La région des Montagnes du Centre embrasse tout le plateau central de la France. Elle s’étend, du sud au nord, du Languedoc au Berry, et, de l’est à l’ouest, du Forez au Périgord.
Le Rouergue est une contrée inégale et sillonnée par des vallées et des ravins pittoresques. Il renferme les montagnes volcaniques d’Aubrac, sur lesquelles on trouve de très-beaux pâturages et des chalets-fromageries appelés burons, et dans lesquels on fabrique le fromage de Laguiole. Lorsque la neige tombe tardivement au printemps, les bêtes bovines de la belle race d’Aubrac et les bêtes à laine qui y vivent se réfugient temporairement dans la grande forêt d’Aubrac, qui couvre le revers méridional de la montagne dans l’Aveyron.
La haute Marche de Rouergue comprend le plateau du Larzac, plaine calcaire souvent pierreuse et rougeâtre, et dans laquelle on voit peu d’arbres, peu d’habitations, et où l’eau est rare. Ce vaste plateau est sillonné par des vallées étroites et profondes, véritables précipices à parois perpendiculaires. C’est à l’extrémité du Larzac, et dans des montagnes isolées et calcaires, que sont situées les grottes particulières qu’on nomme caves à fromages. Les caves de Roquefort, si favorables au raffinage du fromage de Roquefort, et connues depuis le XIe siècle, présentent des fissures dans lesquelles circule un air vif et froid. Le lait qui sert à fabriquer ce fromage est fourni par des brebis appartenant à la race du Larzac et à la race des causses, La basse Marche est plus fertile et plus peuplée. On y cultive l’amandier, l’abricotier et la vigne. Dans ces contrées, les ségalas ou terres graveleuses ou granitiques ne produisent que du seigle. Le froment n’est cultivé que sur les causses ou terrains argilo-calcaires rougeâtres. Le châtaignier est commun sur les terrains non calcaires en pente ou inaccessibles à la charrue.
Les populations qui vivent dans les vallées étroites ou sur les coteaux du Gévaudan ne sont pas plus favorisées que les habitants du Rouergue; elles sont exposées il des transitions très-brusques de température, qui limitent les spéculations qu’elles peuvent entreprendre. Ici, comme sur les ségalas des Cévennes, la culture du sainfoin et du seigle, alliée à l’entretien ou à l’élevage des bêtes à laine, forme le seul système qu’on puisse suivre avec profit. Ailleurs, on peut entretenir des vaches et fabriquer du fromage d’Auvergne ou spéculer sur l’élevage de la race d’Aubrac ou de la race de Salers. En général. les causses du Gévaudan sont peu habitées, parce qu’elles sont très-froides pendant l’hiver et très-sèches en été, et qu’on n’y observe ordinairement ni un arbre, ni un buisson, ni une source. Il n’en est pas de même des montagnes : celles-ci sont accidentées et souvent boisées. On y rencontre de bons pâturages. Les montagnes des Cévennes renferment de beaux châtaigniers. Sans les fruits de cet arbre, qui est un véritable arbre à pain pour les Cévenols, beaucoup de vallées seraient inhabitables. Les montagnes de la Lozère et la Margeride possèdent aussi des forêts et des pâturages. Leurs sommets hérissés de pics offrent, comme beaucoup de vallées du Gévaudan, peu de verdure et d’ombrage, et impressionnent parfois l’âme d’une irrésistible tristesse.
Le Velay est très-pittoresque ; il est hérissé de hautes montagnes couvertes de noirs rochers, produits de volcans éteints, qui le soir, aux rayons pourprés du soleil couchant, semblent encore alimentés par le feu central. Du sommet du mont Mezenc, on admire un panorama unique au monde : on domine des horizons grandioses, des anciens cratères, des lacs et des gorges sombres et profondes ; puis la vue s’étend sur de riants pâturages, sur des collines ornées de vignobles ou de forêts d’épicéa, sur des vallées dans lesquelles les céréales se marient aux prairies qui assurent l’existence de la race bovine du Mezenc, et l’on distingue au loin le mont Blanc avec sa parure de neige et de glace.
Les vignobles des environs du Puy ont un aspect curieux; ils sont soutenus sur les pentes par des murs en terrasses construits avec des scories ou des fragments de lave. Ces cultures fruitières, d’une nature vigoureuse, font une admirable diversion avec le vaste plateau volcanique de Polignac, dont le sol, si favorable à la culture de la lentille verte du Puy, offre des nuances vives éclairées par un reflet rougeâtre. Cette plaine est dominée, près d’Allègre, par les belles forêts de hêtres qui décorent l’ouverture du remarquable cratère de Bar ; celle de Brioude, arrosée par l’Allier, est aussi productive et verdoyante. Les pacages les plus fertiles du Velay sont situés dans les cantons du Monastier, de Fay et de Tence.
L’Auvergne est une très-belle contrée, et peu de pays en France sont à la fois plus sévères et plus riants. Les parties volcaniques sont très-pittoresques. Ici, on admire de vastes horizons dominés par le Plomb du Cantal et les Puys, des escarpements abrupts et couverts de pierres et de lichens, des surfaces teintées de rose par les corolles des bruyères, de verdoyants pâturages, des rampes escarpées, des gorges boisées, de sombres défilés et des pics inaccessibles. Plus loin, le regard contemple les sombres draperies qui s’inclinent sur les abîmes ou sur les routes établies en spirales, ou en lacets aigus et en pente sur les versants des montagnes. Ailleurs, on est heureux de voir les hautes sapinières et les troncs blancs des magnifiques hêtres qui composent les grandes forêts de l’Arvernie, les cascades qui retentissent au fond des gorges boisées, la nappe bleue et froide des lacs, les riants villages situés dans les vallées, l’or des moissons qui se détache sur les scories noires ou rouges des anciens volcans, et les coteaux diaprés de prairies et ornés de burons et de bêtes bovines. Le plateau de la Planèze, situé à l’ouest de Saint-Flour, est le grenier de la haute Auvergne ; ailleurs, sauf dans la vallée de l’Allier, on ne cultive pour ainsi dire que le seigle. Les meilleures montagnes pastorales sont celles de Salers. La partie méridionale de l’Auvergne renferme des châtaigniers qui fournissent de bons et beaux fruits.
Quiconque n’a pas visité la vallée de la Cère, la reine des vallées cantaliennes, et la vallée de la Jordane, si intéressante par les canaux qui y apportent la fécondité et la vie, se rend difficilement compte de l’aspect que présentent les paysages au moment du coucher ou du lever du soleil. Ici, les parcs à troupeaux et les ravines rocheuses sont éclairés par des tons vermeils des plus curieux ; là, les vapeurs grisâtres couvrent le fond des vallées et ensevelissent les villages et la verdure et les fleurs des prairies, et les fruits des jardins et des vergers ; plus loin, les riches teintes de l’aurore éclairent les sommets des montagnes et réveillent les animaux confinés dans les parcs établis au milieu des pacages. C’est à cette heure que les buroniers et les bergers s’appellent et se saluent de montagne en montagne, comme s’ils avaient besoin de s’assurer qu’ils ne vivent pas seuls dans ces lieux solitaires et silencieux !
La basse Auvergne renferme les monts Dôme et les monts Dore. Les premiers sont isolés et dominent les plateaux ou les vallées. Le plus élevé de tous est le Puy-de-Dôme ; mais son sommet est souvent enveloppé d’épaisses vapeurs. Quand le temps est beau, on y jouit du panorama grandiose que présentent soixante cônes avec cratères, les coulées raboteuses de lave, les pierres basaltiques éparpillées qui s’étendent sur 16 kilomètres carrés, le mont Gergovia, la pittoresque vallée de Fontanat, les magnifiques perspectives de la Limagne, les vignobles du promontoire avancé de Chanturgue, les montagnes du Forez, qui dominent le cours de la Dore, le Randannois et sa magnifique forêt, la montagne de Pierre-sur-Haute et, au loin, le mont Pilat, etc.