si l’enseignement conféré par la mère est donc orienté vers la recherche de Dieu, celui que donne le père envisage le monde dans sa seule dimension horizontale, terrestre. La réflexion sur l’éducation religieuse du petit enfant dans notre corpus se conçoit donc à travers une opposition sexuée qui met en regard la piété maternelle et le caractère peccamineux du père, opposition notable au sein d’un paysage théologique plus volontiers attaché à la supériorité spirituelle de l’homme sur la femme41.

25La valeur axiologique que prend l’opposition entre le père et la mère est d’autant plus frappante dans le conte Enfant jureur que les descriptions du père lui attribuent tous les défauts d’éducation contre lesquels les traités pédagogiques mettent en garde les parents ; il ne corrige pas son fils, et parallèlement, fait preuve d’une affection démesurée à son égard42 :

Un jor me semble qu’il avint
Que li peres son enfant tint
Entre ses braz mout docement
Con cil qui l’amoit folement,
Et li enfes se corouça
Et Dieu vilainement jura.
(v. 27072-77)

Il arriva qu’un jour, me semble-t-il,
Alors que le père tenait son enfant
Entre ses bras très tendrement,
En homme qui l’aimait à la folie,
L’enfant se mit en colère
Et jura affreusement sur le nom de Dieu.

26Le contraste entre la tendresse du père et les blasphèmes répétés du fils signale d’abord une inadéquation du comportement paternel à l’attitude de son enfant, puisque les traités d’éducation du XIIIe siècle, qui recommandent généralement la douceur à l’égard des plus jeunes, considèrent néanmoins que le blasphème nécessite d’être puni par les verges43. En témoignant de la tendresse à son enfant dans une situation qui appellerait la punition corporelle, le père fait preuve de l’attitude molle et trop affectueuse que les pédagogues désapprouvent, et qu’ils pardonnent d’ailleurs plus volontiers à la mère, targuée d’un amour pour ses enfants moins rationnel que celui du père44. Cette dernière remarque conduit à supposer que la critique de la figure paternelle passe en outre par l’attribution au père d’une attitude maternelle : l’extrait insiste en effet sur l’affection démesurée portée au fils par le père, qui « l’amoit folement » ; or la folie et la démesure sont justement les caractéristiques de l’amour maternel tel qu’il est condamné par les pédagogues45. Le conteur de la Vie des Pères se livre donc à une redistribution des rôles et des défauts parentaux, de manière à faire de la figure maternelle l’enseignante sainte et le modèle religieux de l’enfant de la seconde infantia.

27Quel sens donner à cette transformation ? Cette revalorisation du rôle maternel trouve une explication – d’ordre spirituel – si l’on remarque que les deux contes dans lesquels l’enfant est saint ou se sanctifie, Pain et Enfant sauvé, sont des récits de miracles mariaux. Or le personnage de la Vierge, actrice principale du miracle, se trouve également placé, dans Enfant sauvé, au cœur de la relation mère-enfant. C’est en effet autour de l’amour marial que s’articule l’affection de la mère pour le fils, comme le suggère cette présentation de la bourgeoise « sage et cortoise » (v. 29729) :

… que de sa bouche n’issist mie
III paroles, se anvis non,
Qu’elle ne disist le douz non
De Nostre Dame qu’elle ama,
Et disoit Ave Maria.
Un enfant ot que molt amoit,
Et le salu li aprenoit,
Et li enfes si le retint
Qu’adés son cuer a cel mot tint
(v. 29735-43).

il ne sortait jamais de sa bouche
Trois mots, sinon malgré elle,
Sans qu’elle ne prononce le doux nom
De Notre Dame, qu’elle aimait,
Et qu’elle ne dise un
Ave Maria.
Elle avait un enfant qu’elle aimait beaucoup
Et elle lui apprenait le salut à la Vierge.
L’enfant le retint si bien
Qu’il attacha son coeur à cette parole.

28Le personnage de la mère est ici présenté dans la relation d’amour qu’elle entretient avec Marie (« De Nostre Dame qu’elle ama »). L’amour pour le divin est donc mentionné en premier lieu, avant la mention de l’amour qu’elle porte à son fils (« Un enfant ot que molt amoit »). Tandis que le père d’Enfant jureur n’avait pas, d’après le conteur, d’autre objet d’amour que son fils, et se limitait donc à un amour naturel que les théologiens considèrent d’une qualité inférieure à l’amour porté à Dieu et aux saints46, la mère d’Enfant sauvé fait preuve d’une capacité de hiérarchisation qui place l’amour qu’elle porte à son fils dans la continuité de celui qu’elle porte à la Vierge47. Bien plus, cette dynamique qui conduit de l’amour de Marie à l’amour du fils se traduit par un effet de retour en provoquant l’amour de l’enfant pour la Vierge ; la prière que la mère adresse à Notre Dame (« et disoit Ave Maria ») se transmet en effet de la mère vers le fils, qui en retient les paroles (« et le salu li aprenoit »), mais qui apprend surtout à aimer cette prière, puisque le texte précise qu’il en portait les mots dans son cœur (« adés son cuer a cel mot tint »). L’amour de la mère pour le fils apparaît ainsi en quelque sorte comme la voie de transmission de l’amour de Marie, puisque le jeune enfant reproduit non seulement l’affection que sa mère porte à la Mère de Dieu, mais imite également les gestes et les mots orants par lesquels cet amour se témoigne. L’amour est donc le vecteur de l’enseignement maternel dans le domaine de la foi et de la prière et le personnage de la mère devient un intermédiaire entre l’enfant et la Vierge.

29Ce rôle d’intermédiaire entre l’enfant et le sacré se révèle également être l’apanage de la figure maternelle dans le conte Pain, bien que selon des modalités assez différentes. La relation entre la mère et le petit enfant y est certes, comme dans Enfant sauvé, placée sous l’égide mariale, puisque c’est la Vierge qui invite l’enfant à se rendre auprès de sa mère avant de mourir48 ; mais la mère du jeune héros demeure dans ce récit un personnage secondaire qui n’intervient que ponctuellement, de sorte que le rôle d’intermédiaire entre l’enfant et le sacré est en réalité pris en charge par Marie elle-même, qui se présente comme une interprète entre le petit protagoniste et l’enfant Jésus. Nous avons en effet observé que, lorsque le petit enfant s’adresse à la statue de Jésus pour l’inviter à jouer avec lui, il n’obtient d’autre réponse qu’un silence qui l’attriste : « Je vois bien que tu n’en as cure, / ce poise moi, se Diex m’aït » (v. 24593-94). Le dialogue semble donc impossible entre l’enfant humain et l’Enfant Divin, et ce jusqu’à ce que Marie s’adresse à son Fils :

Biaux douz fiex, je vous quier un don,
S’il vouz plaist, que vouz me dïé
Quel loier cest enfant donrés
Del pain que il vouz a douné.
(v. 24599-602).

Mon cher fils, je vous demande un don,
S’il vous plait : dites-moi
Ce que vous donnerez à cet enfant
En récompense du pain qu’il vous a proposé.

30C’est seulement après l’intervention mariale que le personnage de Jésus sort de son mutisme, non pour parler au jeune protagoniste, mais pour répondre à sa Mère en lui annonçant la venue prochaine du héros au paradis49. Et la Vierge de servir d’intermédiaire en interpelant cette fois le petit enfant :

Et Nostre Dame au clerçon dist :
Dedenz tierc jour el ciel venras,
Moi et mon enfant i verras »
(v. 24617-21).

Et Notre Dame dit au jeune clerc :
“D’ici trois jours tu viendras au ciel,
et tu y verras mon enfant et moi-même”.

31C’est donc en tant que Mère de Jésus que la Vierge intervient pour servir d’interprète au héros et à son Fils, qui ne communiquent jamais que par son truchement ; de même que la mère d’Enfant sauvé guidait son fils vers l’amour de la Vierge, Notre Dame dans Pain joue à son tour un double rôle de guide et de médiatrice, à la fois en poussant son Fils à poser un regard sur l’enfant, et en promettant au jeune héros de le conduire vers Jésus. La valorisation du rôle maternel dans les contes du corpus peut ainsi trouver sa source dans l’analogie établie entre le rôle de Marie, Mère de Dieu et mère propitiatrice des hommes qu’elle conduit vers le Christ, et celui de la mère terrestre qui guide son enfant vers sa Mère céleste50. Le pouvoir d’intercéder, le rôle d’intermédiaire ou de transmission spirituelle qui est l’apanage de Marie, présentée par la tradition monastique et populaire comme la voie d’accès au Salut et le chemin vers la rencontre de Dieu, contaminerait dès lors analogiquement toutes les figures maternelles ; c’est le modèle de la piété mariale qui expliquerait dans notre corpus la revalorisation de la vertu spirituelle de la femme et de la mère51.

Un tel déplacement analogique de la Mère universelle aux mères biologiques incite à faire de la relation entretenue par les tout jeunes héros de Pain et d’Enfant sauvé avec leur mère et avec Marie le modèle exemplaire que le lecteur serait invité à suivre. La place dévolue à l’amour maternel, qui serait à lire comme le reflet terrestre de la piété mariale, pourrait dès lors fournir un élément de réponse à la question de la fonction de la petite enfance qui sert de fil directeur à cette étude : elle engagerait à voir dans le petit enfant, qui tient de sa mère la dévotion à Marie par laquelle il accède à Dieu, la métaphore du chrétien en général52, appelé à se faire enfant dans les bras de la Mère du Christ. C’est à cette interprétation qu’invite en effet le conteur, en concluant ses récits sur une morale qui étend les bienfaits accomplis dans l’histoire par la Vierge à tous les hommes qui la prient :

De Nostre Dame la bonté
Ne poroit nus penser ne dire.
Mout set bien cil son boin eslire
Qui bien la sert et bien li prie
(Pain, v. 24685-88).

Nus ne porroit assez retrere
De ceste dame debonere,
Et cil qui plus la set amer
Plus la treuve de quoi loer
(Enfant sauvé, v. 29817-21).

Nul ne pourrait penser ni dire
La bonté de Notre Dame.
Il sait vraiment agir à son avantage,
Celui qui la prie et qui la sert assidûment.

Personne ne pourrait assez parler
De cette généreuse dame,
Et plus on l’aime,
Plus on trouve de raisons de la louer.

32En succédant immédiatement à la situation finale qui décrit l’entrée en paradis du héros de Pain et la sainte vie du protagoniste d’Enfant sauvé, ces épilogues invitent à élargir l’expérience de salut du petit enfant à l’ensemble des chrétiens de bonne volonté. À l’inverse, l’épilogue d’Enfant jureur incite à lire la mort de l’enfant comme un exemple pour tous les blasphémateurs :

Souviegne vos de cel enfant,
Que deables en son torment
En porta et mist en doleur.
Et vos chetif, et vos pecheeur,
Qui Dieu et sa mere jurez…
(v. 27102-06)

Rappelez-vous cet enfant
Que le diable emporta dans la tourmente
Et plaça en un lieu de souffrance.
Et vous, malheureux, vous, pécheurs
Qui jurez sur le nom de Dieu et de sa mère…

33L’enfant damné a ainsi vocation à devenir l’image de tous les chrétiens qui, par le blasphème, se détournent de Dieu, et, tout particulièrement, de la Vierge Marie : « Merveille est que terre ne font / souz cels qui dient vilanie / de ma dame sainte Marie » (v. 27121-22) – « c’est un miracle que la terre ne s’effondre pas sous les pieds de ceux qui disent du mal de ma dame, sainte Marie ». Cette mention conclusive de la figure mariale dans le récit Enfant jureur confirme l’idée que ce conte serait un reflet en négatif des deux autres textes. À travers les héros de ces récits, l’âge de la seconde infantia devient dès lors la métaphore du chrétien face à la Mère de l’Église, chrétien fidèle dans Pain et Enfant sauvé, chrétien égaré dans Enfant jureur.

34Comment comprendre alors cette image infantile ? Pourquoi est-ce tout particulièrement l’âge de la seconde infantia qui est choisi pour représenter les fidèles de l’Église ? L’enfance constitue-t-elle, dans Pain et Enfant sauvé, un terminus ad quem de la vie spirituelle ? Autant de questions qui trouveront réponse grâce à l’analyse de l’évolution de l’enfant au cours du récit, évolution qui se cristallise dans ces contes autour de la question du langage.

L’enfant dans son rapport au langage

35L’interrogation autour du langage est en effet la problématique principale des auteurs qui traitent de la seconde infantia, puisque les pédagogues définissent cet âge comme une période paradoxale où l’enfant acquiert l’usage de la parole, alors même qu’il ne possède pas la raison qui devrait permettre de réguler cet usage53. Les sources médiévales sur la petite enfance s’accordent ainsi à caractériser la seconde infantia par un rapport démesuré à la parole, qui demeure mal ordonnée et mal orientée54.

36C’est cette conception de la parole infantile dont rendent compte les récits étudiés : l’enfant de cinq ans dans Enfant jureur finit en Enfer parce qu’il ne prend la parole dans le récit que pour prononcer des jurons55 (« Un filz ot qui s’acostuma / a jurer Dieu mout laidement », v. 27023-24), tandis que les « enfançons » du conte Enfant sauvé se montrent incapables d’articuler un mot lorsqu’arrive sur eux le raz-de-marée (« Ne sorent mot quant li floz vint / qui les noia touz et detint », v. 29755-56). C’est donc dans les deux cas un mauvais usage de la parole – mutisme ou langage orienté contre Dieu – qui est à l’origine de la mort des enfants. À l’inverse, le petit saint qui est le protagoniste du conte Enfant sauvé se distingue justement des autres par sa capacité à orienter son langage vers Dieu, puisque c’est le fait de réciter des Ave Maria qui lui vaut d’être préservé de la noyade. En se montrant capable de parler de Dieu et à Dieu, de prononcer une parole orante, le jeune héros se révèle encore une fois plus mûr que les enfants de son âge, et fait preuve d’un usage du langage qui, d’après les traités pédagogiques, ne s’acquiert qu’à l’âge de la pueritia56. La parole mal ordonnée apparaît donc dans ces deux récits comme l’apanage naturel de la seconde infantia, tout en étant présentée comme la cause de sa perte ; le saint enfant, celui dont la parole est tournée vers Dieu, est aussi celui qui témoigne d’une maîtrise langagière supérieure à celle des enfants de son âge.

37La seconde infantia serait dès lors envisagée comme un état peccamineux, puisque le peu de maîtrise langagière dont l’enfant est capable serait considéré comme une imperfection et une incapacité à se tourner vers Dieu. Le progrès en sainteté s’exprimerait à travers un mûrissement du langage du petit enfant tel que ce langage deviendrait une parole digne de l’âge de la pueritia. C’est ce phénomène qu’illustre, de manière complexe, la structuration du conte Pain, qui peut se lire comme une interrogation autour de la parole du jeune enfant.

38Quand le protagoniste de Pain s’adresse pour la première fois à l’enfant Jésus, il est en effet désigné comme un être « qui peu de sens avoit » (v. 24569), sans intelligence. La structure alors donnée à son langage témoigne de ce défaut de raison ; l’enfant parle un langage d’une certaine rudesse, dénué des formules d’apostrophe ou de révérence qui ouvrent traditionnellement les paroles d’adresse, en particulier celles destinées à un personnage de haut rang ou à une divinité : « Menguë, dist il de mon pain » (v. 24572) / « Hé ! fait il, tu ne sés parler ? » (v. 24576). L’absence d’apostrophe pour désigner l’interlocuteur dans ces deux phrases témoigne bien d’un langage qui n’est pas encore formé aux règles de la parole orante57. L’enfant ne possède pas les codes de l’adresse à l’Autre, et ce défaut de maîtrise langagière peut se lire comme le signe verbal d’une conscience morale encore à développer58.

39Toutefois, le silence de Jésus conduit le jeune héros à modifier étonnamment son propre langage. L’usage de la focalisation interne nous permet en effet de savoir que l’enfant Jésus est aux yeux du jeune héros un « petit enfes » (v. 24578) ; le petit protagoniste se considère donc plus âgé que ne l’est la statue du Christ, qui représenterait dès lors un Christ tout proche de la première infantia, voire appartenant à ce tout premier âge de l’enfance. C’est en tout cas le raisonnement du jeune garçon qui, intrigué par l’absence de réponse de Jésus à ses sollicitations, l’attribue au fait qu’il ne doit aimer que la bouillie59. Le jeune héros se livre alors à un travail surprenant sur lui-même : il se remémore les mots avec lesquels sa nourrice l’encourageait à manger lorsqu’il était plus petit (« Ainssi dire le me soloit / la nouriche qui me paissoit : / “Papés, biax fiex, de cest papa”. », v. 24580-82), et se met ensuite à reproduire ce type de langage fondé sur les allitérations, dans le but d’adapter la langue qu’il utilise à la jeunesse présumée de son interlocuteur :

… Papés,
biaus dou enfes, se vouz volés ;
de cest papa pape un petit,
papes, enfes, se Dix t’aït.
Je croi que tu muires de fain,
Un peu papine de mon pain.
(v. 24586-91)

Goûte,
Cher et doux enfant, si tu en as envie ;
Tâte un peu de ce gâteau,
Tâte, enfant, avec l’aide de Dieu.
Je crois que tu meurs de faim,
Tâte donc un peu de mon pain.

40« Papés », « de cest papa pape un petit », « un peu papine de mon pain » : l’enfant reprend et développe les allitérations qui caractérisaient les paroles que sa nourrice lui adressait. De cette sorte, la capacité imitative de l’enfant, dans laquelle nous avons vu précédemment une des caractéristiques principales de la seconde infantia, est ici mise au service d’un travail sur le langage. La volonté de communiquer avec l’Enfant Jésus entraîne ainsi chez le héros une réflexion sur la parole, sur sa forme syntaxique et poétique, et une tentative de maîtrise de celles-ci. En reproduisant et développant le langage que lui tenait sa nourrice, le protagoniste témoigne d’une volonté de maîtriser la langue qui se confond ici avec le désir d’entrer en communication avec l’autre. Le dialogue avec le divin initie dès lors une réflexion sur le langage, et donc une maîtrise progressive de celui-ci.

41En même temps que s’infléchit la forme du discours, on peut noter, parallèlement, une progressive transformation de son contenu : lorsque le jeune garçon débute sa tentative de dialogue avec l’enfant Jésus, il n’utilise en effet la parole que pour évoquer deux sujets, la nourriture et le jeu, conformément aux préoccupations de son âge (« et lui semonrre de joer : “Menguë, dist il, de mon pain” », v. 24571-72). Or, son discours évolue progressivement vers une prise en compte de l’autre, qui demeure certes centrée dans un premier temps sur le domaine de la nourriture (« Je croi que tu muires de fain », v. 24590), mais qui s’éloigne ensuite du domaine du plaisir corporel pour aller vers une formulation des émotions, autant celles du destinataire que du locuteur : « Je voi bien que tu n’en as cure, / ce poise moi, se Diex m’aït » (v. 24593-94). Cet infléchissement du discours, initié par la volonté de communiquer avec Jésus, trouve sa pleine réalisation après l’intervention mariale : une fois la Vierge apparue pour promettre au petit protagoniste l’accès au paradis d’ici trois jours, on assiste en effet à une transformation radicale des propos de l’enfant, qui ne sont plus alors centrés que sur le récit du miracle advenu et sur son espérance dans les joies du Ciel. Ainsi le jeune garçon rapporte-t-il à sa mère les paroles miraculeuses de la statue :

L’ymage le m’a conmandé
Qui assés a a moi parlé,
Et li enfes que ele tient.
Il m’a dit que il escouvient
Que je muire dedenz tierc jour ;
Em paradis arai sejour
Avecques lui, que il le vieut
(v. 24632-38).

C’est ce que m’ont ordonné la statue,
Qui m’a beaucoup parlé,
Et l’enfant qu’elle tient dans ses bras.
Il m’a dit qu’il faut
Que je meure d’ici trois jours ;
Je séjournerai en paradis
Auprès de lui, car il le veut.

42Le discours du héros aux clercs et à la foule qui viennent ensuite le visiter réitère ce récit, pour se centrer davantage ensuite sur l’espérance qu’il a dans le Christ :

Les ymagenes a moi parlerent,
En mon lit couchier m’envoierent
Et me disent que je morroie
Dedenz tierc jour et que j’iroie
En paradis la ou serront,
De mon pain loier me donront.
Je serroi rois, je n’en dout rien ;
Li valetonz le me dist bien,
Qui est fix a la grant ymage.
Je desir mout en mon coraige
Que je soie aveuc cel enfant
(v. 24664-74).

Les statues m’ont parlé :
Elles m’ont envoyé me coucher dans mon lit
Et m’ont dit que je mourrai
D’ici trois jours, et que j’irai
En paradis, là où ils seront,
Et qu’ils me récompenseront pour mon pain.
Je serai roi, je n’en ai pas de doute ;
C’est ce que m’a bien dit le jeune garçon
Qui est le fils de la grande statue.
Je désire vivement en mon cœur
Être auprès de cet enfant.

43La transcription de ces deux discours montre que les répliques de l’enfant se font de plus en plus longues, signe d’un développement du langage qui se fait autant dans le contenu que dans la forme. Bien plus, ces dernières paroles témoignent du fait que le développement de la parole est inséparable d’une progression de l’affectivité du jeune enfant, qui ne songe plus aux plaisirs du jeu et de la nourriture comme au début du récit, mais dont l’objet de désir est à présent l’accès au paradis (« je desir mout en mon coraige / que je soie aveuc cel enfant », v. 24673-74). L’évolution du langage va donc de pair avec une spiritualisation du désir, qui conduit d’ailleurs à une maîtrise de la parole telle qu’elle en vient à se réfréner elle-même ; en témoignent les dernières paroles du protagoniste, qui recommande les clercs à Dieu et promet de se taire désormais: « Touz ensemble a Dieu vous conmant. / Alés vouz ent, je demeorrai, / jamais a vouz ne parlerai » (v. 24675-77). Le jeune héros, qui courait dans l’église au début du conte et témoignait d’un langage désordonné dans sa forme comme dans son propos, fait à présent vœu de silence après avoir énoncé une fois pour toutes son espérance dans le ciel. L’évolution de la vocation du langage, qui n’est plus voué à l’énoncé des besoins et des plaisirs immédiats, mais s’est transformé en une parole spirituelle parlant « de Dieu et pour Dieu60 », s’accompagne de l’aptitude nouvelle du protagoniste à ne parler ni trop ni trop peu. Par sa promesse de silence, le héros témoigne en effet d’une vertu nouvelle, celle de la mesure dans les paroles, vertu dont les traités pédagogiques ne considèrent les enfants capables qu’à l’âge de raison61.

44Comme dans le cas du jeune saint du récit Enfant sauvé, la progression spirituelle du protagoniste de Pain se traduit donc par une maîtrise et une spiritualisation de ses affects et de son langage, qui peuvent se lire comme une sortie symbolique de la seconde infantia. Le héros d’Enfant jureur au contraire, en mourant à l’âge de cinq ans parce que « pas ne [se] voloit retraire » (v. 27070) de son goût pour le blasphème, demeure symboliquement enfermé dans l’âge de l’imperfection langagière (il ne prononce que des paroles mauvaises) et spirituelle (il ne met son plaisir que dans le péché, « qu’il li plesoit a fere », v. 27071). Bien que le conteur de la deuxième et de la troisième Vie des Pères confère donc ponctuellement au jeune enfant le rôle central du récit, bien que le jeune enfant fonctionne comme métaphore du chrétien, la valorisation de l’enfant de deux à sept ans reste ainsi relative : demeurer dans la seconde infantia équivaut dans Enfant jureur à une mort spirituelle, et la rencontre avec le divin dans Pain et Enfant sauvé conduit à une sanctification du héros exprimée par le mûrissement de son langage et de son affectivité, qui deviennent semblables à ceux de la pueritia. L’expérience spirituelle est donc ce qui fait sortir le protagoniste de la petite enfance, âge de transition, et le petit enfant demeure, humainement comme spirituellement, un être en devenir.

45Cette étude se donnait pour objectif de déterminer la fonction littéraire du petit enfant au sein des recueils religieux que sont la deuxième et la troisième Vie des Pères. L’analyse a permis d’observer que les représentations du petit enfant se caractérisent par une ambivalence qu’explique l’attitude mimétique de l’enfant, qui se définit dans l’imitation du comportement religieux de ses parents. Reflet des influences qu’il reçoit des adultes, le jeune enfant fonctionne alors comme l’image des chrétiens en général. Ce choix de l’enfant pour métaphoriser le fidèle dans sa vie de foi, choix qui actualise un rapprochement fréquent dans l’imaginaire médiéval, prend toutefois une orientation particulière dans le contexte idéologique de la deuxième et de la troisième Vie des Pères, qui prônent la dévotion à la Vierge et exaltent la puissance mariale : la valorisation de la figure de Notre Dame en mère universelle qui conduit ses fidèles vers le Christ justifie le recours ponctuel à un protagoniste âgé de deux à sept ans, particulièrement propre à incarner l’idée que les fidèles sont appelés à se faire enfants dans les bras de Marie. Une telle orientation n’est pas sans conséquence sur le modèle d’éducation prôné par le conteur, qui, en faisant de la Mère de Dieu un guide dans la foi, valorise par analogie le rôle maternel dans l’éducation religieuse. Bien que le modèle mère-enfant semble ainsi valorisé, l’étude du traitement du langage de l’enfant a néanmoins permis de voir que cette valeur exemplaire du petit enfant n’en demeure pas moins limitée : la sainteté du jeune héros s’accompagne d’une perte des caractéristiques de la seconde infantia que sont l’attrait pour les plaisirs et l’usage désordonné du langage, tant dans sa forme imparfaite que dans son propos dénué de spiritualité.

46Si l’adulte doit donc imiter la confiance filiale de l’enfant, l’enfant est quant à lui appelé à acquérir la raison de l’adulte pour se sanctifier. Ce mouvement complémentaire invite à voir que les ambivalences attachées aux représentations de la petite enfance, que nous avons observées au début de notre étude, sont en réalité au cœur de la fonction dévolue au petit enfant dans notre corpus ; s’il incarne le versant positif du chrétien en tant qu’être faible et confiant dans les bras de Marie, il en incarne tout autant le versant condamné par saint Paul, lorsqu’il utilise l’image de l’enfance pour traduire l’ignorance de l’homme sur la vie après la mort :

Lorsque j’étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant ; une fois homme, j’ai fait disparaître ce qui était de l’enfant. Car nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. À présent je connais d’une manière partielle ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu62.

47Sur le modèle de la métaphore paulinienne, le petit enfant incarnerait dans nos récits cet état du chrétien sur terre, qui ne peut parler du sacré que comme d’une chose inconnue, d’une parole balbutiante et désordonnée. Le choix de héros appartenant à l’âge de la seconde infantia, plutôt que d’enfants déjà entrés dans l’âge de la pueritia, prend alors tout son sens : si l’âge de sept ans est l’âge de raison, il constitue aussi l’âge traditionnel auquel est administré le sacrement de confirmation63, de sorte que les débuts de l’acquisition de la raison coïncident avec la réception du Saint-Esprit et de ses dons, qui ouvrent à la connaissance de Dieu64. En se présentant comme une sortie symbolique de l’infantia par l’acquisition des capacités propres à la pueritia, la sanctification des jeunes héros confère au petit enfant la fonction de miroir65 de la vie chrétienne en chemin vers l’au-delà.

Notes

1 Voir J.-C. Payen, « L’enfance occultée : note sur un problème de typologie littéraire au Moyen Âge », dans L’Enfant au Moyen Âge (littérature et civilisation), Senefiance n°9, publications du CUER MA, Paris, Champion, 1980, p. 177-192 ; Jens N. Faaborg Les Enfants dans la littérature française du Moyen Âge, Copenhague, Museum tusculanum press, 1997.

2 Sur la forte représentation des nourrissons dans la littérature médiévale, voir M. Plouzeau, « Vingt regards sur l’enfançonnet, ou fragments du corps puéril dans l’ancienne littérature française », dans L’Enfant au Moyen Âge (littérature et civilisation), op. cit., p. 201-218.

3 L’étude menée par Didier Lett sur les recueils de miracula permet d’observer que l’enfant de moins de huit ans, même bénéficiaire du miracle, est très rarement acteur du processus de prière qui conduit à sa guérison. Voir D. Lett, L’Enfant des miracles. Enfance et société au Moyen Âge (XIIe-XIIIe siècles), Paris, Aubier, 1997, p. 168-169 : les graphiques proposés démontrent que, jusqu’à huit et même souvent douze ans, l’enfant n’est que très rarement celui qui décide de se rendre au sanctuaire ou d’invoquer le saint ; il accepte passivement les actions posées par ses parents, véritables acteurs du récit.

4 Le Moyen Âge distingue plusieurs étapes au sein de l’enfance : la première infantia, de la naissance à deux ans, marquée par l’absence de parole et la poussée des dents ; la seconde infantia, de deux à sept ans, où l’enfant acquiert progressivement le langage sans être encore capable de faire usage de sa raison ; la pueritia, de sept à quatorze ans, est enfin l’âge qui précède l’entrée dans l’adolescence, et pendant lequel la raison se développe progressivement. Voir P. Riché et D. Alexandre-Bidon, L’Enfance au Moyen Âge, Paris, Seuil, 1994, p. 16 ; des mêmes auteurs, « L’Enfance au Moyen Âge : état de la question », dans La Petite Enfance dans l’Europe médiévale et moderne, éd. R. Fossier, Toulouse, publications de l’université du Mirail, 1997, p. 7-28.

5  À partir de l’âge de deux-trois ans, la dimension sacrée conférée à l’enfant qui ne parle pas s’efface à mesure qu’il acquiert la marche et le langage, et ouvre à une période de l’enfance mal perçue par les théologiens et les pédagogues. Voir D. Lett, L’Enfant des miracles, op. cit., p. 91.

6 L’hésitation entre une image angélique de l’enfant et l’idée d’un enfant pécheur dans la tradition augustinienne parcourt la littérature scientifique, religieuse et pédagogique du Moyen Âge. Voir P. Riché et D. Alexandre-Bidon, L’Enfance au Moyen Âge, op. cit., p. 22-27.

7 L’image de la « cire molle » est utilisée par les pédagogues médiévaux pour décrire certes le corps de l’enfant, aisément malléable, mais aussi son âme, qu’ils considèrent selon Didier Lett « comme une tabula rasa où tout s’imprime à jamais » (L’Enfant des miracles, op. cit., p. 59-62). Au livre II de son Gouvernement des Rois, Gilles de Rome reprend ainsi cette comparaison pour souligner les dangers de cette malléabilité de l’enfance : « tout aussi come nos veons que la cire quant ele est mole prent de legier l’empriente et la figure du seël, tout aussi les enfanz qui sont mous et muables prennent de legier mauveses mours et mauveises manieres » (S. P. Molenaer (éd.), Li Livres dou gouvernement des rois. A XIIIth century French version of Egidio Colonna’s treatise De Regimine Principum, New York, The Macmillan Company, 1899, p. 196-197).

8 Pour la datation des trois recueils de la Vie des Pères, voir F. Lecoy (éd.), La Vie des Pères, t. 1, Paris, Société des Anciens Textes Français, 1987, introduction, p. XXIII ; É. Pinto-Mathieu, La Vie des Pères. Genèse de contes religieux du XIIIe siècle, Paris, Champion, 2009, p. 13.

9 Dans la première Vie des Pères, seul le conte Juitel met en scène un héros enfant, mais celui-ci est âgé d’environ sept ans, et appartient donc, non plus à l’âge de l’infantia, mais à celui de la pueritia.

10 La Vie des Pères, tome III, éd. Félix Lecoy, Paris, Société des Anciens Textes Français, 1999.

11 Jusqu’à la seconde moitié du XIIIe siècle, la mise en scène d’enfants de la seconde infantia est relativement rare dans la littérature, qui privilégie la représentation de nourrissons de moins de deux ans ou celle d’enfants ayant atteint l’âge de raison. D. Lett, L’Enfant des miracles, op. cit., p. 31-32.

12 C’est en effet la promotion de la dévotion à l’enfant Jésus à partir du XIIe siècle qui entraîne une revalorisation de l’image attachée à la petite enfance. Voir D. Lett, op. cit., p. 63-65.

13 Le choix du blasphème comme péché justifiant la damnation d’un enfant n’est pas un hasard : si les sources de ce récit sont anciennes, la Vie des Pères en propose une version française qui s’inscrit dans le contexte du XIIIe siècle où l’on affirme la particulière gravité du blasphème, à la fois « crime religieux » et « péché mortel ». Sur l’histoire du blasphème au Moyen Âge, voir C. Leveleux, La Parole interdite. Le blasphème dans la France médiévale (XIIIe-XVIe siècles) : du péché au crime, Paris, De Boccard, 2001.

14 C’est ainsi que Bernard de Gordon décrit les enfants, qui selon lui « sont très portés sur les plaisirs, la nourriture, la boisson, le sommeil, les jeux et les plaisanteries » (Bernard de Gordon, De conservatione vitae humanae, éd. Joachimi Baudisii, 1570, p. 2-3). Le goût de l’enfant pour le jeu se caractérise qui plus est par sa démesure ; au chapitre XXXI du premier livre du Gouvernement des rois, Gilles de Rome considère que « les enfanz par nature se delitent en jouer ; dont li jeus quant il n’est honestes ni atemprez est enfantis » (S. P. Molenaer, S. Paul (éd.), Li Livres du gouvernement des rois…, op. cit., p. 91.

15 « D’entor V anz fu ses aages », v. 27066.

16 Le texte évoque un enfant « jones et petis » (v. 24558).

17 C’est vers deux-trois ans que sont sevrés les enfants dans la littérature médiévale (Voir Jens N. Faaborg, Les Enfants dans la littérature française du Moyen Âge, op. cit., p. 137-139). Cet âge correspond aux préconisations des traités médicaux : Aldebrandin de Sienne considère par exemple que « li nature de l’alaitier si est jusques à II ans » (Aldebrandin de Sienne, Le Régime du corps, éd. Louis Landouzy et Roger Pépin, Paris, Champion, 1911, p. 78).

18 Bernard de Gordon, De conservatione…, op. cit., p. 2-3.

19 Gilles de Rome considère par exemple que « chascun en sa jenesce natureument commence a amer delit », et que l’enfance représente pour l’homme « l’aage ou il est plus meüs a jolietés fere » (Li Livres dou gouvernement des rois, op. cit., p. 196).

20 « Biele mere, dedenz tierc jour / sera aveuc moi a sejour / li enfes, et si papera, / en paradis coronne ara » (Pain, v. 24612-15).

21 Le récit souligne que le jeune garçon « en Dieu jurer se mesfesoit, / ne pas ne s’en voloit retrere / por ce qu’il li plesoit a fere » (v. 27069-71), c’est-à-dire qu’il « avait l’affront de jurer sur le nom de Dieu, et ne voulait pas s’en corrigeait, parce que cela lui plaisait ».

22 Les jurons de l’enfant entraînent en effet « la venue du malfé / qui son enfant en ot porté / el puis d’enfer, en la troubleur » (v. 27084-86).

23 Gilles de Rome affirme la nécessité de détourner l’enfant de l’attrait des plaisirs par le redressement : « Et por cen que chascuns desirrent natureument les deliz, l’en doit contrester a ceus desirs par covenables amonestemenz et doit l’en ses enfanz, tantost comme il puent entendre la parole de la gent, enseigner en bones mours et en bones manieres » (Li Livres dou gouvernement des rois, op. cit., p. 196).

24 Dans le corpus de miracles et de fabliaux analysé par Didier Lett, « les termes d’“enfançon” ou d’“enfançonnet” s’appliquent à des enfants de moins de huit ans, très souvent à des petits encore au berceau » (D. Lett, L’Enfant des miracles, op. cit., p. 46).

25 « Illec ensemble se jouoient / et les coquilles conqueilloient » (v. 29749-50) : « C’est là qu’ils jouaient ensemble à ramasser des coquillages ».

26 Ibid., p. 95.

27 « Ne sorent mot quant li floz vient, / qui les noia touz et detint » (v. 29754-55) : « Quand vint le flot qui les noya et les emporta tous, ils ne s’en aperçurent pas du tout ».

28 Cette ambivalence de la valeur morale attachée au jeu est remarquée par Didier Lett dans les recueils de miracula appartenant à son corpus d’étude, dans lesquels « le jeu encadre la narration. Il ouvre le récit en étant à l’origine de l’accident ou de la perte. Il le clôt car il est souvent une des premières manifestations de la santé retrouvée » (Ibid., p. 95).

29 Ibid. : « le petit saint […] se distingue de ses camarades par son refus du jeu ou par le détournement d’activités ludiques, construisant des églises de sable et utilisant le jeu comme support à un discours édifiant ».

30 « Je vois bien que tu n’en as cure, / ce poise moi, se Diex m’aït » (v. 24593-94) : « je vois bien que tu t’en fiches, et cela me fait de la peine, je t’assure ! ».

31 « Tâte, mon fils, de ce gâteau ».

32 D. Lett, L’Enfant des miracles, op. cit., p. 107 sqq.

33 Les enfants sont en effet emportés par la vague « qui les noia touz et detint, / fors celi seul, ce m’est avis, / qui en l’eve demora vis, / qui Nostre Dame salua » (v. 29755-58).

34 « …li evesques si l’a chier, / que ses povres parens estoit, / pour chou canonne fait l’avoit » (v. 24530-32).

35 L’importance de la place conférée à la présence parentale peut trouver un écho, au sein des traités d’éducation, dans l’insistance des pédagogues sur le rôle prégnant des exemples donnés à voir à l’enfant. C’est ainsi que Guillaume de Tournai, dans son De instructione puerorum, s’arrête sur une série de personnages bibliques – David, Thobie, Suzanne – qui ont été des exemples de piété pour leur fils, et cite ensuite les propos de Bernard de Clairvaux et de saint Augustin, tous deux persuadés d’avoir hérité leur zèle religieux de l’exemple de piété que leur donnait leur mère (Guillaume de Tournai, De instructione puerorum, éd. J. A. Corbett, The Medieval Institute University of Notre Dame, 1955). Cette série d’illustrations contribue à montrer que la foi et le sens du sacré se transmettent d’abord, aux yeux des pédagogues, par l’exemple de la piété parentale.

36 « Et Nostre Dame au clerçon dist : / “ […] Or te va couchier en ton lit” » (v. 24617-22).

37 Didier Lett souligne la forte présence parentale auprès des enfants de moins de huit ans dans les récits de miracles (op. cit. p. 167 sqq.), et rappelle par ailleurs l’importance du témoignage parental au cours de l’enquête qui suit l’avènement d’un miracle (ibid. p. 34).

38 Ibid., p. 197 sqq.

39 Cette vision négative de l’influence paternelle est d’autant plus remarquable que, comme le souligne Didier Lett, les récits tirés des exempla ont tendance à considérer que « l’absence de référent paternel est dramatique pour la suite de l’existence » (op. cit., p. 157). Gilles de Rome souligne tout autant l’influence bénéfique de la présence paternelle auprès de l’enfant, en affirmant que « les enfanz sont meillors et plus sages quant lour peres est soigneus et curieus d’eus » (Li Livres dou gouvernement des rois, op. cit., p. 190).

40 Cette condamnation des pères est totalement absente de la première Vie des Pères, plus ancienne ; bien au contraire, le conte Vision d’enfer obéit à la structure des textes édifiants présentant « l’enfant confronté à deux exemples opposés d’attitudes parentales qui symbolisent le bien et le mal. La figure positive s’incarne toujours dans le père tandis que la mère représente l’exemple à ne pas suivre » (D. Lett, op. cit. p. 159). La deuxième et la troisième Vie se démarquent donc doublement du texte dont elles se prétendent les continuations, par leur attrait pour la seconde infantia, et par leur valorisation du personnage maternel.

41 Cette affirmation de la supériorité masculine régit à la fois les traités pédagogiques, médicaux et théologiques. Voir D. Lett, Hommes et femmes au Moyen Âge. Histoire du genre. XIIe-XVe siècle, Paris, Armand Colin, 2013.

42 Le père contrevient ici à la rigueur prescrite par Philippe de Novare, selon qui « l’en ne doit pas mostrer a son anfant grant samblant d’amor, car il s’en orguillit, et en prant baudor de mal faire ; et quant on voit que il comance a mal faire, l’an le doir asprement chastier et reprandre de langue » (Philipe de Novare, Les Quatre Âges de l’homme, éd. Marcel de Fréville, Paris, Société des Anciens textes Français, 1986, p. 5).

43 C’est également ce qui est préconisé par les récits de miracles selon D. Lett, op. cit., p. 153. Philippe de Novare invite à son tour à la plus grande rigueur envers les enfants « qui jurent et mesdient de Nostre seignor et de Nostre Dame et des sainz ; ce ne lor doit on soffrir en nule guise, car mescreant en puent devenir et a male fin venir » (Les Quatre Âges de l’homme, op. cit., p. 6-7).

44 Selon Didier Lett, l’amour maternel est caractérisé, dans les traités pédagogiques comme dans les récits de miracles, par une forme de « démesure qui voudrait s’opposer à l’amour réfléchi et rationnel des pères plus âgés et plus sages » (L’Enfant des miracles, op. cit., p. 146).

45 Cette démesure de l’amour maternel est dû, d’après Gilles de Rome, au défaut de raison de la femme, qui la rapproche de l’enfant et assure la supériorité de l’homme : « li hons par nature a plus de reson et d’entendement, et pur cen que les femmes et les enfanz sont aussi comme hommes nient parfez, n’ont pas parfetement en eus reson ne entendement ». De fait, les femmes, dont la raison est imparfaite, sont excessives dans toutes leurs affections : « Quer ses eles sont deboneres, eles sont trop deboneres, et se eles sont cruels, eles font trop grant crueutez, et se eles sont sanz vergoigne, eles sont trop effrontees » (Li Livres dou gouvernement des rois, op. cit., p. 172-173).

46 On peut renvoyer par exemple à Guillaume de Saint-Thierry, qui énumère cinq types d’amour ou cinq « sens spirituels », du plus animal au plus noble : « l’amour des parents, l’amour social, l’amour naturel, l’amour spirituel, l’amour de Dieu » (Guillaume de Saint-Thierry, De la nature et de la dignité de l’amour, trad. Y.-A. Baudelet, Paris, Cerf, SC 577, 2015, p. 137).

47 En faisant passer l’amour de Dieu avant l’amour de son fils, la mère d’Enfant sauvé répond aux prescriptions des auteurs monastiques du XIIe siècle, en particulier Aelred de Rievaulx qui hiérarchise les amours en fonction de l’objet aimé, et donne évidemment la primauté à Dieu : « En premier lieu, Dieu doit être aimé plus que nous-mêmes. En second lieu, nous devons nous aimer nous-mêmes plus que nos parents et les membres de notre famille. En troisième lieu, les parents et les membres de la famille plus que le reste de nos amis… » (Aelred de Rievaulx, Le Miroir de la charité, trad. G. De Briey et Ch. Dumont, Bégrolles-en-Maugres, Abbaye de Bellefontaine, 1992, p. 139).

48 « Or va te couchier en ton lit, […] / Di ta mere que tost morras » (v. 24622-24).

49 « Biele mere, dedenz tierc jour / sera aveuc moi a sejour / li enfes » (v. 24612-24).

50 Sur les formes de la dévotion mariale du Moyen Âge à l’époque contemporaine, voir D. Iogna-Prat, É., D. Russo, (dir.), Le Culte de la Vierge dans la société médiévale, Paris, Beauchesne, 1996 ; B. Béthouart et A. Lottin, La Dévotion mariale de l’an mil à nos jours, Artois Presses Université, Arras, 2005.

51 C’est l’avis de Doris Desclais Berkvam, pour qui l’intensification de la dévotion à Notre Dame à partir du XIIe siècle « a certainement influencé la façon dont les écrivains s’expriment sur la maternité » (D. Desclais Berkvam, Enfance et maternité dans la littérature française des XIIe et XIIIe siècles, Paris, Champion, 1981, p. 14).

52 La présence explicite de l’enfant comme métaphore du chrétien dans les écrits théologiques et les traités d’éducation est signalée par D. Lett, L’Enfant des miracles, op. cit., p. 89.

53 Selon Gilles de Rome, l’enfant de moins de sept ans manque de raison : « li enfes n’est pas hons parfez ne il n’a pas parfetement l’usage de reson » (Li Livres dou gouvernement des rois, op. cit., p. 172). Didier Lett montre par ailleurs qu’en se définissant par l’absence de parole raisonnable, l’enfant se rapproche de la figure du fou (L’Enfant des miracles, op. cit, p. 102-103).

54 Comme le signale Didier Lett, la démesure est caractéristique de la seconde infantia, et s’attache en particulier à la parole de l’enfant, qui a besoin d’être redressée et éduquée (L’Enfant des miracles, op. cit., p. 97-106). Gilles de Rome formule explicitement cette idée en considérant que « desatemprance est vice trop enfantif. Quer li enfant, porc en que il n’ont mie selon reson, ainz ensuivent acomplir lour mauves deliz » (Li Livres dou gouvernement des rois, op. cit., p. 58). L’auteur considère par ailleurs que cette démesure s’applique tout particulièrement au langage, « quer les enfanz pechent en III manieres de parler, por cen ce que il parlent de legier paroles qui tornent a jolieté et a deliz de fame et mentent volentiers et dient volentiers paroles qui sont foles et nient apensees » (Ibid., p. 206).

55 Prédicateurs et pédagogues considèrent justement que « chez le petit enfant qui commence à parler, le péché de la langue est premier car sa parole est incontrôlée, débridée, désordonnée » (D. Lett, L’Enfant des miracles, op. cit., p. 104). L’habitude de jurer et de prononcer des grossièretés constitue dès lors le principal danger encouru par l’enfant qui apprend à parler, selon l’avis de Berthold de Ratisbonne : « Quand l’enfant commence à parler et à marcher, les diables sont empressés à lui donner des conseils et à lui apprendre de vilains mots, à jurer et à dire des grossièretés. Et ils poussent aussi le père et la mère à ne pas l’empêcher et même à lui apprendre à dire des grossièretés et des jurons » (Berthold de Ratisbonne, cité dans P. Riché, et D. Alexandre-Bidon, L’Enfance au Moyen Âge, op. cit., p. 97).

56 Didier Lett souligne que, tandis que la parole de l’infans « a essentiellement pour fonction de demander de la nourriture », les propos attribués dans les récits de miracles aux enfants de plus de sept ans « ont des fonctions différentes », qui font de la parole « d’abord et avant tout un instrument oratoire, au sens étymologique du mot (orare). Elle sert à parler de Dieu, pour Dieu et à Dieu » (op. cit., p. 108).

57 Sur les codes de la prière médiévale, voir N. Bériou, J. Berlioz et J. Longère (dir.), Prier au Moyen Âge. Pratiques et expériences (Ve-XVe siècles), Turnhout, Brepols, 1991 ; La Parole sacrée. Formes, fonctions, sens (XIe-XVsiècle), Cahiers de Fanjeaux n°47, Toulouse, Privat, 2013.

58 Les pédagogues interprètent en effet la désorganisation de la parole infantile comme la conséquence d’une absence de raison. Gilles de Rome considère ainsi que, pour apprendre aux enfants la maîtrise du langage, « les doit l’en acostumer a penser, por cen que il ne dient paroles qui facent a reprendre et a blasmer » (Li Livres dou gouvernement…, op. cit., p. 206).

59 « Li clerçons conmence a penser / que petis enfes n’amoit mie / fors le papin et la boulie » (v. 24577-79).

60 D. Lett, op. cit., p. 108.

61 Pour Gilles de Rome, c’est en effet à partir de sept ans que l’on peut exercer la capacité des enfants à maîtriser leurs paroles, en les élevant de manière à ce « qu’il ne mentent pas, ainz soient veritables, et que en lor fez et en lor paroles il aient bone memoire et atempree » (Li Livres dou gouvernement…, op. cit., p. 220).

62 1 Corinthiens 13, 11-12.

63 Voir sur ce point D. Lett, L’Enfant des miracles, op. cit., p. 112-114.

64 Pour une lecture de la confirmation par les théologiens médiévaux et tardo-antiques, voir par exemple Hugues de Saint-Victor, De Sacramentis, édition et traduction par R. J. Deferrari, The Medieval Academy of America, Cambridge, Massachusetts, 1951 ; Ambroise de Milan, Des Sacrements. Des Mystères, édition et traduction par B. Botte, Paris, Cerf, SC 25bis, 1961.

65 Le mot « miroir » est ici à prendre dans son sens littéraire médiéval, et désigne un texte à visée morale ambitionnant de renvoyer au lecteur un image quintessenciée de lui-même. Voir E. Már Jónsson, Le Miroir. Naissance d’un genre littéraire, Paris, Les Belles Lettres, 1995, p. 9-18.

Pour citer ce document

Claire Donnat-Aracil, «Images et fonctions de la petite enfance dans quelques contes de la Vie des Pères (XIIIsiècle)», Histoire culturelle de l'Europe [En ligne], Revue d'histoire culturelle de l'Europe, Regards portés sur la petite enfance en Europe (Moyen Âge-XVIIIe siècle), Conceptions philosophiques, religieuses et politiques de la petite enfance, La mort du petit enfant : de la symbolique à l’expression des affects,mis à jour le : 15/01/2018,URL : http://www.unicaen.fr/mrsh/hce/index.php?id=548

Quelques mots à propos de : Claire Donnat-Aracil

Université Paris III – Sorbonne Nouvelle

Doctorante contractuelle en littérature médiévale, agrégée de Lettres Modernes à l’Université Paris III – Sorbonne Nouvelle, ED 120, EA 173 – CERAM. Titre provisoire de la thèse : « De joie encor le cuer me pleure. Formes et enjeux de la joie dans les recueils français de contes du salut (XIIIe siècle) ». Domaines de recherche : littérature et spiritualité au Moyen Âge. Histoire des émotions. Articles : « Les rivalités spirituelles dans la première Vie des Pères. Entre mystique des affects et théorie des humeurs », dans « Entre le cœur et le diaphragme ». (D)écrire les émotions dans la littérature narrative et scientifique du Moyen Âge, Université catholique de Louvain [à paraître], « Trop a le cuer vain qui ne te sert par grant deduit. La joie et la douceur dans l’écriture de Gautier de Coinci », dans Les émotions au Moyen Âge : un objet littéraire. Actes du colloque de la SLLMOO des 12 et 13 janvier 2017, université de Rouen [à paraître]