On se sert de plus en plus à l’étranger de locomotives routières. Un grand nombre de ces machines étaient exposées à Norwich, au dernier concours de la Société royale d’agriculture d’Angleterre. La maison Albaret se fait un point d’honneur de ne pas se laisser devancer par les maisons de construction de l’étranger ; elle a étudié depuis longtemps et elle construit une routière fort simple qui est appelée à rendre de grands services à l’industrie et surtout à l’agriculture. Cet instrument (fig. 36) se meut sur le sol, sur les routes ou sur les prairies, avec une grande facilité ; il remplace avec avantage, quand cela est nécessaire, la locomobile à vapeur agricole, pour actionner les instruments de ferme, tels que batteuses, hache-paille, hache-maïs, etc...
Toutes les parties de la chaudière et les accessoires de marche sont soigneusement construits avec des matières de première qualité. L’arbre moteur, les arbres intermédiaires et celui des roues motrices sont solidement supportés de chaque côté ; tout risque de fracture est ainsi évité ; de plus, la plupart de ces arbres sont en acier. Les pignons des engrenages et même certaines roues, sont en acier fondu. Leur disposition est telle qu’ils peuvent être embrayés ou débrayés en moins de deux minutes. On peut faire marcher à volonté la routière à trois vitesses ou bien la disposer pour faire mouvoir à poste fixe, comme nous le disons plus haut, une batteuse ou un appareil quelconque. La courroie de commande peut aussi bien être placée à l’avant qu’à l’arrière. A la grande vitesse, la routière de 8 chevaux parcourt 4 à 5 kilomètres à l’heure en traînant une charge d’environ 5000 kilos. Marchant à la moyenne vitesse, elle parcourt 3 à 4 kilomètres et traîne 7 à 8000 kilos. A la petite vitesse, elle peut traîner 12000 kilos.
Voici le résultat d’une expérience faite à Liancourt (rue de la Montagne). La machine marchant à la petite vitesse sur une côte de 1 kilomètre de longueur avec une rampe moyenne de 15 centimètres par mètre, a remorqué une charge de 8000 kilos.
Tous les leviers de manœuvres sont à la portée du chauffeur, de sorte qu’un seul homme suffit pour la conduire. Il peut faire toute transformation de marche sans danger. L’avant-train se manœuvre très facilement par des chaînes et la routière peut être dirigée sur n’importe quel point presque sans effort de la part du conducteur. Un mouvement différentiel convenablement agencé permet, lorsqu’on tourne dans une courbe, que l’une des roues motrices ait son mouvement de rotation accéléré dans la même proportion qu’est retardé celui de la roue la plus rapprochée du centre de la courbe. De cette façon, cette courbe peut être franchie très facilement sans fatigue pour l’appareil. Le tender est de grande dimension et d’une forme commode pour le placement du charbon, de l’eau, de la boîte à outils, etc. Le conducteur peut monter et descendre facilement.
Cette machine outre la pompe, possède, un injecteur Giffard pour l’alimentation de la chaudière quand la machine est stationnaire et que le mécanisme ne fonctionne pas. Un frein énergique est également adapté à l’appareil pour modérer la vitesse dans les descentes quand cela est jugé nécessaire. Cette machine routière a été exposée pour la première fois au concours régional de Lille en 1886.
A. DUBOIS
Source : A. Dubois , «Locomotive routière»,
Journal d'agriculture pratique, 1886, vol. 2, p. 627-629.