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9° région des plaines du Nord ou du Mérinos (suite)

Comme la Brie et la Picardie, l’Île-de-France et le Vexin français présentent de vastes plaines dans lesquelles le voyageur ne distingue souvent, en été, que la verdure des prairies artificielles et des betteraves destinées à alimenter des distilleries, l’azur du ciel et les vagues d’or du blé bleu ou blé de Noé, du blé rouge d’Ecosse, du blé chiddam, de l’avoine de Brie et de l’orge Chevalier, qu’on y cultive avec succès, signes certains de la richesse d’une contrée agricole heureuse et prospère. L’Île-de-France et la Brie doivent les récoltes productives qu’elles obtiennent chaque année aux fortes fumureset aux engrais complémentaires : phosphate de chaux, guano, etc. qu’elles répandent avant les semailles d’automne ou de printemps, et aux excellentes façons qu’elles exécutent avec un matériel agricole perfectionné et bien choisi. Ces contrées vendent aisément les foins de luzerne et de sainfoin et les pailles qu’elles récoltent en abondance et trouvent facilement à acheter chaque année de grandes masses de fumier.

L’Île-de-France renferme aussi des vignobles, mais les vins qu’on y récolte n‘ont plus les qualités qu’ils possédaient au XIIIe siècle, et qui ont permis à Henry d’Andely de les placer au-dessus des vins de l’Orléanais et de la Bourgogne. Toutefois, si les vignes des coteaux de Suresnes, d’Argenteuil, de Marly, etc. produisent des vins un peu aigrelets et sans bouquet, les vignes de ‘Thomery et de Conflans-Sainte-Honorine fournissent de très-beaux raisins, que l’on vend en France et à l’étranger sous le nom de chasselas de Fontainebleau.

La petite culture des environs de Paris est très-prospère ; elle fournit des légumes : asperges, artichauts, petits pois, haricots verts, etc., qui sont moins précoces mais qui ont plus de fraîcheur sur les marchés que les produits horticoles expédiés par les jardiniers d’Amiens, de Roscoff, d’Angers, de Niort, de Bordeaux et de Perpignan. Les eaux des égouts de Paris servent à fertiliser la vaste plaine silico-graveleuse de Gennevilliers, qui appartient à la petite culture et qui augmente chaque année en fécondité. Les fraises récoltées à Clamart, Fontenay-aux-Roses, etc., ont certainement plus de parfum que celles qui sont envoyées de Bordeaux ou de la plaine d’Hyères. La culture du cresson de fontaine occupe de grandes surfaces sur les confins de la Picardie. La culture du champignon se fait en grand dans les anciennes carrières à Chaville, Triel, Montrouge, etc., et la vallée de Montmorency et la vallée de la Seine produisent annuellement de grandes quantités de cerises, de groseilles et de prunes de reine-Claude. Les cerisiers sont aussi très-nombreux dans l’Auxerrois. Les marais légumiers de Paris sont admirablement cultivés, et la culture des fleurs a une grande importance dans les départements de la Seine et de Seine-et-Oise. Enfin, la poule de Houdan, si appréciée pour ses diverses spécialités, est très-répandue dans les fermes du Hurepoix, du Mantois, du Thimerais et du pays Chartrain, contrées où la grande culture a beaucoup d’importance, ainsi que la race mérinos pure ou croisée avec la race dishley. C’est à Rambouillet qu’est située la bergerie nationale dans laquelle on conserve pure, depuis 1786, la race ovine mérinos.

Les forêts appartenant à la région des Plaines du Nord sont fort belles. La forêt de Fontainebleau, la forêt de Saint-Germain-en-Laye, la forêt de Rambouillet, etc., rappellent, par les beaux arbres qu’elles possèdent, les remarquables forêts de Compiègne et de Villers-Cotterets, qui appartiennent à la région du Nord-Ouest. Ces grands bois, avec leurs superficies accidentées, rendent moins uniformes les plaines et les plateaux qui dominent les charmantes vallées de Chevreuse et de l’Eure, les verdoyantes vallées de la Juine, de l’Essonne, de l’0rge, du Morin et du Loing.

Les plaines de la Brie, de la Beauce et de l’Île-de-France sont, sans contredit, les localités où l’agriculture rapporte le plus de profits à ceux qui s’y adonnent. Ce succès, dont personne ne peut nier la véracité, prouve qu’on peut faire de l’argent avec l’agriculture quand on sait coordonner un système de culture avec la position dans laquelle on est placé. Peu de cultivateurs, dans les départements qui avoisinent Paris, échouent dans leurs entreprises. C’est qu’ils réfléchissent toujours avant d’adopter une spéculation, un procédé agricole ; c’est qu’ils se tiennent au courant des découvertes faites par la science agricole ; c’est qu’ils ont, enfin, des rapports fréquents avec les hommes qui étudient et comparent les faits pour en déduire des conséquences pratiques.

Certes, avec le concours et les lumières de la science, l’agriculture continuera inévitablement de progresser dans toutes les régions. Alors notre pays, l’un des plus favorisés de l’Europe sous le rapport du climat, puisqu’il est situé sous des latitudes tempérées et très-favorables à la croissance de toutes les plantes qu’on peut cultiver entre le 42e et le 51e degré, n’aura rien à envier aux autres puissances ; alors aussi nous pourrons répéter cette parole, déjà ancienne, mais vraie: « La France est bien le plus beau royaume après celui du ciel ! »

 

Paris, le 25 juin 1870

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