La première région qui se présente aux regards de l’homme qui pénètre en France par le Midi s’étend, d’une part, de Perpignan à Menton, et, de l’autre, de Toulon à Valence (Drôme).
Cette région, à laquelle on a donné le nom de région de l’olivier, présente un sol accidenté et varié, des site ravissants et sauvages, et elle comprend des contrées dénudées ou boisées, des vallées fertiles et des cultures très diverses. On y trouve réunies les plantes du Nord et celles du Sud de l’Europe, productions précieuses qui forment l’admirable tableau que la nature ne cesse d’offrir au voyageur agricole.
Nulle contrée en France n’est plus riante, plus pittoresque que cette région. Tout y est verdoyant en hiver comme en été, et la Méditerranée reflète à chaque instant du jour le bleu azuré du ciel et l’or de la lumière étincelante du soleil. Rien de plus brillant, rien de plus majestueux, en effet, que le coloris dont se revêt le paysage, que toute les richesses et les beautés qui décorent le comté de Nice, la basse Provence, le comtat d’Avignon, le bas Dauphiné, le Vivarais, les Cévennes et le Roussillon. Quelles belles campagnes ! Comme on aime à y contempler tous les accidents dont la nature a paré cette pittoresque région ; comme on est heureux lorsqu’on admire ces hautes montagnes qui disparaissent sous leurs draperies de verdure et de fleurs, ou qui se montrent avec leurs sommets nus et blanchâtres ; les bords si accidentés du Rhône, de la Durance et du Var ; les riches plaines de Valence, de Montélimar et de Marsanne, si bien décorées par de beaux mûriers ; la verdoyante plaine de Confaron, les plaines fécondes des Milles, de Saint-Remy, d’Alzonne, de Narbonne et du Razès.
Quel ciel pur ! Le soleil n’y sait point pâlir ; le jour y conserve toujours son éclat, et le thym, la lavande et le romarin, qu’on rencontre à chaque pas, y sont sans cesse odorants. Enfin, les étés y sont longs et chauds, et c’est à peine si les rigueurs de l’hiver s’y font sentir et suspendent à Ollioules, Hyères, Cannes, Nice et Menton la végétation du citronnier, de l’oranger, de la violette de Parme, de l’eucalyptus, du dattier et du néflier du Japon, qui y végètent en pleine terre dans les lieux abrités des vents du Nord. Aussi est-ce avec raison qu’on a dit : « Le climat des bords de la Méditerranée n’est qu’un long et interminable printemps.. »
Ici l’agriculteur vit au milieu d’immenses plaines de vignes dominées souvent par des oliviers ou des figuiers, de moissons et de fleurs de toutes espèces, tantôt situées dans les vallées, tantôt végétant sur des gradins ou sur une série d’élévations en amphithéâtre. Là, les chênes liéges et les chênes verts, aux formes les plus variées, se mêlent à l’éclatante verdure des caroubiers ou des jujubiers, au feuillage vert sombre des orangers et des citronniers ou aux pâles oliviers croissant par groupe. Plus loin, sur le versant des coteaux, chaque massif d’arbres est parsemé de cistes à larges fleurs jaunes, blanches ou rouges, et la vigne en hautains jette ses pampres luisants du sommet des saules ou des érables, ou pend en guirlandes festonnées aux flancs des rochers ou des ravins. Ailleurs, des collines entières sont couvertes d’arbustes aromatiques, de pins d’Alep et de chênes liéges ; des coteaux
jadis arides, et appelés garigues alors qu’ils étaient occupés par les cistes, le chêne kermès, le lentisque, le paliure épineux, etc. disparaissent sous de nombreux vignobles ou amandiers, qui les décorent et les enrichissent. Enfin, au sommet des grandes élévations, où le sol est souvent nu et rocheux et sur lesquelles l’horizon s’agrandit et devient immense, comme par exemple sur le Mounier, dans les Alpes-Maritimes, et sur le mont Ventoux, dans le Vaucluse, la vue contemple, d’une part, la Méditerranée et son immensité, le golfe de Napoul et ses orangers, la riante vallée du Var et les magnifiques oliviers qui décorent ses coteaux ; de l’autre, la grande vallée du Rhône, les eaux limoneuses de la Durance, qui en quelques heures deviennent un agent de destruction, l’aspect austère et pittoresque des anciens volcans du Vivarais et les pâturages aromatiques des montagnes du Vercors et du Diois, sur lesquelles transhument pendant l’été une partie des troupeaux de la basse Provence.
Les montagnes qui appartiennent à la région de l’olivier s’échelonnent les unes au-dessus des autres jusqu’aux Alpes Cottiennes, et elles présentent des scènes grandioses et variées. Ici, les élévations sont très escarpées et remarquables par la magnificence de leurs aspects ; là, elles sont couvertes de forêts résineuses, couronnées par des pelouses émaillées de mille fleurs parfumées ou par des neiges ou des glaciers : plus loin, le site, plus sauvage est habité seulement par le chamois ; les rochers se rapprochent et forment des gorges dans le fond desquelles murmurent les torrents ; plus loin encore, les vallées sont étroites et dominées par des cônes nus, déchirés et inaccessibles, sommets sans cesse battus par les tempêtes et au-dessus desquels planent seulement les aigles des hauteurs neigeuses. Durant l’hiver, dans cette partie de la région, et par exception, la nature est morte, les montagnes sont en deuil, et il n’y a plus d’oiseaux dans les vallées et les villages.