LES SOURCES DE L’HISTOIRE DU CLIMAT

Comme tout objet d’histoire, l’étude du climat passé s’appuie sur des dépouillements archivistiques. Des fonds d’archives émanant des différentes échelles administratives aux multiples écrits laissés par les témoins du temps, les sources à la disposition des chercheurs sont nombreuses (Garnier, Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 2010).

Les Archives administratives.


La tradition bureaucratique de la France est un atout précieux pour les historiens. Confrontées aux événements extrêmes, les autorités ont eu à prendre des décisions pour venir en aide aux populations et pour mettre en place des politiques de gestion du risque. Parmi ces filons archivistiques, les délibérations municipales renferment de nombreuses informations. Véritables journaux de bord des villes, elles contiennent toutes les décisions prises par les autorités au moment des événements extrêmes, des mesures de sauvegarde des ponts à la réquisition des populations en passant par les secours accordés. Présentes depuis le XVe siècle, elles permettent de comprendre les évolutions des formes de gouvernance du risque au cours des cinq derniers siècles.

Délibération à Nantes, 11 janvier 1765

Transcription

Le procureur du Roy sindic a remontré que l’excessive rigueur du froid qui dure depuis plus d’une semaine ne permet pas de différer d’avantage a faire mettre
du feu dans les places publiques pour les pauvres qui sont sans secours comme il a été souvent pratiqué en semblables occureences sur quoy il a requi qu’on
pris délibération.
Le bureau faisant droit sur la remontrance du procureur du roy sindic a adverti qu’il sera achepté incessament de gros et menu bois par le dis sindic procureur
du Roy sindic pour être brulé das les places publiques en faveur des pauvres qui sont dans les rues et exposés aux rigueurs du froid.

Les écrits du For privé

Journal historique des évenemens arrivés à Alençon depuis 1772 recueillis par le Comte Sieur de Betz, conseiller au présidial

Cette manne archivistique regroupe les écrits des témoins, des mémoires aux journaux ou encore des livres de raison. Dans ces écrits de l’intime, le scripteur recense les événements marquants qui ont trait aux affaires familiales. Ainsi, aux décès, mariages, registres de comptes viennent se mêler inondations, hivers rigoureux et autres phénomènes météorologiques. Il n’est pas rare, pour les écrits émanant de témoins du monde rural, d’y trouver les dates de récoltes des blés ou du raisin. Ces informations rendent possible l’étude des variations saisonnières. Les descriptions minutieuses autorisent quant à elles une restitution fine de l’intensité de l’événement extrême et de ses multiples impacts. De plus, elles permettent également d’appréhender la perception du phénomène par le témoin et de comprendre le rapport entre Dieu, le climat et l’homme.

Les registres paroissiaux


Considérés comme l’apanage des historiens démographes, les registres des baptêmes, mariages et sépultures sont eux aussi mis à contribution pour mesurer l’impact démographique des extrêmes climatiques. Bien souvent ces registres contiennent des digressions sur les événements qui ont marqué la vie de la paroisse. Ces ‘notes historiques’ sont autant de témoignages sur les caractéristiques du phénomène. Là aussi ces informations se révèlent précieuses pour la cartographie d’événements comme les inondations ou les tempêtes.

Transcription

Nota que le vendredy vigntième jour de janvier de l'an de grace mil six cent cinquante et un, les eaux furent tellement
débordées en la rivière de Loire qu'elles couvrurent la plus part des ponts de Nantes jusqu'au Pirmil et montèrent à
telle hauteur quelle couvrirent la pierre qui fait la couverture du benistier qui est à la porte de l'église de Toussaint
tellement qu'elle passairent tout le long des rues de la Sauzaye de grande et petite biese, Vertais et dosdusur et furent
tellement débordées qu'elle emportèrent tout le pont de bys au droit du moulin des chanoines de Nostre Dame qu'ils
avoient fait démolir l'esté dernier pour la rebastir a pierre deux arches du pont de pierre entre la belle-croix et la
magdeleine. Partie du logis et Me Pierre de la Croix notaire Royal situé au bout du pont dudit Pirmil et la fortersse
dudit leiu que la tout de pierre d'ardoize qui estoit au coins tout le bout du pont tomba sur un bateua qui estoit en la
douve et le coula a fonds. Elle fist mille autre ravages dans les logis tout le long des ponts […] or qu'il n'y a point
d'homme vivant qui les aye jamais veu si grande en ces quartier ayant surmonté les grandes eaux de l'année 1615 de
deux grands pieds. La plupart des personnesnt furent contraint de quitter leur maison qui estoit tout noyé en se
réfugiant à Nantes

Les données instrumentales

La révolution scientifique du XVIIe siècle s’est traduite par l’essor des instruments d’observations comme le thermomètre et le baromètre. Dès la fin du XVIIe siècle pour Paris, l’historien dispose de relevés thermométriques, pluviométriques et barométriques continus. Pour le reste du pays, il faut attendre la seconde moitié du XVIIIe siècle avec notamment les travaux d’Henri Louis Duhamel du Monceau, suivis à partir de 1774 des données collectées lors de l’enquête menée par Félix Vicq d’Azyr et Louis Cotte pour le compte de l’Académie Royale de Médecine.

Les données phénologiques

Filon archivistique qui valut à l’histoire du climat d’être considérée comme une annexe de l’histoire rurale, les données phénologiques regroupent l’ensemble des informations sur les phénomènes périodiques de la nature (dates de vendanges, moissons, bourgeonnement, épiaison…). Parmi celles-ci, les dates de vendanges sont considérées comme un indicateur fiable des conditions atmosphériques de la période comprise entre avril et août. Les dates de vendanges reposent également sur le facteur anthropique. Il importe donc de contextualiser ces séries à l’aune des événements politiques et économiques qui ont pu avoir un rôle dans l’anticipation ou le retard des récoltes (Garnier, Climatic Change, 2011).