Histoire culturelle de l'Europe

Alain Hugon

Philippe IV, le roi sensuel ?

Article

Résumé

Cet article étudie la réputation du roi Philippe IV d’Espagne, qui, sans être vu à proprement parler comme un tyran (si ce n’est par sa négligence qui peut le rapprocher du « rex inutilis »), est caractérisé jusqu’à nos jours par une mollesse et une indolence qui vont de pair avec sa prétendue luxure. Le propos de l’article est de remonter aux origines de cette réputation qui fait aujourd’hui encore largement autorité : aux témoignages de l’époque, dus principalement à des plumes étrangères (les ambassadeurs, les voyageurs français tels que Mme d’Aulnoy et Antoine de Brunel), et aux nombreux pamphlets qui caractérisent le règne s’ajoutent quelques chroniques dont celle de Matías de Novoa (publiée seulement au XIXe siècle) qui laisse transparaître une rancœur personnelle envers le roi et son ministre Olivares. Ce travail met ainsi en lumière les strates successives dont se compose cette image, complétée au XIXe siècle par une série d’écrits qui lient la réputation d’incompétence et de lascivité du roi à l’état de la monarchie avec l’intention de dénigrer le gouvernement des Habsbourg.

Abstract

This articles deals with the reputation of king Philipp IV of Spain, who has been characterized by his laxness and apathy that go hand in hand with his alleged lust. He was not regarded strictly speaking as a tyrant, even if his negligence draws him towards the « rex inutilis ». This article traces the origins of this reputation : testimonies of the time, mainly from foreign authors – the ambassadors, the French travellers like Mme d’Aulnoy and Antoine de Brunel – and numerous pamphlets of the reign as well as some chronicles by Matias de Novoa – published only in the 19th century – that showed a personal resentment towards the king and his minister Olivares. We will be considering the successive layers that constitute the image as well as a series of texts written in the nineteenth century, which linked the reputation of incompetence and lasciviousness of the king with the state of the Monarchy in order to denigrate the government of the Habsburgs.

Texte intégral

1Les nombreux portraits de Philippe IV peints par Velázquez ont contribué à alimenter les abondants commentaires sur la personnalité de ce monarque. Celui-ci régna durant près d’un demi-siècle, de 1621 à 1665, sur un grand nombre de principautés d’Europe – tels que les Pays-Bas espagnols, la Lombardie, les Royaumes de Naples, de Sicile et de Sardaigne, etc. – et de possessions extra-européennes, dont les vice-royautés de Nouvelle Espagne et du Pérou. Ces souverainetés additionnées faisaient de lui, comme de ses prédécesseurs immédiats, le plus puissant souverain de son époque. Toutefois, au cours de ces décennies de règne, on assista à la crise générale des sociétés modernes et, pour la monarchie espagnole, au crépuscule de son hégémonie puisque la transition du Siècle d’Or espagnol au Grand Siècle français se produisit entre la bataille de Rocroi (1643) et la conclusion du traité des Pyrénées (1659).

2 De ce fait, historiens et historiens de l’art ont recherché les qualités morales et les défauts de ce souverain par l’interprétation des principaux événements du règne et à travers une certaine lecture des tableaux représentant le roi1. Philippe IV fut « de nature indolente, sans caractère et sans volonté, mais sensuel et délicat », selon l’unique monographie française de ce règne2. Nombre d’autres commentaires sur les portraits de Philippe IV relèvent de la physiognomonie et traduisent des jugements de valeur et des références similaires sur ses qualités. Les portraits réalisés par Velázquez offrent aux historiens l’occasion d’exercer une caractérisation psychologique du monarque partant de son aspect physique et à tout âge de sa vie. En outre, qu’il fût jeune, comme dans le portrait en buste de 1623 ou 1624 conservé à Dallas, ou qu’il fût âgé comme dans un portrait en buste des années 1653-1655 que conserve le musée du Prado, le roi n’apparaît pas en majesté selon les canons établis postérieurement sous le règne de Louis XIV.

Au cours des trente-sept années [que partagea Vélasquez avec le roi], le visage de Philippe conserva une terrible uniformité. Vêtu d’un costume de Cour de soie noire, d’un habit de chasse, d’un habit de campagne compliqué, ou d’un vêtement de satin blanc ou ecclésiastique, avec une armature damasquinée, à genou, en pied ou à cheval, il apparaît toujours avec la même tête stéréotypée. Seulement, il cessa de se faire portraiturer avec les vêtements officiels propres à son rang, la pourpre royale et le manteau de l’Ordre de la Toison [d’or]. Bien sûr la tête changea ; de maigre, elle devint robuste ; de fraîche et tendre dans la jeunesse, elle fut plombée dans la vieillesse par les châtiments que les passions imposent au visage, tuméfié et gonflé, mais dans tous les cas, on le reconnaît immédiatement. Cet ovale élargi par le teint pâle, avec le regard froid et flegmatique de ses grands yeux bleus sous un front droit strictement encadré par une chevelure blonde ondulée, avec des lèvres épaisses et aplaties et un menton massif. Mais surtout, avec l’expression de cet orgueil qui n’admet aucune proximité, qui interdit toute extériorisation. Seulement une fois, au milieu du règne, ce visage revêtit quelque humanité, mais rapidement, il retourna à cette empreinte hiératique et apathique. A aucun moment durant ces longues années, il ne sortit de son rôle, même pas quand le feu prenait dans les coulisses du royaume. On dit qu’il n’avait ri que trois fois dans sa vie.3

3 Le réalisme de la représentation chez Velázquez aurait-il accentué les faiblesses du monarque, en particulier une absence de volonté et une sensualité exacerbée ?4 Les yeux globuleux, les lèvres lippues et la mâchoire prognathe des Habsbourg seraient-elles des indices qui attesteraient l’indolence du roi ? Philippe IV quinquagénaire est toujours reconnaissable à cette physionomie inchangée qui, au long des décennies, confirmerait la mollesse du caractère et les ravages d’une vie licencieuse. Quant à son regard lointain, il transcrirait tout autant l’impavidité et l’impassibilité, la réserve et la maîtrise des sentiments, qualités propres à la Majesté, que sa profonde paresse qui l’amena à un certain désintérêt pour les affaires d’État … Jeune, Philippe IV serait apparu comme mou ; âgé, il deviendrait désabusé alors qu’au milieu de son règne, les révoltes catalanes et portugaises de 1640, les invasions françaises et hollandaises de la guerre de Trente ans, menaçaient de désintégration l’empire ibérique. Dans un tel contexte, la personnalité du souverain a semblé si singulière à certains qu’un article portant sur l’étiquette à la Cour de l’Alcazar de Madrid, souvent cité, émanant d’un éminent historien anglo-saxon, s’est interrogé sur le fait de savoir si Philippe IV possédait vraiment une personnalité …5

4 À partir de lectures univoques du passé, qui s’appuient souvent sur des points de vue téléologiques faisant de la décadence espagnole – voire de l’infériorité latine – le terminus ad quem de l’histoire ibérique, des « légendes noires » se sont constituées, puis elles ont sédimenté du fait de l’élaboration d’une historiographie pluriséculaire fondée principalement sur les critères de valeur issus des modèles politiques français et anglais. Dès lors, le règne de Philippe IV appartient à ce passé que l’on veut signifiant : celui de la dégénérescence d’une puissance plurinationale qui illustre l’échec de la mission catholique de conversion religieuse du monde et sa métamorphose en son contraire – le règne de la pauvreté et de la culpabilité, voire de la paresse et de la dissipation.

5 Ainsi, au début du 20e siècle, un des pionniers de cette histoire moralisante de la péninsule, Martin Hume, débutait son livre majeur sur la Cour de Philippe IV en empruntant au chroniqueur Luis Cabrera de Córdoba la narration du vol des riches vêtements du prince héritier – le futur Philippe IV – au cours de son baptême, le 28 mai 1605 : comment un tel larcin ne présageait-il pas le devenir de la nation espagnole, voire la nature même du peuple castillan ?

Chacun des vingt vice-rois et des quarante-six gouverneurs généraux, sans parler de l’armée des subalternes, s’adjugeaient tout ce qu’ils pouvaient voler, empressés qu’ils étaient d’aller se montrer à la Cour, pendant que de son côté le peuple miséreux et malpropre s’efforçait lui-même d’imiter dans toute la mesure du possible la classe supérieure et de partager les richesses si facilement acquises par la corruption officielle6.

6 L’exploitation des événements à des fins édifiantes appartient au discours de nombreux historiens du xixe siècle, quitte à ce qu’ils escamotent le déroulement des événements décrits antérieurement, à l’image du baptême de Philippe IV mentionné par le chroniqueur Cabrera de Córdoba (1559-1623)7. Ainsi, dans son récit, Martin Hume omet de signaler le principal but du larcin commis lors du baptême : au milieu des riches habits de l’héritier se trouvait une relique provenant de la Lignum Crucis ; de surcroît, ce supposé morceau de bois de la Sainte Croix venait de l’arrière grand-père et du grand-père de l’enfant, l’empereur Charles Quint (1500-1558) et le roi d’Espagne Philippe II (1527-1598).

7 Ainsi, à la corruption généralisée de la société ibérique correspondait l’état moral déficient de la personnalité même du monarque, celui-ci n’exerçant qu’une souveraineté défaillante. Pour la plupart des mémorialistes et des historiens de Philippe IV, les marques de cette défaillance se résument à trois traits de caractère du souverain : son excessive sensualité, sa paresse structurelle, et son incapacité à réformer le gouvernement et la Cour dont il serait de facto prisonnier. Le tableau des tares prêtées à Philippe IV impose une réflexion non sur leur réalité, mais sur les causes de leur utilisation répétée depuis trois siècles. De ce fait, l’exposé des prétendus vices du monarque précédera la recherche des causes de cette utilisation répétée dans le cadre d’un discours sur la décadence de la monarchie espagnole.

Un roi licencieux

8 Très tôt, l’intérêt pour la sexualité du roi a fait l’objet de relations écrites : cet intérêt puise sa légitimité dans le fait qu’il n’existait pas à la Cour d’Espagne de sphère privée pour le monarque ; de facto, sa sexualité concernait directement le devenir de la monarchie, puisqu’il s’agit de la question de la reproduction de la dynastie et des possibles alliances matrimoniales. En revanche, l’attribution de ce vice a posteriori, sans lien avec les enjeux politiques et diplomatiques de la monarchie, soulève des questions :

Philippe était précoce, et Olivares développait sa précocité. Par ses soins diligents, la décision fut prise que le Prince de quinze ans et demi et sa jolie fiancée de France commenceraient au mois de novembre leur vie d’époux dans le palais du Pardo aux portes de la ville. Dès lors, pendant que, dans une série de crises de remords et d’espérances invraisemblables, le pauvre Roi agonisant demandait des reliques des saints une consolation et aux moines qui l’entouraient quelque réconfort, son fils Philippe soupirait avec impatience après l’aurore du jour où, enfin, il pourrait comme roi, mettre en pratique les leçons que lui avait inculquées son Mentor Olivares.8

9Chez Hume, la réflexion historique se mêle fréquemment à des connotations moralisantes : ici, l’acte sexuel de l’héritier se trouve mis en regard avec l’agonie de son père Philippe III, ainsi qu’avec son incapacité à décider par lui-même des directions à imprimer à son règne. En amont de ce récit, se trouve l’arbitrage du comte-duc d’Olivares : celui-ci possèderait le réel pouvoir de décision. En cela, Martin Hume réutilise les écrits critiques de certains contemporains de Philippe IV tels ceux de Matías de Novoa (1576-1652) que l’historien mentionne dès les premières pages de son étude. Pendant près d’un demi-siècle, Novoa fut Aide de Chambre de Philippe IV. À ce titre, ses Histoire de Philippe IV et Histoire de Philippe IV constituent un précieux témoignage sur le monarque, bien qu’il soit teinté d’un ressentiment dû à la conviction d’avoir mal été récompensé par le roi et surtout par celui qui l’avait un temps protégé, le comte-duc d’Olivares9. Dès sa publication au xixe siècle, ce témoignage favorisa la diffusion de l’image d’un roi tourmenté physiquement et intellectuellement manipulé par son principal ministre. Les paroles du catalan Galcerán Albanell, éducateur du jeune Philippe IV entre 1612 et 1621, sont souvent citées pour illustrer l’appétit sexuel du roi. Dans une lettre largement copiée, il exprimait ses critiques à l’encontre d’Olivares qui aurait entraîné le roi dans des expéditions nocturnes à travers Madrid10. Toutefois, là aussi, on peut s’interroger sur la valeur des critiques d’ordre moral exprimées par un ecclésiastique qui allait devenir archevêque de Grenade : permettent-elles d’affirmer que le souverain était débauché ? Une anecdote douteuse portant sur une affaire de possession dans un des grands couvents madrilènes circule de façon répétée, bien qu’à chaque fois, les auteurs précisent que son authenticité est sujette à caution. Dans le couvent San Placido, une jeune beauté aurait été montrée au roi par le comte-duc d’Olivares par l’intermédiaire d’un de ses clients, le secrétaire Jerónimo de Villanueva, fondateur et protecteur dudit couvent de bénédictines. La vue de la jeune femme aurait fait tourner la tête au roi, ce qui aurait conduit Villanueva à creuser un passage pour permettre au souverain de se rendre discrètement dans le couvent. À la suite des remords de la jeune femme, la mère supérieure aurait été avertie et aurait laissé venir le roi jusque dans la cellule où le péché aurait dû être consommé ; là, elle organisa une macabre mise en scène

faisant étendre dans une bière la jeune religieuse qui, les yeux clos et les mains jointes sur la poitrine, serrait un crucifix entre ses doigts tandis que tout autour, des torches funèbres piquaient sur les murs leur lueur sépulcrale. Epouvanté, Philippe prit la fuite11.

10Une nouvelle fois, la fragilité du roi et la manipulation exercée par son mentor Olivares se trouvent au centre du récit12.

11 D’autres contemporains de Philippe IV rejoignaient les avis de Matías de Novoa pour considérer les outrances des frasques royales : les allusions à la licence sexuelle du roi se firent de plus en plus nombreuses au fur et à mesure de l’affermissement de l’emprise d’Olivares sur le gouvernement. Avec les manifestations croissantes d’opposition au valido et à son régime, les plaintes insistèrent sur les égarements du roi. En 1640, dans le contexte des tensions avec la Catalogne, depuis Barcelone, Francesc Martí i Viladamor énumérait dans Noticia Universal de Cataluña les griefs à l’encontre Olivares, cet adulateur machiavélique qui aurait poussé Philippe IV à se complaire dans le stupre afin de mieux le détourner de ses obligations politiques13. Cette réputation de roi sensuel fut reprise par certains diplomates, et l’information la plus connue (et la plus souvent mentionnée) est celle de l’ambassadeur vénitien Domenico Zane qui, en 1653, affirmait dans une dépêche que Philippe IV aurait eu quelque trente-deux enfants naturels14.

12 En fait, le souverain eut bien des relations extraconjugales : on dispose même de portraits de deux de ses fils naturels. En avril 1629 naissait un bâtard royal. Suivant l’exemple de son célèbre aïeul, Charles Quint, et de son non moins célèbre bâtard, don Juan d’Autriche, Philippe IV donna à son fils naturel le nom de don Juan. Toutefois, il attendit plus d’une décennie pour le reconnaître officiellement, en 1642. En outre, jamais don Juan José d’Autriche ne put jouir du titre d’infant que lui refusa son père jusqu’à son lit de mort, ce qui lui retirait toute jouissance de prérogatives liées au sang royal. En 1627, au cours d’un spectacle de théâtre dont il raffolait, Philippe IV aurait rencontré une jeune actrice qui n’avait que 16 ans, Maria Calderona. Emporté plus par la voix suggestive que par la beauté de l’actrice, le roi se prit de passion pour celle qui allait lui donner un fils. Des rumeurs circulèrent aussi autour de cet amour et autour de la naissance de don Juan José. Il y aurait eu une relation antérieure du duc de Medina de las Torres avec la Calderona au point qu’on aurait soupçonné que don Juan fût le fils du duc15. À cela se greffe une légende selon laquelle, à la demande de la jeune actrice, Maria Calderona, on aurait échangé les berceaux entre le fils naturel – don Juan José – et le fils légitime du roi, Baltazar Carlos16. Or, le premier naquit en avril et le second, six mois plus tard, en octobre 1627 … Philippe IV eut d’autres enfants nés hors mariage. Selon Martin Hume, Fernando Francisco naît en 1626 d’une relation avec la fille du comte de Chirel, et il mourut huit ans plus tard. Sous le nom de Fray Alonso de Santo Tomás, Alonso Enríquez de Guzmán y de Orozco (1631-1692) est mieux connu grâce au portrait que réalisa de lui Juan Bautista Maino, l’ancien maître de dessin de Philippe IV. Fray Alonso était le fils de Doña Constanza de Ribera y Orozco, dama de honor de la reine Elisabeth de Bourbon. En 1646 à la mort de l’héritier Baltazar Carlos, Philippe IV tenta de le légitimer et de le recevoir à la cour, mais le jeune homme s’y refusa et préféra prendre l’habit dominicain17. D’autres enfants naturels naquirent des relations extraconjugales de Philippe IV, huit en tout18, certaines filles prirent le voile, d’autres enfants moururent dans leur jeune âge. Ces naissances hors mariage suffisent-elles à attester le caractère licencieux du roi ?

13 Pourtant, bien des anecdotes sur les débauches du monarque se complaisent à mentionner des événements burlesques pour railler Philippe IV et souligner son indignité. Ainsi, le roi aurait été battu par un mari jaloux qui l’aurait bastonné avant qu’il ne le reconnaisse, ou qu’Olivares ne lui révèle son identité. Une autre anecdote court dont la véracité est très incertaine puisque racontée par Mme d’Aulnoy quelques décennies plus tard, selon laquelle les dames qui cédaient aux caprices du roi devaient ensuite prendre le voile19. Parmi ces preuves de la sensualité de Philippe IV que convoquent les mémorialistes et les historiens, le témoignage d’Antoine de Brunel paraît hasardeux quand il attribue au fils les vices du père, et quand il établit un lien de cause à effet entre la mort de Baltazar Carlos et sa frénésie sexuelle, manière de sous-entendre un châtiment du vice :

Le Prince [Baltazar Carlos] était d’un esprit hardy mais sanguinaire _ cruel, selon les marques qu’il en avoit données. On tient que ce qui l’enleva à tant d’Estats dont il estoit regardé comme l’unique héritier, fut que Dom Pedro d’Aragon, premier Gentilhomme de sa Chambre, ayant souffert qu’une nuit il coucha avec une fille de joye, il s’échauffa tant avec elle, que le lendemain il tomba malade d’une grosse fièvre. Les Médecins n’ayant pas sceu ce qui s’estoit passé, le saignèrent _ ainsi affoiblissant ses forces, dont la diminution causoit son mal avancèrent sa fin. Dom Pedro, pour n’avoir pas empesché cet excez, ou pour ne l’avoir découvert aux Médecins, en a longtemps esté disgracié, _ bien qu’il soit beau-frère du Favory ne peut encore retourner à la Cour, il luy est seulement permis de demeurer en une maison à un bout de la ville.20

14 En fait, pour Brunel, la sexualité monarchique ne déroge pas aux mœurs des Espagnols auxquelles il dédie un chapitre entier de son Voyage d’Espagne 

Tous ceux qui ont vécu à Madrid, assurent que ce sont les femmes qui ruinent la plupart des maisons. Il n’y a personne qui n’entretienne sa Dame, _ qui ne donne dans l’amour de quelques Courtisanes et comme il n’y en a point de plus spirituelles dans l’Europe, ny de plus effrontées, _ qui entendent mieux ce maudit métier ; dès qu’il y a quelqu’un qui tombe dans leur rets, elles le plument d’une belle façon21.

15Ainsi, le récit d’Antoine de Brunel évoque tout à la fois les mœurs – dépravées – de Philippe IV ou de son fils, et celles de la population de leurs royaumes, c'est-à-dire que Brunel passe de l’individuel à la généralisation, du personnel au collectif. Un autre glissement se produit souvent qui alimente la « légende noire » de Philippe IV avec la découverte des divers travers du souverain. Les analyses des historiens établissent leur liste, qui répète un certain nombre de topoi sur les penchants du roi. Si Martin Hume reconnaît certaines qualités à Philippe IV, qu’il évoque peu, il insiste sur le fait que :

16[elles] étaient compromises d’un coté par sa paresse ; de l’autre par cet amour du plaisir auquel il n’opposait qu’une résistance impuissante : aussi fut-il, sa vie entière le jouet de ses favorites et l’esclave de ses passions22 .

17Les derniers termes expliquent que Hume compare Philippe IV à l’empereur Héliogabale, dont l’asservissement et la dépendance à l’égard des femmes, son épouse et sa mère, l’aurait rendu esclave des sens. Cette identification du roi d’Espagne avec un empereur de la décadence romaine est reprise par José Deleito y Piñuela quand il parle des instincts de « sultan polygame » de Philippe IV23. La référence au harem autorise alors à effectuer un lien avec deux termes propres au monde ottoman : celui de la tyrannie d’une part, et celui de l’emprise de l’élément féminin sur un pouvoir qui devrait assurer une mâle domination, d’autre part. Plus récemment, Michel Devèze écrivait à propos de la jeunesse de Philippe IV :

Il fut élevé dans le vieil Alcazar par d’austères ecclésiastiques qui en firent certes un homme pieux comme tous les membres de la maison d’Autriche, mais qui travaillèrent sans doute à diminuer son esprit d’initiative, sans arriver à réprimer vraiment les penchants d’une nature sensuelle, faible, et presque féminine.24

18Ces textes reflètent, en partie seulement, l’époque à laquelle ils ont été produits : encore faut-il souligner le poids de l’idéologie dans leur rédaction, que cette idéologie fût celle d’une religion, d’une modalité de l’exercice du pouvoir – universitaire ou politique – ou une prédilection pour une forme de domination. Ainsi, reproduit-on la morale d’un temps quand, à propos de l’affaire de l’assassinat du comte de Villamediana, on écrit que la Cour de Philippe IV, au milieu des années 1620, constituait un « nid d’intrigues homosexuelles »25.

19 Ainsi, qu’elles relèvent du registre de la débauche, c’est-à-dire du vice et donc du péché, ou du registre de la féminité, qui ne peut que renvoyer à la prétendue faiblesse de ce sexe, ces caractérisations sexuelles du pouvoir monarchique ne disposent pas d’autre but que de noircir une cible : ici Philippe IV.

20 En fait, la plupart des accusations de dérèglements sexuels font l’objet d’instrumentalisation – pour Philippe IV ou pour d’autres souverains. Or, depuis la fin du xixe siècle et les travaux d’Antonio Cánovas de Castillo, la démonstration de l’inanité de ces critiques a été faite26. Toutefois, moins que l’exactitude, ce qui importe à propos des légendes noires réside dans la relation entre les différents vices attribués afin de mieux exposer une image « noire » de l’objet concerné. Ainsi, à la dépravation, à la lascivité et à l’indolence qui caractériseraient Philippe IV, on associe la paresse et l’oisiveté. Pour Carl Justi, le biographe allemand de Velázquez au XIXe siècle, Philippe IV aurait été un des exemples les plus notables de roi fainéant, dont le maire du Palais était incarné par le comte-duc d’Olivares27.

L’oisiveté et la paresse, sœurs de vice

21 Michel Devèze relève l’absence de résolution dans les choix et dans les décisions importantes que Philippe IV devait opérer en tant que souverain – « Philippe était surtout faible de caractère, une véritable débilité de la volonté » ; il met en relation ce défaut avec une hérédité qui serait propre aux trois derniers Habsbourg : le grand père Philippe II travaillait lentement et de façon hésitante ; Philippe III, le père, présentait un caractère aboulique, et par voie de conséquence, leur successeur et descendant immédiat ne pouvait que cumuler ces tares dynastiques, que l’historien est quasiment contraint d’enregistrer, à contrecoeur de ce qu’il aurait pu penser de l’homme Philippe IV. Michel Devèze ne s’exclame-t-il pas : « quel dommage que ce jeune homme sympathique ait été porté par la nature, comme plus tard Louis XV en France, à la mollesse, aux plaisirs, à l’insouciance »28.

22 Ces faiblesses de Philippe IV héritées de se aïeux, se transmettent non seulement de génération en génération, mais circulent encore de la tête au corps, dans une symbiose du roi et de ses sujets : ceux-ci ne semblent valoir guère mieux que lui. Martin Hume l’énonce clairement : la luxure, l’oisiveté et la paresse résument tout à la fois les vices du monarque et ceux de la société espagnole. Ainsi, dès l’accession au pouvoir souverain en 1621, Philippe IV régnait sur une société viciée : « partout s’étale l’oisiveté avec la prétention pour compagne » affirme-t-il29. Le rapprochement déjà mentionné avec les rois fainéants à l’époque des Mérovingiens et celui d’Olivares avec les Maires du Palais confortent dans ce jugement d’un roi inactif et indolent. Une autre comparaison fréquemment opérée rapproche Philippe IV de son beau-frère Louis XIII ; les deux hommes disposèrent chacun d’un premier ministre doté d’un caractère fort, capable de fixer des orientations fermes et de structurer des clientèles autour de leur personne. Les similitudes des deux ministres n’ont pas échappé aux historiens qui ont étudié ces deux visages de l’institution du favori30. Le goût de ces deux souverains pour la chasse, plus encore que leurs prédécesseurs, est célèbre. Grâce au fauconnier de France, Louis XIII, encore jeune, aurait trouvé la volonté de se débarrasser du favori de sa mère Concino Concini : il récompensa Charles d’Albert, devenu duc de Luynes en en faisant son principal ministre. Quant à Philippe IV, les portraits laissés par Velázquez illustrent à quel point le roi et ses frères s’investirent avec passion dans cette activité. Certes, l’engagement physique nécessité par cet exercice témoigne a contrario du manque d’énergie et de la volonté faible dont le souverain est trop rapidement taxé, d’où certaines descriptions plus nuancées de Philippe IV, selon lesquelles par exemple le roi fut un sympathique jeune homme, d’après l’expression employée par Michel Devèze qui notait l’endurance du monarque.

23 Dans cette vie oisive, les plaisirs sont décrits de manière dépréciative : le titre du livre que José Deleito y Piñuela (1879-1957) a consacré au règne de Philippe IV Le roi s’amuse (El rey se divierte) renvoie directement à l’œuvre de Victor Hugo et, comme Victor Hugo critiquant la société monarchique de Louis-Philippe par sa pièce que la censure royale condamna en 1832, Deleito écrivit lui aussi son El rey se divierte en écho avec son temps, celui de la Seconde République espagnole. En 1935, il décrit par le menu et avec une grande érudition les travers de la monarchie de Philippe IV. Œuvre d’historien républicain, cette étude renseigne beaucoup sur ce règne, sur la vie quotidienne du monarque, mais elle contribua aussi à forger la « légende noire » de Philippe IV31. Toujours dans la lignée du Roi s’amuse de Hugo, la figure des bouffons constitue un élément caractéristique de la dégénérescence du pouvoir politique, et ici des Habsbourg d’Espagne32. Leur goût pour les “avortons” (sabandijas) leur serait propre. Du moins, la littérature historique mentionne souvent la présence de ces nains et d’autres individus handicapés auprès de Philippe IV et de sa famille qui s’en amusaient. Les portraits réalisés par Velázquez ont par ailleurs immortalisé certains d’entre eux comme Calabacillas (peint à deux reprises vers 1626 et en 163733), Pablo de Valladolid (1633), Francisco Lezcano (1637) et Sebastián de Mora (1645). Toutefois, les sabandijas de Philippe IV les plus célèbres sont sans conteste Mari Bárbola et Nicolasito Pertusato, du fait de leur présence sur la toile des Ménines34. Étrangement, l’existence des bouffons qui était générale dans les cours européennes pour divertir les puissants depuis la fin du Moyen Age, devient un des traits caractéristiques de la cour de Philippe IV, alors que le renom de Triboulet, modèle d’Hugo et bouffon de François Ier, ou même de Chicot, bouffon positif chez Dumas, s’effacent progressivement. Dès lors, on doit s’interroger sur la correspondance entre la dégénérescence physique de ces « bestioles », leur place à la cour d’Espagne, le déclin de la monarchie et l’agonie de la dynastie avec Charles II, fils de Philippe IV.

24 Dans cette oisiveté, les inventions et les créations occupaient une place importante à la cour, par les représentations théâtrales innombrables, l’emploi de machineries sophistiquées (las tramoyas) et le déroulement de cérémonies grandioses. En fait, ces manifestations ont souvent paru exagérées et d’un coût exorbitant aux yeux des historiens qui, pourtant, émettent plus rarement de telles critiques quand il s’agit du règne de Louis XIV35. Cette oisiveté de Philippe IV se traduirait donc par un goût insensé des fêtes, des spectacles et des représentations que l’on qualifie de « baroques » pour mieux en souligner le caractère insolite, outrancier et pléthorique. En 1632, l’inauguration du palais du Buen Retiro donna lieu à ces excès, que la ville de Madrid dut financer en partie. Quelques années plus tard, en 1637, d’autres spectacles donnés dans ce palais s’élevèrent à plusieurs centaines de milliers de ducats36. À la paresse, s’ajoutaient donc l’oisiveté et la gabegie.

25 Pourtant, ces diverses critiques à propos d’un Philippe IV oisif, paresseux et dispendieux ont été réfutées voici plus d’un siècle par les travaux de l’historien (et homme d’État) espagnol Antonio Cánovas del Castillo. Quand il publia son étude sur ce règne. Cánovas transcrivit un texte de plusieurs pages rédigé par Philippe IV après sa propre traduction de plusieurs livres de Guacciardini sur les guerres d’Italie37.

26Dans ce texte, on peut lire sous la plume de Philippe IV :

Il me parut nécessaire de lire toutes les lettres et dépêches que mes ministres à l’extérieur et dans le Royaume m’envoyaient et bien qu’en vérité, mes conseils m’adressent des consultes avec des résumés de ce qu’elles contiennent, je ne me satisfais pas des courtes informations ainsi données. De cette manière, je voulus (avec un travail redoublé) obtenir de meilleurs résultats pour mes décisions ; plus je brasserai de nouvelles, mieux je pourrai accomplir la charge que je supporte. De même, je voulus lire, mot à mot et de moi-même, sans me prévaloir d’un secrétaire pour cela, même si cela aurait été normal38.

27La lecture par l’historien des consultes et des lettres parvenues au conseil d’État et conservées dans les archives confirme ces affirmations. La mise en évidence de l’important travail que développait Philippe IV est reconnue : on estime que le roi travaillait au moins six heures par jour39, ce qui devrait conduire à repousser toutes les assertions précédentes sur son caractère paresseux … Pourtant, malgré la reconnaissance de ce travail, les mêmes aspects de cette « légende noire » d’un roi licencieux, paresseux et manquant de volonté ne cessent d’être répétés. Ainsi, dès qu’une qualité est admise chez Philippe IV, il apparaît nécessaire de la relativiser par d’autres défauts : Philippe IV « avait reçu une assez bonne instruction, mais trop livresque, trop religieuse, trop littéraire »40. Avec ce dernier jugement, on rejoint un aspect négatif de la personnalité de Philippe IV et les limites de son action comme souverain : il serait prisonnier de sa cour et des règles que ses prédécesseurs avaient édictées.

Un roi « prisonnier de l’étiquette »

28 Les voyageurs français constituent une des sources auxquelles un grand nombre d’études sur Philippe IV font référence. Ils se trouvent à l’origine de cette affirmation sur la rigidité du cérémonial espagnol qui limiterait la liberté de choix du roi. Parmi de nombreuses anecdotes, celle véhiculée par Mme d’Aulnoy près un demi-siècle après la mort de Philippe III relate que ce roi aurait succombé parce qu’il aurait eu trop chaud : or, personne n’aurait osé éteindre le brasero dans la pièce en l’absence du titulaire de cette charge ; par cet épisode, Mme d’Aulnoy montrait la ritualisation poussée à l’absurde de l’étiquette et des fonctions à la Cour d’Espagne. Si cette anecdote est considérée comme apocryphe par la plupart des historiens, elle est reprise et répétée à satiété41. Pour sa part, François Bertaut affirme que la cour du roi d’Espagne n’était pas vraiment une cour, mais plutôt une maison privée avec un mode de vie fermé sur lui-même, précisant que le roi donnait audience une fois par semaine, ou seulement quand il recevait des ambassadeurs. Sinon, il demeurait reclus le reste du temps, demeurant peu visible, voire absent42.

29 Un visiteur, dont les écrits sont résumés par Martin Hume, notait sur la vie à la cour de Philippe IV que « les habitudes du roi étaient alors absolument réglées : un homme qui a étudié la cour à cette époque prétend qu’on pouvait exactement dire, un an à l’avance ce que le roi ferait tel jour et à telle heure. En public, son attitude était celle d’une statue : lorsqu’il recevait des ambassadeurs ou des ministres, aucun muscle de son visage ne bougeait ; on voyait seulement le mouvement de ses lèvres ; et il était rare qu’il trahit la moindre émotion »43.

30 Cette description correspond à un cérémonial complexe, à une étiquette précise et réglée, héritée du cérémonial bourguignon et couchée par écrit par Olivier de la Marche à la fin du xve siècle, puis importée en Espagne Charles Quint en 1548. Ensuite, Philippe II, Philippe III et Philippe IV avaient adapté ces règles d’accès à leur personne royale. Ainsi, ces pointilleux ordonnancements qui permettaient de hiérarchiser les courtisans en fonction de l’accès au roi, subirent plusieurs aménagements sous le règne de Philippe IV44. Doit-on pour autant voir dans ces procédures la marque d’un roi prisonnier des règles de la cour ? Dans le texte de Philippe IV exhumé par Cánovas del Castillo, qui forme un épilogue à la traduction de Guicciardini, le souverain écrit :

Il me parut que le meilleur moyen était d’être à l’écoute de tous ceux qui voudraient me parler en audiences publiques et particulières, comme je l’ai toujours fait, sans la refuser à personne qui me l’aurait demandée, ni de l’obliger à passer par le ministre le plus proche afin de couper aux inconvénients que j’ai entendus et vus, j’ordonnai qu’on n’écoutât personne que je n’ai en entendu parler en premier45.

31Cette affirmation constitue un des indices pour remettre en cause la thèse de l’inaccessibilité du roi d’Espagne. En outre, à l’encontre de l’opinion d’un roi prisonnier du cérémonial, qui se cache ou que l’on cache à son peuple, les nombreuses relations des fêtes, des processions et des sorties des monarques témoignent, à l’occasion de ces événements, du rôle de la publicité de l’image royale et du corps du roi. Les exemples de la présence royale au cours de diverses cérémonies illustrent le fait que Philippe IV, comme tout souverain, devait se montrer à ses sujets pour exister46. Dans le même temps, il était logique que cette démonstration royale devait répondre à des règles précises afin d’ordonner une vie de cour autour de laquelle près de 2 000 personnes gravitaient au sein de l’Alcazar de Madrid47.

32 La description de ce palais par les voyageurs français, reprise par plusieurs historiens, confirmait pourtant cette sensation d’un prisonnier en son château. Si Mme d’Aulnoy n’apparaît pas totalement négative envers ce palais, précisant qu’il est « orné de plusieurs balcons dorez qui font tres bel effet »48, d’autres décrivent l’Alcazar comme une forteresse sombre et insalubre, stéréotype répété sans vérification par plusieurs historiens alors qu’elle suit les descriptions hostiles de certains voyageurs49. Un passage d’Antoine Brunel à propos de l’Alcazar détonne car, en noircissant le trait, il réussit l’exploit de dépeindre Philippe IV en prince économe !

Ce Prince [Philippe IV] ne dépense rien, ny a bastir, ny en jardinages, son Palais pourroit estre orné en beaucoup de façons, _ la hauteur où il est auroit grand besoin d’une muraille, qui en forme de terrasse relevast toute cette pente, qui semble tous les jours s’affaisser. Au bas, on pourroit faire un beau jardin, du bois qui ne sert que de repaire à quelques lapins _ de nid à des corneilles que Charles V y fit apporter des Pays Bas50.

33À l’opposé de ces témoignages négatifs envers l’Alcazar, celui d’un florentin, antiquaire, mécène et ami de plusieurs princes romains comme du peintre Nicolas Poussin, souligne la beauté du palais de Philippe IV à l’occasion de sa venue à Madrid pour accompagner le cardinal Barberini en 1626. Pour Cassiano del Pozzo :

Sortis du Monastère [des Descalzas Reales], nous arrivons par la Calle Mayor, devant le palais de Sa Majesté qui, de face, offre une très belle vue et présente une architecture à l’italienne avec l’emploi de grandes fenêtres ornées par des frontons – elles sont 32 ou 33 – et à chaque étage, elles sont enrichies de pierre ; au-dessus de la porte se trouve un grand balcon alors qu’aux angles, des ressauts sortent de l’ordre et forment comme des petites tours. Il [l’Alcazar] n’est pas achevé et on y travaille continuellement51.

34 La liste des stéréotypes sur Philippe IV, ses faiblesses, ses défauts et ses vices pourrait être prolongée. Par exemple, nous n’avons pas évoqué le fait que bien des descriptions affirment que le souverain ne riait jamais, ce que ce que les lettres de Philippe IV à la comtesse de Paredes démentent à propos des performances théâtrales de l’acteur Juan Rana52.

35Si nous avons pu contester cette réitération de clichés négatifs sur Philippe IV, il demeure nécessaire de s’interroger sur les motifs de leur large diffusion chronologique d’une part, puisque depuis le règne, ils sont reproduits par les chroniqueurs, voyageurs, mémorialistes et historiens, et d’autre part sur les raisons de la diffusion de ces clichés dans la péninsule et à l’étranger alors que le Siècle d’or de Velázquez, de Calderón de la Barca, de Lope de Vega et de bien d’autres correspond au siècle de Philippe IV ?

36 Pour expliquer ces représentations négatives, plusieurs éléments explicatifs peuvent être avancés. Ce qu’on a appelé la Légende noire, c'est-à-dire le sentiment espagnol que le monde extérieur visait à forger une image négative de l’Espagne, n’a cessé de croître dès la deuxième moitié du 16e siècle avec l’usage de la propagande politique par le moyen de l’imprimé afin de dénigrer l’adversaire. À cet égard, l’angoisse identitaire espagnole attribua à ses adversaires la formulation de critiques propres à une puissance qui se percevait sur le déclin53. Avec la propagande adverse autour de Théodore de Bry et de l’Apologie ou défense du très illustre prince Guillaume (1581, Anvers), se déversèrent assez logiquement des charges virulentes contre la monarchie espagnole, propagande active pendant plus d’un siècle alors que durait la guerre de 80 ans : un récent article vient nous rappeler l’usage de l’image des viols dans la propagande hollandaise contre les troupes envoyées par Madrid54. Ce complexe espagnol de la Légende noire intègre une grande partie des critiques contre le monarque, sachant que pour de nombreux d’historiens de diverses époques, il a incarné le déclin et l’absolutisme monarchique.

37 En second lieu, nombre d’écrits utilisés par les chroniqueurs et historiens qui diffusent l’image du roi sensuel prisonnier du favori relevait de l’opposition au comte-duc d’Olivares. Matías de Novoa, Quevedo, Gil González Dávila ou Francisco de Rioja subirent tous la dure loi du favori : ils laissèrent libre cours à leur plume pour souligner les faiblesses du régime qui les avait punis injustement, et on sait que les pamphlets inondèrent les librairies après 1643. De fait, les apologistes de la politique centralisatrice du ministre – bien qu’ils fussent nombreux55 – ont perdu le combat politique à deux niveaux au moins. Sur le plan intérieur, dans le royaume de Castille, puisque Olivares a été renvoyé et mourut en exil. Du point de vue de la politique extérieure, le règne de Philippe IV sans Olivares est marqué par une série de revers militaires, de Rocroi jusqu’aux signatures des paix des Pyrénées et du traité avec le Portugal (conclu après la mort de Philippe IV).

38 Un troisième facteur explicatif émane de l’abondance des témoignages français sur le règne de Philippe IV : ces visiteurs ne décryptent l’Espagne de Philippe IV qu’en fonction de leurs propres référents. Si la rigidité de l’Etiquette à la cour espagnole était manifeste, elle les choque sous Philippe IV mais l’historien remarque que peu après, celle qui allait régner à Versailles n’eut guère à envier à celle qui régnait dans le palais de Philippe IV.

39 La construction de l’image de Philippe IV « roi sensuel » et « roi fainéant » résulte de la superposition d’histoires ayant trait à un moment charnière de la péninsule et du continent. Paradoxalement, ce monarque incarne la culture et la fécondité des arts et des spectacles dans le soutien qu’il leur a accordé, de Velázquez à Calderón (dont la pièce La Vie est un songe est représentée en 1635)56. La violente secousse du Siècle de fer qui ébranle toutes les grandes principautés européennes dans les années 1650 fut ressentie d’une façon particulièrement violente dans la péninsule à cause de la conjoncture économique, militaire et diplomatique. Dès lors, Philippe IV incarne l’abandon de la direction de la monarchie qui céda le pas à d’autres principautés.

40 La construction de l’histoire conjugue oublis et réactivations ; or, nombre d’historiens au xixe siècle, voire au xxe siècle jugent le règne de Philippe IV plutôt que de l’expliquer. Pour cela, ils utilisent soit les référents de visions libérales qui ne pouvaient que condamner l’intransigeance religieuse et l’oisiveté toute « méditerranéenne », soit les points de repères nationaux, sachant que le règne de Philippe IV était marqué par les échecs de la centralisation monarchique et par la perte du domaine lusophone.

Notes

1 Un des seuls ouvrages qui échappe au jugement moral du règne et qui offre une analyse rigoureuse et détaillée des réalisations espagnoles sous Philippe IV est celui de Robert A. Stradling, Philip IV and the Government of Spain, 1621-1665, 1988. [trad. espagnole, Felipe IV y el gobierno de España, Madrid, Cátedra, 1989]. Sur la perception du déclin espagnol : Helen Rawlings, The Debate on the Decline of Spain, Manchester-New-York, Manchester University Press, 2012.

2 Michel Devèze, L’Espagne de Philippe IV (1621-1665), Paris, Sedes, 1970, p. 86.

3 Carl Justi, Velázquez y su siglo, Madrid, Istmo, 1999, p. 194 [1re éd., Diego Velázquez und sein Jahrhundert, Bonn, Cohen, 1888] : « En estos treinta y siete años, el rostro de Felipe tiene una terrible uniformidad. Con el traje de corte de seda negra, con traje de caza, con un complicado traje de campaña, con galas de raso blanco o eclesiasticas, con armadura damasquinada, de rodillas, de pie, a caballo, siempre aparece la misa cabeza estereotipada Sólo dejó de retratarse con las vestiduras oficiales propias de su rango, la púrpura real y con el manto de la Orden del Toisón. Cierto que la cabeza cambia, de magra a robusta, de la fresca y tersa de de un joven a la de un hombre castigado por las pasiones y a la plomiza, entumecida e hinchada de un viejo, pero aun de lejos se le reconoce al momento. Ese óvalo alargado de tez pálida, con la mirada fría y flemática de sus grandes grndes ojos azules bajo aquella frente recta, entre los rígidos cabellos rubios ondulados : con los labios gruesos y aplastados y el mentón masivo. Y, sobre todo ello, la expresión de ese orgullo que no admite aproximación, que impidé cualquier exteriorización. Sólo en una ocasión, a mediados de este periodo, adquirió el rostro una cierta vida, pero rápidamente se vuelve a sumir en el hieratismo y la apatia En ningún momento de estos largos años se salió de su papel, ni cuando el fuego prendió en los bastidores. Se dice que sólo se rió tres veces en su vida ».

4 Javier Portús (dir.), Velázquez y la familia de Felipe IV, Madrid, Museo del Prado, 2013.

5 John H. Elliott, « Philip IV of Spain. Prisoner of ceremony », dans The Courts of Europe. Politics, patronage and Royalty, 1400-1800, Thames and Hudson, 1977, p. 169-189, citation p. 175.

6 Martin Hume, La cour de Philippe IV et la décadence de l’Espagne (1621-1665), Paris, Perrin, 1912, p. 11 et p  20 [titre original : The Court of Philip IV, Spain in decadence, Londres, Fisher Unwin, 1907].

7 Luis Cabrera de Córdoba, Relaciones de las cosas sucedidas en la corte de España desde 1599 hasta 1614, Madrid, impr. de J. M. Alegria, 1857, p. 246-247.

8 M. Hume, La Cour de Philippe IV …, op. cit., p. 35.

9 Matías de Novoa, Historia de Felipe III, Rey de España, Colección de Documentos Ineditos [CODOIN], t. xl-xli, Madrid, 1875 ; Matías de Novoa, Historia de Felipe IV, Rey de España, Colección de Documentos Ineditos [CODOIN], t. LXIX, LXXVII, lxxx, lxxxvi, Madrid, 1876-1886. Sur Matías de Novoa, voir l’étude ancienne qu’Antonio Cánovas de Castillo lui a consacrée. Plus récemment, Ramón Ménendez Pidal, Historia de España, t. 26, El siglo del Quijote vol. 1, Religión, Filosofía, Ciencia, Madrid, Espasa Calpe, 1996, p. 593-594.

10 Martha K. Hoffman, Raised to rule: educating royalty at the court of the Spanish Habsburgs, 1601-1634, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2011, p. 70.

11 M. Hume, La Cour de Philippe I …, op. cit., p. 334.

12 Sur l’affaire du couvent de San Placido, Carlos Puyol Buil, Inquisición y política en el reinado de Felipe IV : los Procesos de Jerónimo de Villanueva y las monjas de San Plácido, 1628-1660, Madrid, CSIC, 1993.

13 Je remercie Mathias Ledroit d’avoir attiré mon attention sur le texte de Martí i Viladamor, Descúbrese la intención del Privado ratificada por los sucesos de su gobierno, publié en version moderne par Xavier Torres, Escrits polítics el segl XVII, vol. 1, Barcelone, Eumo Editorial, 1995, p. 83-88.

14 Domenico Zane, Relazioni degli stati europei lette al senato dagli ambasciatori venati nel secolo decimosettimo, éd. Nicolo Barozzi _ Gluglielmo Berchet, 6 vol, Venise, 1860 [série I. vol. II : spagna], p. 263. Est-ce une faute de frappe qui fait écrire à Michel Devèze le chiffre de 23 bâtards royaux ? M. Devèze, L’Espagne de Philippe IV ..., op. cit., t. 2, p. 464.

15 Mme d’Aulnoy, Relation du voyage d’Espagne, Paris, C. Barbin, 1689, t.1, p. 164-173.

16 .José Deleito y Piñuela, El rey se divierte, Madrid, Alianza, 1988, p. 25.

17 Leticia Ruiz Gómez (éd.), Juan Bautista Maíno, Museo Nacional del Prado/Ediciones El Viso, 2009, p. 207.

18 Parmi lesquels, don Fernando Valdès qui fut gouverneur de Navarre et général de l’artillerie à Milan.

19  Mme d’Aulnoy, Relation du voyage d’Espagne …, op. cit., p. 173.

20 Antoine de Brunel Voyage d’Espagne curieux, historique et politique fait en l’Année 1655, dédié à son Altesse royale Mademoiselle, à Paris, chez Robert de Ninville, 1656, p. 39-40.

21 A. de Brunel Voyage d’Espagne …, op. cit., p. 45-46.

22 M. Hume, La cour d’Espagne …, op. cit., p. 45.

23 J. Deleito, El rey se diverte …, op. cit., p. 13.

24 M. Devèze, L’Espagne de Philippe IV …, op. cit., t. 1 p. 29 et p. 87 réutilise le travail de José Deleito quand il écrit : « Le roi galant comme on l’appelle en Espagne avait des instincts de “sultan polygame” : il eut toutes espèces de maîtresses, filles, femmes, ou veuves, grandes dames, actrices ou servantes ».

25 John H. Elliott, « Philip IV of Spain. Prisoner of ceremony …», art. cit., p. 176.

26 Antonio Cánovas del Castillo, Obras de D. Antonio Cánovas de Castillo, Estudios del reinado de Felipe IV, Madrid, Pérez Durrull, 1888.

27 C. Justi, Velázquez …, op. cit., p. 189.

28 M. Devèze, Philippe IV …, op. cit., t.1, p. 30-31.

29 M. Hume, La Cour de Philippe IV …, op. cit., p. 44.

30 John H. Elliott, Richelieu et Olivares, Paris, PUF, 1991 [1re éd. angl., Richelieu and Olivares, Londres-Cambridge, Cambridge University Press, 1984].

31 José Deleito y Piñuela subit l’épuration franquiste et fut chassé de l’université de Valence en 1939 : Isabel M. Gallardo Fernández, José Deleito y Piñuela y la renovación de la historia en España: antología de textos, Valencia, Universitat de València, 2005. Voir en particulier p. 40 les accusations que porta le régime dictatorial sur l’activité de J. Deleito.

32 On peut penser au rôle du bouffon dans le dispositif politique des monarchies, avec le bouffon Triboulet chez Hugo ou Chicot auprès d’Henri III chez Alexandre Dumas dans La Dame de Montsoreau.

33 Manuela B. Mena Marques, « El bufón Calabacillas », dans Velázquez, Madrid y Barcelona, Fundación Amigos del Museo del Prado, 1999, p. 297-334.

34 Fernando Bouza, Locos, enanos y hombres de placer en la corte de los Austrias, Temas de hoy, Madrid, 1991 ; Juan José Martín González, « Papel social del bufόn en Velázquez », dans Velázquez y el arte de su tiempo, Madrid, Real Academia de bellas artes de san Fernando, 1992, p. 151-175.

35  « On aurait dit que la royauté, la noblesse et le peuple madrilènes voulaient s’étourdir et oublier dans la fumée des feux d’artifice et le bruit des spectacles, les menaces de toutes sortes qui pesaient sur le pays » (M. Devèze, L’Espagne de Philippe IV …, op. cit., t.1, p. 95). « Cierto es que los esplendores brillantes, los gastos cuantiosos y la inmoralidad refinada de Versalles, superaron en mucho a los del Buen Retiro, siendo compatibles con la grandeza y la prosperidad del reino francés. Pero allí, había hombres eminentes al frente del Gobierno » (J. Deleito, El rey se divierte …, op. cit., p. 198).

36 J. Deleito, El rey se divierte …, op. cit., p. 214-221.

37 A. Cánovas del Castillo, Estudios del reinado de Felipe IV …, op. cit., t. I, p. 230-240.

38 Cité par A. Canovas de Castillo, Estudios del reinado de Felipe IV …, op. cit., t. 1, p. 237 : «  Para esto me parecio lo más a proposito leer todas las cartas y despachos que mis Ministros de fuera y dentro del Reino me escriben, que aunque es verdad que cuando los Consejos envían las consultas sobre ellas vienen sumarios de lo que contienen, no me satisface con la corta noticia que ellos dan. Así, quise (aunque con trabajo doblado) conseguir mejor fin a que encamino mis acciones, pues cuantas más noticias cobrase, mejor podré cumplir la carga que tengo sobre mis hombros. También quise leer a la letra y por mi persona, sin valerme de secretario para ello, aunque es licito ».

39 C. Justi, Velázquez …, op. cit., p. 66. ; R. A. Stradling, Felipe IV …, op. cit., p. 96 et suivantes ; A. Cánovas del Castillo, Estudios del reinado de Felipe IV …, op. cit., p. 249 : « la vieille légende qui supposait Philippe IV exclusivement adonné aux courses de taureaux et au jeu de Cannes (cañas), aux comédies et aux galanteos, doit recevoir enfin un coup final et décisif grâce aux pages précédentes. En réalité, Philippe IV aima beaucoup se divertir durant la première moitié de son règne, quand tout lui souriait à première vue et que l’heure suprême des infortunes n’avais pas encore sonné ; mais jamais il ne pensa qu’à cela, comme la fausse histoire l’a raconté ».

40 M. Devèze, L’Espagne de Philippe IV …, op. cit., p. 30.

41 Même si elle était qualifiée de « fable ridicule » par M. Hume dès la fin du xviie siècle : M. Hume, La Cour de Philippe IV ..., op. cit., p. 36.

42 François Bertaut, Journal du voyage d’Espagne (1659), Revue Hispanique, oct. 1919, t. XL, VII, p. 194 : « Le Roy ne se voit que par audiances qu'il donne à tous les particuliers qui les luy font demander, _ particulièrement un iour de la semaine, où il vient en une sale exprés pour cela ; _ quand il va tenir Chapelle ou donner audiance à quelque Ambassadeur. Cela se fait comme je l'ay décrit dans la relation de celle de Monsieur le Mareschal de Grammont. Le reste du temps il est enfermé dans son Palais, où tout le monde se va promener dans les courts, dont il y en a deux à Madrid, de la manière des Cloîtres de nos Moines, soit pour y acheter quelques marchandises dans les boutiques qui y sont étalées, soit les matins pour les afîaires que l'on a aux Conseils qui se tiennent dans toutes les salles basses du Palais, qui fait que la place est toujours pleine d'une infinité de carrosses ».

43 M. Hume, La Cour de Philippe IV …, op. cit., p. 403 : longtemps attribué à Aersens de Sommedyck, ce récit est attribué à Antoine de Brunel depuis son édition par Charles Caverie, Revue Hispanique, xxx, 1914, p. 119-375.

44 En 1624 et en 1627, d’abord, puis de 1647 à 1651, une Junte des Etiquettes se réunit composée de membres influents du gouvernement.

45 Philippe IV dans l’Epilogue écrit : « me pareciό el mejor camino tener los oídos abiertos para todos los que me quisieren hablar en audiencias públicas y particulares, como lo he hecho siempre, sin negarla a nadie que [p. 235] me la pidiese, ni obligarle a registrala con el Ministro más inmediato; mas antes, por atajar tantos inconvenientes como habia oido y visto, le ordené que no oyese a nadie que primero no me hubiese hablado a mi, para con esto escoger lo que me pareciese a proposito y huir de lo perjudicial ».

46 Fernando Negredo del Cerro, « La sacralisation de la monarchie catholique. Les cérémonies religieuses au service de la couronne dans les églises madrilènes au XVIIe siècle », dans Bernard Dompnier (dir.), Les cérémonies extraordinaires du catholicisme baroque, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2009, p. 229-242 ; José Jurado Sánchez, Francisco José Marín Perellón, José Luis de los Reyes Leoz, María José del Rio Barredo, « Espacio urbano y propaganda política. Las ceremonias públicas de la monarquía y Nuestra Señora de Atocha », dans Santos Madrazo et Virgilio Pinto (dir.) Madrid en la época moderna espacio sociedad y cultura, UAM, 1991 p. 219-265.

47 Carmelo Lisón Tolosana, La imagen del Rey. Monarquía, realeza y poder ritual en la Casa de los Austrias, Madrid, Espasa Calpe, 1991, p. 123, estime de 1 700 à 2 000 les personnes entourant le roi au début de son règne.

48 Mme d’Aulnoy, Relation du voyage …, op. cit., p. 4.

49 John H Elliott, « Philip IV of Spain. Prisoner of ceremony … », art. cit., p. 171 ; Pour John H. Elliott comme pour Michel Devèze, l’Alcazar restait une vieille forteresse médiévale. Ainsi, le second écrit que le palais était « plus fameux par sa vétusté que par sa beauté » : M. Devèze, L’Espagne de Philippe IV …, op. cit., t. 1, p. 90.

50 A. de Brunel, Voyage d’Espagne curieux …, op. cit., 1666, p. 26.

51 Biblioteca nacional de España, Ms. 18 175 ; Cassiano del Pozzo, El diario del viaje a España 1626, f°51, cité par F. Checa (dir.), El Real Alcázar de Madrid : dos siglos de arquitectura y coleccionismo en la corte de los reyes de España : Palacio Real, Madrid, Nerea, 1994, p. 17 et par José Simon Dias, « El arte en las mansiones nobiliarias madrileñas de 1626 », Goya, 1979, p. 200-205.

52 Miguel Angel Gamonal Torres, Antonio Moreno, Velázquez y la familia real a través de un epistolario de Felipe IV, Madrid, Cuadernos de arte de la fundación universitaria, 12, 1988, p. 14 : déjà, dans une lettre du 7 juillet 1648, Philippe IV écrivait à la comtesse de Paredes « avec Juan Rana, on a terriblement ri »« de Juan Rana pues se rio harto con el » : vérifier ; cinq ans plus tard, le 3 juillet 1653, il précisait à sa correspondante : « Juan Rana ha cumplido famossamente con sus obligaciones bien creo que si le hubierades visto, se atrebiera la rissa a inquietar la devocion » (cité p. 20) ; voir aussi Peter E. Thompson, The Triumphant Juan Rana: A Gay Actor of the Spanish Golden Age, Toronto, University of Toronto Press, 2006.

53 Ricardo García Carcel, « Reflexiones sobre la leyenda negra », in José Javier Ruiz Ibáñez (éd.) Las vecindades de las Monarquías Ibéricas, Madrid, Fondo de Cultura Económica, 2013, p. 43-79.

54 Amanda Pipkin, « “They were not humans, but devils in human bodies”: Depictions of Sexual Violence and Spanish Tyranny as a Means of Fostering Identity in the Dutch Republic »Journal of Early Modern History vol. 13 (no. 4), 2009, p. 229-264 ; Id. Rape and the Republic, 1609-1725: Formulating Dutch Identity. Leyde, Brill, 2013.

55 Quevedo et Matías de Novoa un temps, puis, Saavedra, Juan Pablo Marti  Rizo, Faria de Guzmán, Juan de Jauregui, Juan Antonio de Vera y Figueroa, Gonzalo Céspedes y Meneses …

56 Alain Hugon, Philippe IV. Le siècle de Vélasquez, Paris, Payot, 2014.

Pour citer ce document

Alain Hugon, «Philippe IV, le roi sensuel ? », Histoire culturelle de l'Europe [En ligne], Revue d'histoire culturelle de l'Europe, Légendes noires et identités nationales en Europe, Tyrans, libertins et crétins : de la mauvaise réputation à la légende noire,mis à jour le : 30/06/2016,URL : http://www.unicaen.fr/mrsh/hce/index.php?id=196

Quelques mots à propos de : Alain Hugon

Normandie Univ., Unicaen, CRHQ

Alain Hugon, ancien membre de l’Ecole des Hautes Etudes Hispaniques Ibériques (Casa de Velázquez, Madrid), est professeur d’histoire moderne à l’université de Caen Basse-Normandie. Ses principaux domaines de recherches en histoire portent sur l’empire ibérique, sur les relations internationales et sur les révoltes d’Ancien Régime. Il a publié plusieurs ouvrages sur ces questions dont Au service du Roi Catholique : « honorables ambassadeurs » et « divins espions » face à la France. Représentation diplomatique et service secret dans les relations hispano-françaises de 1598 à 1635, « Bibliothèque de la Casa de Velázquez », Madrid, 2004, Naples insurgée. 1647-1648. De l’événement à la mémoire, PUR, Rennes, 2011 [trad. espagnole : La insurrección de Nápoles 1647-1648. La construcción del acontecimiento, Saragosse Prensa, 2014] et Philippe IV – Le siècle de Vélasquez, Paris, 2014, [trad. espagnole : Felipe IV y la España de su tiempo. El siglo de Velázquez, Barcelone, 2015]. Il travaille actuellement à une étude sur l’émigration espagnole vers les Indes de Castille aux XVIe et XVIIe siècles.