La région de l’Est est très-accidentée et très-pittoresque ; mais il faut parcourir le haut Dauphiné, la Savoie, le Bugey et la Franche-Comté, pour se rendre bien compte de sa configuration ; il faut pénétrer dans les vallées profondes qui divisent ces anciennes provinces, gravir les pentes escarpées couvertes de sapins, de hêtres, d’épicéas et de mélèzes, parcourir les pelouses qui décorent leurs parties supérieures et qui se distinguent des prairies situées dans les vallons par l’éclat et la beauté des fleurs qui y végètent, parvenir jusqu’aux sommets battus des vents, sur lesquels a lieu pendant l’été l’alpage des bêtes à laine ou des bêtes bovines, ou monter jusqu’a la base des neiges éternelles ou des glaciers, pour avoir une idée de leurs beautés.
Ces montagnes offrent, en effet, tout ce qu’il y a de plus varié et de plus monotone, de plus riche et de plus pauvre, de plus riant et de plus triste. Les glaciers qui terminent l’horizon, les
ravages causés par les torrents (le Drac, la Romanche, etc.), le vent froid des régions alpestres, les voûtes sombres des forêts résineuses, les arbres qui ombragent les vallées et dominent les prairies, les fleurs si éclatantes qui ornent le flanc des collines, le grondement des torrents, le bruit des cascades argentées, etc. permettent de contempler à chaque pas des scènes grandioses et une magnificence sauvage inconnues a l’agriculteur de la région du Nord-Ouest.
Le Briançonnais est très-pittoresque; on y voit de belles forêts de pins et de mélèzes, et des paysages variés et enchanteurs. Le mont Genèvre, c’est-à-dire le mont Janus de Pline, offre un plateau orné de belles prairies émaillées, où la Durance et la Doire prennent naissance. Aussi le quatrain suivant est-il devenu proverbial :
Adieu donc, ma sœur la Durance
Nous nous séparons sur ce mont :
Toi, tu vas ravager la France
Je vais féconder le Piémont.
Le col du Lautaret est à la fois riant et sauvage; il est situé à 2,070 mètres d’altitude et présente, au commencement de l’été, les plus belles prairies qu’on puisse admirer. Ces tapis de verdure, si remarquables par leur belle nuance émeraude, s’étendent jusqu’à la Grave, village que dominent les glaciers situés à la base de l’aiguille du Midi, haute de 3,987 mètres. La vallée de Gap, la vallée de la Vallouise, sont très-belles ; elles forment un véritable contraste avec le Dévoluy, qui est le dernier asile du montagnard alpin, et dans lequel les hivers sont très rigoureux et durent de sept à huit mois. Dans quelques villages appartenant a ces magnifiques contrées, entre autres à Villars-d’Arène, les habitants ne voient pas le soleil du 1er novembre au 10 février.
C’est dans la Savoie que les beautés alpestres se développent dans toute leur magnificence. La Savoie propre est traversée par la fertile et riante vallée de l’Isère ; elle renferme la plaine
de Chambéry, qui est d’une fraîcheur ravissante, le lac du Bourget, les Beauges et la Chautagne. La Maurienne est pittoresque et sauvage ; sur divers points, les vallées, ombragées par les forêts qui s’étendent souvent jusqu’aux torrents, dont les eaux bouillonnent et brillent à travers les brisants descendus des montagnes, séduisent par leurs beautés austères. Mais la Tarantaise n’est pas seulement remarquable par ses paysages si diversement colorés, ses petites plaines si verdoyantes et si bien cultivées, ses immenses pâturages, ses belles forêts résineuses et ses vallées profondes, dans lesquelles le bruit du tonnerre pendant l’orage se répercute d’écho en écho ; elle se distingue aussi par ses rochers aux formes capricieuses et ses magnifiques glaciers. De la croupe des montagnes la vue se promène, avec un charme qu’on ne peut définir, sur les vallées, les bois noirs, les chalets et les torrents qui fuient de cascade en cascade et qui sont: remarquables par leur charmante teinte turquoise. Les vallées, dans lesquelles règnent sans cesse la fraîcheur et la vie, où l’on n’entend que le bruit des clochettes des vaches qui y paissent, disparaissent chaque soir quand les ombres commencent à descendre dans les vallons ou que les brumes apparaissent. Les plus belles montagnes à fromages sont situées au col de la Madeleine. Chacune d’elles possède un chalet et une ou plusieurs granges, qui servent d’habitation pour le bétail, quand l’état de l’atmosphère oblige de suspendre l’alpage pendant quelques heures. Les Beauges possèdent aussi de belles forêts, de riches pâturages et des sites très-pittoresques.
Le Faucigny, situé à l’extrémité du Génevois, qui comprend le territoire d’Annecy et son beau lac, renferme la vallée de l’Arve,dans laquelle la vigne cesse de croître à Sallanches. C’est à l’extrémité de cette grande dépression que commence la vallée de Chamonix ; au-dessus de laquelle s’élève le mont Blanc, la plus haute montagne de l’Europe. Cette vallée offre des merveilles sans nombre, des gorges sauvages, des cimes escarpées, des roches noirâtres à pics continus, de vigoureuses forêts de sapins et de verts gazons; mais, comme dans toute la
contrée, l’air y est âpre et froid, parce que les hivers y sont longs et rigoureux, et que les glaciers, qui, par leur étendue, forment de véritables mers de glace, descendent jusqu’à la base des montagnes. C’est pour cette raison qu’on n’y cultive que des plantes estivales, et que les arbres fruitiers y sont à peine connus.
Le Chablais, dans lequel les chaînons et les contre-forts se dirigent aussi dans toutes les directions, a un climat plus tempéré. On y remarque de belles vallées, de pittoresques ombrages et. de très-beaux châtaigniers et noyers. Les arbres fruitiers sont aussi nombreux à Mieussy qu’ils le sont près de Bonneville, dans la vallée de l’Arve. De Thonon, d’Evian, etc., villes situées sur le bord du lac de Genève, on jouit d’un remarquable panorama. Comme dans la Tarantaise, l’industrie fromagère a une grande importance dans le Chablais ; il en est de même de l’industrie abeillère, qui fournit le beau miel de Chamonix.
Le Bugey et le pays de Gex sont aussi très-accidentés et très-agrestes. On y remarque des gorges sauvages, des plaines fertiles, des vallons arides, des montagnes escarpées et dominées par des forêts ou des pâturages. La Franche-Comté est sillonnée par des chaînes parallèles, que séparent des vallées longitudinales, plus ou moins ouvertes et profondes. Ces élévations forment un vaste amphithéâtre, qui s’abaisse depuis les frontières de la Suisse jusqu’aux rives de la Saône ou aux plaines de la Bresse. Aussi, autant les montagnes du Jura sont sévères, uniformes et presque inhabitées à une faible distance de la Suisse, mais fécondes en grands et beaux tableaux : autant elles sont riantes, productives et peuplées sur les collines et dans les plaines appartenant aux étages inférieurs. La terre de Saint-Claude est la plus accidentée et la plus pittoresque. Les montagnes qu’elle renferme sont décorées par de magnifiques forêts de sapin argenté, d’épicéa ou de pin à crochets, de vertes pelouses, de nombreux chalets, des crêtes ardues, des cascades et de charmantes vallées tapissées de belles prairies et arrosées par des eaux limpides.