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Les lapins russes de M. Charles, d’Issy (Seine)

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L’agriculteur, avec son gros bétail, serait fort empêché de fournir ses gens de la viande nécessaire. Il ne peut pas débiter ses bœufs, ses veaux et ses moutons. Il les élève pour les vendre et non pour les manger, sauf à les racheter au détail chez son voisin le boucher. Mais c’est chez lui-même et non chez le voisin qu’il va chercher le précieux lapin, qui passe, directement et sans intermédiaire obligatoire, de la basse-cour dans la salle à manger, du clapier sur la table commune. C’est l’idéal de l’élevage domestique ; l’élève n’a qu’un saut à faire, un tour de casserole à subir, pour être promu à la dignité de fricot.

Mais il y a lapins et lapins, comme il y a fagots et fagots. La race qui nous occupe aujourd’hui est une race originale, intéressante et de choix, curieuse à bien des titres et digne de l’attention et des soins particuliers de l’éleveur. C’est le lapin russe. Le lapin russe vient-il de Russie ? Nous en doutons. M. Eugène Gayot pense, avec raison suivant nous, que cet animal est originaire de la Chine. En Angleterre, on l’appelle lapin de l’Himalaya. […]

Il mérite à tous égards la faveur dont il est l’objet. Par sa gentillesse d’abord. Voyez plutôt l’excellent et vivant portrait que nous donne M. de Penne des lapins russes qui ont obtenu au Concours agricole de Paris, cette année, un premier prix [voir la figure]. Un poil ras, fin et serré, les yeux d’un rouge vif et flamboyant, tout le corps parfaitement blanc, mais d’un blanc extraordinairement brillant. Et voilà que sur ce pelage d’hermine, par une sorte d’ironique antithèse, tranchent, ressortent, éclatent des extrémités toutes noires, d’un noir exquis et velouté, d’un noir de bon goût, d’un noir charmant. Bout du nez noir, comme s’il avait été trempé dans un écritoire à lapins ; petites pattes noires qui semblent avoir trotté dans la poussière de charbon ; oreilles toutes droites passées à l’encre de Chine ; noir aussi, ce petit panache bien connu qui est blanc chez nos lapins indigènes et qui se dresse d’une façon si caractéristique quand le lapin tourne le dos, fait un bond et disparaît. […]

Avec cela, nos lapins ont, de leur vivant, mille qualités. Ils sont rustiques. Point exigeants, une toute petite place leur suffit. Ils sont de ceux qui se contentent d’une chaumière… et d’un cœur. Mais le cœur est nécessaire, car ils sont d’une fécondité remarquable, ce dont le propriétaire ne songe pas à se plaindre.

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Er. LEMOINE,
éleveur à Crosne (Seine-et-Oise)

Source : Extrait de E. Lemoine , «Le lapin russe»,
Journal d'agriculture pratique, 1886, vol. 2, p. 20-21.

lien: 
oui
n°: 
3
nom de la galerie: 
Galerie 3 : le cabinet des curiosités