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Actes notariés, hospitaliers et judiciaires
Les registres hospitaliers
Sources judiciaires : les battues au loup
Les registres hospitaliers
Parmi les victimes des attaques, beaucoup n'étaient que blessées.
Lorsque les blessures étaient assez vives pour justifier une intervention
chirurgicale ou des soins spécialisés, une admission dans
les structures hospitalières s'imposait. De fait, l'examen des registres
hospitaliers fait apparaître des morsures ou des blessures
attribuées à des loups. Traces fugitives qu'il importe de
relier aux autres sources documentaires mais qui présentent un avantage
essentiel : elles permettent de saisir individuellement une population
de victimes qui a pu survivre assez couramment aux attaques. À cet
égard, on pourrait y retrouver aussi bien les conséquences
des loups enragés qui commettaient des blessures généralement
redoutables.
Archives communales et registres notariés
À l'échelon local, les archives communales et notariales
peuvent offrir aussi des comptabilités. Indirectement, elles signalent
les risques engendrés par la présence du loup, mais plus souvent
sur le bétail des communautés que sur les personnes elles-mêmes.
Faut-il s'en étonner ? D'une part, les ravages sur les animaux
domestiques étaient infiniment plus courants et ils étaient
le fait de tous les loups « ordinaires » alors que
l'anthropophagie ne tenait qu'à des bêtes au comportement très
particulier. D'autre part, le bétail constituant une part essentielle
de la richesse des campagnes, il est clair que les notaires ou les consuls
avaient pour mission de protéger cette matière imposable et
d'en signaler les pertes éventuelles. Toutefois, on y trouvera des
actes qui nous intéressent directement. Les motivations qui dictent
les battues, au sein des communautés ou des justices seigneuriales,
évoquent parfois les décès dûs aux loups. Enfin
les tabellions avaient l'usage d'enregistrer une multitude d'actes civils
dont seule le dépouillement des liasses peut donner une idée.
Il leur arrivait d'enregistrer des déclarations collectives.
À titre d'exemple, la couverture d'un registre notarié de
Béville-le-Comte (Eure-et-Loir) détaille la liste des enfants
dévorés par les loups en plein cœur de la Beauce.
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Attaques de loups consignés par notaire (1651)
Source : Arch. dép. Eure-et-Loir,
2 E 5, 3e de couverture du registre
Onze enfants dévorés par les loups d'après
le notaire de Béville-le-Comte
L'an mil six cent cinquante un, le samedi dixeme juin sur les deux
heures après midi entre le moulin de Luet et proche le village
de Béville dans le chemin fut desvoré par deulx loups
un enfant masle, fils de Fiacre Besnard, de Luet, âgé
de 9 à 10 ans.
Le jour de jeudi dernier, feste du Saint-Sacrement [8 juin], fut
dévoré un autre enfant par un loup au village d'Oconville
[Occonville, paroisse du Gué de Longroy].
Le dimanche XI juin 1651 fut desvoré un enfant par les loups
dans le village d'Ymeray.
Au mois d'avril dernier fut dévoré un autre enfant
par un loup proche la Croix de Housville
L'an passé [1650] fut aussy desvoré un enfant par
le loup proche le village d'Adonville [paroisse de Denonville],
un autre près de Manterville, un autre à Ymeray, âgés
de chacun 8 ou 9 ans
Plus a esté fait grande destruction de bestial par lesdits
loups en ces quartiers.
Un autre enfant de Bernard Leloup dévoré proche Occonville
le jeudi 22 juin 1651
Un autre enfant de Lubin Marie, proche de Monceau Saint-Jean le
23 juin 1651 fut dévoré par un loup
Un autre à P(..) nne le 24e juillet
1651.
Un autre, fille de Michel Martin, âgée de 9 ans, à
Occonville le premier aoust 1651. |
Sources judiciaires : les battues au loup
La décision d'autoriser les hommes à se réunir et
à s'armer pour lutter contre le loup incombait aux autorités
publiques. L'administration des Eaux et forêts y veillait jalousement.
A l'échelle locale les seigneurs haut-justiciers autorisaient ces
rassemblements notamment lorsque la sécurité des personnes
était menacée par les attaques de certains loups.
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Battue aux loups suite à des attaques sur l'homme
autour de Pont-de-Vaux en 1748
Source : Arch. dép. Ain, 5B 246
Réquisitions et ordonnance pour la chasse aux loups du 7e
(septem)bre 1748.
Publié et affiché dans toutes les paroisses le dimanche
8e dud(it).
Lad(ite) chasse a partout été faite le dimanche 15
dud(it).
Monsieur,
Monsieur le juge ordinaire civil et criminel du duché de
pont de vaux Baronnie de St Jullien et membres en dépendant.
Remontre le procureur fiscal desdits duché et Baronnie.
Qu'il vient d'être informé que les loups se sont répandus
dans toutes les paroisses de cette juridiction, qu'ils y causent
de grands ravages, ont fait périr une jeune fille d'environ
15 ans à Arbigny ont attaqués plusieurs personnes,
et ont enlevé et enlèvent journellement partout des
moutons et brebis en grande quantité. Ils paraissent si affamés
qu'ils sortent des bois et rodent autour des maisons en plein midi,
sans s'intimider des cris que l'on fait sur eux, en sorte qu'il
convient de faire faire des chasses pour la destruction de ces bêtes
féroces et pour la tranquillité des habitants desdites
paroisses, et à cet effet requiert.
Qu'il vous plaise, Monsieur, ordonner qu'il sera faite une chasse
générale dans toutes les paroisses de cette juridiction
le dimanche quinzième de ce mois, jour plus convenable aux
gens de la campagne par rapport à leurs ouvrages pressants.
Qu'à cet effet les habitants de chaque communauté
s'assembleront sous peine de 3 livres 5 sols d'amende contre chacun
des non comparants. Le dit jour à l'issue de la première
messe, que Messieurs les curés seront invités de dire
le plus matin que faire se pourra. Que lesdits habitants fourniront
sous pareille peine pour témoins un homme par chaque feu
pour aller à ladite chasse et faire ce qui leur sera précisé
et commandé par ceux qui seront préposés à
la direction de ladite chasse. Que ceux qui se trouveront avoir
des fusils et pistolets s'en armeront, et les autres de hoyaux et
de tridents. Que pour que les uns et les autres puissent s'y préparer
copies de votre ordonnance seront envoyées pour les faire
publier et afficher demain jour de Dimanche à l'issue de
la messe paroissiale de chaque communauté. Qu'il sera donné
du plomb et de la poudre à ceux qui auront des armes à
feu. Que défenses leurs seront faites de tirer à bois
et feuilles branlantes, et à autres bêtes qu'aux loups
et aux renards sous peines portées par les ordonnances et
en outre des amendes arbitraires suivant l'exigence des cas et pour
qu'il en puisse être verbaliséles préposés
qui n'auront pas serment en justice le prêteront. Et que vôtre
ordonnance sera exécutée par provision nonobstant
appel ou opposition et sans y préjudicier.
Signé Morand, procureur fiscal |