English versionDes attentes sociales pour une histoire du loup
Alors que le monde connaît une érosion de la biodiversité, la « réapparition » d'espèces animales comme le loup fait débat en Europe. Aujourd'hui cruciale dans plusieurs zones montagneuses, où le retour du loup interpelle directement les éleveurs, la question concerne une aire territoriale en extension. À cette occasion, des débats quelquefois violents se réfèrent au passé pour justifier - ou contester - la place que l'on souhaite accorder au grand prédateur. En France, où la densité des loups a longtemps été très importante et où la confrontation avec l'homme a été parfois violente, le retour de l'animal s'effectue dans un contexte original : après trois quarts de siècle d'absence, l'habitude de vivre au contact du loup a disparu et, avec elle, toute source de conflictualité.
Le loup semble bénéficier d'un retournement d'opinion, conforté par l'intérêt récent porté à la biodiversité, par l'inversion de son statut juridique et surtout par un rapport à l'environnement très différent de celui des siècles passés : d'espèce nuisible c'est désormais un animal protégé dans un environnement menacé. Sur tout le territoire, la désorientation est si grande qu'elle en vient à compliquer l'action des pouvoirs publics. Dans les espaces que le loup recolonise en France depuis 1992, le sujet est d'autant plus sensible qu'il concerne directement des filières professionnelles souvent fragilisées par le contexte économique jusqu'à susciter de véritables drames humains. Il ne l'est pas moins ailleurs en Europe comme en Espagne, en Italie ou en Roumanie où la gestion du prédateur, dont les effectifs sont bien supérieurs, reste délicate.
Or il renvoie à un héritage historique fort complexe dont l'inventaire scientifique reste à faire. Dans le débat actuel, parfois assez vif, des éléments épars du passé, dépourvus de contextualisation spatio-temporelle sont mis au service d'une compétition entre pro et anti loups pour imposer un point de vue et soutenir ainsi des intérêts particuliers. Il en découle une série de malentendus qui perturbent les politiques actuelles d'aménagement.
