La vallée du mont Dore est la plus pittoresque des montagnes du Centre; elle est creusée au milieu de trachytes et est dominée par le pic de Sancy. Cette belle vallée, dans laquelle, soir et matin, on subit l’influence de brises fraîches, appartient à la région pastorale. Les eaux de la Dordogne, qui la parcourt, et les eaux fraîches et limpides fournies par les cascades argentées arrosent et fertilisent les prairies verdoyantes et productives qui s’élèvent jusqu’aux parties boisées ; au-dessus de ces belles prairies, commencent les ténébreuses forêts de hêtres et de sapins, qui sont, à leur tour, dominées par d’immenses tapis de verdure émaillés des fleurs les plus variées, et sur lesquels le bétail, pendant la belle saison, respire un air pur et une brise fraîche et salutaire.
La fin du printemps est, comme dans les Alpes et les Pyrénées, la plus belle saison pour le montagnard cantalien. A cette époque de l’année, la neige a disparu, l’air est embaumé par les émanations du narcisse des poëtes et par l’odeur balsamique que développent les immenses forêts résineuses ; les pelouses des montagnes charment par la beauté de leur vert émeraude, par les ombelles blanches du meum, les fleurs dorées de l’arnica, les fleurs roses du trèfle des Alpes, les grosses fleurs jaunes et globuleuses du trollius, etc. Le ciel est d’une pureté incomparable, et la nature déploie son luxe partout, même dans les lieux sauvages et les sombres ravins où murmurent de petits ruisseaux. Enfin, les sapins toujours verts qui tapissent les flancs des montagnes, les gorges hérissées d’aiguilles de trachyte, les cascatelles des torrents, les eaux des rivières qui coulent de rapide en rapide et les fruits rouges des aliziers et des sorbiers qui bordent les routes, ajoutent beaucoup aux beautés que présente le paysage.
Ce magnifique tableau est rehaussé encore par l’aspect majestueux des vieux hêtres, par la longue chevelure des lichens qui pendent des rameaux des essences résineuses, par le bruit que fait le vent à travers les forêts de sapins séculaires, par le son des clochettes que portent les animaux qui pâturent sur les pelouses situées jusque sur les pentes escarpées, par le cri sinistre de l’aigle royal qui plane au-dessus de la vallée des Enfers, par le murmure des eaux dans le fond des ravins profonds et dominés par d’énormes rochers, par l’aspect pittoresque des dykes, des pics décharnés et des scories ferrugineuses des anciens cratères, par les lacs encaissés, aux eaux profondes et limpides, et bordés de riants pâturages ou de bois déserts et sombres, etc.
Les montagnes du Centre ne renferment pas de glaciers, mais elles sont exposées à des vents très-violents, à des écirs ou rafales terribles, véritables linceuls funèbres pour les voyageurs en ce qu’ils amoncellent la neige dans les vallées et rendent inhabitables, durant l’hiver, les principales hauteurs cantaliennes. Ordinairement le mont Dore est encore couvert de neige quand le prunus spinosa épanouit, au printemps, ses belles fleurs blanches.
La multiplication de l’espèce bovine dans les montagnes de l’Auvergne est une industrie dont les conséquences ont une grande importance ; c’est elle qui alimente annuellement de jeunes animaux appartenant à la race de Salers le Berry, le Poitou, le Limousin, etc. Cette industrie est d’autant plus lucrative pour ceux qui l’adoptent, qu’elle est basée sur l’existence de bons pâturages ou de prairies irriguées, et qu’elle est presque toujours alliée à la fabrication du fromage d’Auvergne (fromage du Cantal ou fourme) ou du fromage de Saint-Nectaire. La race ferrandaise ou race du Puy-de-Dôme, et la race forézienne, dont le lait sert à fabriquer le fromage de Roche, sont inférieures à la belle race de la haute Auvergne, de laquelle elles dérivent.
L’Auvergne n’est pas seulement intéressante par la beauté des sites qu’on y admire, par les spéculations agricoles qu’elle a adoptées dans le but d’utiliser les pâturages qui couvrent ses élévations volcaniques ; elle se distingue aussi des localités qui l’environnent par la fertile vallée de la Limagne. Celle magnifique vallée, dans laquelle on observe les plus riches cultures de blé, de chanvre, de trèfle, etc. renferme de nombreux pommiers, noyers, cerisiers et abricotiers, dont les fruits alimentent Paris et Lyon.
Le Limousin est très-mouvementé, mais la nature est plus austère dans la Corrèze que dans la Haute-Vienne. Les hautes montagnes ou monts du Limousin ont généralement leurs crêtes nues et couvertes de petites bruyères et de fougères ; mais cet aspect aride et sauvage a son charme, en ce qu’il fait mieux ressortir les verdoyants paysages que présentent les vallons dans lesquels sont situés un grand nombre de villages et de riantes prairies naturelles, arrosées par de clairs ruisseaux et des eaux de sources qu’on recueille dans des réservoirs appelés pêcheries et situés sur le point le plus élevé possible de la prairie qu’on veut irriguer. Les pentes des collines sont souvent couvertes de forêts, ou elles disparaissent sous les beaux ombrages des châtaigniers, dont les fruits jouent un rôle important dans l’alimentation des populations et l’engraissement des animaux domestiques.
La partie centrale, qu’on peut appeler avec raison la zone du châtaignier, est très-bocagère. On y remarque des collines de verdure à la fois riantes et vaporeuses, de vertes prairies dans lesquelles on élève la belle race bovine limousine, ou la race chevaline limousine, qui peuplait seule autrefois le haras de Pompadour ; des champs irréguliers, il est vrai, mais limités par des haies formées par l’aubépine, le houx, le cornouiller et le buis. C’est dans ces pièces closes qu’on cultive le seigle, le froment et la rave du Limousin, plante fourragère qu’on regarde à bon droit comme formant une grande ressource pour l’engraissage des bœufs, qui est pratiqué annuellement dans toutes les fermes et les métairies.
Les Marches ont beaucoup de rapport avec le Limousin, à cette exception que les vallées y sont parfois plus pittoresques, parce qu’elles sont plus profondes et décorées souvent par les aspérités de roches schisteuses micacées, aux couleurs les plus variées, et par une verdure plus émeraude. Les sommets des montagnes sont tantôt boisés, tantôt couverts seulement par la bruyère. Les plateaux qu’on y observe constituent de petites plaines qui sont froides, et souvent même glaciales, pendant une partie de l’année. C’est sur ces brandes que les bêtes à laine, qui appartiennent à la race marchoise et fournissent une viande excellente, trouvent leur nourriture. Les bêtes bovines vivent principalement dans les prairies naturelles; elles sont dérivées de la race limousine et de la race parthenaise et constituent la race appelée race marchoise. On leur donne aussi, pendant l’hiver, des châtaignes.