I - Machines destinées aux travaux de culture.
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Le tracteur Ivel, de Dan Albone, est exposé par M. Pilter (24, rue Alibert, Paris) ; nous avions déjà des documents relatifs à des essais effectués en Angleterre (août 1902) – sur cette machine, dans lesquels elle remplaça un attelage ordinaire pour tirer des charrues diverses, une faucheuse, une moissonneuse-lieuse, etc. ; le moteur de la machine de 1902 était d’une puissance de 8 chevaux et l’ensemble pesait 853 kg.
Le tracteur qui est exposé par M. Pilter au concours, et dont la vue générale est donnée par la figure 57, repose sur trois roues, celle d’avant, directrice, ayant la jante garnie d’un boudin ; l’essieu moteur d’arrière est pourvu de roues à larges jantes garnies de saillies obliques pouvant, dans les terrains humides et glissants, recevoir des griffes ; pour les transports sur routes, la jante des roues motrices peut être garnie de segments en caoutchouc ou en toute autre matière capable d’amortir les chocs et les vibrations, comme certains systèmes que nous avons en ce moment en expériences à la Station d’essais de machines.
Le moteur horizontal, à essence, à deux cylindres opposés, est d’une puissance de 14 chevaux ; il est à allumage électrique par accumulateur, à régulateur centrifuge agissant sur l’admission, à refroidissement par thermo-siphon. Le moteur actionne les roues motrices par engrenages et chaîne. Des freins nécessaires (qu’on a modifiés afin de se conformer à la législation française sur la circulation des voitures automobiles), un siège d’où le conducteur a en mains toutes les pièces nécessaires à la manœuvre complètent la machine dont le mécanisme est protégé de la pluie et de la poussière par une enveloppe en tôle facile à enlever et munie de portes de visite. Le poids total est de 1400 kg.
Ce tracteur, attelé à une charrue à siège à 3 raies, aurait labouré 4 hectares et demi en 17 heures et demie avec une consommation de 115 litres d’essence de pétrole. Par hectare on aurait donc employé 3 heures 53 minutes et 25 litres et demi de combustible. Attelé à une moissonneuse-lieuse ordinaire, on aurait coupé 7,7 ha en 10 heures, avec une consommation de 83 litres d’essence. Par hectare on aurait donc employé 1 heure 18 minutes et 10,8 litres d’essence.
Dans un essai rapporté par notre collègue M. V. Thallmayer , professeur de Génie rural à l’Académie royale de Magyar-Ovar (Hongrie), on aurait mis en comparaison un attelage de 4 chevaux qui tirait une charrue labourant, à 0,16 m de profondeur, une surface de 40 ares en 4 heures, alors que le tracteur, attelé à une charrue à 3 raies, a labouré dans le même temps (4 heures) une surface de 1,2 ha en consommant 31 litres et demi d’essence minérale ; ces chiffres représentent par hectare un temps de 3 heures 20 minutes et une dépense de 26 litres et un quart de combustible.
Le tracteur peut être employé pour tirer des chariots comme une locomotive routière, pour débarder les récoltes des champs ; ses vitesses sont de 5 et de 9 kilomètres à l’heure ; il comporte une marche arrière et une béquille qui empêche le recul lors d’un arrêt sur une côte. Enfin le moteur, pourvu d’une poulie, peut actionner différentes machines comme le ferait un moteur fixe ou une locomobile ; à ce sujet on nous cite que le tracteur exposé au concours, actionnant un hache-paille, a coupé, à 9 millimètres de longueur, 1000 kg de paille en 47 minutes avec une consommation de 3 litres et demi d’essence.
Ces tracteurs sont, comme on le voit, des plus intéressants et nous avons déjà eu l’occasion à diverses reprises de nous occuper ici de semblables machines automobiles ; ajoutons que M. Pilter compte faire, aux environs de Paris, des expériences publiques, après la clôture du Concours général.
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Max RINGELMANN
Source : Extrait de M. Ringelmann , «Les machines au concours général agricole de Paris»,
Journal d'agriculture pratique, 1904, vol. 1, p. 356-359.