La mauvaise réputation d’un bâtard royal en France au XVIIe siècle : construction et transmission d’un imaginaire autour de Don Juan José d’Autriche
Résumé
Cet article est consacré à une étude à un personnage qui, sans être monarque, avait du sang royal et joua un rôle éminent dans la politique et le gouvernement de l’Espagne dans la seconde moitié du XVIIe siècle : don Juan José de Austria, bâtard du roi Philippe IV et donc demi-frère du dernier Habsbourg, Charles II. Bien que le personnage soit doté d’images contrastées, l’article s’intéresse exclusivement à la légende noire entretenue en France à son propos. Parmi les composantes de cette représentation dépréciative, la bâtardise joue un rôle déterminant, les origines impures laissant présager des tares morales. Outre ce trait particulier, on retrouve dans le portrait de don Juan José des ingrédients communs à d’autres portraits de grands seigneurs trop ambitieux : volonté d’usurper le trône (donc tyrannie d’usurpation potentielle) et mœurs peu recommandables. Cette étude montre que ces accusations contre un personnage qui, fils de Philippe IV et demi-frère du maladif Charles II, pouvait prétendre au trône, s’inscrivent dans le contexte de ce problème de succession qui occupa toute l’Europe à la fin du XVIIe siècle et intéressait particulièrement les Bourbons.
Abstract
The article deals with a person, who without being a monarch was of royal blood and played a vital part in the politics and government of Spain in the second half of the seventeenth century : don Juan José de Austria, illegitimate son of Philipp IV, and thus half-brother of the last Habsburg, Charles II. Although the pictures we have of the person are contrasted, this article dwells exclusively on the black legend fostered in France. Among the constituents of the disparaging image, illegitimacy played a prominent role since impure origins were considered as a sign for future moral flaws. In the portrait of don Juan José one can find ingredients that are common to the portrait of ambitious Grandes : the desire to usurp the throne – potential tyranny of usurpation – and uncommendable habits. The article shows that the accusations against someone who as son of Philipp IV and half-brother of Charles II could claim the throne, are part of a context of the question of succession that kept the whole of Europe busy at the end of the seventeenth century, and especially the Bourbons.
Table des matières
Texte intégral
Je vis ce prince, qui, tout bâtard qu’il étoit, se faisoit beaucoup respecter. Il étoit servi par des personnes de qualité, et les noms de ceux qui étoient à sa suite étoient des plus illustres d’Espagne1.
1Parler de la réputation de Don Juan José d’Autriche, le bâtard royal, fils naturel de Philippe IV d’Espagne, est particulièrement complexe compte tenu du fait que cette réputation est pour le moins ambivalente, voire même énigmatique, tout à l’image du personnage lui-même. Les témoignages des écrivains du Grand Siècle sur Don Juan José sont multiples et variables selon l’auteur des textes, sa nationalité, sa fonction ou encore selon son « camp ». Dans cet éventail de perceptions la subjectivité domine et laisse des traces, souvent fort prégnantes, qu’il nous faudra déceler et analyser pour mieux comprendre les propos tenus à l’égard du bâtard.
2Tantôt présenté comme un héros, tantôt, au contraire, considéré comme un arriviste imbu de sa personne et assoiffé de pouvoir, le portrait de Don Juan semble en effet dessiné selon l’arbitraire du pinceau des observateurs. Mais dans ce portrait peint avec des couleurs allant des plus claires aux plus sombres, le contexte historique joue un rôle décisif, déterminant, in fine, les impressions liées à l’image de l’illégitime. Le prisme à travers lequel fut regardé le fils naturel du roi d’Espagne est en effet largement déterminé par l’imaginaire de celui qui observe ou encore par ses conditions de production historique. Les interventions directes des auteurs attestant de visu de ce qu’ils avancent, de même que les informations rapportées grâce à ceux qui ont séjourné dans le pays voisin, n’ont d’autre but que de conduire le lecteur vers les rives que ces auteurs souhaitent faire connaître. Ainsi finissent-ils par construire une singulière représentation de l’autre, se prévalant d’une authenticité qui, du fait de leur position politique ou sociale, pouvait donner une certaine légitimité à leurs paroles. Aussi, les différents moyens de l’éloquence utilisés par ces écrivains (allusions, hyperboles, ironie, comparaisons, antinomies …) renforcent l’opinion développée dans leurs textes et mettent en évidence leurs véritables motivations. Que ce soit de manière implicite ou explicite, les critiques envers le bâtard foisonnent. Comme nous le verrons plus loin, les auteurs français qui évoquent dans leurs discours le fils naturel de Philippe IV se servent en particulier et volontiers d’une rhétorique dont les caractéristiques essentielles vont se retrouver de manière récurrente dans la quasi-totalité des témoignages étudiés. Ces analogies stylistiques, loin d’être le fruit du hasard, démontrent plutôt la consistance d’un imaginaire sociopolitique plus propre à servir les intérêts des auteurs que la vérité à propos du personnage2.
3Nous avons choisi pour cette étude d’analyser plus particulièrement les traits qui nourrissent l’image négative de Don Juan José d’Autriche en nous basant, pour une part, sur les textes de certains auteurs français du Grand Siècle qui ont séjourné dans la péninsule ibérique et qui ont laissé un témoignage écrit de cette expérience, mais aussi sur les textes d’autres Français, issus le plus souvent du milieu de la cour de Louis XIV, qui, en raison de leur rôle sur l’échiquier politique de l’époque, ont eu affaire, de près ou de loin, avec le bâtard. Ces auteurs consacrèrent volontiers une partie de leurs descriptions à la vie et aux mœurs de la cour d’Espagne et ils s’arrêtèrent fréquemment sur l’image du roi et de sa progéniture, qu’elle fût légitime ou non, et ceci avec d’autant plus d’intérêt que les alliances royales entre les deux royaumes voisins furent une question constante depuis le XVIe siècle. Comment ne pas s’intéresser par exemple à la fille de Philippe IV qui allait devenir reine de France en 1659 ? Mais pour dresser un portrait fidèle des membres de la famille royale, il faut naturellement d’abord avoir accès à la maison princière ou au palais du roi, assister par exemple aux actes officiels de la cour, ce qui ne fut pas chose aisée pour les auteurs étudiés. Comme on peut l’imaginer, ce furent surtout les ambassadeurs et leurs collaborateurs qui purent approcher le souverain et sa famille3. Ce sont eux par conséquent qui en parlèrent le plus précisément4.
Don Juan José
B.N Madrid
4À la lecture de ces témoignages, on pourra se demander s’il existe une singularité de la rhétorique maniée par les Français au sujet du bâtard royal et, si c’est le cas, nous essayerons de comprendre quelles sont ses déterminations et ce qu’elle vise5.
5Mais avant d’analyser les textes il est pertinent de s’arrêter rapidement sur un aspect proprement linguistique nécessaire pour éclairer quelques notions souvent présentes (parfois en filigrane) dans les témoignages qui forment notre corpus d’étude. L’image de Don Juan José d’Autriche est-elle, oui ou non, impérativement dépendante de sa condition de naissance illégitime ? Et si c’est le cas, dans quelle mesure et comment joue-t-elle un rôle dans la construction de cette image, étant entendu que, très fréquemment, les rois des monarchies européennes avaient une descendance en dehors des liens du mariage ? Rappelons ici d’ailleurs que Don Juan José d’Autriche était un homonyme de cet autre bâtard royal espagnol, fils de l’Empereur Charles Quint, Don Juan d’Autriche (1545-1578), dont les exploits militaires furent loués tout au long du XVIe siècle et même au-delà6.
Être un bâtard
6En examinant rapidement la définition du mot « bâtard » (en castillan ou en français) on peut tout de suite constater qu’elle est lourde de connotations intrinsèquement négatives, plaçant nécessairement Don Juan José d’Autriche du côté sombre de l’histoire ou plutôt, du côté noir de la légende. Ainsi, le dictionnaire de Sebastián de Covarrubias Horozco7 définit le mot « bastardo » dans ces termes : « celui qui est né d’une union illégitime », et relie le mot de bâtardise (« bastardía ») au registre d’un douteux mélange d’espèce animale : « Il s’agit de la descendance comme conséquence de cette union [illégitime], et on parle également dans ces termes des oiseaux et des animaux lorsqu’ils sont engendrés par deux espèces différentes. » Ce couplage, interne à la définition même, ne pouvant conduire qu’à l’idée d’un fruit contre nature aboutit à une dégénérescence de l’espèce. On retrouve d’ailleurs cette notion de dégénérescence (« degeneratio ») dans les dictionnaires français de l’époque. Covarrubias précise encore un peu plus cette notion en ajoutant que l’on appelle les bâtards « espurios8 », puisque dans ce cas la mère seule est connue avec certitude alors que la « véritable semence » reste inconnue, laissant ainsi entendre que la mère du bâtard a pu avoir un commerce sexuel avec plusieurs hommes (l’expression utilisée est en espagnol fort éloquente : « por haber tratado ella con muchos »). Les autres exemples données par Covarrubias confirment cette définition et illustrent (en citant Aristote et d’autres doctes auteurs) cette représentation de la mère du bâtard comme un être « mal famé ». En ce qui concerne l’étymologie, ce dictionnaire signale enfin que le mot même pourrait dériver de « burdo9 », d’où vient aussi le mot « burdel » qui désigne la maison fréquentée par les « mauvaises femmes10 ». Ce dernier trait apparaît aussi dans la définition du mot en français comme nous le verrons11. Du côté de la langue française, le dictionnaire de Furetière12 qui atteste le mot avec un « s » (bastard), reprend en partie la définition de Covaburrias tout en ajoutant quelques nuances :
Du Cange, après Boxhornius, dit aussi que c’est un vieux mot François et Breton et qu’on appeloit un fils illégitime bastard, du mot composé de bas et de tardol, qui signifioit germer et sortir ; d’où vient que quelques auteurs les ont appellez fils de bas, comme qui diroit, sortir des femmes publiques et de basse condition.
7D’autres dictionnaires, comme le Dictionnaire étymologique de la langue Françoise de M. Ménage13 (1694) insistent sur la tache du bâtard imputable à la mère et à ses mœurs légères, la naissance abjecte du fils étant due à une génitrice portée à la débauche. Les mots utilisés sont très précis et créent un lien explicite entre « el espurio » et celle qui l’a mis au monde. Cet aspect nous intéresse particulièrement ici puisque Don Juan était le fils de Maria Calderón, (appelée « la Calderona ») qui était comédienne de profession ; les observateurs de l’époque ne se gênèrent pas pour user à son égard des stéréotypes les plus propres à dénigrer les origines de Don Juan d’Autriche. Le Marquis de Villars, ambassadeur de France à la cour d’Espagne à la fin du XVIIe siècle, dit par exemple à ce sujet : « Quoique le dérèglement de sa mère pût avec raison faire douter de son véritable père que plusieurs ont cru être le duc de Medina de las Torres, auquel il ressembloit14. » Ces termes reprennent presque mot pour mot les définitions citées plus haut et relancent la question, soulevée par Covarrubias, de la semence qu’on ne peut véritablement connaître compte tenu des circonstances ayant précédé la naissance de l’enfant. Nous connaissons en effet ce soupçon qui planait sur la paternité royale, évoqué à maintes reprises dans les discours de l’époque. Au regard de la vie libertine de la comédienne, qui pouvait assurer que le père était bien le roi ? D’après l’historien José Calvo Poyato, ce furent surtout les plumes étrangères qui contribuèrent à cette rumeur, même si elle circulait aussi bien en Espagne où elle fut utilisée plus tard par les opposants à l’arrivée au pouvoir du bâtard15. Mme d’Aulnoy, par exemple, relance aussi ce bruit qui circulait d’après elle ouvertement un peu partout et n’hésite pas à dresser un portrait physique très avantageux dudit Duc de Medina de las Torres, amant de la Calderona, qui était selon elle « le plus beau et le plus parfait cavalier de l’Espagne16 » ; dans sa Relation elle décrit d’ailleurs quelques scènes de jalousie opposant le roi et le Duc à propos de la comédienne, et use dans son récit de ce style romancé et ampoulé qu’on lui reprocha souvent mais qui fut sa « marque » et construisit son succès. Or, comme l’étude de Foulché-Delbosc l’a démontré17, le contenu de la Relation et des Mémoires de Mme d’Aulnoy est fortement inspiré d’autres témoignages connus comme celui de l’ambassadeur Villars, ou encore celui de Brunel, Bertaut, Gramont, ou bien encore des nouvelles de la Gazette. Ceci expliquant, comme nous l’avons déjà dit, que nous retrouvions dans les textes de l’époque certains motifs présentés de manière plus ou moins récurrente et dont la finalité semble être la même. Preuve en est encore le témoignage de l’abbé Bertaut, qui fit partie de la suite accompagnant le maréchal de Gramont en Espagne pour demander la main de l’Infante Marie-Thérèse, et qui laisse entrevoir en ces termes quelques difficultés qu’eut le Roi Philippe IV dans ses rapports intimes avec la Calderona : « [Don Juan] est fils d’une comédienne que le Roy aima furieusement. L’on dit que tout vigoureux qu’il estoit il fut fort longtemps sans en pouvoir venir à bout18. » Pour Bertaut le Roi d’Espagne fut pour beaucoup dans la mort prématurée de ses enfants ou dans la faiblesse de son dernier fils, Charles II, puisque selon lui les mœurs libertines du monarque diminuèrent ses capacités de reproduction. La figure de Don Juan José est donc d’autant plus illégitime qu’elle est fortement stigmatisée par le soupçon.
Une ombre sur le berceau : qui est le vrai bâtard ?
8Néanmoins et dans un jeu de miroir inversé, un discours opposé à celui que l’on vient d’évoquer se répand en Espagne et en France. Un déplacement symbolique, non dépourvu de sens, se produit en effet autour de la question de la paternité puisqu’il retourne et réélabore la question de la bâtardise de Don Juan en inversant la donne. Un manuscrit anonyme français de 1662, intitulé Lettre contenant une Relation de la Cour d’Espagne19, propose une étonnante version de la véritable filiation entre Don Juan José et le roi Philippe IV :
J’oubliois presque de vous dire qu’il court ici parmi le peuple un bruit admirable ; c’est, dit-on, que le Duc d’Ixar grand d’Espagne, en mourant a déclaré que D. Juan d’Autriche estoit le véritable fils du Roy Philippe quatrième à présent regnant et de Dona Isabella de Francia, que le Comte Duc d’Olivares avoit changé et mis en la place du fils de la Comédienne qui a porté le nom de Prince des Espagnes, Charles, jusqu’à sa mort quoi que se fut lui qui fut né d’un amour illégitime. Je me suis informé à quelques uns de la Cour qui assurent que ce Duc d’Ixar n’est point mort et quand il le seroit les gens d’esprit verroient bien que c’est une fable ; je m’imagine pourtant qu’on ne fait point courir ces bruits sans dessein.
9Dans ce fragment on évoque une nouvelle rumeur selon laquelle le bâtard serait en fait le fruit d’une véritable union royale : il y aurait eu entre Don Juan et Baltasar Carlos (Charles dans le manuscrit) une substitution d’enfants à la naissance, substitution manipulée par le Comte-Duc d’Olivares qui était le favori du roi d’Espagne. Ces deux enfants étant nés la même année (1629), la coïncidence rendait plausible la suspicion de substitution, troublant du même coup et d’une nouvelle manière la question de l’héritage royal. De ce point de vue, il est important de rappeler qu’au moment où ce manuscrit fut écrit, Baltasar Carlos était déjà mort et qu’un autre fils mâle de Philippe IV, Philippe Prosper, venait de mourir (1661). Si la rumeur était accréditée, cela aurait conduit cette fois à faire de Don Juan le légitime héritier du trône espagnol. Question d’autant plus problématique qu’un an auparavant était né le futur Charles II. En tout cas, et pour ce qui concerne les faits invoqués dans ce manuscrit qui date de 1662, on peut dire que Don Juan José avait alors trente-trois ans, qu’il avait été reconnu par le roi lui-même depuis une vingtaine d’années déjà et qu’il avait pu démontrer ses capacités à assumer d’importantes missions au service de la couronne d’Espagne. Qu’il s’agisse de ses actions au moment de la révolte survenue à Naples (dont il devint vice-roi) ou en Sicile, qu’il s’agisse de la Catalogne où il assiégea Barcelone encore révoltée, devenant ensuite vice-roi de la principauté, ou qu’il s’agisse encore de ses combats aux Pays-Bas, la trajectoire politique du bâtard pouvait permettre d’envisager son accès au pouvoir s’il venait à manquer un héritier à la couronne hispanique. Un autre manuscrit, sans date exacte, mais que nous pouvons situer aux alentours de l’année de la naissance de Charles II, décrit de son côté la forte personnalité de Don Juan, sa superbe comme son ambition, et conclut par cette phrase peu ambigüe : « si le petit prince se laissoit mourir, il y a apparence que Don Juan se rendroit maistre du Royaume20 ».
10L’histoire de la substitution des enfants à la naissance évoquée dans ce manuscrit sera reprise très vite par d’autres textes qui seront publiés en France, comme ce fut le cas de la Relation écrite par Mme d’Aulnoy, ou encore des Mémoires du marquis de Villars ou de Brunel. On peut alors se demander si cette légende n’aurait pu également encourager le bâtard à se faire reconnaître comme « infant », ce titre étant octroyé aux enfants légitimes du roi après les princes ou les princesses aînés héritiers directs de la couronne. Bien que reconnu par Philippe IV depuis 1642, son fils naturel n’aura en effet de cesse de lui demander ce statut privilégié d’infant. L’ambassadeur Villars souligne à ce propos que
quoique bâtard il avoit toujours eu de grandes idées de pouvoir se faire reconnoitre Infant, et l’élévation que lui donneroit un ministère absolu sous un roi de quinze ans, lui facilitoit les moyens de faire des pas qui tendoient à ce haut rang21.
11Les Mémoires touchant le mariage de Charles II insistent aussi sur ce point en ces termes :
Que ne pouvant point [D. Juan] estre roi puisque Philippe IV avoit laissé des enfants légitimes, il avoit sollicité plusieurs fois le roi de le déclarer Infant ; il voulait estre le seul auprès du roi […]22.
12La question que les observateurs de l’époque se posaient était la suivante : pourquoi le roi Philippe IV, qui avait d’autres enfants naturels, ne reconnut-il que celui-ci ? Les témoins français semblent intrigués par le fait que le roi d’Espagne n’ait pas accordé au reste de sa progéniture illégitime le même traitement qu’à Don Juan José d’Autriche23. D’après les lettres de l’ambassadeur Villars, ce serait le valido, le Comte-Duc d’Olivares, qui aurait poussé le roi à reconnaître ce fils naturel dans une démarche à doublée visée puisque lui-même souhaitait faire reconnaître sa propre descendance illégitime :
Il n’a reconnu aucun fils naturel que don Juan, qui devait cette fortune au comte Olivares qui, voulant reconnaître don Julián de Guzmán, son bâtard, porta le roi à reconnaître don Juan, pour s’autoriser par l’exemple24.
13John Elliott25, dans son livre sur Olivares, n’exclut pas en effet que Philippe IV ait été inspiré en l’occasion par son favori ; néanmoins l’historien soutient qu’il s’agissait aussi pour le roi de reconnaître son fils officiellement en cette année 1642 car, devant rejoindre l’Aragon pour régler des affaires urgentes liées à la situation en Catalogne et ne sachant pas s’il allait revenir vivant de son voyage, il considéra qu’il était alors de son devoir de reconnaître ce fils naturel avant son départ26. Dès lors Don Juan, qui figurait dans le registre de baptême comme « fils de la terre27 », obtint le rang de « Serenidad ». Cependant, malgré cette reconnaissance, Don Juan fut interdit de présence à la Cour de Madrid pendant longtemps. Cette interdiction faite au bâtard revient souvent dans les textes des Français de l’époque. Il y aurait eu, selon le récit de certains auteurs, une coutume selon laquelle il était interdit aux enfants naturels du roi d’entrer dans Madrid. Dans son Voyage d’Espagne28, Antoine Brunel écrit :
On nous a raconté une coutume qui est aussi assez extraordinaire, c’est qu’il n’est pas permis à aucun fils naturel du Roi reconnu pour tel par sa Majesté, d’entrer dans Madrid. Je me suis enquis de la raison pour laquelle les bâtards des Rois ne pouvaient point entrer dans Madrid et je n’ai pu en apprendre aucune qui me satisfît. Car celle qui est la plus reçue à savoir que c’est pour éviter de leur donner le rang qu’ils prétendent sur les Grands d’Espagne, ne me semble pas valable […]. Mais quoi qu’il en soit de la raison qui ferme ainsi la porte de la cour aux Bâtards des Rois et de la jalousie véritable ou imaginaire qu’ils y causeraient, il est certain que en général cette Nation en a beaucoup pour tout ce qui touche tant soit peu son honneur.
14Les questions sur la légitimité et le traitement réservé à Don Juan José d’Autriche prirent alors logiquement une ampleur très importante. Dans ces circonstances, la présence du bâtard à la cour ne pouvait qu’alimenter les soupçons. Accepter que Don Juan reste auprès de son père ou, plus tard, auprès de son frère Charles II, lui ouvrait implicitement des portes que la Reine mère surtout voulait fermer à jamais. Pouvait-on en effet supporter l’idée d’imposer un bâtard comme héritier d’une monarchie qui se voulait la plus puissante de toutes ?
15Éloigner l’enfant illégitime de la cour était ainsi un acte visant symboliquement à marquer les limites de sa reconnaissance. Don Juan, pendant son enfance et sa jeunesse, avait été tenu éloigné de Madrid. Plus tard, la reine Marianne d’Autriche essayera de l’écarter encore de la cour en lui donnant des responsabilités hors du royaume d’Espagne, comme nous le verrons. Tout se passait donc comme s’il fallait persévérer dans l’éloignement et conforter sans cesse le poids du rideau séparant le bâtard du centre du Palais, où n’avaient droit de cité que les enfants légitimes, les princes et les « infantes ».
16L’abbé Bertaut, qui accompagna le Maréchal de Gramont dans son ambassade extraordinaire en Espagne en 1659 (lors du Traité des Pyrénées), relève également cette mise à l’écart prolongée du bâtard, ce qui l’étonne. Bertaut souligne l’attitude (pour le moins défensive) de la reine Marianne d’Autriche, celle-ci exprimant ouvertement le souhait de maintenir une réelle distance avec Don Juan, craignant sans doute de le voir prendre une place qui ne lui était pas destinée et qui pouvait s’avérer fort dangereuse. Après la mort du roi Philippe IV la reine, devenue régente, renforcera encore sa stratégie d’éloignement de l’enfant illégitime et relancera sans cesse sa mise à l’écart de la Cour. Ainsi, au moment du conflit avec le jésuite Nithard, la reine rappelle encore Don Juan à l’ordre en lui intimant de s’éloigner de « dix ou douze lieues de cette Cour, où bon vous semblera, et du côté que vous jugerez le plus à propos, parce qu’il est convenable que vous le fassiez ainsi29 ».
17Pour l’abbé Bertaut, le roi Philippe IV aurait voulu lui-même éloigner son fils naturel devenu trop embarrassant : « Dom Juan ne vient pas au Palais mais le Roy va souvent le voir. On dit présentement qu’il ne l’aima pas tant qu’il le faisoit autrefois30. » La reine Isabelle de Bourbon, elle aussi, avait fait de même quelques années auparavant. Alors que Don Juan avait pu rencontrer le roi son père à l’Escorial, il lui fut interdit de passer par Madrid « baiser la main de la reine et celle du prince31 ». Cette stratégie de la mise à l’écart ne pourra pas pourtant venir à bout de l’enfant illégitime.
18En effet, l’Histoire en décidera autrement : bien qu’éloigné depuis sa plus jeune enfance, rien n’empêchera Don Juan José d’Autriche d’entrer victorieux à Madrid durant la régence et de devenir le premier ministre de l’État sous le règne de son demi-frère Charles II. Jean-Baptiste Colbert, Marquis de Torcy, rappelle dans ses Mémoires l’esprit ambitieux et manipulateur du bâtard au moment de son arrivée au pouvoir : « Don Juan d’Autriche sut enlever à la Reine le pouvoir dont elle était si jalouse, mais il suivit comme elle le même principe, en tenant le Roi son maître dans une dépendance entière32. » Pour les observateurs français, Charles II, chétif et faible, fut tantôt gouverné par sa mère, tantôt par son demi-frère, dont l’appétit de pouvoir paraissait sans bornes.
« Songer à se rendre plus puissant »
19L’exclusion pousserait-elle les esprits délaissés à s’emplir des idées de grandeur ? Rappelons que l’arrivée du bâtard à la cour s’accompagna en outre de l’éloignement de la Reine mère qui dut quitter Madrid et s’installer à Tolède. On voit la puissance du renversement historique de la situation et l’on comprend pourquoi cette sorte d’affront de l’ « espurio » envers Marianne d’Autriche et l’arrivée de Don Juan au rang de premier ministre fut considéré par les historiens et en particulier par Tomás y Valiente ou Maravall33, comme un véritable coup d’État, ou encore comme le premier « pronunciamiento » de l’histoire de l’Espagne. La France regarda cet acte comme une atteinte majeure à la souveraineté.
20Peu avant la mort du fils naturel de Philippe IV, le mariage de Charles II avec une princesse française, Marie-Louise d’Orléans, avait été formellement conclu. Les critiques négatives envers Don Juan fusèrent alors de plus belle, lui imputant la volonté explicite d’entraver cette alliance. Le bâtard fut alors dépeint sous les traits d’un être véritablement épris de pouvoir. Dans les Mémoires touchant le mariage de Charles II, de 1681, on indique ceci :
Tout le monde s’était déjà aperçu que Don Juan d’Autriche ne songeait qu’à se rendre de jour en jour plus puissant ; que sa passion dominante était de tout gouverner, de faire en sorte que tout dépendît de lui, qu’on le regardât comme la source des grâces et des punitions et qu’enfin rien ne se fît que par ses ordres ; qu’il ne pensait pas du tout à le marier [son demi-frère] quoiqu’il fût temps d’y penser sérieusement, parce qu’il appréhendait qu’une femme ne prît quelque autorité sur son esprit au préjudice de la sienne34.
21L’ambassadeur Villars confirmait dans ses Mémoires cette opposition au mariage :
Il semblait que pour se conserver plus de pouvoir sur le roi il devait souhaiter qu’il n’y eût pas si tôt de reine et peut-être que dans l’idée qu’il s’était faite d’avoir le rang d’Infant il trouvait un intérêt secret à éloigner le mariage d’un jeune prince toujours infirme pendant son enfance et dont il pouvait se flatter d’être un jour le successeur35.
22L’attitude de Don Juan ne fit que renforcer la méfiance des Français envers lui. Un incident diplomatique vint ternir encore sa renommée. Le bâtard, dans un geste sûrement déplacé mais non dépourvu de panache, refusa chez lui de donner la main et le siège aux ambassadeurs, ce qui mit hors de lui le roi Louis XIV lorsqu’il apprit cela par le marquis de Villars lui-même :
Le roi Très chrétien ne jugeant pas qu’un bâtard du roi d’Espagne pût avoir droit de prendre de tels avantages sur son ambassadeur, lui commanda de ne point voir don Juan s’il ne lui donnait chez lui les honneurs du pas, de la main et du siège36.
23Cet épisode est repris par l’ambassadeur italien Federico Cornaro qui était à Madrid en même temps que le marquis de Villars. Cornaro indique que l’ambassadeur français avait « l’instruction d’abattre la fortune de Don Juan et de fomenter le retour de la reine mère […]. Villars refusa de traiter avec Don Juan et de lui donner la main37 ». Cet ambassadeur vénitien donne également des précisions sur les négociations concernant le mariage de Charles II avec Marie-Louise d’Orléans. Il insiste dans son discours sur la jalousie de Don Juan face à ce mariage et souligne la « disposition peu favorable » de la France envers le bâtard dont l’arrogance, l’orgueil et la prétention le rendaient difficilement supportable.
24Mais l’affront n’était-il pas, après tout, un moyen d’exiger la reconnaissance qui lui avait été longtemps refusée ? Quoi qu’il en soit la France dut vite se rendre à l’évidence de la puissance du fils illégitime dans les affaires de la cour d’Espagne, même si cela ne voulait pas dire pour autant qu’elle l’acceptait. Depuis déjà plusieurs années le bâtard était devenu particulièrement encombrant pour le roi de France. Il avait été présent à chaque victoire obtenue contre l’armée française. Entre 1647 et 1648, envoyé par son père à Naples au moment des révoltes, il réussit à freiner les avancées françaises, ce qui ne fut pas du goût de la reine Anne d’Autriche ni du cardinal Mazarin. La dame de chambre de la reine, Mme de Motteville, écrit dans ces Mémoires : « Du côté de Naples nous n’étions pas si heureux. L’armée navale que nous y avions envoyée fut vigoureusement repoussée par les espagnols38. » Le fils naturel de Philippe IV, cet « instrument providentiel39 », réussit finalement à soumettre le royaume.
25Don Juan fut aussi celui qui avait réussi à reprendre Barcelone des mains des Français en 1653, en devenant du même coup Vice-roi de Catalogne, comme nous l’avons déjà rappelé. Alors que depuis 1641 la France occupait la principauté voisine et pensait pouvoir détenir ainsi la clé qui lui permettrait d’aller plus avant dans sa conquête des terres hispaniques, la détermination et l’efficacité stratégique de Don Juan en décidèrent autrement.
26Enfin, à partir de 1661, alors que la France avait passé un accord avec l’Angleterre pour soutenir le Portugal contre le roi Philippe IV, Don Juan prit la tête de l’armée espagnole et donna bien de la peine aux opposants. Le comte de Schomberg fut envoyé par Louis XIV au Portugal pour commander les troupes françaises qui allaient combattre les Castillans. Les Mémoires de Monsieur d’Ablancourt envoyés à sa majesté très chrétienne en sont un précieux témoignage, puisque d’Ablancourt faisait partie de ces troupes et lutta près de Schomberg pendant la guerre en territoire lusitain :
En effet la grande Armée de Castille destinée pour le Portugal fut commandée cette Année pour la première fois par Don Juan d’Autriche fils naturel de Philippe IV. Ce prince enflé de sa naissance et de la gloire d’avoir fait autrefois rentrer Barcelone et Naples sous l’obéissance de Sa Majesté Catholique ne se promettait pas moins que la conquête du Portugal, et de s’en voir bientôt Roi paisible dans la dépendance de la Couronne d’Espagne. Dans cette vue, tous ses apprêts et toutes ses démarches se faisaient avec beaucoup de faste et d’ostentation : il était certain qu’il y allait de son honneur d’entreprendre quelque chose de grand, car depuis la bataille de Dunkerque il avait beaucoup perdu de sa réputation ; d’ailleurs il n’était pas fort aimé du Roi, du moins en apparence, soit que la Reine qui voyait son mari mourant et son fils fort jeune songeât dès lors à l’humilier. Don Juan de son côté ne gardait pas trop de mesures avec elle, ni avec les Ministres dont il se plaignait sans cesse sous prétexte qu’ils n’exécutaient pas tout ce qui leur était ordonné pour faire rentrer incessamment les Portugais dans leur devoir40.
27Voilà que l’on soupçonne maintenant Don Juan de vouloir abruptement devenir roi du Portugal, comme de participer à la campagne militaire non pas pour le compte de son peuple ou de son père encore vivant, mais pour sa propre personne. On le décrit comme dépourvu de tout scrupule pour arriver à ses fins et désireux de « mettre le feu partout s’imaginant que cela le rendait plus redoutable ». On le dit aussi sans respect pour le peuple portugais qu’il traite avec « un si grand mépris » et en des termes « fanfarons et ampoulés ». Enfin, dans le récit d’Ablancourt le bâtard est décrit comme une sorte de jouisseur obnubilé par ses plaisirs, allant même jusqu’à faire sortir « pour son divertissement des filles de l’Inquisition41 ».
28D’Ablancourt donne libre cours à sa plume au vitriol et critique très sévèrement ce fils illégitime infatué de lui-même et de mœurs peu recommandables. Se présentant comme un défenseur des Portugais, ce texte apparaît comme un plaidoyer pour l’intervention française dans le royaume lusitain. Plus il rend l’image des Castillans méprisable et en particulier celle de leur commandant des armées, plus il vise à redorer le blason du roi Soleil, prêt à venir en aide à tous ceux qui veulent s’affranchir de la mainmise espagnole. L’enjeu étant finalement de démontrer que l’Europe est à un tournant historique où l’hégémonie espagnole doit laisser la place à celle des Français.
29Pour le roi Très Chrétien l’essentiel était alors
la conquête partielle ou totale de l’héritage espagnol auquel son mariage avec Marie-Thérèse et les clauses du traité des Pyrénées pouvaient lui donner des droits, et dans tous les cas, les moyens de prétendre42.
30À la mort du roi Philippe IV, en 1665, les droits dits « de dévolution » constituèrent un des points essentiels des revendications de Louis XIV envers l’Espagne. Ce droit qui faisait prévaloir dans l’héritage les enfants du premier lit plutôt que ceux du second, faisait de Marie-Thérèse, fille du premier mariage du roi d’Espagne, l’héritière du royaume hispanique. On comprend que le regard du roi de France sur l’Espagne et sur ses héritiers potentiels fût aussi attentif. Charles II était jeune et très faible, il pouvait mourir et laisser un vide dans la couronne voisine, un vide qu’il ne fallait surtout pas combler par un bâtard. Cependant, des années plus tard, Louis XIV lui-même se retrouvera face à ce dilemme, lorsqu’à la fin de sa vie il verra disparaître tous ses enfants légitimes, le Grand Dauphin disparaît en 1711. Louis XIV, très préoccupé par sa succession, a dû finalement se résoudre à reconnaître certains de ses enfants illégitimes43.
31Dans les années 1678, lors du mariage de Marie-Louise d’Orléans avec le roi Charles II, renaît l’espoir de voir un héritier d’origine française accéder à la couronne d’Espagne et la mort de Don Juan José en septembre de 1679 met fin à l’embarrassante figure du bâtard royal. La fin de ce « prince bâtard » est racontée dans ces termes par l’ambassadeur Villars :
Dans une situation si violente, l’accablement présent et les terreurs de l’avenir, lui abattirent tellement l’esprit et le cœur, qu’il ne put avoir ni le courage de se soutenir ni la résolution de céder. Le désespoir le jeta dans une mélancolie profonde qui devint une maladie pleine d’incidents inconnus. Les médecins qui traitoient son corps d’un mal qui étoit dans son esprit lui firent souffrir durant trois semaines assez de tourments pour achever sa vie. Il mourut le 17, jour de septembre 1679, âgé de cinquante ans44.
32La mélancolie, ce mal espagnol souvent évoqué par les voyageurs et les cosmographes, aurait donc tué ce prince mal aimé. L’ambassadeur vénitien Cornaro reprend dans ces Mémoires pratiquement mot pour mot le récit de l’ambassadeur de France soulignant « la rancœur qu’il [Don Juan] portait dans son esprit », tout en insistant sur l’aspect éphémère de la superbe et de l’orgueil des hommes qui passent « facilement de la splendeur de la gloire à l’oubli45 ».
Don Juan José adulte
B. Nat., Paris
33Dans cette conjoncture historique déterminante, on comprend que les Français aient eu intérêt à dépeindre Don Juan José d’Autriche comme un personnage dévoré par l’ambition personnelle, un bâtard incarnant jusque dans ses mœurs la dégénérescence comme prix du mélange des espèces ou du franchissement des règles sociales, un être qu’il fallait sans cesse disqualifier ou rappeler à la norme tant il fut menaçant de le voir, si proche des frontières de France, venir à bout d’une reine (Marianne d’Autriche), de son confesseur (Nithard) et du favori (Valenzuela) pour s’élever lui-même au rang de premier ministre après une marche triomphale sur cette ville de Madrid qui lui avait été interdite durant de longues années et qui symbolisait donc ce à quoi il aurait dû renoncer en dépit de son rang et du simple fait des conditions de sa naissance.
34Comme on le voit, le portrait de « el espurio » met en scène une ambition voire une puissance très dangereuse, car elle se trouve incarnée par un être à la naissance incertaine, peu susceptible d’être réduit par le simple respect d’un ordre symbolique qu’il n’a jamais admis simplement, même dans son propre royaume. C’est-à-dire qu’il s’agit d’un homme dont la puissance trouverait sa source dans une transgression originaire et dont il faut sans cesse rappeler le défaut de légitimité. Cette logique de disqualification fut d’autant plus présente dans les récits français de l’époque qu’elle était précieuse pour la lutte d’influence qui opposait alors la France et l’Espagne quant aux enjeux politiques européens. Dans ce contexte, il fallait atteindre l’ennemi par tous les moyens. La construction de cet imaginaire ne serait pas intelligible si l’on oubliait les traits particuliers de l’histoire personnelle du bâtard – sans lesquels elle n’aurait que peu de signification – et si l’on omettait de prendre en compte les circonstances historiques qui appelèrent la production de cette « légende noire ».
Notes
1 Mme de Motteville, Mémoires, dans Nouvelle collection des Mémoires pour servir à l’Histoire de France, depuis le xiiie siècle jusqu’à la fin du xviiie. Par M. Michaud et Poujoulat, Paris, Firmin Didot, 1838, Tome X, deuxième série, p. 5. Mme de Motteville était née Françoise Bertaut en 1615 [1621 ?], et mourut en 1689. Son père, Pierre Bertaut, était proche du roi Louis XIII et sa mère, de famille espagnole, faisait partie des proches de la reine Anne d’Autriche. C’est sa mère qui présenta Françoise Bertaut à la reine Anne, qui la garda à son service. Du fait de ses origines, elle parlait très bien la langue castillane de même que son frère, François Bertaut, dont nous parlerons ici également. Mme de Motteville appartenait à la suite qui accompagna la Reine mère et le jeune roi Louis XIV jusqu’à l’île des Faisans pour le mariage du roi avec Marie-Thérèse d’Autriche.
2 François Hartog, Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, NRD, Gallimard, 1991 (édition augmentée).
3 « Sin embargo y con mucha frecuencia, las informaciones de las embajadas desbordaban fuera por medios variados: en rumores, conversaciones y cartas particulares, en los periódicos, en pasquines, y avisos, en memorias, relatos de viaje, tratados o descripciones de tal o cual país, redactados por los empleados de los servicios diplomáticos en los textos de propaganda gubernamental […]. Esta interacción entre embajadores, grupos de decisión y el resto de los habitantes de un estado moderno resulta un escenario óptimo para mostrar cómo un imaginario es un instrumento que se emplea respondiendo a unas necesidades precisas y un fenómeno en continuo movimiento », Anna Alvarez López, La Fabricación de un imaginario. Los embajadores de Luis XIV y España, Madrid, Cátedra, 2008, p. 33-34 (« Cependant et de manière fréquente, les informations issues des ambassades débordaient de plusieurs façons : à travers les rumeurs, les conversations et lettres personnelles, dans les journaux, les pasquins, et « avisos », dans les Mémoires, récits de voyage, traités ou descriptions de différents pays, rédigés par les employés des services diplomatiques dans les textes de la propagande gouvernementale […]. Cette interaction entre les ambassadeurs, les groupes de décision, et le reste des habitants d’un État moderne, devient une scène optimale pour montrer la manière dont un imaginaire constitue un instrument que l’on emploi en réponse à certaines nécessités précises et un phénomène en perpétuel mouvement. »)
4 Citons comme exemple l’instruction donnée à l’ambassadeur Villars : « Je vous serai bien obligé, Monsieur, si vous vouliez bien faire faire un état de la cour où vous êtes, de ceux qui occupent les charges principales de la Maison du Roi Catholique et des deux Reines, de ceux qui composent les divers conseils et les charges de secrétaires d’État, des grands qui ont le plus de crédit dans la Cour et de ceux qui peuvent être en passe d’y en avoir… », Arnauld de Pomponne au marquis de Villars, novembre 1679. Marquis de Villars, Mémoires de la cour d’Espagne de 1679 à 1681, publiés et annotés par M. Alfred Morel-Fatio, Paris, Plon, 1903, Introduction, p. 1.
5 Soulignons que nous n’allons pas étudier ici les récits concernant l’affrontement entre Don Juan José d’Autriche et le père Nithard, confesseur de la reine Marianne d’Autriche ; tout d’abord, parce que c’est un conflit interne à la politique de la monarchie hispanique et que les discours que nous trouvons en français relatifs à ce sujet sont surtout des traductions de pamphlets castillans ou des comptes rendus d’événements divers qui circulaient déjà en Espagne à cette époque. En outre, analyser en détail ces récits reviendrait à analyser le conflit lui-même, ce qui dépasse le cadre de notre étude. Nous n’évoquerons donc que très sommairement cet aspect lors de la citation de certains fragments car il est impossible de laisser totalement de côté un fait aussi décisif dans la vie de Don Juan José, fait qui est par conséquent étroitement lié à certains aperçus de sa personne. Pour une étude précise de ce conflit, voir H. Hermant, Guerres de plumes, publicité et cultures politiques dans l’Espagne du xviie siècle, Madrid, Casa de Velázquez, 2012. Concernant la vie politique de Don Juan José de Austria, voir aussi Koldo TRAPAGA MONCHET, « La reconfiguración política de la Monarquía Católica : la actividad de don Juan José de Austria (1642-1679) », thèse soutenue à l’Université Autonome de Madrid, sous la direction du professeur José MARTINEZ MILLAN et du professeur Ana CRESPO SOLANA, 2015 (thèse consultée en ligne).
6 D’après Rosa M. Alabrús, Don Juan avait une véritable « obsession », voulant imiter « les gloires de son homonyme, le héros de Lépante ». Voir Historia de España, siglos xvi y xvii. La España de los Austrias, Ricardo García Cárcel (coord.), Madrid, Cátedra, 2003, p. 388. Voir également Bartolomé BENNASSAR, « Deux grandes carrières de bâtards royaux au temps des Habsbourg d’Espagne », in : Les Cours d’Espagne et de France au XVIIe siècle, études réunies et présentées par Chantal GRELL et Benoît PELLISTRANDI, Casa de Velázquez, Madrid, 2007. p. 77-85.
7 Sebastián de Covarrubias Horozco, Tesoro de la Lengua Castellana o Española, ed. I. Arellano y R. Zafra, Madrid, Iberoamericana-Vervuert, 2006 (nous traduisons).
8 Spurius : faux, fausse (de mauvais aloi). Codex Justinianus : bâtard, e ; illégitime, naturel.
9 Burdo se dit aussi de l’animal né de l’union d’un cheval et d’une ânesse. Voir Covarrubias, op.cit.
10 Dans le même dictionnaire voir la définition de burdel qui viendrait du mot français « bordeau ». Confirmé par le Dictionnaire de Furetière (voir note suivante), « bordeau : lieu de débauche où on fait venir les femmes de mauvaise vie pour se prostituer aux hommes ».
11 François Bluche dans son Dictionnaire du Grand Siècle reconnaît que les termes pour désigner les enfants naturels sont nombreux et remarque qu’en général tous ont une connotation péjorative. Il consacre une entrée spéciale aux bâtards royaux qui seraient, d’après cet article, traités avec plus d’indulgence en Espagne qu’en France : « L’Espagne est plus indulgente encore : les deux Don Juan d’Autriche, le bâtard de Charles Quint et vainqueur de Lépante (1545-1578) et le fils naturel de Philippe IV (1629-1679) furent sans difficulté égalés à des princes du sang » (l’expression « sans difficulté » nous semble néanmoins peu appropriée pour ce qui concerne Don Juan et mérite qu’on lui apporte quelques nuances). F. Bluche, Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, Fayard, 1990. Voir aussi l’épisode rappelé par Lucien Bély dans son livre La Société des princes à propos de bâtards du roi de France ; en évoquant l’enfance de Louis XIII qui se plaisait, d’après son médecin Jean Héroard, à jouer avec ses frères et ses demi-frères, il souligne ceci : « L’infériorité des bâtards est soulignée quotidiennement par les appellations. Ils sont les Féfés : Féfé Verneuil, Féfé Chevalier, tandis que les légitimes sont « mon frère d’Orléans », « mon frère d’Anjou » […]. Verneuil appelle toujours le dauphin « mon maître ». Les bâtards sont des serviteurs », L. Bély, La Société des princes, xvie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1999, p. 47.
12 A. Furetière, Le Dictionnaire universel d’Antoine Furetière contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des Arts. Divisé en trois tomes. La Haye, 1690.
13 M. Ménage, Dictionnaire étymologique de la langue Françoise, édition de A. Jault, Paris, Briasson, 1750. Dans la définition de « bastard » il ajoute : « on a remarqué que la plupart de nos mots terminés en ard donnent une idée méprisable de la chose qu’il expriment ».
14 Marquis de Villars, op.cit., p. 80.
15 J. Calvo Poyato, Juan José de Austria, un bastardo regio, Barcelona, Plaza y Janès, 2002. Voir p. 21 : « fueron fundamentalmente las plumas extranjeras las que señalaron al duque como autor de una posible paternidad. Tal vez fue así porque un asunto tan delicado como ése era más complicado y peligroso de señalar por los propios españoles pues aunque se trataba de un bastardo, podía ser considerado como una afrenta intolerable al soberano » (« ce furent fondamentalement les plumes étrangères qui signalèrent le duc comme l’auteur d’une probable paternité. Il se peut qu’il en fût ainsi parce qu’une affaire aussi délicate était plus compliquée et plus dangereuse à soutenir par les propres Espagnols, car même s’il s’agissait d’un bâtard, cela pouvait être considéré comme un affront intolérable vis-à-vis du souverain »).
16 Mme d’Aulnoy, Relation du voyage d’Espagne, Paris, Klincksieck, 1926, édition établie par M. Foulché-Delbosc, p. 200-201. Voir aussi Mme d’Aulnoy, Mémoires de la cour d’Espagne, Lyon, 1693.
17 « Morel Fatio mentionnant, en 1888, les Mémoires de Mme d’Aulnoy les qualifie de « simple remaniement », en 1893 il écrit qu’ils ne sont « tout simplement qu’une copie et une amplification », et en 1895 il déclare : « Mme d’Aulnoy eut communication en manuscrit, de ce rapport diplomatique, elle le délaya, dramatisa et embellit d’historiettes de son invention, comme on peut s’en convaincre en comparant son récit amplifié à celui de l’ouvrage original ». Les Mémoires de Mme d’Aulnoy ne sont-ils tout simplement qu’une copie et une amplification de ceux de Villars ? Ils sont une copie et une amplification mais ils ne sont pas que cela ». Foulché-Delbosc, op. cit., p. 24-25.
18 F. Bertaut, Relation d’un voyage d’Espagne où est exactement décrit l’Estat de la Cour de ce Royaume et de son gouvernement, Paris, Louis Billaine, 1664, et Journal du voyage d’Espagne contenant une description fort exacte de ses Royaumes et de ses principales villes, avec l’Estat du gouvernement, et plusieurs traités curieux, touchant les Régences, les assemblées des Etats, l’ordre de la Noblesse, la Dignité de Grand d’Espagne, les Commanderies, les Bénéfices et les Conseils, Paris, Denys Thierry, 1669. François Bertaut était le frère de Mme de Motteville, ci-dessus citée.
19 Mss. Ars. Recueil Conrart Tome XVII, 5426, Lettre contenant une Relation de la Cour d’Espagne, fol. 127-133.
20 Mss. Ars. Recueil le Comis, Tome V, 675, Mémoire sur le gouvernement d’Espagne, fol. 236-239.
21 Villars, op. cit., p. 64. Voir aussi Mme d’Aulnoy, op. cit., p. 111 : « Il ne laissoit pas de travailler sous main […] pour se faire reconnaitre Infant de Castille. »
22 Mémoires touchant le mariage de Charles II, Roy d’Espagne avec la princesse Marie-Louise d’Orléans, Paris, C. Barbin, 1681, p. 130.
23 Bertaut, op. cit., p. 43 : « De tous les bastards du Roy d’Espagne, dont il y a grande quantité, c’est le seul qui a été reconnu. »
24 Marquis de Villars, op. cit., p. 81.
25 J. H. Elliot, Olivares (1587-1645), L’Espagne de Philippe IV, Paris, Robert Laffont, 1992, p. 723-724, p. 733. Voir aussi sur ce point Luis RIBOT GARCIA, « La España de Carlos II », in José María JOVER ZAMORA (dir.) Historia de España, Madrid, Espasa Calpe, 1993, t. XXVIII.
26 ”También corre la voz que S.M. con ocasión de esta jornada [de Aragón] quiere reconocer a un hijo que tiene, habido fuera de matrimonio”, lettre du père jésuite Sebastián González à Rafael Pereira, in K. TRAPAGA MONCHET, La reconfiguración política, op.cit. p. 104 « Le bruit court que S.M à l’occasion de cette journée [de Aragon] souhaite reconnaître un fils qu’il a eu en dehors du mariage ».
27 F. Sánchez Marcos, Cataluña y el gobierno central tras la guerra de los segadores (1652-1679), Barcelona, Universidad de Barcelona, 1988 : « el día 21, en la parroquia de los santos Justo y Pastor, fue inscrito sin más nombre ni filiación que Juan hijo de la tierra » (« le 21, dans la paroisse de saint Justo et saint Pastor, il fut inscrit sans autre nom ni filiation que celle de Jean fils de la terre »). Voir aussi Bartolomé BENNASSAR, op.cit., p. 77-76: « A titre de curiosité signalons que la lecture du certificat de baptême de ce Don Juan, célébré le 21 avril 1629 dans la paroisse des saints Justo y Pastor, n’indique pas plus la mère que le père : l’enfant est baptisé comme « Juan hijo de la tierra » à l’instar de tant d’autres enfants naturels. Seuls indices intéressants : l’identité du parrain, don Melchor de Veras, gentilhomme de chambre de Sa Majesté (ayuda de cámara exactement) et de la marraine, doña Luisa María de Ayala (ou Inés) ».
28 A. Brunel, Voyage d’Espagne, curieux, historique et politique, Cologne, Pierre Marteau, 1667, p. 130.
29 Relation des différends arrivés en Espagne entre D J d’Autriche et le Cardinal Nithard, Paris, C. Barbin, 1677, tome II, p. 381.
30 Bertaut, op. cit., p. 43.
31 J. Calvo Poyato, op. cit., p. 28 : « […] cuando a comienzos de octubre de 1643 don Juan abandonó el Escorial adonde habia acudido a visitar a su padre antes de marcharse para Consuegra, donde radicaba la sede de su priorato, se le dieron instrucciones precisas de que no pasase por Madrid […]. En el Memorial Histórico se dice textualmente : Don Juan de Austria partió del Escorial… aunque no vino a Madrid a besar la mano a la Reina y Príncipe, dicen que fue la orden » (« […] lorsque début octobre 1643 don Juan abandonna l’Escurial, où il était allé pour rendre visite à son père avant de partir vers Consuegra, où se trouvait le siège de son priorat, on lui donna des instructions très précises pour qu’il ne passe pas par Madrid […]. Le Memorial Histórico souligne : « Don Juan de Austria partit de l’Escurial […] mais il ne vint pas à Madrid baiser la main de la reine et du prince ; on dit que c’était un ordre »).
32 Marquis de Torcy, Mémoires, Collection de Mémoires relatifs à l’histoire de France, A. Petitot et Monmerqué, Paris, Foucault, 1828, tome LXVII, p. 4.
33 F. Tomás y Valiente, Los validos en la monarquía española del siglo xvii, Madrid, Siglo Veintiuno, 1990, p. 28 : « Por el empleo de la violencia y la coacción […] hay que calificar de golpe de Estado la actuación de los nobles y de Don Juan de Austria » (« En raison de l’emploi de la violence et de la contrainte […] il faut qualifier de coup d’État la conduite des nobles et celle de Don Juan de Austria. ») Voir aussi J. A. Maravall, Teoría española del estado en el siglo xvii, Madrid, IEP, 1944.
34 Mémoires touchant le mariage de Charles II Roi d’Espagne avec la princesse Marie-Louise d’Orléans, Paris, Claude Barbin, MDCLXXXI, p. 5.
35 Villars, op. cit., p. 66.
36 Villars, op. cit., p. 107. Rappelons que Louis XIV avait déjà connu un incident diplomatique semblable en 1661 en Angleterre avec l’ambassadeur espagnol qui n’avait pas voulu céder le pas à l’ambassadeur français D’Estrades. Louis XIV menaça alors l’Espagne, Philippe IV dut s’en excuser et finalement le droit de la France fut solennellement et publiquement reconnu. D’après Lucien Bély, « d’emblée Louis XIV utilisa des querelles symboliques de préséances à l’étranger pour affirmer son rang en Europe », La France Moderne, 1498-1789, Paris, PUF, 1994, p. 402.
37 Barozzi-Berchet, Relazioni degli stati Europei lette al Senato dagli Ambasciatori Veneti nel secolo decimo settimo. Venezia, 1856-1872, vol. 2, Spagna, Federico Cornaro (1678-1681), p. 444.
38 Mme de Motteville, op. cit., chap. XXVI, année 1648, p. 181.
39 J’emprunte cette expression à Alain Hugon qui, dans son livre Naples insurgée, 1647-1648, De l’événement à la mémoire, PUR, Rennes, 2011, p. 31, analyse de manière très précise le rôle joué par Don Juan d’Autriche dans la révolte napolitaine.
40 Mémoires de M. D’Ablancourt envoyé de sa majesté très chrétienne, Louis XIV, en Portugal, contenant l’histoire de Portugal, depuis le traité des Pyrénées de 1659 jusqu’à 1668. Avec les révolutions arrivées pendant ce temps là à la cour de Lisbonne, et un détail des Batailles données et des sièges formés sous les ordres et le commandement du Duc de Schomberg, avec le traité de Paix fait entre les Rois d’Espagne et de Portugal, et celui de la ligue offensive et défensive conclu entre Sa Majesté Très Chrétienne et cette couronne, Amsterdam, chez J. Louis de Lorme, 1701, p. 48. Et p. 84 : « Mais la vanité et la présomption de ce Prince l’empêchaient de rien savoir, il s’occupait pendant ce temps là à se faire recevoir avec faste dans son camp et à marcher le lendemain avec un si grand mépris pour les Portugais et avec une telle prévention de ne rien trouver en son chemin qui osât lui résister qu’il ne chercha point à s’instruire de l’état de ses ennemis […] il continua à mettre le feu partout s’imaginant que cela le rendait plus redoutable. »
41 Ibid., p. 152.
42 E. Bourgeois, Manuel Historique de Politique étrangère, Paris, Belin, 1925, tome 1, p. 72.
43 Le roi de France voulut donner une place plus importante à ses fils légitimés en leur conférant « le droit de régner si les princes de sang royal venaient à disparaître », L. Bély, La France moderne, op. cit., p. 466.
44 Villars, op. cit., p. 79.
45 F. Cornaro, op. cit., p. 445 (nous traduisons).
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Alexandra Testino-Zafiropoulos
Normandie Univ., Unicaen, ERLIS
Alexandra Testino-Zafiropoulos, docteur en Etudes Romanes de l’Université Paris-Sorbonne, est maître de Conférences à l’Université de Caen Normandie depuis 2001. Elle est spécialiste de la civilisation et de la littérature de l’Espagne Classique (XVIe-XVIIe siècles). Après sa thèse qui porte sur les Représentations de l’Espagne en France au XVIIe siècle, du savoir encyclopédique aux récits de voyage, elle a publié plus d’une vingtaine d’articles en français et en espagnol, a co-dirigé le colloque Le Mythe de Rome en Europe, modèles et contre-modèles, dont les actes sont parus aux Presses Universitaires de Caen en 2012, et prépare actuellement un ouvrage sur la traduction en espagnol de l’œuvre de Marcel Bataillon Erasme et l’Espagne, à paraître au Mexique à la fin de l’année 2016.