Vous êtes ici

Une machine adaptée aux « mauvaises récoltes »

Une diffusion sporadique

Dans le village de Gilbert Berthet (Médrissa, près de Tiaret, dans le Sersou), où l’espigadora apparaît vers 1930, il y en a une par exploitation, souvent deux. D’abord établi dans le Sersou, le père de Norbert Richet achète une espigadora avant 1927 et l’emporte à Saïda, dans le Sud-Oranais, où il s’installe sur une autre propriété à 700 m d’altitude, aux confins de la zone cultivable. Au contraire, dans l’Oranais (région de Oued Taria, arrondissement de Mascara), il n’y en a que 3 ou 4 à la même époque dans le village de Joseph Fuster. Dans le Constantinois, à Edgar-Quinet (1 000 m d’altitude), pour les parents de Robert Hugonnot, qui n’obtiennent une bonne récolte que tous les 5 ans environ, cette machine convient parfaitement à leur type d’exploitation. Comme le résume Antoine Fuster, l’espigadora permet de moissonner « les mauvaises récoltes ». Après 1945, l’arrivée des moissonneuses-batteuses concurrence l’espigadora, mais la Statistique agricole dénombre encore en Algérie 3 500 espigadoras en 1960 contre seulement 2 900 moissonneusesbatteuses22. On a encore vu des espigadoras en Algérie dans les années 1980, mais tirées par un tracteur23. Pendant l’Entre-deuxguerres, malgré le fait que le Canadien Massey-Harris se soit lancé aussi dans cette fabrication, les espigadoras sont en Algérie toutes de marque Mc Cormick-Deering, sauf chez Adrien Cazorla (photo 3)24.

Photo 3. Espigadora Massey-Harris dans les hautes plaines à l’ouest de Wagram
Source : Adrien CAZORLA, L’Écho de Saïda, no 102, 2008, p. 6.

Voir une autre espigadora Mc Cormick (B11)

Un assolement classique et de faibles rendements

Chez Joseph Fuster, on cultive surtout le blé tendre, l’avoine et l’orge, très peu de blé dur. Sur 600 ha, seuls 250 ha environ sont ensemencés chaque année, le reste étant cultivé en jachère. On sème un quintal de blé/ha, le rendement moyen étant d’environ 10 q/ha (le maximum : 15 q/ha). Chez Gilbert Berthet, qui cultive blé tendre (tuzelle), blé dur (oued zenati), orge et avoine, on sème 0,9 à 1 q/ha et les rendements sont de 5 q/ha à 15 et 18 les très bonnes années. Chez Guy Marin, sur une ferme de 600 ha dans la plaine des Mâalifs, le rendement moyen est de 10 q/ha (maximum 15 q/ha). Cet assolement disparaît en partie lorsqu’on se met à cultiver des lentilles. Chez Serge Rodriguez, on sème 0,6 à 0,8 q/ha, surtout blé dur, blé tendre, orge et avoine. Les rendements dépendent des pluies d’avril. Fin 1946, le père de Joseph Fuster ensemence 300 ha avec 300 quintaux de semences. En juillet 1947, la récolte n’est que de 225 q (soit une moyenne de 0,74 q/ha), la perte est de 75 q. Chez Robert Hugonnot, sur 120 ha, seulement 60 à 80 sont ensemencés. On cultive chez lui principalement du blé dur, très peu de blé tendre, d’orge ou d’avoine. La jachère est labourée au printemps pour enfouir les chaumes et les adventices. Les semailles, à la main, commencent généralement après la Toussaint. L’autre partie est ensemencée à l’automne sur des terres préparées l’année précédente. L’hiver, dans le Constantinois, la pluie est bienvenue, mais surtout la neige qui protège les semis du froid et augmente la réserve d’eau pour le démarrage.


22. BENAMRANE, 1980, p. 80 et tableau 8.
23. CHABERT, 1983, p. 24.
24. BOURDON, 2007, p. 146. D’après Jean Noulin, Mc Cormick arrête la production de ses headers en 1943 (communication personnelle, 10-11-2007).
lien: 
oui
titre de l'exposition: 
machinisme colonial