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Les meules et les chaumes

Les meules

Après avoir été sassée, la paille est confiée à des maçons-pailleurs qui en font une meule longue, plus large et moins haute que celle qui provient de la moisson à la moissonneuse-lieuse, qu’ils recouvrent d’une boue argileuse pour la préserver des moineaux, des intempéries hivernales et du sirocco (Joseph Fuster, Gilbert Berthet). Dans les hauts plateaux constantinois, on répand dessus un mortier fait de paille et de terre, le même que celui qui sert à faire des parpaings (toubé en arabe) avec lesquels sont construits les maisons d’une seule pièce des khammès, c’est-à-dire les métayers 28 (Robert Hugonnot).

Les chaumes

Les nomades du sud de l’Algérie transhument l’été vers les hautes plaines, particulièrement dans le Sersou, déplacement qu’ils appellent l’achaba (achab signifiant « herbe poussant après la pluie »). Après plusieurs escarmouches avec les premiers colons qui occupaient ces zones de pacage traditionnel, il a bien fallu les autoriser à laisser paître leurs troupeaux (moutons, chèvres, chameaux) sur les chaumes des colons. Ce sont ces chameliers qui ont assuré en premier lieu le transport des céréales vers les gares les plus proches et fourni une partie de la main-d’œuvre 29. Chez Robert Hugonnot, c’est le même caravanier qui vient de Biskra chaque année avec sa famille, ses chameaux et son troupeau de moutons pour glaner. Le produit de ce glanage est battu sur l’aire du propriétaire qui lui fournit 4 mulets pour le dépiquage, cette petite récolte étant ensuite vannée à la main et nettoyée au tarare. En échange, le caravanier offre une caisse de 25 kg de dattes. Pendant ce temps, ses moutons sont mêlés à ceux de la famille Hugonnot et à ceux de leur khammès pour finir de nettoyer les chaumes, hauts d’environ 20 cm, avant le déchaumage à la charrue à 5 socs tirée par des bœufs. Mais sur d’autres exploitations, comme celle de Joseph Fuster, les troupeaux nomades n’ont pas le droit de s’aventurer sur les chaumes. Seuls, les Algériens pauvres de la région sont autorisés à glaner.


28. Employés à l’année, les khammès reçoivent 1/5 du poids de la récolte totale. Ce régime du khammessat, préexistant à la colonisation, est pratiqué par la majorité des grands et moyens propriétaires. Il sera supprimé officiellement en 1956 : SCHNETZLER, 1981, p. 168 ; MOLLARD, 1950, p. 32 ; FRISON, 1955, p. 24.

29. Burdeau-Sersou…, 1996, p. 110 et 114.

lien: 
oui
titre de l'exposition: 
machinisme colonial