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Le poulailler roulant, les vers de terre et la volaille

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Dans les ouvrages publiés par Réaumur sur l’incubation artificielle, et notamment dans le petit précis, paru en 1751 où il a résumé ses recherches (Pratique de l’art de faire éclore et d’élever en toute saison des oiseaux domestiques de toute espèce, soit par la chaleur du fumier, soit par le moyen de celle du feu ordinaire), l’illustre savant a consacré un chapitre spécial à la nourriture des jeunes poulets ; il n’est pas sans intérêt de connaître la façon dont il comprenait cette importante question.

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Les vers de terre sont, de tous les aliments, ceux dont les poulets se lassent le moins et dont ils sont le plus gourmands : « on ne saurait mieux les nourrir et plus à leur goût qu’en leur donnant de ces vers. »

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Un intelligent cultivateur de Seine-et-Marne, M. Giot, fermier à Chevry-Cossigny, a eu l’idée de confier le soin de cette récolte [celle des vers de terre] à ses poules. Son poulailler roulant (fig. 44), bien connu des agriculteurs, offre le plus curieux spectacle que l’on puisse imaginer, surtout lorsque l’on voit les poules se précipiter dans les sillons ouverts par la charrue. Et pourtant, l’usage de ce poulailler roulant ne s’est pas répandu. Pourquoi ? On en trouvera peut-être la raison dans les dernières lignes d’un rapport officiel fait à l’Exposition universelle de 1867 par M. Florent-Prévost :

« Il faut, dit ce rapport, tenir compte des services rendus sur les cultures par les volailles mises en liberté dans le but de détruire les insectes et autres animaux nuisibles dont elles font leur principale nourriture. C’est à ce point de vue que l’agriculture doit une véritable reconnaissance à M. Giot pour l’invention de son poulailler roulant. C’est une sorte d’omnibus aménagé pour loger les volailles, et muni par derrière d’une échelle donnant aux poules le moyen de rentrer. M.&²nbsp;Giot mène ce véhicule sur les terres cultivées, et le change de canton selon la nécessité ; la volaille, ayant la liberté de sortir et de rentrer, purge le sol des insectes les plus nuisibles, particulièrement du vers blanc ou larve du hanneton. Il a été constaté que les œufs des poules ainsi traitées sont plus nombreux, plus gros, à coquille plus épaisse que ceux des volailles plus sédentaires ; mais la pratique a fait reconnaître aussi que les œufs et la viande des poules et poulets ainsi nourris de substances animales en contractaient un mauvais goût particulier et se conservaient moins bien. »

l’influence de l’alimentation sur le goût de la viande des animaux est trop connue pour qu’il y ait lieu de s’étonner de ce résultat. On sait que les plantes amères ou aromatiques (l’absinthe, l’anis, l’ail) et que certaines graines oléagineuses (lin, colza) communiquent leur odeur et leur saveur à la chair et au lait des vaches, à la chair et aux œufs des poules. Il en est de même pour les hannetons introduits dans l’alimentation des volailles, et aussi pour leurs larves, quoique à un moindre degré.

Les autres aliments d’origine animale, comme les vers de terre si préconisés par Réaumur, auraient-ils les mêmes inconvénients si l’emploi en était exclusif ? cela est fort probable, d’après la différence de goût qui sépare la viande des carnassiers de celle des herbivores. L’usage a prévalu, d’ailleurs, de faire prédominer l’alimentation végétale dans le régime des oiseaux de basse-cour, et de n’y introduire l’alimentation qu’à titre de complément, souvent utile, mais toujours restreint, lorsqu’on destine la chair de ces oiseaux à la nourriture de l’homme.

Dr Hector GEORGE,
Maître de conférence à l’Institut national agronomique

Source : H. George , «L’alimentation des jeunes poulets», 
Journal d'agriculture pratique, 1886, vol. 1, p. 646-648.

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