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3° région du Nord-Est ou du houblon

La région du Nord-Est est aussi très-mouvementée. Dans les parties véritablement montagneuses, on ne connaît pour ainsi dire que deux saisons : l’hiver et l’été. C’est à peine si le cultivateur s’aperçoit du printemps et de l’automne. Durant l’été, la température y est régulière, mais, pendant l’hiver, les froids y sont rigoureux et accompagnés de neiges épaisses, qui séjournent sur la terre durant plusieurs mois. Les pluies n’y sont ni très abondantes ni continuelles, mais les orages y sont fréquents, ainsi que la grêle.

Il serait triste de penser que ces contrées si pittoresques ne sont pas de véritables localités agricoles. La nature ne s’abandonne pas toujours à ses caprices, et sous la main du Vosgien et de l’Alsacien intelligent tout fleurit et s’épanouit, et on commettrait une faute si on regardait comme un mal les frimas qui sévissent annuellement dans la région. Loin de là : le froid de l’hiver est toujours, pour l’babitant de l’Alsace, de la Lorraine, des Vosges et des Ardennes, un heureux présage.

La région du Nord-Est est riche en beautés de toute espèce. Les bords riants de la Meuse et de la Moselle rivalisent avec les rives du Rhône et de la Loire ; les Vosges, avec leurs vertes montagnes, leurs fraîches vallées, leurs forêts séculaires et leurs beaux lacs, peuvent être comparées aux plus charmants paysages des contrées alpines ; la vallée du Rhin présente une scène continuelle de richesse infinie, et on y admire de magnifiques récoltes de tabac, de chanvre et de maïs, qui se marient très-agréablement aux cultures de garance et de houblon.

La Lorraine est étendue. On y observe des plaines, une suite de collines plus ou moins élevées, des vallons arrosés par des eaux vives et des montagnes ou, pour mieux dire, des contre-forts de la chaîne des Vosges. La plaine de Nancy est encadrée de coteaux qui sont boisés au sommet, et sur les versants desquels existent de nombreux vignobles. La plaine de Lunéville et la plaine de Toul sont productives, et elles se couvrent chaque année de riches cultures de céréales. La plaine de Sarrebourg est la plus pauvre, parce que son sol est sablonneux et froid ; elle est dominée par les montagnes boisées des Vosges. La vallée de la Meuse est bordée de charmants coteaux couverts de vignobles, mais qui produisent des vins de qualité médiocre. La vaste plaine de Voëvre est en partie couverte de forêts dans lesquelles le chêne est l’essence dominante. Les prairies, dans la plupart des vallées et surtout dan les vallées de la Meuse et de la Meurthe, fournissent annuellement une abondante récolte de foin.

Le sol des Vosges est beaucoup plus accidenté ; il est entremêlé de plaines, de coteaux, de vallées, de ballons imposants et de majestueuses forêts. Les vallées, qu’arrosent des cours d’eau paisibles et limpides, sont tantôt assombries par les sapins, tantôt égayées par les paysages si pittoresques qu’on y admire à chaque pas. La plus poétique est sans contredit la Vallée de Massevaux. Les collines sont charmantes ; les vertes prairies qui les décorent sont émaillées de fleurs et ornées d’habitations. Ces collines sont pour la plupart couronnées de forêts dans lesquelles parfois le chêne, le hêtre et le sapin prodiguent leurs contrastes de verdure. Quiconque est fatigué par la chaleur du jour et aime l’ombre et la verdure trouve un charme infini à parcourir ces immenses forêts, dont les sentiers sinueux sont souvent rendus peu accessibles par les roches, les broussailles et les neiges, qui persistent encore sur les hauteurs quand la verdure, au printemps, resplendit dans les vallées, ou qu’elle pare de nouveau les belles prairies de la vallée de Saint-Dié ou de la plaine de Remiremont. Les lacs, et principalement ceux de Gérardmer et de Fondromé, sont remarquables par leurs eaux limpides et tranquilles et les bois sombres qui les encadrent. La profonde vallée du val d’Ajol est délicieuse lorsque les merisiers sont en fleurs, et qu’ils forment des guirlandes d’une blancheur éclatante sur les coteaux, ornés d’un riche gazon.

Les montagnes vosgiennes séparent l’Alsace de la Lorraine. Du sommet de ces élévations, l’Alsace ressemble à un jardin entrecoupé d’une multitude de collines, de champs, de prairies, de vignes, de bois et de villages. On y admire, en effet, de riants vallons, de verdoyantes prairies, de riches moissons, puis la flèche du Munster, qui se détache comme un rayon d’or sur l’azur du ciel, et derrière laquelle apparaissent les lignes vaporeuses du Rhin et les crêtes lointaines de la forêt Noire.

Les plaines de Nancy et de Lunéville sont aussi florissantes et fertiles ; on y récolte du blé, un peu de maïs, du colza et du houblon. Les coteaux de Saint-Dié, d’Épinal et de Remiremont sont très-verdoyants, grâce aux effets d’irrigations parfaitement entendues ; les grèves stériles des environs d’Épinal ont été converties en riantes prairies arrosées par les travaux persévérants des frères Dutac ; les environs de Rambervillers présentent de belles houblonnières, et les parties inférieures des Vosges sont couvertes de merisiers, dont les fruits servent à fabriquer le kirschwasser. On rencontre aussi dans les Vosges de nombreuses féculeries et scieries mécaniques.

Mais ces divers produits ne sont pas les seuls que récolte l’agriculteur de la région du Nord-Est. A côté de ces importantes productions se rangent : les choux pommés, avec lesquels on fabrique la choucroute ; le topinambour, qui remplace la pomme de terre dans les terres sablonneuses des environs de Brumath ; le fromage de Gérardmer, si curieux par son mode de préparation et la graine qui sert à l’aromatiser ; les prunes couestches, que l’on convertit en pruneaux de Lorraine ; les intéressantes cultures horticoles de Metz et de Pont-à-Mousson ; les confitures de Bar ; les excellents chevaux lorrains ; lesfromages de Void et les fromages de Brie, qu’on fabrique très en grand dans le département de la Meuse ; enfin les hautes vignes échalassées qui fournissent, en Alsace, les vins secs du Rhin, leMolsheim, le Wolxheim, les vins gentils de Guebwiller, et de Riquewhir,. et les vins paille de Colmar. Les vignes très-rapprochées les unes des autres qu’on rencontre dans la Lorraine produisent des vins qui n’ont ni l’arome, ni le moelleux, ni le corps des vins de Bourgogne. Le plus recherché est le Vin de Thiaucourt.

Les Ardennes se divisent en trois régions distinctes. La zone septentrionale on schisteuse est hérissée de montagnes boisées ou décharnées et de gorges très-profondes, resserrées et très-pittoresques ; c’est la partie la moins agricole. La zone centrale, appelée la région des beaux sites, est la plus productive ; elle forme un grand plateau entrecoupé par les défilés de l’Argonne, et elle renferme de nombreux gisements de nodules de phosphate de chaux, des mines de cendres pyriteuses et d’importantes cultures d’osier. La région sud-ouest ou calcaire présente des plateaux ondulés qui manquent de fraîcheur pendant la belle saison ; on y rencontre de grands troupeaux de bêtes à laine et de nombreux massifs de pins sylvestres et de bouleaux.

lien: 
oui
nom ouvrage: 
La France agricole