Gustave-Adolphe Duranti de Lironcourt nait le 17 juin 1743 à Neufchâteau dans les Vosges. Il est le fils d’Antoine-Jacques Duranti de Lironcourt et d’Anne-Perrine de Rameru. Son père fut consul de France au Caire en 1746, inspecteur du commerce du Levant en 1749 et consul de France à Lisbonne en 1754. Orphelin à douze ans, il bénéficie de la protection du duc de Nivernais qui le recommande auprès de Madame de Pompadour et du roi Louis XV. Ayant le goût des voyages et de la mer, il s’engage comme garde de la Marine le 31 mai 1758.
La guerre entre la France et l’Angleterre ayant été déclarée le 9 juin 1756, Duranti de Lironcourt embarque à Toulon, le 5 août 1759, à bord du vaisseau le Lion de 64 canons. Ce vaisseau fait partie de l’escadre de Jean-François de Bertet de la Clue-Sabran, devant rallier le port de Brest avec 12 vaisseaux et trois frégates. Toutefois, Duranti de Lironcourt rallie le port de Cadix le 18 août 1759, ainsi, il ne participe pas à la désastreuse bataille de Lagos contre le contre-amiral Edward Boscawen. Il participe ensuite aux expéditions répressives contre les barbaresques, et embarque le 16 mars 1765 sur la frégate de 23 canons la Gracieuse, faisant partie de la division du chef d’escadre Louis-Charles du Chaffault de Besné. Il prend part au bombardement de Salé, le 11 juin 1765, puis le 25 juin 1765, l’escadre se présente devant Larache et lors des combats que s’ensuivent, le 28 juin, Duranti de Lironcourt est blessé. Le 27 novembre 1765, il est nommé enseigne de vaisseau, puis premier sous-aide major d’artillerie, le 1er janvier 1770, et aide-major au régiment de Marseille, le 1er mai 1772.
Du 19 mai au 14 novembre 1772, il navigue en Méditerranée à bord du chébec du roi le Singe. Il est nommé, le 1er janvier 1775, lieutenant en premier le 24 mars 1776, puis il est attaché au détail de l’artillerie le 23 décembre 1776. Duranti de Lironcourt reçoit la croix de Saint-Louis en 1775 et il est nommé lieutenant de vaisseau le 4 avril 1777. Toutefois, sa santé ne lui permettant plus de servir à la mer, il est nommé commissaire du roi pour la Marine et le commerce à Amsterdam, par un brevet du 14 avril 1777. Le 18 novembre 1779, Duranti de Lironcourt est nommé membre adjoint de l’Académie royale de marine. Le 1er mai 1786, il reçoit une commission de capitaine de vaisseau. Avec la Révolution, sa situation d’aristocrate éveille des méfiances et dès la chute de la royauté, la commission exécutive révoque Duranti de Lironcourt et le remplace par le républicain Daudibert-Caille, le 1er novembre 1792. Alors qu’il se prépare à rentrer en France, Duranti de Lironcourt est frappé par une attaque cérébrale et meurt à Amsterdam le 3 novembre 1793, à l’âge de cinquante ans.
Sur le plan privé, Duranti de Lironcourt épouse, le 30 septembre 1779, Marie-Louise Borel de Bretizel et de Favencourt, issue de la vieille noblesse picarde. Il achète le 13 avril 1785 la terre de Viefvilliers et le fief de Carrouges en Picardie. À ce titre, il participe en 1789 aux assemblées de la noblesse tenue à Beauvais. En 1793, Duranti de Lironcourt étant soupçonné de soutenir la cause des émigrés, les scellés sont opposés sur son château de Viefvilliers, celui-ci est finalement acheté par Pierre Allard, notaire à Cormeilles et ancien régisseur du domaine.
Durant son séjour aux Pays Bas, Duranti de Lironcourt envoie à Versailles plusieurs mémoires sur le commerce international et le échanges entre les Pays-Bas et Cayenne, tels Le précis sur la place de commissaire du Roi pour la Marine et le Commerce de France à Amsterdam (1779) ou le Mémoire sur le commerce des toiles (1783). Mais son ouvrage le plus connu est son Instruction élémentaire et raisonnée sur la construction pratique des vaisseaux en forme de dictionnaire, publié par ordre du secrétaire d’État à la Marine Pierre étienne Bourgeois de Boynes. Dans sa préface, Duranti de Lironcourt présentent les objectifs pédagogiques de son ouvrage, avant tout destiné aux jeunes marins et aux élèves ingénieurs-constructeurs de vaisseaux. Mais ce manuel s’adresse aussi et surtout aux gardes de la Marine qui « doivent un jour être appellés pour donner leur avis dans des Conseils de Construction ». Ces « Conseils de Construction » réunissent les premiers officiers et ingénieurs-constructeurs, chargés entre autres, d’examiner les plans et devis des futurs vaisseaux du roi.
Les élèves officiers ne pouvant s’instruire directement sur les chantiers et dans les arsenaux, Duranti de Lironcourt leur propose donc un ouvrage où ils trouveront les principes généraux et les détails de la construction des vaisseaux. Duranti de Lironcourt s’est principalement inspiré des Élémens de l’architecture navale de Duhamel du Monceau, dont la deuxième édition est publiée en 1758. Ce traité, consacré à la théorie et à la pratique de la conception des carènes et de la construction des vaisseaux, est essentiellement destiné aux élèves constructeurs des vaisseaux du roi. Mais Duranti de Lironcourt ne s’est pas contenté d’une connaissance livresque, car il a aussi fréquenté les chantiers de construction afin d’acquérir des connaissances pratiques sur l’architecture des vaisseaux. Son ouvrage, bien qu’il soit organisé selon un ordre alphabétique et non selon la logique de la construction d’un vaisseau, se démarque des dictionnaires habituels par le fait qu’il ne comporte aucune définition. Par ce choix lexicographique, l’ouvrage s’attache à décrire les différentes pièces de charpente qui compose un navire, en détaillant leur fonction et leur emplacement. Pour autant, il ne s’agit pas d’un traité d’architecture navale, mais bien d’une œuvre pédagogique destinée aux gardes de la Marine, afin de leur enseigner les principes de base de la construction des vaisseaux qu’ils auront à commander pour être à même d’en diriger la manœuvre..
Apprécié lors de son service à bord des vaisseaux, Duranti de Lironcourt est perçu comme un officier instruit et appliqué. De même, dans ses fonctions de Commissaire du roi en poste à Amsterdam, il est estimé pour son zèle et son esprit. Ces qualités se retrouvent dans son ouvrage, où l’on décèle son esprit d’analyse et de synthèse qui lui a permis de rédiger des descriptions claires et précises, compréhensibles par des personnes encore peu au fait des techniques de construction navale.
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », telle fut la devise de Duranti de Lironcourt !
Michel Daeffler
Orientation bibliographique : Anne MÉZIN, Les consuls de France au siècle des Lumières (1715-1792), Paris, Ministère des Affaires Étrangères - Direction des Archives et de la Documentation, 1997, 974 p. ; Jean-François MICHEL, « Gustave-Adolphe Duranti de Lironcourt (1743-1793) », La Nouvelle Revue Lorraine, n° 52, 2019, p. 35-37.