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L’écrémeuse à bras Laval, vendue par Th. Pilter à Paris

Le concours de machines agricoles, organisé par le comice de Châlons [Marne], les 2 et 3 octobre derniers, présentait aux visiteurs un grand nombre d’instruments perfectionnés recherchés par les cultivateurs toujours désireux d’introduire dans leurs cultures les engins les plus propres à faciliter les opérations agricoles. L’attrait principal des deux journées s’est porté sur l’écrémeuse à bras (fig. 39), présentée par M. Pilter, pour la première fois, croyons-nous, en France dans un concours. Cet instrument, destiné à remplacer les écrémeuses mues par locomobile ou manège à cheval, plaît dès le premier coup d’œil par sa simplicité.

Le samedi 2 et le dimanche 3 octobre, plusieurs expériences ont été faites devant le nombreux public qui se pressait autour de cette mystérieuse machine. Le lait versé dans un récipient placé au-dessus de l’appareil diviseur est introduit dans un robinet de jauge exactement calculé pour l’alimentation de la turbine intérieure. L’homme chargé de donner le mouvement doit, pour obtenir l’effet utile, faire faire à la roue motrice 35 tours à la minute. Cette roue commande directement un petit pignon en acier qui entraîne 2 grandes roues sur lesquelles roulent 2 petits galets faisant corps avec l’appareil diviseur dont la vitesse résultante est de 6 000 tours à la minute.

À plusieurs reprises, les membres du comice ont constaté qu’il pouvait passer à l’heure 120 litres de lait à l’écrémage. Le lait, fourni par des cultivateurs des environs en quantité suffisante pour toutes les expériences successives, a été analysé par un pharmacien de Châlons.

Un échantillon amené tout frais par un habitant de R… a donné devant nous les résultats suivants : Pesage avant l’opération : 1,032 grammes au litre. Pesage du lait écrémé : 1,035 grammes au litre. Ce lait écrémé, placé dans une éprouvette, a donné le lendemain une pellicule de crème tellement mince qu’on n’a pas pu en apprécier le quotient ; la crème sortie de l’appareil n’a pas donné à l’analyse une quantité de caséine appréciable. L’expert a conclu que l’appareil avait enlevé au lait plus de crème que n’en donnent les vieux procédés et que les affirmations de M. Pilter touchant la quantité de crème extraite étaient de la plus exacte vérité.

Un nombre considérable de personnes ont voulu goûter du lait écrémé sortant de la turbine ; d’un avis unanime, il a été trouvé suffisamment bon pour l’emploi journalier et bien des ouvriers, après en avoir bu, disaient : « si on nous le vendait seulement comme cela, nous serions satisfaits ! » – Pas de commentaire.

Il est certain qu’à la dégustation immédiate et comparative entre le lait non opéré et le lait écrémé, la différence est peu sensible. Mais le but de l’écrémeuse n’est pas de fournir à la consommation du lait dépouillé de sa crème. Son but est de permettre, surtout aux cultivateurs éloignés des villes, de retirer du lait récemment trait le beurre qu’il contient, pour consacrer le lait, encore fluide après l’écrémage, à l’élevage des jeunes veaux et des porcs. Le beurre obtenu par l’emploi de l’écrémeuse paiera, à cause de ses qualités supérieures, le lait à un prix très élevé, tel que le lait écrémé sera un bénéfice clair et net pour ceux qui sauront les premiers utiliser cet admirable instrument.

L’écrémeuse mue par machine à vapeur ou par manège à cheval a fait ses preuves et le département de la Marne n’est pas resté en arrière : à Courtisols, à Blaise-sous-Arzillières, à Sommesous, et dans bien d’autres localités, fonctionne l’écrémeuse mue par machine, destinée surtout à la grande industrie laitière. Non loin de Reims, elle écrème par jour 3 000 litres de lait, dont le résidu est vendu sous l’étiquette « lait écrémé » dans la grande cité, et partout elle justifie les espérances de ses introducteurs. L’écrémeuse à bras vient à son tour s’offrir au petit cultivateur et aux associations de cultivateurs d’une même localité. Chaque fois qu’elle sera introduite dans les villages éloignés des villes, elle rendra à ses propriétaires les plus éminents services. […]

Le jour où le cultivateur trouvera ce double bénéfice de la vente de son lait sous forme de beurre et de l’élevage (j’ose dire gratuitement) des jeunes veaux, le bétail cessera d’être « un mal nécessaire », comme l’ont affirmé des maîtres en agriculture, le cultivateur n’hésitera pas à peupler ses étables d’animaux dont les commencements ne lui auront rien coûté. C’est à l’écrémeuse que sera dû ce résultat considérable, et nous devons à M. Pilter, toujours à l’affût des procédés les plus pratiques et les plus avantageux pour l’agriculture, nos remerciements les plus sincères au sujet de cette nouvelle importation.

PONSARD,
président du comice de la Marne

Source : Extrait de Ponsard , «L’écrémeuse à bras »,
Journal d'agriculture pratique, 1886, vol. 2, p. 734-736.

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