Johann Heinrich Paasch est le né le 7 janvier 1835 à Dahme, sur la côte nord-ouest de la baie de Lübeck. Doté d’une mémoire exceptionnelle et d’une grande facilité de compréhension, son humble condition sociale ne lui permetde fréquenter l’école que pendant les mois d’hiver. Dès l’arrivée des beaux jours, il seconde son père à bord d’un modeste bâtiment, commerçant avec les différents ports de la baie de Lübeck. Malheureusement, en 1848, son père est emporté par la mer et son fils, qui n’a que 14 ans, réussit à ramener le navire au port. Il navigue par la suite sous divers pavillons, allemands, hollandais, américains, de la Baltique à la mer de Chine. Capitaine à l’âge de 27 ans, il commande des navires de commerce russes basés à Kronstadt à destination des Indes Orientales. Il se marie le 21 septembre 1864 avec Claudine Eyler, fille du pasteur de Grube. Après ses noces, elle suit son époux à Kronstadt et l’accompagne à bord des navires qu’il commande. En 1871, Paasch abandonne le long-cours et le couple s’installe à Anvers. Ce dernier se reconvertit en expert maritime auprès de la prestigieuse Lloyd’s Register of Shipping entre 1873 et 1898. En 1898, son intérêt pour la marine marchande le pousse à publier avec deux entrepreneurs anversois un manifeste intitulé Considération sur la rénovation de la marine marchande en Belgique, plaidant pour une politique maritime ambitieuse en Belgique. Les trois associés se proposent même pour créer une compagnie maritime, qui, cependant, ne verra pas le jour. Heinrich Paasch, non content de s’impliquer dans le développement de la marine marchande de son pays, est également un philanthrope qui effectue des généreuses donations à Dahne, sa ville natale ainsi qu’à Grube.
En 1885, le capitaine Paasch publie un volumineux dictionnaire De la quille à la pomme de mât. Contrairement aux autres dictionnaires de marine, l’ouvrage est organisé de façon thématique plutôt que selon un ordre alphabétique et s’adresse avant tout aux différentes professions liées au milieu maritime. De cette manière, chaque spécialiste peut trouver des informations sur des sujets qu’il maîtrise mal. De plus, afin de pallier aux nombreuses erreurs de traduction relevées par Paasch dans divers dictionnaires de marine, dès la première édition, son dictionnaire est trilingue et donne les équivalents en anglais, français, allemand. Paasch est également soucieux d’améliorer son ouvrage en l’adaptant régulièrement au progrès technique. Ainsi, la terminologie de la turbine à vapeur fait son apparition dans l’édition de 1901. De la quille à la pomme de mât devient rapidement un ouvrage de référence et pas moins de 10 000e exemplaires sont imprimés et vendus du vivant de l’auteur.
Heinrich Paasch s’éteint le 26 mars 1904 alors qu’il travaille à la quatrième édition de son dictionnaire qui est publié en 1908, en cinq langues : anglais, français, espagnol et italien. Une cinquième et dernière édition paraît en 1937 par la Société d’éditions géographiques maritimes et coloniales. Si les nouveaux auteurs ont conservé la partie consacrée à la défunte marine à voile, ils ont en revanche intégré des nouveautés techniques tel que le moteur diesel. Le dictionnaire n’est pas remis à jour après la Seconde Guerre mondiale, mais il demeure un ouvrage de référence incontournable, source d’inspiration pour plusieurs dictionnaires de marine multilingues. L’ouvrage majeur du capitaine Paasch est à présent devenu un monument tant auprès des spécialistes d’histoire maritime que des bibliophiles : il a fait son entrée dans le patrimoine immatériel maritime au même titre que le dictionnaire d’Aubin ou l’Hydrographie du Père Fournier.
Michel Daeffler
Orientation bibliographique : M. VAN CAMPENHOUDT, Un apport du monde maritime à la terminologie notionnelle multilingue : étude du dictionnaire du capitaine Paasch De la quille à la pomme du mât (1885-1901), Thèse de doctorat en sciences du langage, Université de Paris 13, 1994, 2 vol. ; M. VAN CAMPENHOUDT, « De la quille à la pomme de mât : le capitaine Paasch, sa vie, son œuvre », Le Chasse-Marée, n° 94, 1996, p. 24-33.