Séance du 8 avril 1788
Séance tenue le mardi ― 8 avril 1788 2 Rue de Grammont. M. Clavière, président.
- Le marquis de La Fayette
- Le duc de La Rochefoucauld
- Petitval
- Blair
- Bouteiller
- Volney
- du Rouvray
- Montcloux
- de Funda.
M. le président a lu le discours suivant.
Messieurs
En nous félicitant de l’augmentation honorable et intéressante que notre Société
a reçue dans sa dernière séance et dans celle d’aujourd’hui, permettez-moi de remarquer que nous nous y sommes attendus.Notre Société repose sur les saints devoirs de l’humanité. Des actes de
bienveillance sont l’unique travail qu’elle se propose, en faut-il davantage au coeur du Français ? Sa précieuse sensibilité ne le fait-elle pas accourir partout où il peut aider à la faiblesse, tarir les larmes des malheureux, en un mot faire le bien ?Mais puisque nous avons le bonheur d’être assez nombreux pour soutenir les accroissemens dont elle a besoin, vous penserez sans doute, Messieurs, qu’il convient de prendre une détermination relativement à de nouveaux membres.
travaux commencés, puisque notre Société renferme tout ce qui peut donner de la confiance dans ses intentions, puisque tant de membres distinguées par leurs qualités, leurs lumières et leur rang, lui assurent lesVous voyez que dans une assemblée plus nombreuse, nos délibérations, renouvellées chaque semaine, deviendraient trop longues, et que si nous gagnions du côté des Lumières, nous risquerions de ne pouvoir rien résoudre qu’avec une décourageante lenteur.
Mais avant de passer aux arrêtés que la circonstance exige, il est peut-être sentimens qu’un tel homme ne manquerait pas d’élever contre lui.
utile de retracer en peu de mots l’objet de notre association. L’abolition de l’esclavage des Nègres est le but principal auquel nous tendons. Je crois pouvoir dire avec vérité, que si cet esclavage n’existait pas, dans ce siècle d’instruction sur les droits des hommes, celui qui proposerait de l’établir, encourrait un blâme universel, et sans doute des expressions plus fortes caractériseraient mieux lesMais l’esclavage existe et se trouve malheureusement lié à un ordre de intérest respectables de la propriété, et la persévérance d’une cupidité d’autant plus active qu’elle s’appuye sur une longue habitude de préjugés nombreux et commodes.
choses, où l’on rencontre les impérieuses maximes de la politique, lesCependant, Messieurs,
ce que toute l’Europe rejetterait comme criminel, est
par cela même condamné à prendre fin. C’est
de cette fin si désirable ; de cette fin que la sagesse humaine
peut prévoir, et que plusieurs
événemens ont
préparé, que notre Société doit s’occuper.
Nous ne cherchons à provoquer aucune de ces révolutions
qui commandées par la force, n’entraînent jamais la persuasion. Nous désirons suivre la marche de la raison universelle dont l’empire s’avance ; de cette raison que nous voyons porter les hommes, tantôt individuellement, tantôt en masse, et par le seul ascendant du vrai, vers une existence toujours meilleure, toujours plus propre à les faire jouir des avantages infini de la confraternité.Recevoir nous-mêmes l’instruction et la répandre, voilà les deux À mesure que nous recueillerons des faits instructifs, et des discussions importantes sur tout ce qui est relatif à l’esclavage des Nègres, à la circonspection et à la sagesse, qui doit enfin leur donner le même état civil que les Blancs, nous publieront ces faits et ces discussions ; et il viendra enfin un moment où, résumant nous-mêmes tout ce que nous aurons publié, nous présenterons au Gouvernement, au public, aux planteurs, aux commerçans , aux armateurs et aux Nègres eux-mêmes, le véritable état de la question ; les vrais convenances de chacun, et peut-être l’unique plan, le seul sage à suivre pour concilier tous les intérest avec celui qui doit les dominer tous, l’intérest de la justice et de l’humanité. Et pourquoi ne nous en flatterions- nous pas ? Ce plan ne sera pas notre ouvrage, il sera le résultat d’une opinion prépondérante sur laquelle nous ne pourrons pas nous méprendre. Ce que nous publierons élèvera cette opinion, nous ne ferons que peser et enregistrer les suffrages qui constateront son existence.
points auxquels nos travaux se rapportent.Dans ce moment,
Messieurs, nous ne sommes que les
servile, mais par une conviction raisonnée
qui fera de cette liberté un présent donné avec autant de
joye qu’il sera
reçu.
En même tems que nous nous occuperons de ces publications, nous nous instruirons nous-mêmes ; ainsi notre marche est tout à la fois simple et facile, elle n’exige de nous que de l’assiduité, de la persévérance et des règles strictement observées pour prévenir la confusion et le désordre dans nos délibérations. Car le sacrifice de tous ces mouvemens qui, malgré les meilleures intentions, détruisent ou retardent les succès les plus désirables, ne nous coûtera point : notre but nous rendra insensible aux épines de l’amour propre. Nous savons tous que sans cette condition le succès de toute réforme dans les objets de discussion publique sera toujours très incertain.
Ces règles qui doivent faciliter nos discussions, les premiers fondateurs de règlemens propre à diriger ses premiers pas.
la Société ont cru devoir s’en occuper ; et former, en attendant qu’elle fut plus nombreuse, un petit corps deNul doute, Messieurs, que le lien de la Société sera plus ou moins fort règlemens , qu’ils doivent être faits avec soin et que pour cet effet ils doivent être l’expression de la volonté générale, mais nous devons attendre qu’une association plus nombreuse concourre à cette volonté. Ainsi, Messieurs, en vous proposant d’accepter la législation provisionnelle des fondateurs de la Société, quelque défectueuse qu’elle puisse être, nous ne faisons que nous conformer à la nature des choses, à l’époque où une Société se forme, elle peut se passer de la perfection dans ses règlemens .
selon la nature de sesSon but et le désir de s’accroître et de se fortifier ont plus d’efficacité règlemens , et à recueillir les observations qu’ils vous feront naître en attendant le terme fixé pour leur révision, terme où cet ouvrage appartiendra sans doute à une Société plus nombreuse.
pour la maintenir que les codes les plus parfaits. Nous nous bornerons donc, Messieurs, à vous faire la lecture de nosQu’il me soit permis, Messieurs, avant de passer à la lecture des règlemens de témoigner à Mr le secrétaire mes regrets de voir interrompre ses travaux par une absence qui, nécessairement, sera longue. C’est à son zèle, à la chaleur généreuse de son âme pour le bien, que nous devons de nous voir rassemblés par la plus noble des intentions.
Il eut été à désirer qu’il ne
s’éloignât pas de nous aussi promptement,
et que son activité infatigable veilla
encore quelque tems
sur le mouvement qu’il nous a communiqué. Le voyage intéressant
qu’il va entreprendre et dont il ne peut que rapporter d’utiles
instructions, doit nous faire résigner avec moins de peine à
son absence. Mais il est important que nous
profittions
encore de tous ses
momens . Pour
cet effet nous devons nous hâter de lui nommer un successeur
auquel il puisse transmettre les idées qu’il s’est faites de
ses fonctions et les moyens qu’il avait de les remplir d’une
manière aussi satisfaisante pour la Société.
M. Clavière a annoncé ensuite qu’on allait procéder à la lecture des règlemens .
M. Carra a demandé qu’auparavant la lecture des règlemens , il fut fait des remerciemens à M. le président, et que son discours fut porté sur le Registre de la Société, laquelle motion a été agrée.
Ensuite on a procédé à la lecture des règlemens arrêtés dans la précédente séance.
M. Bergasse a fait ensuite la motion que copie fut envoyée à chacun des membres présens desdits règlemens , et que les observations qu’ils feront sur ces règlemens fussent adressées dans la quinzaine au secrétaire pour en être fait rapport et délibéré.
Sur laquelle motion après plusieurs tours, il a été arrêté que lesdits règlemens seraient exécutés provisoirement, que copie serait envoiée à chaque membre de la Société pour pouvoir faire ses observations et les adresser dans la quinzaine au secrétaire du Comité, qu’il en sera ensuite délibéré dans une assemblée générale fixé au mardy 29 du présent mois.
Sur la motion faite par M. le président que tous les membres qui se présenteront jusqu’à l’époque de l’assemblée générale fussent admis, il a été agréé à l’affirmative.
Et attendu la résignation de M. Brissot de Warville à la place de secrétaire, il a été arrêté qu’il serait procédé mardi prochain à l’élection d’un secrétaire, et en même tems à celle des membres nécessaires pour compléter le Comité.
Arrêté que le secrétaire à élire doit être membre de la Société, savoir
l’anglais honnoraires
lesquels seront fixés à 1800
lb. sauf à
augmenter
par la suite, et qu’il ne pourra refuser ni rendre ces
honnoraires
sous quelque prétexte que ce soit. Arrêté qu’il aura un commis,
lequel sera paié à raison
de 600 lb. par an
outre le logement. Arrêté que le secrétaire sera toujours membre du
Comité.
M. de Warville a lu ensuite le discours qui suit.
Messieurs
Je me proposais aujourd’hui de vous entretenir de quelques uns des ouvrages Société de Londres. Mais le défaut de tems m’a forcé de me restreindre à un seul qui n’ajoutera pas peu de poids à la cause des Nègres, et par le nom de son auteur et par la manière frapante dont elle y est défendue. C’est un sermon prêché sur la traite des Nègres dans une unitaire par le célèbre Priestley. Je n’ai pas besoin de vous observer ici, Mrs, combien il serait avantageux pour le succès de la cause que nous deffendons que nos ministres de l’Evangile adoptant la pratique des Protestans , emploiiassent tout l’ascendant de leur ministère pour persuader au nom de la religion des hommes que nous voulons ramener par le cacul de leurs intérest . L’influence de la religion a sans contredit, avec l’influence des papiers publics, de puissants ressorts pour opérer en Amérique la révolution heureuse qui rendra la liberté à une partie de ce continent et quel pouvoir n’aurait pas, parmi nous, sur des esprits encore attachés aux principes du christianisme, le prêtre qui montrerait toutes les vengeances du ciel suspendues sur la tête des hommes qui martyrisent des hommes. Faisons donc des voeux, faisons des efforts pour engager dans cette cause sainte les ministres de notre religion. Publions pour les y amener le discours de l’écrivain célèbre1 , dont je veux vous citer quelques morceaux, écrivain qui ne laisse pas s’opérer une bonne action publique à laquelle il ne s’empresse de prendre une part active ; car voilà la vraie destination, le premier devoir du talent.
qui nous ont été dernièrement adressés par laCe n’est pas qu’on ne trouve quelques erreurs dans ce discours ; il en est cependant rendu de grands services au genre humain soit en l’éclairant, soit en l’adoucissant.
une surtout que je dois remarquer, parce qu’elle me semble outrageante pour des hommes qui, quoique étrangers à notre religion, ontPriestley
fait hommage à la religion chrétienne de tous les efforts que
l’on fait de tous côtés pour étendre
la liberté, pour élever la dignité de l’homme, pour abolir
l’esclavage. Les païens n’avait point de semblables idées
de nos droits.
Priestley oubliait dans ce moment tant de grandes vérités développées par le païen Sénèque, avec son énergie ordinaire sur la liberté et sur l’esclavage. Je ne vous en citerai qu’un fragment, mais il est décisif.
J’apprend avec plaisir, dit-il, à un de ses amis, que tu admets tes tes esclaves, car la fortune peut tout sur toi comme sur eux. Ils sont nos égaux, nos frères, et cependant comment les traitons-nous ? ― C’est avec les fouets qu’on appaise leurs trop justes plaintes. Les accidens même inévitables n’échappent pas au châtiment. Toussent-ils, éternuent-ils, sanglotent-ils, on les en punit : on les punit d’appartenir encore par quelque côté à la nature, aussi de là résulte que ceux qui sont forcés d’être muets devant leurs maîtres, parlent contre eux. Mais ceux qui ne sont pas condamnés au silence, ceux sur qui les maîtres laissent tomber des regards de bonté, se montrent leurs amis dans leurs malheurs, ils se jettent au devant du coup qui doit les percer. Ces esclaves parlent dans les repas ; mais ils se taisent au milieu des lectures. Que devient donc ce fameux proverbe ? Autant d’esclaves, autant d’ennemis. La Nature ne les a point faits nos ennemis, c’est notre cruauté seule...2
esclaves dans ta familiarité. Ta prudence exige cette conduite, elle honore tes lumières. Ce sont des esclaves ? Oui, mais des hommes. Ce sont des esclaves, oui, mais tes commensaux. Ce sont des esclaves, oui, mais d’humbles amis. Ce sont des esclaves enfin, oui, maisSénèque présente ensuite l’image d’une foule de fonctions dégoûtantes auxquelles on condamne les esclaves à Rome. Il se récrie avec une vigoureuse indignation contre ces avilissement, contre ces atrocités... Croions donc que les philosophes de l’Antiquité avaient comme nous des idées saines sur les droits sacrés de chaque individu.
Je ne prétens pas vous offrir une analyse détaillée de ce discours, mais vous en présenter quelques idées ou neuves ou développées d’une manière frappante.
Priestley se plaint avec raison qu’on
ait attendu si tard pour s’élever contre étées
depuis longtemps présentées au public, elles
n’auraient pas sans doute existé jusqu’à nos jours. La
nation indignée comme elle l’est aujourd’hui, eut
depuis longtemps signifié
à ses
représentans
son opinion par la voie des remontrances et des
pétitions, et la législature eut parlé. Peut-être
même à l’aspect de tableaux aussi
affligeans ,
beaucoup de planteurs, beaucoup d’armateurs
eussent refusé de se
jetter
dans un commerce aussi atroce... La lumière a paru,
s’écrie-t-il, et il ne reste plus d’excuse pour le
crime. Qui le continue, qui tolère son existence, est
également coupable. Nation, gouvernement,
individus, tous ceux qui n’emploient pas leurs
efforts pour le faire abolir à jamais, seront
également condamnés par l’éternel. Et en effet
reste-t-il une justification à ce crime ? Dira-t-on que
les tableaux que j’ai présentés ne sont que des
abus accidentels de ce trafic, et que ceux-là seuls
méritent le blâme qui les occasionnent ?.. Vain sophisme
! Ici le trafic et l’abus sont si étroitement liés
qu’il est impossible de les disjoindre,
qu’authoriser
l’un c’est
authoriser
les autres. Ainsi donc
authoriser
la traite, c’est
authoriser
le massacre des 100,000 hommes qu’il faut
assassiner pour obtenir les 100,000 autres que
vous exportez, c’est
authoriser
les incendies, les rapts, les violations de tous les
droits de l’homme, c’est
authoriser
les suicides, la seule ressource du Noir
énergique, l’infanticide le seul
moien
de soustraire à la torture son malheureux enfant.
C’est
authoriser
la mort de 25,000 Nègres qui dans la traversée
périssent soit de faim, soit de maladie, c’est
authoriser
la mort des 25,000 autres que le désespoir, le
regret d’être à jamais privés de leur patrie
enlève pendant les deux premières années de l’esclavage.
Je dis plus,
authoriser
le trafic des Nègres, c’est
authoriser
l’atrocité calculée de ces planteurs qui, certains
de trouver dans ce trafic des recrues perpétuelles,
s’inquiètent peu d’adoucir, de prolonger
l’existence de leurs esclaves, et ne cessent d’épuiser
leur sang pour le convertir en or... Ne les
traiteraient-ils pas au moins comme les animaux
utiles si la recrue n’était pas si facile et si
assurée. Encore une fois ce trafic ne peut pas
exister sans ces abus, ils en sont le cortège
inséparable. S’occuper d’abolir l’abus seul est
donc une chimère, c’est le trafic qu’il faut
abolir.
Ce serait
en vain que nous prétendrions nous décharger de la
part que nous rejettant
sur les armateurs, sur les planteurs. Il est
bien d’autres coupables... Ils le sont ceux qui y
prennent intérêt, sous quelque forme qu’ils le
masquent ; ils le sont ceux qui le protègent par
leurs armes ; ils le sont ceux qui prêtent
leurs vaisseaux, qui les assurent ; ils le sont ceux
qui, étant éclairés, n’emploient pas leurs
lumières à éclairer leurs pas dans cet affreux
trafic, ceux qui étant dans la législature,
n’emploient pas leur
influence pour l’amener à
l’abolition de ce trafic ; ils le sont surtout ceux
qui étant à la tête du gouvernement protègent
ce commerce. Ah ! S’ils résistaient au concours de
lumières qui frappe aujourd’hui tous les yeux,
de quelle masse
effraiante
de forfaits ils auraient à répondre au
tribunal de l’Eternel. 150,000 hommes massacrés tous
les ans pour en condamner 50,000 autres à un
esclavage qui les précipite infailliblement
tous au tombeau dans un espace de neuf ans : comment
reposer à côté d’une image aussi
épouvantable...
Détournons, Messieurs, nos regards de ce spectacle affligeant, et Priestley nous raconte des heureux effets de l’abolition de l’esclavage entreprise par les Quakers... Guidés dit-il, par les plus purs principes de l’humanité et du christianisme, ils ont affranchi leurs esclaves et ils ont trouvé même à leur surprise qu’ils retiraient plus de proffits de leur travail libre et en leur paiant des gages, que lorsqu’ils les emploiaient comme esclaves et sans leur donner aucun salaire. Ces nègres travaillent avec satisfaction et gaité !
lisons ce que le bonCe qu’on propose à l’Angleterre d’exécuter, dit-il encore, l’a déjà été emploiera ses talens ou son crédit à amener cette révolution, aura part à cette gloire. Mais à cet égard nous devons tous céder la première place aux Quakers qui ont été les premiers à se montrer les amis des droits de l’humanité et ce qui est plus encore, ceux qui ont été les premiers à rejetter les avantages qu’ils auraient pu, comme les autres, tirer du trafic inhumain de leurs semblables. Ajoutons, à ces Quakers, qui bien convaincus de l’injustice de l’esclavage, et du droit des Nègres lui ont sans calculer sacrifié leur propriété.
par divers États-Unis de l’Amérique. Notre patrie ne peut que s’honorer de suivre leur exemple, et tout individu quiVous partagez sans doute, Messieurs, l’impression douce que m’ont fait
naître ces idées philanthropiques et religieuses. Puissions-nous les répandre partout les faire éclore dans les âmes de nos compatriotes. Ils ont le même germe que nous de sensibilité, d’équité : il ne faut que le féconder. Amenons-les par la sensibilité à s’occuper de cette cause, à vouloir la discuter : tel doit être notre but.Pourquoi les
circonstances me forcent-elle à suspendre en ce moment apellé . Mais
en la quittant, en m’éloignant
de ces lieux momentanément,
j’emporte avec moi la douce pensée que j’ai contribué à
remuer en faveur des Noirs, des hommes doués de
talens ,
d’énergie, de sensibilité, que je laisse dans cette société
respectable de vrais amis, de vrais frères, que j’en ai
acquis de nouveaux. Loin de vous, j’habiterai parmi vous,
j’assisterai en esprit à vos travaux. Loin de vous je
tâcherai de me rendre encore utile à ces infortunés. Honoré
de la mission dont vous voudrez bien me revêtir, je veux
dans le nouveau monde découvrir de nouvelles preuves de la
dureté des bourreaux des Nègres, de l’absurdité du calcul
sur lequel est fondé l’esclavage. Je tâcherai de recueillir
les moiens qui
dans les états du Nord ont oté à l’affranchissement les
inconvéniens
qui le
préparent dans ceux du
midy .
Enfin, je veux recueillir les faits qui doivent prouver
irrésistiblement le principe décisif que le travail libre
produit plus que le travail esclave.
Ô comme je vais
réjouir l’âme des Américains, des quakers, en leur
aprenant
qu’il existe en France, à Paris même, un Société d’hommes qui
s’empressent de suivre leur exemple ! Comme je réjouirai
les Nègres que je rencontrerai en leur
aprenant ,
que les maîtres de cette capitale d’où sort le tonnerre qui
gronde sans cesse sur leur tête s’occupe des
moiens
d’adoucir leur sort, de les et
de leur rendre un jour la liberté.
J’en suis sûr, des larmes de joye couleront de leurs yeux. Non, non, ce ne sont pas des vengeances qu’il méditeront quand ils verront tomber leurs fers. Donnons leur du pain, qu’ils goûtent enfin le repos, qu’ils aient enfin la liberté d’embrasser leurs enfants, de jouir avec eux et leurs épouses des douceurs de la vie domestique et ils seront loin de s’occuper de vengeances. Au contraire, ils nous regarderont, nous aimeront comme leurs libérateurs. Le Nègre est tendre marri , bon père, la vengeance n’habite pas dans une âme qu’animent ces sentimens , à qui on rend le droit d’en jouir.
Ô vous dont j’ai jusqu’ici secondé
les efforts. Ô mes ami, mes frères, ardens
à invoquer les défenseurs de la
liberté, à les conjurer de redoubler de zèle et de
constance... Faîtes donc ce que vous désireriez alors ;
travaillez, et sous quelque prétexte que ce soit, ne
désertez jamais votre poste.
En vous unissant à cette Société, vous avez fait tacitement le serment de
défendre ces malheureux ; vous ne pouvez y renoncer qu’en devenant coupables, et vous le seriez d’autant plus qu’en trahissant cette cause, vous feriez rétrograder celle de la liberté en général, qui doit vous occuper. Car ne cessons de le dire : rien de bon durablement, hors de la liberté, elle est l’essence de l’homme, elle constitue sa dignité, sa grandeur, elle est la base de sa sociabilité, de sa perfectibilité ; voilà ce qu’il faut démontrer pour les Nègres, et ce qui est démontré pour eux ne peut qu’être utile aux Blancs de toutes les contrées de la terre.Arrêté qu’il sera dressé un modèle de lettres à écrire au nom du Comité Brissot de Warville sur les arrangemens à prendre pour affilier notre Société aux leurs, pour établir une correspondance constante.
aux diverses Sociétés des États-Unis d’Amérique pour les engager à donner toute confiance àM. de Warville a lu ensuite l’avertissement suivant.
Abolition de la traite des Nègres. 18 mars 1788.
Comité pour l’abolition de la traite des Nègres établi à Londres.L’esprit de la Société ayant été malicieusement altéré et
défiguré dans des
bruits
publics, par lesquels on a voulu faire croire que l’objet de
ses efforts actuels était le projet extravagant de
faire affranchir immédiatement les Nègres des colonies
anglaises ; la Société pense qu’il est de son devoir de
déclarer publiquement publiquement,
qu’elle adhère uniformément à la
baze
première de son institution savoir l’abolition de la traite, convaincue, comme
elle l’est, que si cette abolition a lieu, non seulement on
écartera un mal très
allarmant ,
mais que même, il en résultera infailliblement dans les
colonies des
règlemens
qui tendront immédiatement au bonheur des Nègres qui y
existent, et à l’amélioration de leur état public civil et
religieux.
Arrêté que cet avertissement sera envoyé à tous les journaux français et documens .
qu’il sera inséré dans le registre desMonsieur le président a demandé ensuitte si quelcun des membres n’avait pas de propositions à faire. Mr Brack a dit que le procès de monsieur Cabrol, qu’il avait présenté comme souscripteur à une des dernières séances, s’instruisait ; que son avocat désirerait avoir des renseignemens du Comité. Arrêté qu’il lui sera fourni tous les renseignemens qui dépendront du Comité.
On a présenté ensuite les personnes suivantes
comme souscripteurs. Bréban a présenté : Mr de Piles.
19 rue de Grammont. Monsieur le
marquis de la Fayette a
présenté : Monsieur le marquis de Condorcet hôtel
de la Monnaye. Mr
de Warville a
présenté : MM. Blot
et du Rouvrai. M.
de Bréban a présenté
Monsieur Esmangard conseiller au parlement rue des Capucines
M.3 a présenté : Monsieur
d’Hières rue Jacob. M.4 a présenté : Monsieur de Menage vielle rue du temple vis
à vis la Rue du roi de Sicile
M.
de
Montcloux a présenté : Monsieur des
Faucheret rue du Paradis, M. de Gramagnac
M. Brack a
présenté : M. Moreau. M.
de Warville a
présenté : M. Garlike attaché à l’ambassade d’Angleterre à Madrid,
M. Garail avocat au parlement rue de Bièvre N° 51.
|
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1. | Joseph Priestley, A Sermon on the Subject of the Slave Trade ; Delivered to a Society of Protestant Dissenters, at the New Meeting, in Birmingham, Birmingham, 1788. |
2. | Sénèque, Lettres à Lucilius, V, 47. |
3. | Espace laissé en blanc. |
4. | Espace laissé en blanc. |