« Du serpent et du tigre » : Charles II de Navarre, le « démon de la France »
Résumé
L’étude consacrée à Charles « le Mauvais », autrement dit à Charles II de Navarre, qui vécut au XIVe siècle, met d’emblée en évidence l’origine très politique de sa légende noire : elle fut construite dans le contexte de ses démêlés avec le roi de France Charles V qui orchestra toute une campagne de diffamation destinée non seulement à le disqualifier mais aussi à anéantir toute velléité de réclamation de la part de son héritier, plus ou moins mis sous tutelle par la couronne de France. La construction de cette fâcheuse réputation, dans les correspondances et les discours publics de l’époque puis dans les chroniques, exploitait divers traits dont les principaux sont la perfidie, l’ambition démesurée (on prête à Charles le dessein d’usurper la couronne de France) et une propension gênante à empoisonner ses ennemis. L’article montre bien comment ce portrait né d’une question d’intérêts et des alliances complexes nouées avec l’Angleterre a perduré dans l’historiographie et s’est propagé dans la littérature, avec des ajouts au cours du temps : ainsi, l’infamie morale, reposant sur une série de vices, a été incluse dans le portrait, et les meurtres se sont curieusement multipliés. Par ailleurs, la durabilité de la légende noire de ce personnage est expliquée par le renouvellement constant de son intérêt : reprise par un chroniqueur du XVIe siècle qui y trouve un exécutoire à une rancœur familiale ancienne contre les rois de Navarre, elle est ensuite propagée par les historiographes des XVIIe et XVIIIe siècles, qui l’utilisent pour servir d’avertissement aux grands trop avides d’indépendance, tandis que les historiens du XIXe siècle comme Michelet, mus par leur patriotisme, rapprochent la trahison commise par Charles (l’alliance avec l’Anglais) d’autres désordres plus contemporains.
Abstract
This article deals with Charles « The Bad », aka Charles II of Navarre, who lived in the 14th century. It underlines the very political origin of this dark legend in the context of his quarrel with the French King, Charles V, who orchestrated a campaign of diffamation against him in order to annihilate the claims of his heir, who placed in the care of the French Crown. The construction of this bad reputation in the correspondence and public speeches of the time and later the chronicles, exploited various traits of character such as perfidy and immoderate ambition, the desire to usurp the Crown of France –, and an annoying propensity to poison his opponents. The analysis shows very well how this portrait, born because of a conflict of interests and complex alliances with England continued in historiography adding new elements as time went along : moral infamy, which was based on a series of vices, was included in the image, as well as the dramatic muliplication of murders. The durability of the dark legend can be explained by a renewed interest in the person : picked up by a chronicler of the 16th century, who found in it an outlet for a long-lasting family feud against the kings of Navarre, it was then propagated by historiographs of the 17th and 18th century, who used it in order to warn the powerful nobles longing for independence, whereas historians of the 19th century, like Michelet, were prompted by partriotism and accused him of treason comparing it with more contemporary problems.
Texte intégral
1D’emblée, l’évocation de « Charles le Mauvais » dénote la formidable ténacité d’une campagne de médisance qui a su se renouveler constamment. Au sein de ce dossier, le personnage fera peut-être figure d’ancêtre, puisqu’il a évolué au XIVe siècle, plus précisément de 1332 à 1387. Dans le cadre et la perspective qui sont les nôtres, il possède néanmoins le premier mérite d’avoir été un prince hispano-normand. Par ailleurs, qualitativement et quantitativement, il a toute sa place dans une réflexion sur les légendes noires. L’éminent chartiste, archiviste-paléographe, médiéviste, et éditeur des chroniques de Froissart, Siméon Luce, auteur notamment d’une Histoire de Bertrand Du Guesclin, disait de notre vilain héros en 1876 :
On chercherait vainement dans l’histoire un personnage plus repoussant que Charles II, roi de Navarre. Si le crime est odieux, la perfidie est à la fois odieuse et méprisable ; or, Charles le Mauvais fut la perfidie en personne1.
2Il ajoute à ce bilan péremptoire un portrait à la sanguine à la manière des biographes qui entretiennent une certaine familiarité avec leur héros, pourtant difficile à caractériser simplement à la seule lumière des sources médiévales :
Il y avait du serpent et du tigre dans ce petit homme d’allure féline, à l’œil vif, au regard chatoyant, d’une faconde intarissable, qui faisait d’abord patte de velours même aux gens qu’il voulait égorger2.
3Le serpent et le tigre répondent en quelque sorte au renard et au lion que le sulfureux Machiavel voudrait donner pour modèles au Prince, tout en surenchérissant sur eux.
4Fils de Philippe, comte d’Évreux, et de Jeanne II de Navarre, Charles a logiquement mené une double carrière, française et navarraise. Dans le royaume de France, il joue les premiers rôles par ses origines capétiennes – sa mère était la fille du roi Louis X et son père le petit-fils de Philippe III –, par l’importance de ses possessions en Normandie, et par sa revendication des territoires promis à sa mère et jamais récupérés : la Champagne, la Brie, le comté d’Angoulême et quelques autres places ; il tente aussi de réclamer la Bourgogne, en 1365, en vertu du fait que sa grand-mère était Marguerite de Bourgogne. La Navarre, petit royaume d’à peine 100 000 habitants, mais point de passage important, ne représente pour lui au commencement qu’un réservoir d’hommes et de ressources pour ses menées et ses guerres françaises. Il ne s’y installe que par dépit en 1364, mais il prend alors son titre royal pleinement à cœur : il essaie de se positionner dans le jeu espagnol avec une certaine maladresse ; il obtient, semble-t-il, de bien meilleurs résultats sur le plan intérieur, tenant une cour brillante et achevant de doter le royaume d’un appareil d’État, sans pour autant froisser sa noblesse, notamment3.
5Et pourtant, un paradoxe notable veut que ce soit de Navarre que lui vienne son surnom peu enviable de « Mauvais ». Encore le doit-il à un chroniqueur du XVIe siècle, Dávalos de la Piscina, qui lui reproche d’avoir ruiné ses ancêtres et réprimé violemment une révolte dès sa première venue à Pampelune, dans une œuvre de 1534 laissée inédite4. Le sobriquet, relayé par l’Espagnol Garibay en 1571, connaît un indéniable succès dans l’historiographie française à partir du XVIIe siècle, au point que même le très sérieux et très équilibré Alfred Coville le reprend sans sourciller dans le volume de l’Histoire de France dirigée par Ernest Lavisse qu’il a publié en 19115.
6Les origines de la légende noire de Charles de Navarre n’ont rien de mystérieux et peuvent être précisément datées de 1378, année où le roi de France Charles V récupère les possessions normandes de son vieil ennemi et donne le maximum de publicité aux intrigues de celui-ci, vraies ou supposées, pour le discréditer définitivement à la veille de la résurgence possible d’une coalition atlantique impliquant l’Angleterre et la Bretagne. La version officielle de la noire biographie de Charles II est diffusée par différents vecteurs : deux procès spectaculaires intentés à des proches, puis au roi de Navarre en personne, des lettres envoyées par Charles V, des chroniques unanimes dans la dénonciation et des œuvres littéraires, telles la Fiction du Lyon d’Eustache Deschamps ou le Songe du Vieil Pèlerin de Philippe de Mézières6. Il s’agissait à la fois, à travers cette propagande bien orchestrée, de ruiner la réputation, la fama, du sempiternel antagoniste, et de tétaniser son héritier, futur Charles III peu ou prou mis sous tutelle par la Couronne française. Le succès de la manœuvre est allé bien au-delà des vœux des rois Valois, puisque la mémoire de cet acteur trouble de la guerre de Cent Ans ne s’en est jamais vraiment relevée, en dépit des efforts sporadiques de quelques défenseurs appelant à la modération par la contextualisation.
7Quoique roi, Charles II n’entre pas dans la catégorie des tyrans, tout au moins des tyrans d’exercice, si l’on excepte la diatribe de Piscina, car c’est avant tout un roi-sujet, un feudataire, qui incarne en conséquence des représentations attachées aux figures de rebelles du XIVe siècle. Pour le confort de l’exposé, je vais arbitrairement dissocier les trois masques dont le personnage est continument affublé depuis plus de six siècles : celui du traître, celui de l’usurpateur et celui de l’empoisonneur perdu de vices.
8Au regard d’une longue tradition, Charles de Navarre est donc le traître par excellence – traître à son roi, traître à l’État, traître à son pays.
9Son premier coup d’éclat politique, qui ouvre une séquence tourmentée de plus de trente ans, est le meurtre du connétable de France, Charles d’Espagne, ou Charles de la Cerda, le 8 janvier 13547. Il existait une certaine animosité entre ce favori du roi Jean II et les enfants de Navarre, encore accentuée par la dévolution du comté d’Angoulême au connétable, terre autrefois promise en guise de compensation à la mère du Navarrais. Ce dernier camoufle l’affaire d’honneur en crime politique conscient, en tyrannicide assumé : le connétable était un mauvais conseiller, qui menait le royaume vers une mauvaise paix avec l’Angleterre. Le geste et son commentaire étonnent d’autant plus que Charles de Navarre était depuis deux ans le gendre du roi de France, par son mariage avec Jeanne de France. Son coup de sang et son opposition raisonnée, sinon raisonnable, apparaissent comme une insoutenable révolte et une insulte personnelle envers le monarque suzerain. C’est le début d’une longue haine réciproque entre Navarre et les Valois, qui est d’ailleurs formulée explicitement ici ou là par le séditieux impénitent.
10Toutefois, cet assassinat n’est pas l’élément qui choque le plus les historiens qui se sont penchés sur cette période, sans doute ouverts à la notion de vengeance et rétifs au phénomène du favoritisme. Ce sont les alliances effectivement nouées ou simplement envisagées avec le royaume d’Angleterre qui révulsent contemporains et commentateurs. Sur ce chapitre, les compromissions de Charles de Navarre sont nombreuses et patentes. Dès après son crime, il cherche la protection d’Édouard III et, malgré une réconciliation avantageuse avec Jean II, continue de promettre la couronne de France à l’Anglais, tout en envisageant un partage territorial entre eux8. En avril 1356, comme Charles a été arrêté pour trahison à Rouen, c’est son frère Philippe qui reconnaît Édouard III comme roi de France et lui prête l’hommage lige avec quelques seigneurs normands9. Les troupes anglaises et navarraises luttent désormais côte à côte pendant quelques années. Et si Charles échoue dans sa tentative de putsch parisien en 1358, c’est en grande partie pour avoir fait entrer des soudards anglais dans la capitale10. Mis apparemment hors-jeu par la défaite de Cocherel en 1364, Charles reprend langue avec les Anglais durant les négociations qu’il mène avec les Français à la fin 137011. Il se rend alors à Clarendon pour un projet d’« alliance et confédération » qui ne sera jamais ratifié en raison des réticences du Prince Noir, le fils d’Édouard III. En 1378, engagé dans une guerre malheureuse contre la Castille, il remet Cherbourg en gage aux Anglais contre 500 hommes d’armes et 500 archers12. Des documents accablants sont ensuite retrouvés dans les bagages de son chambellan, qui révèlent rétrospectivement un projet de mariage entre le roi d’Angleterre Richard II et une infante navarraise13. Les contacts sont maintenus dans les années 1385-1387 et la mort de Charles le Mauvais, sous le règne de Charles VI, scelle une trahison qui s’est étendue aux dépens de trois générations de rois de France.
11Cette fâcheuse habitude de traiter séparément ou simultanément avec le formidable adversaire anglais soulève l’indignation d’un Michelet, dont l’Histoire de France, en 1861, condamne sans ambages notre personnage : « Cet homme flétri sera le démon de la France14. » Mieux, elle met hors de lui l’historien d’Évreux plus discret et modéré qu’est E. Izarn, qui fustige les alliances de Charles II
avec l’ennemi le plus acharné de la France, son ardeur à fomenter les troubles et la discorde au milieu de l’invasion de son pays justifieront toujours, aux yeux du vrai patriotisme, l’accusation de trahison et le surnom de Mauvais qui lui a été attaché15.
12Il faut préciser que ces lignes ont été écrites en 1875 et qu’une nouvelle guerre accompagnée d’une défaite était passée par là.
13Non, Charles n’est pas patriote, à une époque où le patriotisme en est à ses balbutiements16. Il se comporte en prince soucieux de préserver l’autonomie de ses possessions et, si possible, de les agrandir par tous les moyens17. La politique de bascule est un principe chez lui, qui se vérifie aussi dans ses interventions en péninsule Ibérique. Spontanément, il fait tous les mauvais choix : il soutient Pierre Ier de Castille contre Pierre IV d’Aragon, et ce dernier l’emporte ; il finit par s’engager pour le même Pierre Ier le Cruel contre son frère Henri de Trastamare, qui est le vainqueur de la guerre civile castillane ; il appuie enfin Jean Ier de Castille, le fils de son ancien ennemi, dans son équipée contre le Portugal, qui se solde par un fiasco18. Mais, dans tous les cas, Charles veille à rétablir la concorde par un traité ou par un mariage, comme il s’applique à ce que les belligérants anglais et français qui vont en découdre en Castille puissent tous traverser son royaume en s’efforçant toutefois de limiter les dégâts causés sur place par les compagnies en mouvement.
14Les historiens, jusqu’au XXe siècle, ne lui reconnaissent pas la cohérence de son projet et s’acharnent contre ses méthodes toutes en dissimulation. La plupart affectent de ne pas voir que Christine de Pizan, thuriféraire de son rival français, Charles V, concède explicitement que le recours à la ruse est parfois nécessaire et que le bon roi lui-même ne s’en est pas privé19.
15Quant à l’idée de souveraineté, sinon d’État, elle n’est au milieu du XIVe siècle qu’une option parmi d’autres en circulation20. Certes, les légistes français déclinent en termes solennels les intrigues de Charles de Navarre, « confédérations, alliances et monopoles, séditions et conspirations », « traités, parlement et serment » avec les ennemis du roi, pour mieux accuser l’intrigant de lèse-majesté, la notion qu’ils brandissent et s’efforcent de faire passer dans les mœurs. Leurs moyens se transforment : brutaux et secrets sous Jean II, ils prennent une forme judiciaire très médiatisée 20 ou 30 ans plus tard. À cette logique, Navarre oppose le modèle de la principauté attachée à la préservation des libertés et des privilèges.
16On sait que parmi les potentialités qui s’affrontent aussi pendant la guerre de Cent Ans, par-delà les belligérants naturels, le paradigme de l’État-nation a fini par triompher. En réfutant la légende noire de Charles de Navarre, quelques penseurs et historiens, chacun à leur manière, invitent au relativisme et dénoncent l’anachronisme. Pour Voltaire, qui fait preuve de son habituel scepticisme ironique, Charles n’était pas plus mauvais qu’un autre :
Et si en qualité de comte d’Évreux et de prince du sang il ne pouvait sans félonie négocier à l’insu de son suzerain, qu’on me montre le grand vassal de la couronne qui n’a jamais fait des traités particuliers avec les puissances voisines21.
17Pour Edmond Meyer, le plus passionné des tenants du Navarrais et surtout de son allié Étienne Marcel, en 1898, la duplicité de Charles V s’est avérée plus redoutable encore22. Plus récemment, pour André Plaisse et Françoise Autrand, tout n’était pas joué dans le débat politique qui bouleversait en profondeur la société du royaume de France23.
18Soit. On pourrait malicieusement ajouter, néanmoins, que même avec l’outillage mental et le langage moins avancés de la féodalité et de la suzeraineté, l’obéissance n’était pas le fort de Charles de Navarre. Celui qui tire tant de fierté d’être prince des lys, le propre beau-frère de Charles V, ne lui prête hommage pour la première et dernière fois qu’en 137024, au terme de 16 années d’agitation gravissime et après avoir exigé 24 otages de son souverain !
19Assurément, les avocats modernes de Charles le Mauvais n’ont pas la partie facile. En particulier, et ce sera le deuxième point de ma démonstration, parce que sa dissidence a voisiné avec l’usurpation pure et simple.
20Son biographe, Edmond Meyer, a désespérément tenté de le réhabiliter25, et, pour rétribution de ses efforts, n’a même pas obtenu le prix de la Société libre d’Agriculture, Arts et Belles-Lettres de l’Eure qu’il convoitait tant … Il a jeté le doute sur un traité que Charles avait signé avec les Anglais – un parmi d’autres – et s’est employé à disculper son héros de tout appétit pour la couronne de France26. À l’en croire, devenir roi de France ne fut jamais dans les plans de Charles ; cette accusation provenait simplement de chroniqueurs hostiles décidés à le discréditer par tous les moyens. Naturellement, l’historien omettait de signaler que plusieurs de ses parades, telle l’entrée de Charles de Navarre dans Paris en juin 1358, empruntaient beaucoup à un cérémonial de nature royale. Il devait aussi rejeter le récit des Grandes Chroniques de France, selon lequel Étienne Marcel, le prévôt des marchands de Paris, avait envoyé des lettres à toutes les bonnes villes pour que Charles de Navarre fût reconnu capitaine général du royaume, prélude formel à son accession au trône27. Malgré l’énergie déployée par Edmond Meyer, il faut reconnaître que l’aspiration du Navarrais au pouvoir suprême est très probable. Il bénéficiait déjà du prestige royal. Il était le fils de deux Capétiens, Philippe d’Évreux, le neveu de Philippe le Bel, et Jeanne de Navarre, la fille de Louis X le Hutin. Il était à la tête d’un clan extrêmement fier de ses origines, comme le prouvent les commentaires, dont nous avons gardé la trace, à propos de la circulation du très révéré Bréviaire de S. Louis au sein de la famille, un manuscrit apporté par un ange au roi croisé pendant sa captivité chez les Sarrasins28. Charles II et son beau-frère Charles, qui n’est encore que le dauphin, font assaut de révérence envers le saint ancêtre lors de la compétition feutrée qu’ils se livrent à Paris à la fin 1357, en visitant la Sainte-Chapelle et en faisant libérer des prisonniers de concert29. Quelques-unes des citations qu’on prête au Navarrais sont éloquentes : il était « des lys de tous côtés », il eût « été roi si sa mère avait été un homme » et « s’il le voulait, il montrerait qu’il était plus proche du trône que le roi d’Angleterre30 ». Il se considérait donc mieux placé qu’Édouard III dans la course à la couronne. Il entra en rébellion ouverte contre Jean II et le dauphin, même s’il s’avéra assez prudent ou tortueux pour laisser ses partisans, l’évêque de Laon Robert le Coq et Étienne Marcel, faire le travail à sa place31. André Plaisse, en 1972, dans un ouvrage dense et appelant au rééquilibrage, reconnaît la possibilité que des pièces de monnaie aient été frappées avec la légende Karolus Dei gratia rex Francie et Navarre en prévision de son coup d’État32. Un numismate espagnol a récemment prouvé que la lecture de cette légende était fautive – elle résultait de la lecture erronée d’un gros de Jean II et de son épouse Blanche de Navarre, la sœur de notre Charles le Mauvais33. Mais la tentation de la deviner était forte, même pour un historien pondéré comme André Plaisse. Pour en revenir au XIVe siècle, l’ancien président du Parlement de Paris, Simon de Bucy, était persuadé depuis le début de son aventure que le but de Charles était la couronne de France34. Les chroniqueurs, qui ne sont pas tous suspects de refléter le point de vue des Valois, ont rédigé des passages sans équivoque à propos de ses intentions35, et, au lendemain des événements parisiens, le dauphin, futur Charles V, utilisa l’expression de « grant trahison36 ». Tout s’est passé comme si l’occasion avait fait le larron, car, tout d’abord en quête d’une place de choix dans le conseil et l’entourage du roi Valois, Charles en était venu à se poser en leader de l’aristocratie, puis de la bourgeoisie – un bref instant, le Capétien mal aimé avait dû espérer un retour à sa lignée en sa personne37. Bien des années plus tard, son chambellan assure que son maître « a toujours tenu avoir droit au royaume38 ».
21Le désir d’usurpation est la trame que suit l’intrigue d’une pièce de théâtre jouée à Paris le 1er mars 1820. Elle est signée de Charles Brifaut, l’homme qui sera préféré six ans plus tard à Alphonse de Lamartine pour un siège à l’Académie française39. J’aimerais m’y arrêter quelque peu, car les œuvres littéraires consacrées à Charles le Mauvais sont bizarrement peu nombreuses. La scène se passe à l’hôtel St-Paul, siège de la royauté, au moment des troubles parisiens de 1358. Charles veut profiter de la division de la société politique en trois partis – celui du dauphin, celui d’Étienne Marcel et celui de Pecquigny, « président de la noblesse aux états généraux » – pour s’emparer du trône :
Ce moment tardait trop : ma politique habile
En signant une paix à mes desseins utiles,
Me rapproche d’un bien qui m’échappait toujours,
Et de mes grands destins précipite le cours.
Cette nuit, je triomphe et Paris me couronne40.
22Il va de soi que c’est par la rouerie que le madré compte parvenir à ses fins :
Nous auprès de Marcel rendons-nous en silence ;
À frapper un grand coup portons sa violence.
Mais il faut jusqu’au bout, dans mon profond dessein,
Tromper lui, Pecquigny, Clisson et le dauphin.
Divisons les Français pour asservir la France ;
Cet art que je possède étendra ma puissance,
Et, quand je régnerai sur ce trône affermi,
Malheur aux insensés dont je deviens l’ami41 !
23L’un des instruments de son coup d’État est Étienne Marcel, le prévôt de Paris, à la tête de la populace, dont il se sert pour effrayer Pecquigny :
Du sang ! oui, si ton cœur du mien veut se défendre,
À flots précipités Marcel en va répandre.
Qui pourra retenir le glaive entre ses bras ?
Au milieu d’un vil peuple, ivre d’assassinats,
Pour qui, tu le sais trop, les meurtres sont des fêtes,
Et qu’il pousse aux forfaits comme on mène aux conquêtes42.
24La dimension sociale de ces vers et le souvenir des atrocités des sans-culottes étaient censés faire frémir le public royaliste en cette période de Restauration. Mais « Marcel » est tué et le Mauvais éclate en imprécations contre le dauphin victorieux :
Ta fortune l’emporte, et ma haine est trompée ;
Marcel périt ! et moi, vainement, sur tes pas
J’ai semé les complots, les pièges, le trépas.
De mes vastes desseins je n’ai plus que la gloire,
Et ton génie au mien dérobe la victoire43.
25Mis en rage par la clémence de son rival, il promet le déchaînement de ses manigances :
Va, si je perds un trône et manque ma victime,
Mon audace pourra les ressaisir un jour.
Tremble de mon départ ; tremble de mon retour44.
26Face à lui, le dauphin préfigure à l’évidence un Louis XVIII pacificateur après une période de turbulences. Et quand il manifeste sa grandeur d’âme à la fin du drame :
Cependant qu’un pardon solennel
Couvre des conjurés l’attentat criminel :
Regagnons tous les cœurs à force de clémence45.
27il se voit répondre par Clisson, porte-parole de l’aristocratie qui s’était fourvoyé un temps en s’opposant à lui : « Quel règne vos vertus promettent à la France ! »
28Les dernières composantes de cette légende noire, plus tardivement formulées, historiquement moins bien étayées, ont un effet dévastateur et une longue portée.
29Considérons une fois encore la prose colorée de Siméon Luce : « Il y avait dans un recoin de son palais une pharmacie destinée aux ‘secrètes besognes de monseigneur’, c’est ainsi qu’on désignait parfois ce terrible laboratoire46. » Charles de Navarre serait l’empoisonneur par excellence. À tel point qu’aucun de mes collègues n’a rassemblé la liste complète, je crois, des crimes ou tentatives de ce type qui lui ont été attribués. Le roi de France est le premier visé, ce qui ne surprendra personne. Dans sa déposition de 1378, Jacques de Rue rapporte deux projets contre Charles V, datés de 1370 et 1375. En 1387, la confession d’un écuyer anglais, Robert de Wouderston, dévoile une entreprise plus massive, qui aurait visé Charles VI, mais aussi ses oncles de Berry et de Bourgogne47. Comme on ne prête qu’aux riches, Froissart fait remonter aux années révolutionnaires (1357-1358) une première cabale toxique d’origine navarraise contre le futur Charles V, ce qui lui permet d’expliquer de manière assez invraisemblable la mauvaise constitution dont il souffrit toute sa vie48. Dans le même ordre d’idées, le Bourgeois de Valenciennes, dont le récit quasi contemporain des faits a été remanié en 1407, rend compte de la mystérieuse arrestation de Charles de Navarre à Rouen en 1356 par la découverte d’un complot pour « enherber » le roi Jean II49. La liste des victimes, loin d’être close, ne comprend pas que des membres de la famille des Valois. Jacques de Rue a admis sa participation, en 1366, à l’empoisonnement de Seguin de Badefol, un mercenaire venu chercher son salaire pour avoir participé à la bataille de Cocherel, deux ans plus tôt. Au terme d’un bon repas, il aurait reçu pour dessert des coings, des poires sucrées ou des figues parfumés à l’arsenic50. Témoins et chroniqueurs font en outre allusion à de tels attentats réussis ou fomentés contre le bailli d’Évreux, en 1372, contre le cardinal de Boulogne, négociateur haut en couleur, en 1373 – accusation contre laquelle Charles de Navarre crut bon de se défendre en adressant une lettre au pape Grégoire XI –, contre sa propre femme, Jeanne, et son propre fils, Charles, puis contre Gaston Phébus, le comte de Foix, par l’intermédiaire du fils de ce dernier, que son père tua dans un accès de rage alors qu’il le tenait prisonnier – le jeune Gaston était aussi le neveu de Charles le Mauvais51.
30Cette accumulation paraît suspecte aux yeux des historiens les plus récents, qui se laissent aller à admettre un crime ou deux, pour faire bonne mesure. Leurs prédécesseurs du XIXe siècle avaient tendance à penser, pour leur part, qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Ces progrès de l’historiographie ont été permis par la prise de conscience du caractère contraint de certains témoignages, à l’instar de celui de Friquet de Fricamps, arrêté avec son maître à Rouen et soumis à la question, ou de Jacques de Rue et de Pierre du Tertre, en 1378, sans doute rendus dociles par un savant dosage de promesses et de pressions52. Par ailleurs, les stéréotypes qui vont de pair avec le crime de poison, mis en lumière par Franck Collard53, se retrouvent dans certaines des affaires que je viens d’évoquer, notamment la médiation de serviteurs orientaux ou juifs, qui sont classiques en cette matière. Voltaire, quatre siècles plus tard, en est même blasé :
On prétend qu’il a empoisonné Charles cinq ; où en est la preuve ? […] On voit trop fréquemment dans nos histoires des rois empoisonnés par des médecins juifs. Mais une constitution valétudinaire est plus dangereuse encor que les médecins54.
31Véritable hantise de l’automne du Moyen Âge, la toxicatio est associée dans l’imaginaire collectif à la lâcheté, à la trahison et à la lèse-majesté. L’accusation d’avoir manipulé le venin contribue à la construction d’un archétype de l’archi-traître abject.
32Pour la parachever, il reste cependant à marquer l’adversaire du sceau de l’infamie morale en en faisant un être perclus de vices, forcément puni pour la somme de ses péchés. C’est ce à quoi s’employèrent les chroniqueurs qui relatèrent la mort rien moins qu’exemplaire et édifiante du roi de Navarre55. L’invention est donc tardive et Froissart en a, là encore, la paternité. L’épisode prépare de manière limpide une condamnation morale du mauvais roi. Après avoir envisagé l’instauration d’un impôt forcément injuste et impopulaire, revenant un soir de décembre de chez l’une de ses nombreuses maîtresses, Charles fut brûlé dans son lit par l’incendie provoqué par les cendres incandescentes d’un récipient de bronze destiné à lui tenir chaud. Au terme de quinze jours de souffrances atroces, il meurt malgré l’empressement de ses médecins. Dix ans après Froissart, le Religieux de St-Denis, orientant le reste de la production historiographique du XVe siècle, adapte la version de Froissart : le roi serait mort accidentellement, après qu’un de ses serviteurs aurait mis le feu à la chemise imbibée d’alcool dans laquelle il avait l’habitude de se réchauffer. La parenté avec l’épisode du Bal des Ardents, qui faillit coûter la vie à Charles VI, est notable. Surtout, les circonstances précises qui précèdent la mort – l’impôt et la maîtresse – s’effacent pour faire peser la réprobation divine sur l’existence du roi de Navarre dans son ensemble.
33Les vices privés ne retiennent guère l’attention des historiens modernes, même intéressés à sa perte. On connaît à Charles de Navarre au moins deux maîtresses et quelques enfants illégitimes, ce qui est dans les normes des princes de cette époque. Même les plus enflammés de ses contempteurs lui font grâce de cet aspect. Tout au plus devine-t-on que Froissart a trouvé un lecteur en la personne du dramaturge dieppois injustement méconnu Eliacim Jourdain, de son vrai nom Séraphin Pélican56. Dans son immortel chef-d’œuvre, Charles le Mauvais ou la naissance du peuple, Charles, « diviseur des Français », enlève des jouvencelles à Évreux et donne pour cadre à ses amours clandestines l’abbaye St-Sauveur. Notons au passage que ce « drame républicain à grand spectacle en 5 actes et 9 tableaux » offre un ironique contrepoint à celui du royaliste Brifaut. Dédiée à Dupont de l’Eure, figure des trois révolutions, la pièce – en prose ! – de Monsieur Jourdain peint la naissance de la démocratie et fait la part belle aux insurgés précurseurs du mouvement de 1848, année de la publication de ce Charles le Mauvais.
34Pardonné pour ses frasques, Charles de Navarre voit néanmoins sa légende noire se perpétuer sous la plume des auteurs des XVIIIe et XIXe siècles, pour qui l’épithète de « Mauvais » prend tout son sens. Après un historien comme Mézeray (1610-1683), qui s’était contenté d’acclimater la tradition espagnole remontant à Piscina, Denis-François Secousse met au service de ses travaux, recueils et mémoires, la frénésie cumulative de l’encyclopédiste, entre 1755 et 1758, en collectionnant les pièces à charge57. Son jugement sur le personnage est sans appel :
Jamais il n’apparut à la tête d’une armée : mais attentif à profiter des conjonctures pour fomenter les dissentions qui s’élevoient en France, et pour exciter de nouveaux troubles, les intrigues, les cabales et les crimes furent les seules armes qu’il employa. Il étoit naturellement méchant, cruel et sanguinaire : les forfaits les plus horribles ne l’effrayoient point, et les empoisonnements et les assassinats lui étoient devenus presque familiers.
35Cette lecture morale de la nature perverse du roi de Navarre fait florès et se transmet au moins jusqu’au coup d’arrêt positiviste de Coville. Parmi d’autres jugements du même tonneau, je retiens les lignes romantiques de Jérôme Delandine de Saint-Esprit, en 184358. Le premier constat laisse le lecteur interdit : « Il avait en lui par sa mère, fille de Louis X, les éléments du mal59. » Il ne faut pas y voir une trace de misogynie ou une allusion sournoise à une supposée naissance illégitime de Jeanne, dont la mère, Marguerite de Bourgogne, fut accusée d’adultère et mourut en prison. La suite de son propos éclaire les intentions de l’auteur :
Son ambition sans frein fut un gouffre moral. Il cachait ses desseins pervers sous la plus séduisante enveloppe ; son influence était celle d’un maléfice, ses actions le mouvement d’un poignard ; il voilait l’aspect d’un vice sous les fleurs d’une énergique éloquence. L’homme entraîné par lui ne mesurait la rapidité de la pente qu’au fond du précipice. Ombrageux par conscience, cruel par nature, coupable par calcul, l’orgueil et la cupidité se partageaient son âme60.
36Charles, le mauvais prince, a hérité de ses ancêtres capétiens une fierté bafouée par l’exhérédation de fait de sa mère. La mise en œuvre de sinistres moyens pour des fins disproportionnées résulte d’une sorte de malédiction originelle. Nous ne sommes pas loin de la comparaison que le Moyen Âge n’a jamais énoncée avec Satan, l’usurpateur principiel.
37Quelques mots de conclusion. C’est donc une légende très noire qui s’est transmise à propos de Charles de Navarre. Chacun a ses raisons de le trouver mauvais : les Valois pour se débarrasser de la menace qu’il représentait, Dávalos de la Piscina pour se venger d’une lointaine disgrâce, les historiens du Grand Siècle et ceux des Lumières par hostilité aux grands trop jaloux de leur indépendance, les romantiques par goût des contrastes violents, Michelet par amour pour la France, Siméon Luce par horreur du désordre – il compare incidemment les effets des Grandes Compagnies à ceux de la Commune61 –, et quelques autres par sens du patriotisme.
38Symptomatiquement, les chroniques navarraises font entendre un autre son de cloche – le roi y meurt pieusement, par exemple62. Celles de Castille n’oublient pas le soutien à Pierre Ier et permettent la connexion du surnom fatal et de la mauvaise mort.
39Charles de Navarre s’est bien trouvé quelques défenseurs parmi les auteurs, de Guillaume de Machaut, le poète qui lui dédia son Confort d’ami pendant une captivité qu’il jugeait inique63, à Edmond Meyer, qui le réhabilite pour mieux chanter les prémices médiévales de la République. Depuis, l’image du rival de nos rois s’est brouillée. André Plaisse conclut prudemment qu’il reste un « personnage énigmatique64 ». Certes, on lui a beaucoup prêté, mais sans doute ne convient-il pas de tout lui retirer. Un parallèle avec Gaston Phébus, autre prince farouchement autonome qui excella dans l’art de ne pas prendre parti, révèle qu’il y avait sans doute d’autres voies que le double jeu permanent pour profiter du chaos de la guerre de Cent Ans.
40Le manichéisme adopté par les historiens du royaume de France donne a posteriori plus de netteté à des crises confuses par nature. Charles II « le Mauvais » ne vaut que si on l’adosse à Jean II « le Bon »65, à Charles V « le Sage », à Charles VI « le Bien-Aimé », ou même à son propre fils Charles III « le Noble », champion de la paix par la neutralité. Aux côtés de son contemporain le Castillan Pierre Ier « le Cruel », il trône avec constance au panthéon des mauvais génies66.
Notes
1 Siméon Luce, Histoire de Bertrand Du Guesclin et de son époque : la jeunesse de Bertrand (1320-1364), Paris, Hachette et Cie, 1876, p. 240.
2 Ibid.
3 Confronter les approches complémentaires de Béatrice Leroy, La Navarre au Moyen Âge, Paris, Albin Michel, 1984 (notamment le chap. VI : « Le temps des grands choix politiques. Le règne de Charles II », p. 127-149), ou encore « Les gens d’une cour royale, l’exemple original de la cour de Navarre de 1350 à 1425 », Figures dans l’Espagne chrétienne du xie au xve siècle, Paris, Cairn, 2007, p. 73-92, et de Françoise Autrand, Charles V : le Sage, Paris, Fayard, 1994.
4 La généalogie de ce qualificatif a été retracée par Suzanne Honoré-Duvergé, « L’origine du surnom de Charles le Mauvais », Mélanges d’histoire du Moyen Âge dédiés à la mémoire de Louis Halphen, Paris, Presses Universitaires, 1951, p. 345-350.
5 Alfred Coville, Les Premiers Valois et la guerre de Cent Ans (1328-1422), tome quatrième de l’Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution, Ernest Lavisse dir., Paris, Hachette, 1911.
6 Voir Françoise Autrand, op. cit., p. 812-815 ; María Narbona Cárceles, « La contribution d’Eustache Deschamps à la construction du mythe de Charles, dit ‘Le Mauvais’, à partir de la Fiction du Lyon », Thierry Lassabatère et Miren Lacassagne (dir.), Eustache Deschamps à la cour de Charles VI. Actes du colloque de Vertus, 21-22 octobre 2005, Paris, Publications de la Sorbonne, 2008, p. 33-47 ; Marie-Laure Surget, « La ‘mauvaise mort’ du roi de Navarre ou comment les récits des chroniques françaises contribuèrent à forger la légende noire de Charles le Mauvais », Une Histoire pour un royaume (xiie-xve siècle), Paris, Perrin, 2010, p. 240-263.
7 Françoise Autrand, op. cit., chap. VI, p. 114-135.
8 Ibid., p. 128-132.
9 Ibid., p. 182-186.
10 Ibid., p. 338.
11 Ibid., p. 583.
12 Ibid., p. 810-811.
13 Ibid., p. 812.
14 Jules Michelet, Histoire de France, t. III, Paris, Chamerot, 1861, p. 295.
15 E. Izarn, Notice historique sur la commune de Saint-Germain-lès-Évreux (Saint-Germain de Navarre), Évreux, A. Hérissey et fils, 1875, p. 141-142.
16 C’est ce que tente de plaider André Plaisse, Charles, dit le Mauvais, comte d’Évreux, roi de Navarre, capitaine de Paris, Évreux, Société libre de l’Eure, 1972, p. 31.
17 Ibid., p. 32.
18 Béatrice Leroy, op. cit., p. 137-144.
19 Christine de Pizan, Le Livre des faits et bonnes mœurs du sage roy Charles V, t. II, éd. Suzanne Solente, Paris, Champion, 1940, p. 74-75.
20 Je renvoie sur ce point au classique de Raymond Cazelles, Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, Genève/Paris, Droz, 1982.
21 Voltaire, Remarques pour servir de supplément à l’Essay sur l’histoire générale, et sur les mœurs et l’esprit des nations, depuis Charlemagne jusqu’à nos jours, Genève, Cramer, 1763, p. 53.
22 Edmond Meyer, Charles II roi de Navarre, comte d’Évreux et la Normandie au xive siècle, Paris, E. Dumont, 1898.
23 André Plaisse, op. cit., p. 42 ; Françoise Autrand, op. cit., p. 128-132.
24 Ibid., p. 584.
25 Edmond Meyer, op. cit., notamment p. 219.
26 Le traité est dénoncé par les chroniqueurs du temps (par exemple, Jean de Venette : « En effet, lui et son frère Philippe de Navarre s’allièrent au roi d’Angleterre contre le duc-régent et les Français. Il fit supporter de grands dommages aux terres de Normandie qui n’étaient pas à lui », Chronique dite de Jean de Venette, Colette Beaune éd. et trad., Paris, Le Livre de Poche, 2011, p. 191). Edmond Meyer réfute longuement l’existence d’un tel traité (1er août 1358), s’en prend vigoureusement à son devancier, Siméon Luce, et parle d’un apocryphe : Edmond Meyer, op. cit., p. 129 sq.
27 Françoise Autrand, op. cit., p. 331-334.
28 Ce bréviaire a une riche histoire et une riche historiographie. Reçu en héritage par Philippe III le Hardi, fils de saint Louis, il avait été transmis à sa femme, la reine Marie, puis à Charles de Navarre, avant que la reine Blanche ne promette de le restituer à Charles III, « pour qu’il ne parte point de la lignée ». Voir María Narbona Cárceles, « La Discreción Hermosa: Blanca de Navarra, reina de Francia. Una dama al servicio de su linaje », La Dama en la corte bajomedieval, Pamplona, Eunsa, 2001, p. 75-115, et Brigitte Buettner, « Le système des objets dans le testament de Blanche de Navarre », Clio. Histoire, femmes et sociétés, 19, 2004, p. 37-62.
29 Françoise Autrand, op. cit., p. 284.
30 Sur ces citations, pour la plupart relayées par Froissart, André Plaisse, op. cit., p. 20.
31 Françoise Autrand, op. cit., p. 352-356.
32 André Plaisse, op. cit., p. 33.
33 Miguel Ibáñez, « Tipología de las monedas emitidas por Carlos II ‘el Malo’, rey de Navarra (1349-1387) y circulación monetaria », Numisma, 238, 1996, p. 91-121.
34 Françoise Autrand, op. cit., p. 331.
35 Chronique dite de Jean de Venette …, p. 183 : « Enfin, comme le roi de Navarre était de race et de lignage royaux, il obtiendrait le sceptre, accéderait au trône et régnerait. Le roi de Navarre y aspirait en effet, disait-on, de toutes ses forces. »
36 Françoise Autrand, op. cit., p. 349.
37 Raymond Cazelles affirme encore qu’il n’est pas sûr que Charles ait vraiment voulu devenir roi de France, au motif qu’il s’est effacé, dans son accord avec Édouard III, au bénéfice de celui-ci. Mais toute sa carrière dit que les traités ne liaient guère ! Raymond Cazelles, « Le parti navarrais jusqu’à la mort d’Étienne Marcel », Bulletin philologique et historique du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, Année 1960, vol. 2, p. 862-865.
38 Françoise Autrand, op. cit., p. 813.
39 Charles Brifaut, Charles de Navarre, tragédie en cinq actes [représentée par les comédiens du roi, sur le Second Théâtre-Français, le mercredi 1er mars 1820], Paris, Ponthieu, 1820.
40 Ibid., p. 3.
41 Ibid., p. 22.
42 Ibid., p. 77.
43 Ibid., p. 91-92.
44 Ibid., p. 94.
45 Ibid., p. 95.
46 Siméon Luce, op. cit., p. 241.
47 Marie-Laure Surget, art. cit., p. 255.
48 Françoise Autrand, op. cit., p. 476-477.
49 Ibid., p. 179.
50 Ibid., p. 506.
51 Marie-Laure Surget, art. cit., p. 256 ; Pierre Tucoo-Chala, Gaston Fébus : prince des Pyrénées, 1331-1391, 2e éd., Pau, J. et D., 1994.
52 Voir la prudente suspension de jugement d’André Plaisse, op. cit., p. 12.
53 Franck Collard, Le Crime de poison au Moyen Âge, Paris, PUF, 2003.
54 Voltaire, op. cit., p. 53-54.
55 Marie-Laure Surget, art. cit.
56 Éliacim Jourdain, Charles le Mauvais ou la Naissance du peuple, Châteauroux, Imprimerie Amouroux-Bayvet, 1848.
57 Denis-François Secousse, Mémoires pour servir à l’histoire de Charles II, roi de Navarre et comte d’Évreux, surnommé le Mauvais, Paris, Durand, 1758.
58 Jérôme Delandine de Saint-Esprit, Histoire des guerres d’invasion, 1328-1508, t. IV des Fastes de la France, Paris, Letendu, 1843.
59 Ibid., p. 213.
60 Ibid., p. 215.
61 Siméon Luce, op. cit., p. 326-327 : « De notre temps, ces vices ont donné naissance à la Commune ; vers le milieu du quatorzième siècle, ils suscitèrent la Compagnie. »
62 Marie-Laure Surget, art. cit., p. 262-263.
63 Guillaume de Machaut, Le Confort d'ami (Comfort for a Friend), R. Barton Palmer éd. et trad., New York/ Londres, Garland, 1992.
64 André Plaisse, op. cit., p. 57-58.
65 Encore cette épithète ne fait-elle pas l’unanimité. Ainsi de Michelet, op. cit., p. 95 : « Le bon veut dit (sic) ici le confiant, l’étourdi le prodigue. Nul prince en effet n’avait encore si noblement jeté l’argent du peuple. » S’ensuit une volée de bois vert contre Jean II, trop chevaleresque pour notre historien.
66 Seul Voltaire, provocateur en diable, se fait l’avocat de ce dernier, dont il relativise la mauvaise réputation dans le chapitre précédant immédiatement l’apologie de Charles le Mauvais : Voltaire, op. cit., p. 51-52.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Gilles Lecuppre
Université Catholique de Louvain, IACCHOS